Cour d'appel de Paris, 4 février 2016, n° 14/10081

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 4 févr. 2016, n° 14/10081
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 14/10081
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Bobigny, 7 septembre 2014, N° 13/00456

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRÊT DU 04 Février 2016

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 14/10081

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 8 septembre 2014 par le conseil de prud’hommes de BOBIGNY -section commerce- RG n° 13/00456

APPELANT

Monsieur Y Z

XXX

XXX

né le XXX à PARIS

comparant en personne, assisté de Me Sandra MARY-RAVAULT, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, PN 302 substitué par Me Marc MIGUET, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE,

INTIMÉE

SAS HERPORT

XXX

XXX

XXX

représentée par Me Odile BLANDINO, avocat au barreau de PARIS, D1000 substitué par Me Sandra HUTTEPAIN, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 3 décembre 2015, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine SOMMÉ, président

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Madame Agnès DENJOY, conseiller

Greffier : Madame Marine POLLET, greffier en stage de préaffectation lors des débats

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Catherine SOMMÉ, président et par Madame Marine POLLET, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement du conseil de prud’hommes de Bobigny du 8 septembre 2014 ayant':

— condamné la SAS HERPORT à régler à M. Y Z les sommes de':

4'973 € d’indemnité compensatrice légale de préavis et 497,30 € de congés payés afférents,

1'533,36 € d’indemnité légale de licenciement,

1'000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

avec intérêts au taux légal,

— débouté M. Y Z de ses autres demandes,

— condamné la SAS HERPORT aux dépens';

Vu la déclaration d’appel de M. Y Z reçue au greffe de la cour le 22 septembre 2014';

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l’audience du 3 décembre 2014 auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens de M. Y Z qui demande à la cour de :

— confirmer le jugement entrepris en ses dispositions au titre des indemnités légales de rupture, de l’article 700 du code de procédure civile, et des dépens,

— l’infirmer pour le surplus et statuant à nouveau, de':

— dire son licenciement pour faute grave comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse et, en conséquence, condamner la SAS HERPORT à lui verser la somme de 19'892 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail,

— condamner la SAS HERPORT à lui payer les sommes indemnitaires de 10'000 € pour non respect du droit au repos quotidien et hebdomadaire, ainsi que 10'000 € pour absence de visite médicale de reprise auprès de la médecine du travail,

— y ajoutant, de faire droit à sa demande nouvelle par la condamnation de la SAS HERPORT à lui régler la somme indemnitaire de 2'686,50 € pour licenciement irrégulier sans respect de la procédure légale, ainsi que celle complémentaire de 2'000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile';

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l’audience du 3 décembre 2015 auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens de la SAS HERPORT qui demande à la cour de :

— de confirmer la décision déférée sauf en ce qu’elle n’a pas retenu la faute grave,

— statuant à nouveau de ce chef, de dire que le licenciement pour faute grave de M. Y Z est justifié et, en conséquence, de le débouter de l’ensemble de ses demandes,

— de condamner M. Y Z à lui payer la somme de 2'000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

La SAS HERPORT, qui compte dans ses effectifs au moins 11 salariés, est spécialisée dans l’organisation de transports internationaux et les opérations de logistique, exerçant par ailleurs l’activité de commissionnaire en douane et intervenant sur le secteur du fret aérien en matière notamment de produits alimentaires périssables et d’animaux vivants.

C’est ainsi qu’elle a engagé M. Y Z dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein ayant pris effet le 21 janvier 2010 en tant qu’employé de transit, moyennant un salaire de base de 1'950 € bruts mensuels sur 13 mois.

Dans le dernier état de la relation contractuelle de travail, avant la rupture de son contrat de travail, M. Y Z percevait une rémunération en moyenne de 2'486,50 € bruts mensuels.

Sur les demandes indemnitaires liées au licenciement

1-La régularité de la procédure.

Par une lettre du 12 novembre 2012, la SAS HERPORT a convoqué M. Y Z à un entretien préalable normalement prévu le 23 novembre.

Dans une correspondance du 20 novembre 2012, M. Y Z a fait savoir à son employeur qu’il ne pouvait pas se rendre à cet entretien préalable fixé le 23 novembre pour des raisons médicales, tout en rajoutant la mention suivante : « Je reste cependant curieux de connaître les raisons qui vous pousse à envisager une telle sanction à mon égard ».

La SAS HERPORT lui a répondu le 14 décembre 2012 en ces termes : « Vous m’avez informé par lettre du 20 novembre 2012 que vous ne pourriez pas être présent à votre entretien préalable le (23) novembre 2012 ' Pour remédier à cette absence et pour répondre à votre demande, je vous informe ci-après des motifs qui me conduisent à envisager un projet de licenciement pour fautes à votre encontre : ' Je vous invite à me faire part par écrit de vos observations sur les faits reprochés dans un délai de 8 jours calendaires suivant la réception de la présente lettre ' Après l’expiration de ce délai, je prendrai une décision définitive sur le projet de licenciement envisagé à votre encontre ».

In fine, l’intimée a notifié à M. Y Z le 24 décembre 2012 son licenciement pour faute grave en faisant référence à un « entretien du 14 décembre 2012 » qui, de fait, n’a pas eu lieu.

Au vu de ces précisions factuelles, il en ressort que la SAS HERPORT n’a pas procédé à un véritable entretien préalable requérant la présence en personne de l’appelant, et s’est finalement contentée d’un échange épistolaire à distance non conforme aux exigences posées par l’article L.1332-2 du code du travail.

*

Cette irrégularité de procédure ne peut que conduire la cour à faire droit à la demande nouvelle de M. Y Z en condamnant l’intimée à lui payer la somme indemnitaire à ce titre de 1 500 € en application de l’article L.1235-2 du code du travail, avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt.

2-Le bien fondé de la rupture.

La lettre de licenciement pour faute grave notifiée le 24 décembre 2012 par la SAS HERPORT à M. Y Z repose sur les griefs suivants':

— retards répétés les 17 septembre, 20 septembre, 9 octobre, 10 et 11 octobre 2012';

— transmission tardive de ses arrêts de travail.

*

A titre liminaire, contrairement aux développements de M. Y Z dans ses dernières écritures en page 5, il ne peut être sollicité devant la cour une « irrecevabilité » et « caducité » de la mise à pied conservatoire dont il a fait l’objet lors de sa convocation à un entretien préalable, dès lors qu’il s’agit d’une mesure par nature provisoire à laquelle l’intimée a pu avoir recours dans le cadre de la procédure légale disciplinaire, qu’elle n’a pas la nature juridique d’une sanction au sens de l’article L.1331-1 du code du travail, et qu’elle n’est pas liée par nature à l’appréciation de la faute grave comme il le soutient à tort en prétendant que « faute de mise à pied recevable et valide, il y a lieu de considérer que la faute grave tombe de plein droit ».

Sur ce point, c’est non sans pertinence que l’employeur rappelle que la mise à pied conservatoire est « une mesure d’attente ' qui permet de suspendre l’activité d’un salarié dont la présence pourrait nuire à l’entreprise » durant la procédure disciplinaire.

*

Concernant le premier grief, la SAS HERPORT produit aux débats son courrier du 14 décembre 2012 adressé à M. Y Z qui recense ses retards répétés sans justification courant septembre-octobre 2012, retards confirmés par certains de ses clients dans des attestations ou correspondances parfaitement circonstanciées – Sociétés SASSO, F G H, et B C -, ce qui n’a pas été sans conséquence dès lors que l’intimée a été contrainte de donner des explications à ses partenaires commerciaux comme le rappelle M. X, un de ses responsables d’agence, dans un autre témoignage (« ' à cette occasion, nous avons subi de très fortes critiques de clients ' critiques qui ont déclenché une remise en cause plus globale de nos prestations auprès du client moyen ' »).

A titre d’exemple, un autre client de la SAS HERPORT, en la personne de M. A, s’exprime en ces termes dans un courriel qu’il lui a envoyé : « Cette situation est inadmissible et constitue un manquement grave. Nous convenons d’un rendez-vous à 6H et personne ne s’inquiète'!!! il est ou le transitaire. Malgré mes remarques sur la dégradation globale du service, votre retard évident sur ce point avec les autres prestataires, mon insistance à ce que vous assistiez davantage nos conducteurs à la remise de nos poussins (bref que vous fassiez votre job) ' ».

Pour tenter de se justifier, l’appelant se contente d’alléguer que « les 5 prétendus retards en question ont une explication connue et (qui avait été) acceptée » par son supérieur hiérarchique, prétextant en effet sans la moindre démonstration que le premier, le 17 septembre 2012, correspondait à un rendez-vous chez un médecin, le deuxième, le 20 septembre, était consécutif à des difficultés de circulation, et les trois autres, les 9-10-11 octobre, étaient des récupérations d’heures supplémentaires.

L’activité de transitaire nécessite une collaboration étroite et coordonnée avec le client, le respect des horaires est primordial compte tenu des contraintes administratives – formalités douanières -ainsi que des spécificités liées au transport aérien, à défaut de quoi le risque est que les marchandises ne soient pas livrées dans les délais prévus.

Le premier grief est donc établi.

*

S’agissant du deuxième grief relatif à une transmission tardive par l’appelant de ses arrêts de travail à compter du 15 octobre 2012, force est de relever que la SAS HERPORT n’en démontre pas la matérialité puisqu’elle se contente de renvoyer à l’attestation précitée de M. X restant, sur ce point précisément, peu explicite.

*

Au vu du premier grief dûment établi pour les raisons que la cour vient d’exposer, dès lors que cela a eu des répercussions directes dans les relations commerciales entretenues par la SAS HERPORT qui avait déjà été confrontée à un comportement similaire de l’appelant sanctionné par deux avertissements les 7 novembre 2011 et 15 mai 2012, il en ressort une faute grave ayant rendu impossible la poursuite avec M. Y Z de l’exécution du contrat de travail, et nécessité son départ immédiat de l’entreprise sans indemnités de rupture.

Le licenciement pour faute grave de l’appelant étant justifié, après infirmation du jugement déféré, il convient en conséquence de le débouter de l’ensemble de ses demandes afférentes (indemnités de rupture, dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse).

Sur les autres demandes indemnitaires

1-« Non respect » du droit au repos quotidien et hebdomadaire.

M. Y Z produit aux débats deux attestations d’anciens salariés – ses pièces 21 et 23 -confirmant des rythmes de travail, notamment à l’occasion de vacations en fin de semaine, incompatibles avec le respect de la réglementation sur les temps de repos quotidien et hebdomadaire, ce qu’il n’a pas manqué de dénoncer dans un courriel adressé à sa direction le 16 mars 2012, ces dépassements étant corroborés par les tableaux de vacations qu’il devait renseigner sur un document type de l’entreprise, situation que l’intimée conteste par principe sans elle-même fournir d’éléments pertinents sur les temps de travail et de repos de l’appelant.

*

Après infirmation du jugement déféré, la SAS HERPORT sera ainsi condamnée à régler à l’appelant, en réparation du préjudice qu’il a subi de ce chef, la somme indemnitaire de 3 000 € avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

2-« Manquement » à l’obligation d’organiser une visite de reprise dans les délais.

Contrairement à ce que soutient l’intimée, le fait que la visite de reprise prévue à l’article R.4624-22 du code du travail, suite à une période d’arrêts de travail d’origine professionnelle à compter du 1er juin 2002, visite de reprise à l’issue de laquelle le médecin du travail a déclaré M. Y Z apte avec réserve (« sans port de charges pendant un mois »), n’ait eu lieu que le 8 octobre 2012, un peu plus de deux mois après son retour dans l’entreprise le 1er août 2012, lui a nécessairement causé un préjudice.

*

Infirmant la décision critiquée, la SAS HERPORT sera en conséquence condamnée à payer à l’appelant la somme indemnitaire à ce titre de 2'000 € majorée des intérêts au taux légal partant du présent arrêt.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

L’intimée sera condamnée en équité à verser à M. Y Z la somme complémentaire de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement entrepris en ses seules dispositions sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens';

L’INFIRME pour le surplus et statuant à nouveau,

DIT et juge bien fondé le licenciement pour faute grave de M. Y Z, en conséquence, le DÉBOUTE de ses demandes indemnitaires afférentes

CONDAMNE la SAS HERPORT à payer à M. Y Z les sommes indemnitaires de':

2'000 € pour organisation tardive de la visite médicale de reprise,

3'000 € pour non-respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire,

avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt';

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS HERPORT à verser à M. Y Z la somme indemnitaire de 1 500 € pour licenciement irrégulier sans respect de la procédure légale, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

CONDAMNE la SAS HERPORT à régler à M. Y Z la somme de 1'500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE la SAS HERPORT aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Textes cités dans la décision

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  2. Code du travail
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