Cour d'appel de Paris, 24 juin 2016, n° 16/13034

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 24 juin 2016, n° 16/13034
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/13034
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 9 juin 2016, N° 2016028063

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 3

ARRET DU 24 juin 2016

(n° 400 , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 16/13034

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 10 Juin 2016 -Président du Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2016028063

APPELANTES

XXX Fonds professionnel de capital investissement représenté par sa société de gestion BRIDGEPOINT SAS inscrite au RCS de Paris sous le n° 380 22 3 3 13, prise en la personne de ses représentants légaux et dont le siège social est sis

XXX

XXX

Société BRIDGEPOINT EUROPE IV INVESTMENTS (2) SARL de droit luxembourgeois immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B159334, prise en la personne de ses représentants légaux

XXX

L1653 LUXEMBOURG

Représentées par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

assistées de Me Fabrice FAGES de l’AARPI LATHAM & WATKINS , avocat au barreau de PARIS, toque : T09

INTIMEE ET APPELANTE INCIDENTE

SAS MEDIPOLE PARTENAIRES prise en la personne de ses représentants légaux

XXX

XXX

N° SIRET : 801 310 665

Représentée et assistée de Me Olivier LAUDE de l’ASSOCIATION Laude Esquier Champey, avocat au barreau de PARIS, toque : R144

INTIMES

Monsieur B Y

XXX

1050 IXELLES-BELGIQUE

né le XXX à SOUK-EL-ARBA – TUNISIE

Société FINANCIERE SUD SANTE SARL de droit Belge agissant poursuites et diligences de tous représentants légaux

XXX

1050 IXELLES-BELGIQUE

N° SIRET : 063 349 353 8

Représentés par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

assistés de Me Alexandre MERVEILLE de la SELARL Versini – Campinchi, Merveille & Colin, avocat au barreau de PARIS, toque : P0454

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Juin 2016, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente de chambre, et Mme H I J, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente de chambre

Madame Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère

Mme H I J, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Martine ROY-ZENATI, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.

Le groupe Médipôle Partenaires est né en XXX de la fusion de deux groupes d’établissements de santé privé : Médipôle Sud Santé, fondé en 2006 par M. B Y, et Médi-Partenaires.

Bridgepoint est un groupe international d’investissement financier et de gestion de participation dans le capital de sociétés. Il est l’investisseur majoritaire de Médipôle Partenaires.

La société Financière Sud Santé – FSS-, holding de M. B Y, détient 17% du Groupe Médipôle Partenaires, et le fonds d’investissements 64%, le reste étant détenu par différentes entités liées à Goldman Sachs.

À l’occasion du rapprochement entre le groupe Médipôle Sud Santé et le groupe Médi-Partenaires, M. B Y et Financière Sud Santé d’une part -'Investisseur Historique'- et les deux fonds d’investissements FCPR Bridgepoint IV et Bridgepoint Europe IV Investments – 'Investisseur Majoritaire’ – d’autre part, ont organisé leurs relations d’associés et la gouvernance au sein du groupe Médipôle Partenaires au travers d’un pacte d’associé du 26 XXX.

Les statuts et le pacte d’associés ont ainsi prévu que Médipôle Partenaires serait organisé sous la forme d’une société par actions simplifiées composée :

— d’un président en la personne de M. B Y,

— lui-même assisté d’un directoire, dont le président est le président de la société,

— agissant sous la supervision d’un conseil de surveillance composé de 6 membres, dont 5 personnes physiques nommées par l’investisseur majoritaire au côté de l’investisseur historique, la FSS, représentée par M. B Y.

Parallèlement, Bridgepoint consentait le 26 XXX à M. B Y une promesse d’achat de ses titres dans l’hypothèse où il serait révoqué de ses fonctions de président de la société Médipôle Partenaires ou de président du conseil de surveillance.

Enfin, il était également prévu que, dans le cadre d’une introduction en bourse, le projet devait être présenté au conseil de surveillance par l’investisseur majoritaire, le président ou le président du conseil de surveillance (sauf si ce dernier n’est plus B Y ou un de ses affiliés), agissant conjointement.

À la suite de la parution au début du mois d’avril 2016 dans le journal Le Monde, de révélations dites 'panama papers’ et d’informations relatives à la situation fiscale de M. B Y , le conseil de surveillance de Médipôle-Partenaire s’est réuni le 7 avril 2016.

Il résulte du procès verbal de cette réunion que la société Financière Sud Santé a été nommée président du conseil de surveillance avec effet au 30 juin 2016. Il est précisé que ce procès-verbal a été signé par tous les associés de Médipôle, à l’exception de M. Y, qui a contesté le lendemain à la fois le fait d’avoir démissionné de son plein gré de la fonction de président du directoire de la société et sa nomination au conseil de surveillance avec effet au 30 juin, alors que selon lui l’effet aurait dû être immédiat et la nomination irrévocable.

Le 28 avril 2016, M. Y a assigné en référé à heure indiquée le FCPR Bridgepoint IV représenté par sa société de gestion, la société Bridgepoint, la société Médipôle Partenaires et la société de droit luxembourgeois Bridgepoint Europe IV Investments au visa des articles 872 et 873 du code de procédure civile, afin de voir ordonner à Bridgepoint, conformément aux dispositions du pacte d’associés, d’utiliser ses pouvoirs et droits de vote pour nommer de façon irrévocable et avec effet immédiat la société Financière Sud Santé à la présidence du conseil de surveillance de Médipôle-Partenaires.

Par ordonnance contradictoire du 10 juin 2016, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a :

— ordonné à FCPR Bridgepoint Europe IV (représenté par sa société de gestion SAS Bridgepoint) ainsi qu’à la SARL de droit luxembourgeois Bridgepoint Europe lV Investments d’utiliser leurs pouvoirs et droits de vote afin que la nomination de M. Y ou de la société Financière sud santé soit effective à compter d’un délai de huit jours à partir du prononcé de la présente ordonnance, et ce sous astreinte de 10 000 € par jour de retard, pendant 30 jours, passé lequel délai, il sera de nouveau fait droit,

— laissé au juge de l’exécution le soin de liquider l’éventuelle astreinte,

— condamné solidairement FCPR Bridgepoint Europe IV (représenté par sa société de gestion SAS Bridgepoint), la SARL de droit luxembourgeois Bridgepoint Europe IV Investments et la SAS Médipôle Partenaires à payer à la société Financière sud santé la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties,

— condamné en outre solidairement FCPR Bridgepoint Europe IV (représenté par sa société de gestion SAS Bridgepoint), la SARL de droit luxembourgeois Bridgepoint Europe IV Investments et la SAS Médipôle Partenaires aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquides à la somme de 102,82 € TTC dont 16,92 € de TVA.

L’organisme FCPR Bridgepoint Europe IV (représenté par sa société de gestion, la société Bridgepoint) et la société de droit luxembourgeois Bridgepoint Europe IV Investments ont interjeté appel de cette décision.

Suivant autorisation délivrée le 14 juin 2016, les appelantes ont assigné M. Y, la société Financière Sud Santé et la société Medipôle-Partenaires, à comparaître à jour fixe, devant le pôle 1 chambre 3 de la cour d’appel de Paris, à l’audience du lundi 20 juin 2016.

Par leurs conclusions déposées à l’audience du 20 juin 2016, les appelantes demandent à la cour de:

A titre principal,

— dire et juger l’ensemble des appelants recevables et bien fondés en leur appel,

— dire et juger que le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a excédé ses pouvoirs en ordonnant aux requérantes d’utiliser leurs pouvoirs et droits de vote afin que la nomination de M. Y ou de la société Financière Sud Santé soit effective à compter d’un délai de 8 jours à partir du prononcé de ladite ordonnance,

— infirmer l’ordonnance dont appel,

— dire qu’il n’y a pas lieu à référé,

— condamner solidairement la société Financière sud santé et M. Y à hauteur de 5 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

A titre subsidiaire,

— dire et juger que l’astreinte qui pourrait être prononcée à l’encontre de Bridgepoint ne pourra courir qu’à compter d’un délai minimum de 8 jours à partir de la signification de l’arrêt à intervenir.

Elles font valoir que le juge des référés a excédé ses pouvoirs en interprétant les dispositions du pacte d’associés. En effet, si les parties avaient souhaité que la nomination de M. Y ou de sa holding à la présidence du conseil de surveillance puisse intervenir à effet immédiat, elles l’auraient prévu expressément ce qui n’est pas le cas en l’espèce, d’où une nécessaire interprétation des termes de la convention de vote qui excède les pouvoirs du juge des référés.

Elles ajoutent que le juge des référés a encore excédé ses pouvoirs en ordonnant l’exécution forcée de la convention de vote et en invalidant la décision d’un organe social dans la mesure où tant la jurisprudence que la doctrine l’écartent en matière des référés, et rappellent que l’intérêt social imposait que la prise de fonction de M. Y à la présidence du conseil de surveillance intervienne une fois que celui-ci avait démontré sa probité ce qui n’a toujours pas été fait, alors même que, depuis l’ordonnance entreprise, un lien clair et direct existe désormais entre les problèmes fiscaux de M. Y et l’origine des fonds ayant permis la création du groupe Médipôle Sud Santé.

Enfin, elles font valoir que l’ordonnance doit être infirmée dans la mesure où le juge des référés n’a pas caractérisé le dommage imminent ayant motivé sa décision de donner effet à la nomination de Financière Sud Santé au 18 juin plutôt qu’au 30 juin ; qu’en effet, les intérêts patrimoniaux de M. Y ne sont pas susceptibles d’être menacés à bref délai, et le fait que le conseil de surveillance puisse à tout moment décider de la nomination d’un président ou ne rien faire et rendre effective la nomination de Financière Sud Santé au 30 juin faisant partie de la vie des sociétés et constituant un aléa auquel sont soumis l’ensemble des mandataires sociaux ; que M. Y soit privé de son droit de veto sur le projet d’introduction en bourse faute d’être nommé immédiatement à la présidence du conseil de surveillance de la société n’existe pas.

Elles demandent, à titre subsidiaire, que l’astreinte ordonnée ne dépasse pas un montant raisonnable et commence à courir à partir d’un délai minimum de 8 jours à partir de la signification de l’arrêt à intervenir, afin de leur laisser le temps de convoquer et réunir le conseil de surveillance.

Par ses conclusion transmises à l’audience du 20 juin 2016, la société Médipôle Partenaires demande à la cour de :

— Déclarer recevable et fondé l’appel incident formé par la société MédiPôle Partenaires,

— Infirmer l’ordonnance de référé de Monsieur le Président du tribunal de commerce de Paris du 10 juin 2016 en toutes ses dispositions,

— Dire n’y avoir lieu à référé,

— Condamner solidairement la société Financière Sud Santé et M. Y à payer à la société MédiPôle Partenaires la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle fait valoir que la nomination immédiate de la société Financière sud santé ordonnée par le juge porte atteinte à l’intérêt social dans la mesure où les membres du conseil de surveillance ont décidé de ne pas y recourir afin de laisser un temps suffisant pour vérifier que cette nomination soit compatible avec les fonctions de dirigeant, plus particulièrement pour observer si, comme l’affirme M. Y, les allégations du journal Le Monde l’impliquant dans l’affaire des Panama Papers n’ont aucune implication avec la société, et que l’intérêt social de la société ne saurait être remis en cause a posteriori par le juge.

Elle ajoute qu’il est aujourd’hui acquis que l’origine des fonds utilisés par M. Y pour créer la société Médipôle sud santé en 2006 serait atteinte d’irrégularité fiscale ce qui rend la nomination de ladite société à la présidence du conseil de surveillance contraire à l’intérêt social de la société Médipôle Partenaires, d’autant plus que la plupart des investisseurs concernés par les projets de cette dernière sont des institutionnels soumis aux obligations du code monétaire et financier relatives à la lutte contre le blanchiment ; qu’en cas de nomination de la société Financière Sud santé, l’apport en fonds propres de l’investisseur public avec lequel elle est actuellement en discussion serait compromis ; que ces éléments confirment que la nomination de cette société à la présidence du conseil de surveillance est actuellement incompatible avec l’intérêt social et cette décision ne saurait être remise en cause par le juge du fait de l’existence d’un pacte d’associés contenant une clause de nomination de la société Financière sud santé dès lors que l’intérêt social rend impossible son exécution forcée.

Elle conclut à l’infirmation de l’ordonnance dès lors que les conditions d’un référé n’étaient et ne sont toujours pas réunies, en l’absence d’un trouble manifestement illicite dès lors que l’intérêt social justifie l’absence de nomination immédiate de la société Financière Sud Santé à la présidence du conseil de surveillance, et d’un dommage imminent dès lors que le droit de veto de M. Y sur les conditions du projet d’introduction en bourse de la société Médipôle Partenaires n’a pas été opposé à l’époque de la discussion dudit projet.

Par leurs conclusions transmises le 20 juin 2016, M. Y et sa holding, la société Financière Sud Santé, demandent à la cour de :

— confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance du 10 juin 2016, sauf à fixer le montant de l’astreinte au montant initialement demandé de 100.000 € par jour de retard,

— condamner in solidum Bridgepoint Europe IV FCPR (représenté par sa société de gestion Bridgepoint SAS) et Bridgepoint Europe IV Investments SARL à leur payer la somme de 20.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner in solidum Bridgepoint Europe IV FCPR (représenté par sa société de gestion Bridgepoint SAS) et Bridgepoint Europe IV Investments SARL aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Versini-Campinchi Merveille & Colin.

Ils font valoir que la clause du pacte d’associés doit être mise en oeuvre dès lors qu’elle est claire et inconditionnelle, son article 2.3.1(f) prévoyant que M. Y doit exercer les fonctions soit de président de la société, soit de président de son conseil de surveillance sans que lui soit demandé de justifier de sa situation fiscale. De même, la décision de nomination du 7 avril 2016 est inconditionnelle dans la mesure où à aucun moment la prise d’effet du 30 juin n’est conditionnée à des justifications à apporter préalablement par M. Y.

Ils soutiennent qu’aucun risque d’atteinte à l’intérêt social ne peut exister car, à supposer que la prise d’effet de la nomination de Financière Sud Santé à la présidence du conseil de surveillance provoque une quelconque contrariété à l’intérêt social, il suffirait à Bridgepoint ' actionnaire majoritaire disposant de tous les pouvoirs statutaires nécessaires ' d’exercer ses droits de vote pour révoquer Financière Sud Santé de cette présidence ; qu’en réalité, seul l’intérêt personnel de Bridgepoint est en jeu car, si Financière Sud Santé devait être révoquée, Médipôle Partenaires n’en serait pas affectée, aucune obligation n’étant mise à sa charge par le pacte, alors que Bridgepoint serait tenue de supporter les effets de la promesse d’achat des actions de M. Y.

Ils estiment que le premier juge n’a pas commis d’excès de pouvoir par interprétation du pacte dès lors qu’il n’a fait que donner effet à la convention claire des parties qui ne stipule aucun terme concernant l’obligation de Bridgepoint, qu’il n’a fait que respecter l’article 1186 du code civil selon lequel : « Ce qui n’est dû qu’à terme, ne peut être exigé avant l’échéance du terme'», et que la décision ne remet pas en cause une décision sociale car elle se limite à ordonner à Bridgepoint, actionnaire lié par une obligation contractuelle personnelle, d’exécuter l’article 2.3.1 (f) du pacte et ne s’adresse pas à la société Médipôle Partenaires ni à ses organes sociaux.

Ils soutiennent que le délai courant jusqu’au 30 juin laisse toute latitude à la société Bridgepoint de causer un dommage imminent à M. Y dans la mesure où ce dernier se verrait privé d’un mandant de Président ou de Président du conseil de surveillance ce qui conduirait à le déposséder de ses droits contractuels à savoir : son droit de veto relatif au processus d’introduction en bourse et sa faculté d’exercer la promesse d’achat de ses actions en cas de cessation de ses fonctions puisque sa prétendue démission lui aura été extorquée en échange d’une nomination à la présidence du conseil de surveillance à effet différé pour ne jamais prendre effet.

SUR CE, LA COUR

Considérant que l’article 872 du code de procédure civile dispose que, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend ;

Que l’article 873 alinéa 1er du code de procédure civile prévoit que le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu’en application des dispositions de l’alinéa 2, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation, même s’il s’agit d’une obligation de faire ;

Considérant que le dommage imminent s’entend du « dommage qui n’est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer » et le trouble manifestement illicite résulte de « toute perturbation résultant d’un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit » ;

Qu’il s’ensuit que pour que la mesure sollicitée soit prononcée, il doit nécessairement être constaté, à la date à laquelle la cour statue et avec l’évidence qui s’impose à la juridiction des référés, l’imminence d’un dommage, d’un préjudice ou la méconnaissance d’un droit, sur le point de se réaliser et dont la survenance et la réalité sont certaines, qu’un dommage purement éventuel ne saurait donc être retenu pour fonder l’intervention du juge des référés ; que la constatation de l’imminence du dommage suffit à caractériser l’urgence afin d’en éviter les effets ;

Considérant que l’article 2.3.1 (f) du pacte d’associés stipule :

'Dans l’hypothèse où, pour quelque raison que ce soit, B Y n’est plus Président de la Société, et qu’à cette date l’Investisseur Majoritaire détient la majorité du capital et des droits de vote de la Société et que l’Investisseur Historique remplit les conditions de l’Article 2.3.2(b)(ii) ci-dessous [détention au moins de 2/3 des titres souscrits à la date de réalisation] et sauf le cas de décès ou invalidité de B Y, l’Investisseur Majoritaire s’engage à utiliser les pouvoirs et les voix dont il dispose pour désigner B Y (ou toute entité qu’il contrôle) aux fonctions de président du Conseil de surveillance, étant précisé que dans ce cas B Y ou ladite entité sera le membre du Conseil de surveillance au titre de l’article 2.3.2(b)(ii).' ;

Considérant que le procès verbal du conseil de surveillance tenu le 7 avril 2016 à 8h30, présidé par M. X, et constitué de l’ensemble de ses membres, dont la FSS représentée par M. B Y, relate :

'Le Président [B Y] expose que la presse s’est fait l’écho d’allégations le concernant personnellement, allégations qu’il estime partiales et partielles. Il indique qu’il entend prendre les mesures nécessaires pour assurer la défense de ses intérêts et rectifier tout ce qui doit l’être.

(…) Un échange de vues a lieu entre les membres présents. Au terme de ce débat, Monsieur B Y et les autres membres arrivent à la conclusion que la meilleure solution pour le groupe est qu’il démissionne. Monsieur B Y indique remettre à la disposition des associés son mandat de Président de la société avec effet immédiat.

Après un échange de vues, les membres du Conseil de surveillance prennent acte de la décision de Monsieur B Y.

Après discussion entre membres du Conseil de surveillance et avec B Y et en application de l’article 12.3 des statuts de la société, le Conseil de surveillance décide, afin que Monsieur B Y puisse continuer à accompagner le groupe, de nommer la société Financière Sud Santé, représentée par Monsieur D Y, en qualité de président du Conseil de surveillance en remplacement de Monsieur Z X. Cette nomination prendra effet le 30 juin 2016. Dans la période intérimaire Monsieur B Y assurera les fonctions de référent auprès du Directoire afin d’assurer une bonne transition des opérations.

Le Conseil de surveillance demande également qu’un plan de communication soit mis en place au plus vite et que la société Image7 soit mandatée’ pour assurer la communication du groupe en étroite collaboration avec M. Y ; que l’article 12.3 des statuts confère au Conseil de surveillance, statuant à la majorité simple, l’élection de son président ; que la cour relève que l’article 11.1.3 des statuts prévoit que le conseil de surveillance ou la collectivité des associés a le pouvoir de révoquer ad nutum le président de la société, de même que l’article 2.3.1 (c) du pacte d’associés ;

Considérant que le même jour les associés détenant la totalité des droits de vote attachés aux actions ordinaires de la société, ont pris acte de la démission de M. Y de son mandat de président par procès verbal que ce dernier, présent à cette réunion en qualité de représentant de la FSS, a refusé de signer malgré l’accord exprimé sur cette décision ;

Que dès le 8 avril 2016 M. Y a contesté la rédaction du procès verbal de la séance du Conseil de surveillance au motif que ses conditions exprimées et répétées lors de ce conseil, à savoir de voir acter que sa démission avait été sollicitée et n’avait été acceptée qu’en contrepartie de sa 'nomination immédiate et irrévocable en tant que président du conseil de surveillance à compter et au plus tard le 30 juin 2016", et que la mise en oeuvre de cette démission soit validée et formalisée par les conseils respectifs des parties, n’avaient pas été respectées ;

Considérant qu’à l’attention des associés convoqués en assemblée générale le 14 avril 2016, M. Y a adressé une note dénonçant la pression exercée sur lui les 6 et 7 avril pour qu’il démissionne immédiatement de la présidence de la société, rappelant qu’il y est disposé à condition que la transition s’effectue dans le meilleur intérêt de la Société et du groupe et dans le respect des 'accords’ pris, qui prévoient que sa nomination à la présidence du conseil de surveillance est concomitante à l’abandon de son mandat de président, estimant donc déloyal le procédé consistant à lui arracher sa démission immédiate tout en reportant au 30 juin 2016 sa nomination au conseil de surveillance ;

Considérant qu’il ressort de ces éléments que si M. Y soutient dans le cadre de l’instance dont il a pris l’initiative, que sa volonté ne serait pas loyalement retranscrite dans les termes du procès verbal du conseil de surveillance du 7 avril 2016, la cour relève que la validité de la résolution ci-dessus retranscrite, qui a été adoptée à l’unanimité, et donc par la FSS représentée par M. Y, n’est pas contestée devant une juridiction, et qu’en l’état, la validité du consentement donné par ce dernier au cours de cette réunion n’est pas sérieusement contestée alors que par courriel du 8 avril le terme différé de l’effectivité de la présidence du conseil de surveillance était admis ;

Considérant que cette résolution, qui s’impose donc au juge de l’évidence au jour où il statue, ne conditionne pas la nomination de la FSS à la présidence du conseil de surveillance à la production par M. Y d’informations sur sa situation fiscale ; qu’inversement, elle n’indique pas que la prise d’effet de la nomination de la FSS, qui fait l’objet d’une décision clairement exprimée, sera immédiate ; que l’exigence de M. Y d’une nomination irrévocable ne ressort pas non plus des termes de cette résolution, étant au surplus relevé que l’irrévocabilité d’un mandat social serait contraire aux stipulations des statuts de la société, comme du pacte d’associés ;

Considérant qu’il se déduit des éléments qui précèdent que l’obligation dont se prévalent M. Y et la FSS au soutien de leur demande tendant à la nomination immédiate et irrévocable de l’un ou l’autre à la présidence du conseil de surveillance est sérieusement contestable ; que le trouble invoqué n’est pas manifestement illicite au regard du procès verbal du conseil de surveillance du 7 avril 2016 comme du pacte d’associés ci-dessus rappelés ;

Que si à l’audience devant le premier juge, Bridgepoint 's’est refusée à rendre immédiate la prise de fonction de présidence du conseil de surveillance de FSS', ce qui a été considéré par celui-ci comme une reconnaissance 'qu’il pourrait entre les présentes et la date du 30 juin prendre une décision reportant la prise d’effet ou annulant la nomination', il convient de relever que la survenance et la réalité de cette méconnaissance de la résolution du conseil de surveillance du 7 avril 2016 par Bridgepoint avant le 30 juin 2016 n’est pas certaine, aucun élément de fait ne permettant de considérer cet événement comme sur le point de se réaliser, alors que les intimés soutiennent par ailleurs que l’investisseur majoritaire n’entend pas révoquer M. Y pour éviter d’exécuter la promesse d’achat de ses parts ; que par ailleurs, l’introduction en bourse à l’occasion de laquelle le droit de veto de M. Y pourrait être exercé n’est plus d’actualité, la présentation du projet datant de janvier 2015 et le calendrier prévisionnel datant du 27 janvier 2016 ; que dès lors la perte du droit de veto conféré par l’article 7.4 du pacte d’associé à M. Y au stade de l’initiation de la procédure et de la présentation de la proposition n’est pas établie et le dommage imminent n’est qu’hypothétique ;

Considérant dans ces conditions que l’ordonnance doit être infirmée et qu’il sera dit n’y avoir lieu à référé ;

Considérant que l’équité commande de faire bénéficier les appelantes des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, dans les conditions précisées au dispositif ci-après ;

Que M. Y et la FSS qui succombent supporteront les entiers dépens ;

PAR CES MOTIFS

Infirme l’ordonnance entreprise ;

Statuant à nouveau et y ajoutant

Dit n’y avoir lieu à référé

Condamne in solidum M. B Y et la société Financière Sud Santé à verser :

— au fonds professionnel de capital investissement FCPR Bridgepoint Europe IV et Bridgepoint Europe IV Investments, pris ensemble, la somme de 5 000 euros,

— à la SAS Médipôle Partenaires la somme de 5 000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. B Y et la société Financière Sud Santé aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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