Cour d'appel de Paris, Pôle 1 chambre 1, 12 avril 2016, n° 11/20732

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 ch. 1, 12 avr. 2016, n° 11/20732
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 11/20732
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 4 novembre 2009
Dispositif : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes
Date de dernière mise à jour : 1 novembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 1

ARRET DU 12 AVRIL 2016

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 11/20732

Décision déférée à la Cour : Sentence du 30 avril 2003 rendue à Zurich par le tribunal arbitral constitué, sous l’égide de la Chambre de commerce internationale, de MM. [H] et [U], arbitres, et de M. [M], président et qui a été revêtue de l’exequatur par une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris du 5 novembre 2009.

DEMANDERESSE AU RECOURS EN ANNULATION :

RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

prise en la personne de son excellence Monsieur le Ministre de la Justice et Garde des Sceaux

[Adresse 1]

[Localité 1]

RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : C2477

assistée de Me Michael OSTROVE et Théobald NAUD, avocats plaidant du barreau de PARIS, toque :R235

DÉFENDERESSE AU RECOURS EN ANNULATION :

Société FG HÉMISPHÈRE ASSOCIATES LLC

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 2]

USA

représentée par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : D0945

assistée de Me Charles Emmanuel PRIEUR, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque: P261

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 1er mars 2016, en audience publique, le rapport entendu, les avocats des parties ne s’y étant pas opposé, devant Madame GUIHAL, conseillère, et Madame DALLERY, conseillère, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Madame GUIHAL, conseillère, faisant fonction de présidente

Madame DALLERY, conseillère

Madame QUENTIN DE GROMARD, conseillère, appelée pour compléter la cour conformément aux dispositions de l’ordonnance de roulement portant organisation des services rendue le 15 décembre 2015 par Madame le premier président de la cour d’appel de PARIS

Greffier, lors des débats : Madame PATE Mélanie

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame GUIHAL, conseillère, faisant fonction de présidente et par Madame Mélanie PATE, greffier présent lors du prononcé.

Le 2 avril 1980, la REPUBLIQUE DU ZAÏRE (devenue la REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO) et la société bosniaque Energoinvest ont conclu un accord portant sur la réalisation et le financement par un crédit de 15,18 millions USD d’une ligne électrique à haute tension au bénéfice de l’entreprise publique zaïroise dénommée SOCIETE NATIONALE D’ELECTRICITE (SNEL).

Les échéances de remboursement n’ayant pas été honorées, Energoinvest, le 2 mars 2001, a engagé une procédure d’arbitrage sur le fondement de la clause compromissoire stipulée par cette convention.

Le 30 avril 2003, le tribunal arbitral constitué, sous l’égide de la Chambre de commerce internationale, de MM. [H] et [U], arbitres, et de M. [M], président, a rendu à Zurich dans l’affaire n° 11441/KGA une sentence qui a condamné solidairement la SNEL et la RDC à payer à Energoinvest la somme de 11 725 844,96 USD outre les intérêts et les frais d’arbitrage.

A la requête de la société de droit du Delaware, FG HEMISPHERE, venant aux droits d’Energoinvest, la sentence a été revêtue de l’exequatur par une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris du 5 novembre 2009.

Le 21 novembre 2011, la RDC et la SNEL en ont interjeté appel.

Par une ordonnance du 21 mars 2014, confirmée par un arrêt de la cour du 18 novembre 2014, rectifié par arrêt du 3 février 2015, le conseiller de la mise en état a déclaré caduc l’appel de la SNEL et débouté HEMISPHERE de sa demande tendant à voir déclarer caduc celui de la RDC.

Par une ordonnance du 7 mai 2015, confirmée par un arrêt de la cour du 30 juin 2015, le conseiller de la mise en état a déclaré recevable l’appel de la RDC.

Par une ordonnance du 12 février 2015, confirmée par un arrêt de la cour du 12 mai 2015, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable l’appel incident de la SNEL.

Par des conclusions signifiées le 17 février 2016, la RDC demande à la cour principalement de dire qu’elle est recevable et bien fondée à exercer le droit au retrait litigieux prévu par l’article 1699 du code civil, dès lors qu’une telle demande n’est soumise à aucune forme, qu’elle procède d’une prérogative légale et peut être présentée à titre principal devant la cour saisie de l’appel de l’ordonnance d’exequatur d’une sentence peu important qu’elle ne s’inscrive pas dans l’objet de la procédure prévue par les articles 1520 et 1525 du code de procédure civile, que l’article 1699 du code civil est applicable au présent litige en tant que loi de police et, subsidiairement, en tant que loi de procédure, que la créance cédée le 20 juillet 2001 par Energoinvest à HEMISPHERE était litigieuse depuis la saisine du tribunal arbitral en mars 2001 et qu’elle l’est redevenue du fait de l’appel de l’ordonnance d’exequatur, que si la cession lui a été notifiée le 16 novembre 2004, elle n’en a connu la date véritable, ainsi que les modalités et le prix qu’en mars 2012, qu’elle était donc bien fondée à exercer le droit de retrait litigieux par notification du 16 juillet 2012. La RDC demande à la cour de juger en conséquence que la créance sera éteinte moyennant le paiement de la somme de 3 618 232,28 USD pour les deux dossiers 11/20730 et 11/20732 (sentence rendue à Paris le même jour entre les mêmes parties), qu’il ne reste dû, après compensation des dettes réciproques que 301.474,53 USD, soit, au titre de la seule sentence rendue à Zurich, la contrevaleur en euros de 120.830,99 USD, de juger par conséquent éteinte la présente procédure.

Subsidiairement, la RDC demande à la cour d’infirmer l’ordonnance d’exequatur en invoquant, d’une part, la violation du principe de la contradiction (article 1520 4° du code de procédure civile), d’autre part, la contrariété de la sentence à l’ordre public international (article 1520 5° du code de procédure civile).

La RDC sollicite en toute hypothèse la condamnation d’HEMISPHERE à lui payer 70.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par des conclusions signifiées le 3 février 2016, HEMISPHERE demande à la cour :

— de constater que la SNEL n’est plus à la cause,

— de rejeter la demande incidente de retrait litigieux formée par la RDC en ce qu’une telle demande n’est pas recevable devant la cour d’appel saisie de l’appel de l’ordonnance d’exequatur d’une sentence arbitrale, en ce qu’elle porte sur le fond de l’affaire et en ce qu’elle ne se rattache pas par un lien suffisant à la demande originaire, qu’en tout état de cause, l’article 1699 du code civil, qui n’est ni une loi de police ni une loi de procédure, est inapplicable à la cession de créance intervenue entre Energoinvest et elle-même,

— sur la demande d’infirmation de l’ordonnance d’exequatur, de dire irrecevable le moyen tiré de la méconnaissance du principe de la contradiction, faute pour la recourante de l’avoir invoqué devant le tribunal arbitral, et subsidiairement, mal fondé, de rejeter également le moyen tiré de la violation de l’ordre public international, de débouter la RDC de son appel et de constater que ce rejet confère l’exequatur à la sentence rendue le 30 avril 2003 à Zurich,

— de condamner la RDC à payer la somme de 70.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR QUOI :

Sur la demande de retrait litigieux :

Considérant que la RDC a été condamnée à payer une certaine somme à Energoinvest par une sentence arbitrale rendue à Zurich le 30 avril 2003, revêtue de l’exequatur par une ordonnance du délégué du président du tribunal de grande instance de Paris rendue le 5 novembre 2009 à la requête d’HEMISPHERE, cessionnaire de la créance;

Considérant que la RDC, qui a interjeté appel de cette ordonnance, sollicite l’application de l’article 1699 du code civil aux termes duquel : 'Celui contre lequel on a cédé un droit litigieux peut s’en faire tenir quitte par le cessionnaire, en lui remboursant le prix réel de la cession avec les frais et loyaux coûts, et avec les intérêts à compter du jour où le cessionnaire a payé le prix de la cession à lui faite';

Considérant que la mission de la cour d’appel, saisie en application des articles 1520 et 1525 du code de procédure civile, est limitée à l’examen des vices énumérés par ces textes; que la demande qui tend, après une instruction du fond de l’affaire, à la libération de la recourante par le paiement au cessionnaire du prix de cession et de divers accessoires n’est pas comprise dans cette mission; qu’elle est donc irrecevable;

Sur le premier moyen tiré de la méconnaissance du principe de la contradiction (article 1520 4° du code de procédure civile) :

La RDC expose en premier lieu que la consultation du dossier de procédure conservé par la Chambre de commerce internationale lui a permis de constater que plusieurs actes de procédure ne lui ont jamais été effectivement remis, ce qui est prouvé par l’absence de récépissés ou de bons de remise correspondants :

— projet d’acte de mission du 29 janvier 2002,

— commentaires d’Energoinvest sur le projet d’acte de mission,

— calendrier prévisionnel de procédure du 3 mai 2002,

— convocation à l’audience de Zurich du 12 septembre 2002,

— mémoire en défense de la SNEL du 9 septembre 2002,

— convocation du 7 novembre 2002 aux audiences de plaidoiries des 9 et 10 décembre 2002.

L’appelante soutient, en deuxième lieu, que le calendrier procédural a été modifié d’une manière qui l’a exclue des débats. Enfin, elle fait grief aux arbitres de n’avoir pas pris en compte la guerre qui sévissait sur son territoire et la plaçait dans l’impossibilité matérielle de se défendre.

Considérant, en premier lieu, que la RDC a eu connaissance de l’engagement de la procédure arbitrale, ainsi que cela résulte d’une lettre adressée le 3 août 2001 par le ministre de la Justice à la Cour d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale indiquant que son ministère était compétent pour représenter l’Etat congolais; que l’acte de mission revêtu de la signature du représentant de la RDC a été reçu le 14 juin 2002 par le secrétariat de la Cour de la Chambre de commerce internationale (sentence § 37), de sorte que l’appelante, qui émet sur l’authenticité de cette pièce des doutes qui ne sont pas étayés par des preuves, ne peut se plaindre de n’avoir pas reçu le projet d’acte de mission; que les commentaires d’Energoinvest sur ce projet ont été envoyés au professeur [O], conseiller juridique au ministère de la Justice de la RDC le 14 février 2002 par le service global express de la Swiss Post ainsi que cela résulte du bordereau d’envoi; que le calendrier prévisionnel a été communiqué aux parties, ainsi que cela résulte du paragraphe 39 de la sentence et, qu’en toute hypothèse, la date et le lieu de l’audience de procédure tenue à Zurich le 12 septembre 2002 ont été rappelés à la RDC par un courriel envoyé le 14 août 2002 par le conseil d’Energoinvest au professeur [O]; que pour le surplus, la RDC ne peut se plaindre de n’avoir pas reçu les conclusions de la SNEL, société d’Etat dont elle détient 100% du capital, et à laquelle elle avait, en outre, donné mandat de la représenter lors de la tentative de règlement amiable du litige;

Considérant que la RDC ne peut davantage se faire un grief de n’avoir pas reçu le calendrier de procédure arrêté lors de l’audience du 12 septembre 2002 à laquelle elle a délibérément choisi de ne pas comparaître;

Considérant, enfin, que si la RDC fait valoir qu’elle était en état de guerre pendant la durée de l’instance arbitrale, non seulement, elle ne s’est jamais prévalue de cette circonstance pour demander aux arbitres un aménagement du calendrier procédural, mais en septembre et octobre 2001 son représentant a échangé avec les conseils d’Energoinvest de nombreux courriels relatifs à une réunion à tenir à [Localité 3] qui ne font pas état d’autres difficultés matérielles que celle d’obtenir des visas de l’ambassade de France pour la délégation congolaise composée, selon un mail du professeur [O] du 7 septembre 2001, de conseillers des ministres de la Justice et de l’Economie et de représentants de la SNEL; que la RDC ne peut invoquer devant la cour un argument qu’elle s’est abstenue de faire valoir devant le tribunal arbitral alors qu’elle était en mesure de le faire;

Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance du principe de la contradiction doit donc être écarté;

Sur le second moyen tiré de la violation de l’ordre public international (article 1520 5° du code de procédure civile) :

La RDC invoque une fraude qui l’a privée du droit d’exercer le retrait litigieux devant le tribunal arbitral.

Considérant que la fraude alléguée consiste dans la circonstance que les conventions conclues par Energoinvest et HEMISPHERE le 20 juillet 2001 prévoyaient le transfert immédiat des intérêts économiques des créances litigieuses, le versement immédiat du prix entre les mains d’une banque séquestre et le report à une date ultérieure, non précisée à l’acte, de la transmission formelle des titres de propriété, ce qui a permis à HEMISPHERE de repousser artificiellement le transfert de propriété et d’en informer les débiteurs cédés le 16 novembre 2004 seulement, à une date où l’arbitrage ayant pris fin, la RDC et la SNEL ne pouvaient plus faire valoir devant le tribunal arbitral leur droit au retrait litigieux;

Considérant que la fraude à la sentence suppose que de faux documents aient été produits, que des témoignages mensongers aient été recueillis ou que des pièces intéressant la solution du litige aient été frauduleusement dissimulées aux arbitres, de sorte que la décision de ceux-ci a été surprise;

Considérant qu’en l’espèce, la clause d’arbitrage prévoyait l’application du droit matériel suisse; qu’il n’est ni établi, ni même allégué, que la loi helvétique comporterait une disposition analogue à l’article 1699 du code civil français; qu’il n’est, dès lors, pas démontré que l’ignorance dans laquelle la RDC, la SNEL et le tribunal arbitral ont été tenus des conventions conclues entre Energoinvest et HEMISPHERE ait été de nature à influer sur la solution du litige et à surprendre la décision des arbitres;

Que le moyen tiré de la fraude ne peut qu’être écarté;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’appel doit être rejeté; que ce rejet confère l’exequatur à la sentence;

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Considérant que la RDC, qui succombe, ne saurait bénéficier des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et sera condamnée sur ce fondement à payer à HEMISPHERE la somme de 70.000 euros;

PAR CES MOTIFS :

Constate qu’elle n’est plus saisie du recours en annulation formé par la SOCIETE NATIONALE D’ELECTRICITE .

Déclare irrecevable la demande de retrait litigieux.

Rejette l’appel de l’ordonnance d’exequatur de la sentence rendue à Zurich le 30 avril 2003 entre les parties dans l’affaire 11441/KGA.

Dit que le rejet confère l’exequatur à la sentence.

Rejette la demande formée par la REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, et au paiement à la société FG HEMISPHERE ASSOCIATES de la somme de 70.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA CONSEILLÈRE, faisant fonction de présidente

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Textes cités dans la décision

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