Cour d'appel de Paris, 26 mai 2016, n° 14/20147

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Chronologie de l’affaire

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Irina Parachkévova · Bulletin Joly Sociétés · 1er novembre 2016
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 26 mai 2016, n° 14/20147
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 14/20147
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 2 octobre 2014, N° 2013001204

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 9

ARRÊT DU 26 MAI 2016

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 14/20147

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de Paris en date du 03 Octobre 2014 – RG n°2013001204

APPELANTE

XXX

ayant son siège XXX

XXX

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

ayant pour avocat plaidant Me Thomas SARRAUSTE, du cabinet GMT avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : D0433

INTIMÉ

Monsieur E X

né le XXX à ORLEANS

de nationalité française

XXX

XXX

Représenté par Me Florence GUERRE de la SELARL SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

ayant pour avocat plaidant Me Patricia COLETTI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0567

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 31 Mars 2016, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame G H, Conseillère faisant fonction de président et Madame C D, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame G H, Conseillère faisant fonction de président

Madame C D, Conseillère

Monsieur Laurent BEDOUET, Conseiller appelé d’une autre Chambre afin de compléter la Cour

Qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame G H, Conseillère, dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Pauline ROBERT

MINISTERE PUBLIC : l’affaire a été communiquée au Ministère Public.

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame G H, conseillère faisant fonction de président et par Mme Pauline ROBERT, greffier présent lors du prononcé.

*

La société Réponse Invest, société à directoire et conseil de surveillance, est la holding du groupe Réponse, leader français et italien dans le conseil et l’ingénierie en aménagements d’espaces de vente, notamment pour les réseaux de distribution.

Le groupe Réponse a été fondé par monsieur K X. Son fils, monsieur E X, est entré dans le groupe en 1992 et il est devenu directeur général délégué.

La société Réponse a été cotée sur le marché Euronext Paris jusqu’en 2008, date à laquelle la famille X s’est associée avec des fonds communs de placement gérés par la société de gestion Z, anciennement Abn Amro, dans le cadre d’un LBO « leveraged buy-out'», autrement dit un AEL « achat à effet de levier ».

Monsieur E X et son épouse détenaient 10% de la société Réponse Invest à la suite de ces opérations.

Les actionnaires avaient conclu un pacte d’associés régissant leurs relations notamment en cas de révocation des mandats de monsieur E X.

Monsieur E X était donc salarié de la société Réponse Invest, en qualité de secrétaire général et également membre et président du directoire de la société. Il percevait à ce double titre deux rémunérations distinctes.

Le 26 juin 2012, le conseil de surveillance, convoqué le matin pour une réunion à 15h, démettait monsieur E X de ses fonctions de membre et de président du directoire de la société. Il était de plus, licencié de son poste de secrétaire général le 31 juillet 2012.

Estimant que sa révocation de membre du directoire était sans juste motif et que sa révocation de président était abusive et vexatoire, après une mise en demeure restée sans réponse, monsieur E X a par acte extrajudiciaire du 31 décembre 2012, assigné la société Réponse Invest devant le tribunal de commerce de Paris.

A la suite de cette introduction d’instance, la société Réponse Invest a déposé une plainte contre monsieur E X auprès du procureur de la République de Paris pour abus de bien social.

Par jugement en date du 3 octobre 2014 assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a rejeté la demande de sursis à statuer, et condamné la société Réponse Invest à verser à monsieur E X les sommes suivantes :

—  135.720 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de juste motif pour sa révocation de membre du directoire, majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 12 décembre 2012,

—  50.000 euros au titre de sa rémunération variable pour l’exercice 2012, majorée des intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2012,

—  412.252 euros au titre de l’obligation de non sollicitation et de non rétablissement,

—  10.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Le tribunal a notamment relevé que la révocation de monsieur X de son mandat de président du directoire n’avait pas été abusive ou vexatoire. En revanche, il a jugé que la révocation de monsieur X de son mandat de membre du directoire était sans juste motif.

La société Réponse Invest a interjeté appel de ce jugement le 6 octobre 2014.

***

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 avril 2015, la société Réponse Invest demande à la cour de réformer en toutes ses dispositions le jugement déféré, de débouter monsieur E X de l’ensemble de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 30.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

***

Par conclusions comportant appel incident, notifiées par voie électronique le 24 février 2016, monsieur E X demande à la cour de :

— Condamner la société Réponse Invest à lui verser les sommes suivantes:

—  271.440 euros à titre de dommages et intérêts pour révocation sans juste motif et abusive des mandats de président et membre du directoire avec intérêts à compter de la mise en demeure du 12 décembre 2012,

—  134.000 euros au titre de la part variable de sa rémunération, avec intérêts à compter de la mise en demeure du 12 décembre 2012,

—  412.576 euros au titre de l’obligation de non concurrence-non sollicitation,

—  30.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

— Ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l’article 1153 du code civil,

— Ordonner la production des dispositions de non concurrence-non sollicitation actuellement applicables aux cadres dirigeants-actionnaires,

— Condamner la société Reponse Invest à lui verser la somme de 30.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et de la condamner aux dépens.

SUR CE,

Sur la révocation du mandat de président.

Monsieur E X soutient qu’il est constant que le président du directoire est révocable ad nutum, mais que cependant les tribunaux encadrent la révocation des mandataires sociaux en sanctionnant les révocations abusives, qu’elles soient justifiées ou non. En l’espèce, monsieur E X fait valoir que sa révocation en tant que membre du directoire et président de la société Réponse Invest est abusive et sans motif et que les circonstances de sa convocation, du déroulement de la réunion du conseil de surveillance et de la communication qui l’a suivi immédiatement, revêtent un caractère vexatoire dont il demande réparation à la cour estimant son préjudice à deux années de rémunération fixe, soit la somme de 271.440 euros.

La société Réponse Invest soutient que le président du directoire d’une société anonyme est révocable «'ad nutum'», c’est-à-dire sans délai, sans qu’il soit besoin d’invoquer un juste motif et sans indemnité. Par conséquence, la révocation du mandat de président du directoire de monsieur E X n’avait pas à être justifiée.

La cour rappelle qu’il est constant que la révocation du président du directoire d’une société anonyme peut intervenir à tout moment et sans justification de motifs. Cependant les circonstances de la révocation peuvent donner lieu à dommages et intérêts lorsqu’elle sont abusives ou vexatoires ou qu’elles ne respectent pas le principe du contradictoire.

En l’espèce, la cour relève que monsieur X a été convoqué le matin pour une réunion du conseil de surveillance se tenant l’après midi et qu’il a donc eu très peu de temps pour préparer la réunion au regard des motifs avancés pour sa révocation. Il est par ailleurs clair que si le principe de la contradiction a été respecté dans la mesure où monsieur X a eu l’occasion de s’exprimer devant les membres du conseil de surveillance, la décision était déjà prise puisque son remplaçant, monsieur A, était déjà présent sur les lieux alors qu’il réside dans le sud de la France. Il a d’ailleurs été introduit dès l’issue de la réunion.

Ces circonstances ne sont cependant pas suffisantes à caractériser un abus de la part de la société Reponse Invest puisque cette dernière n’était pas tenue de justifier sa décision et que monsieur X a pu s’expliquer.

La cour relève d’autre part que la rapidité de la décision et du remplacement de monsieur E X s’explique par la nécessité d’éviter des polémiques susceptibles de naître au sein de l’entreprise alors que monsieur E X est le fils du fondateur de la société et qu’il travaille dans celle-ci depuis des années. De plus il était toujours lié par un contrat de travail avec Reponse Invest.

Pour ce qui concerne le communiqué adressé aux salariés, il y a lieu de constater qu’il est neutre. Il est certes indiqué que monsieur X a été 'démis de ses fonctions’ mais en raison d’une 'perte de confiance'. Il n’est mentionné aucune faute qui aurait été à l’origine de sa révocation. Il comporte deux pages dans lesquelles le nouveau président se présente et présente son projet pour l’entreprise de sorte que l’annonce de la révocation de monsieur X est diluée dans les autres informations .

La cour note encore que le compte rendu de la réunion ayant eu lieu avec le Comité d’entreprise dédiée à la révocation de monsieur X ne laisse paraître aucun grief à son égard ni aucune faute.

Enfin, la cour constate que monsieur X est resté dans l’entreprise en qualité de salarié pendant encore un mois, qu’il a continué à occuper son bureau et que pendant cette période les relations semblent avoir été courtoises entre celui-ci et son successeur et le reste de la société.

Ainsi, sauf à vider de sens la notion de révocation ad nutum la cour considère que la révocation de monsieur X de son mandat de président du directoire n’a pas été abusive et n’a pas porté atteinte à son honneur et à sa réputation.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur la révocation du mandat de membre du directoire.

La société Réponse Invest soutient que c’est sur le fondement de justes motifs que la révocation du mandat de membre du directoire de monsieur E X a été décidée, mandat pour lequel monsieur E X ne touchait aucune rémunération. Elle fait valoir que les circonstances de la révocation de son mandat de membre du directoire ne sauraient être qualifiées d’abusives. Elle soutient enfin que monsieur E X ne démontre pas les préjudices qu’il invoque ni en leur principe, ni en leur montant.

Monsieur E X relève que suivant les termes du procès-verbal du conseil de surveillance du 26 juin 2012, il est invoqué une perte de confiance à son encontre résultant de son incapacité à formuler une stratégie et un plan opérationnel étayés, articulés et cohérents et d’un manque d’outils fiables de suivi des données financières, justifiant, selon la société Réponse Invest, sa révocation du mandat de membre du directoire. Monsieur E X soutient cependant que la société Réponse Invest ne rapporte aucunement la preuve de faits précis et objectifs susceptibles de générer une perte de confiance à son encontre. Il ajoute que la société Réponse Invest est dans l’incapacité de démontrer la conséquence de cette prétendue perte de confiance, c’est-à-dire son incidence dans la direction de la société, ou même dans la gouvernance comme elle l’indique. En conséquence, monsieur E X demande à la cour de confirmer sur le principe la décision des premiers juges et de dire que la révocation de son mandat est intervenue sans juste motif.

Aux termes de l’article L 225-61 du code de commerce 'Les membres du directoire ou le directeur général unique peuvent être révoqués par l’assemblée générale, ainsi que, si les statuts le prévoient, par le conseil de surveillance. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages-intérêts. '

La révocation doit donc s’appuyer sur de justes motifs. Elle peut également donner lieu à des dommages et intérêts si elle est constitutive d’abus causant un préjudice distinct de celui résultant de la révocation. Le juste motif de révocation n’est pas synonyme de faute.

En l’espèce la société Reponse Invest se prévaut de plusieurs motifs, tous mentionnés dans le procès verbal du conseil de surveillance ayant décidé de la révocation.

Elle reproche à monsieur X une perte de confiance résultant d’une part de son incapacité à formuler une stratégie et un plan opérationnel étayés et cohérents s’étant traduite selon elle par une perte de chiffres d’affaires entre 2008 et 2012. Monsieur X aurait été loin de remplir les objectifs qui lui avaient été fixés et qu’il s’était lui même fixés lors du LBO. Elle lui reproche d’autre part un manque d’outils fiables de suivi des données financières. Enfin, elle lui fait grief de ne pas avoir compris les attentes du conseil de surveillance.

La cour rappelle que la crise financière est intervenue en 2008 avec de fortes baisses d’activité notamment dans le domaine de Reponse Invest et qu’il ne peut donc être reproché à monsieur X de ne pas avoir atteint les objectifs qu’il avait défini avant le début de la crise. Cette situation est évoquée par la société elle même dans son évaluation du travail effectué par monsieur X lors de la détermination de sa rémunération variable. La cour ne trouve aucun document qui serait produit par la société Reponse Invest sur une absence de stratégie ou sur une divergence de stratégie avec les investisseurs. Le compte rendu manuscrit produit par la société Reponse Invest ne peut établir cette absence de stratégie alors que monsieur X exprime en fait les difficultés auxquelles la société est confrontée en essayant justement de trouver des parades et en faisant une analyse de la situation. Ses affirmations sur la difficulté de présenter des plans à moyen terme ne font que traduire une certaine prudence et ne peuvent être utilisées comme constituant le juste motif de révocation de son mandat de membre du directoire. Cette analyse est confortée par le fait que moins d’un an avant sa révocation le conseil de surveillance lui avait confié des missions montrant la confiance qu’il lui accordait.

La cour note par ailleurs que la rémunération variable de monsieur B liée aux résultats de l’entreprise eu égard aux objectifs fixés était en augmentation en 2011 par rapport à 2010 traduisant ainsi qu’il ne lui était pas reproché de manquements professionnels.

Monsieur X a présenté également tous les ans aux assemblées générales des fonds d’investissement la stratégie du groupe Reponse et ce jusqu’au 9 novembre 2011 cette fois en collaboration avec Z. Aucun courriel ou échange n’a eu lieu entre les investisseur,(Z) et monsieur X sur d’éventuelles divergences ou défaut de vision stratégique.

Pour ce qui concerne le second grief le manque d’outils fiables de suivi des données financières il apparaît que des conventions d’assistance ont été passées en 2010 entre la société Calicot (devenue Reponse Invest) et Z et entre Z et Reponse Invest par lesquelles Z réalisait des prestations de service et d’assistance portant notamment sur la mise en place d’un outil de pilotage du Groupe, l’amélioration du reporting et du contrôle de gestion. En application de ces conventions des chantiers devaient être mis en place plusieurs chantiers dont un chantier 'finance’ que le conseil de surveillance a considéré comme étant partiellement réalisé lors de l’attribution à monsieur B de sa rémunération variable.

La cour relève ici encore que la société Reponse Invest n’établit pas avoir reproché à monsieur X avant sa révocation des manquement sur le suivi des données financières.

Sur le troisième grief opposé à monsieur X, son incompréhension des attentes du conseil de surveillance, la cour ne peut que constater qu’aucune pièce n’est produite qui établirait que le conseil ait fait part à monsieur X de manquements quant à ses attentes ou même d’une divergence de vues sur les stratégies à adopter.

Il ressort de ces éléments que les motifs dont se prévaut aujourd’hui la société Reponse Invest ayant présidé à la révocation de monsieur X de son mandat de membre du directoire ne sont pas établis.

La décision des premiers juges sera donc confirmée sur ce point.

Quant au caractère vexatoire de la révocation de monsieur X de son mandat de membre du directoire, la cour relève qu’elle n’a pas retenu ce grief à propos de sa révocation de la fonction de président du directoire. Le grief ne sera donc pas retenu pour les mêmes raisons pour ce qui concerne sa révocation de membre du directoire.

La cour confirmera également le montant des dommages et intérêts à allouer à monsieur X en réparation du préjudice subi du fait de sa révocation sans justes motifs.

La cour considère en effet que la révocation de monsieur X de ce mandat est intimement liée et a même été la conséquence de sa révocation de la fonction de président du directoire pour laquelle il était rémunéré.

Sur la demande au titre de la rémunération variable

La société Réponse Invest soutient que c’est le conseil de surveillance, et non le pacte d’actionnaires, qui a fixé les règles concernant l’éventuelle rémunération variable de monsieur E X à compter de l’année 2010. La société Réponse Invest fait valoir que suivant le procès-verbal de la réunion du conseil de surveillance du 27 mai 2010, le conseil de surveillance n’était pas tenu de fixer la rémunération variable du président du directoire avant le 31 mars et qu’il ne s’était pas engagé de manière certaine à verser une rémunération variable au président du directoire. La société Réponse Invest ajoute que le montant de la rémunération variable pouvait théoriquement être nul. La société Réponse Invest soutient qu’une rémunération variable n’aurait pu être versée que si monsieur E X avait atteint ses objectifs. Cependant, d’une part, aucun objectif n’avait pu être agréé entre le conseil de surveillance et monsieur E X car il ne les avait pas accepté et d’autre part, les objectifs devaient être appréciés sur une année. Or, à la date de son départ, seuls 6 mois s’étaient écoulés. Enfin tous les chiffres clés de l’entreprise étaient «dans le rouge» au 30 juin 2012. En conséquence, la société Réponse Invest demande à la cour de réformer le jugement et de débouter monsieur E X de sa demande tendant à voir la société Réponse Invest condamnée à lui verser la somme de 134.000 euros en principal à titre de rémunération variable pour l’exercice 2012.

Monsieur E X soutient que suivant le procès-verbal de la réunion du conseil de surveillance du 27 mai 2010, le conseil de surveillance s’était engagé de manière irrévocable à verser une rémunération variable devant s’ajouter à sa rémunération fixe. Il ajoute que suivant le procès-verbal précité, il appartenait au conseil de surveillance de fixer d’une part, la part variable de la rémunération du président avant le 31 mars et d’autre part, de se réunir et d’émettre la lettre d’objectifs avant le 31 mars 2012. Monsieur E X fait valoir que la société Réponse Invest a donc commis une faute en ne lui notifiant pas ses objectifs 2012 et c’est en réparation de cette faute que la cour doit se prononcer. En conséquence, monsieur E X sollicite de la cour qu’elle condamne la société Réponse Invest à lui verser la somme de 134.000 euros correspondant à la somme due au titre de la part variable.

La cour relève qu’il résulte du procès verbal de la réunion du conseil de surveillance du 27 mai 2010 que le président du conseil de surveillance devait percevoir chaque année en sus de sa rémunération fixe, une somme variable qui sera déterminée avant le 31 mars de chaque année et qui sera basée sur des objectifs de nature quantitative ou qualitative fixés au président et sur divers critères. La somme sera déterminée dans les 30 jours de l’arrêté des comptes consolidés de la société et leur certification par le commissaire aux comptes. Le procès verbal précise par ailleurs qu''il n’existe aucune règle de constance, de généralité, de fixité ou de prédétermination dans les attributions de ce montant variable. Elles reposent sur des éléments objectifs et subjectifs qui sont laissés à l’entière liberté des membres du conseil de surveillance'. Enfin, il est indiqué que 'le montant de la rémunération variable de chaque année sera amené par définition à évoluer à la hausse comme à la baisse. En aucun cas, il ne pourra être considéré comme un avantage acquis.'

Il résulte de ce procès verbal que le montant de la rémunération variable est laissé à l’appréciation des membres du conseil de surveillance en fonction des critères prédéfinis et qu’il ne constitue pas un 'avantage acquis'. La rémunération peut donc être supprimée si les objctifs et les autres critères ne sont pas remplis.

Monsieur X a ainsi perçu en pour l’année 2008 la somme de 135.000 euros, pour l’année 2009 la somme d 195.000 euros, pour l’année 2010 la somme d 98.000 euros et pour l’année 2011 la somme de 124.000 euros.

En 2012, année de sa révocation il n’a rien touché. La cour note qu’aucun objectif n’a été défini avant le 31 mars. En effet, monsieur Y a adressé le 21 mars à monsieur X une proposition de 'structure’ de rémunération pour l’année 2012 avec des objectifs. Cependant il résulte des échanges de courriels entre monsieur X et monsieur Y que si des discussions ont bien eu lieu elles n’ont abouties à aucun document fixant ces objectifs à atteindre faute pour monsieur Y de trouver le temps de rencontrer monsieur X pour en discuter.

La cour note également que la rémunération variable n’était pas le résultat d’un calcul mathématique mais reposait sur d’autres critères que des critères purement financiers comme tente de le faire croire la société Reponse Invest.

La cour considère dés lors que la société Reponse Invest en s’abstenant de fixer des objectifs à monsieur X avant la date conventionnelle du 31 mars 2012 a commis une faute qui sera réparée par l’allocation de la somme de 50.000 euros, somme représentant un peu moins de la moitié de la somme perçue pour l’année précédente au titre de cette rémunération variable, monsieur X n’étant resté dans l’entreprise que pendant six mois en 2012.

Sur l’obligation de non concurrence

La société Réponse Invest fait valoir que par courrier en date du 24 septembre 2012, elle avait libéré monsieur E X de ses obligations de non rétablissement stipulées à l’article 10.1 (b) (iv) du pacte d’actionnaires du 19 mai 2008. La société Réponse Invest soutient que les autres obligations, résultant de l’article 10.1 (b) (iv) du pacte d’actionnaires du 19 mai 2008, qui ont été maintenues, c’est à dire les obligations de non démarchage et de non sollicitation, ne comportaient pas de contrepartie financière.

En conséquence, la société Réponse Invest était parfaitement fondée à libérer monsieur E X de son obligation de non rétablissement et de maintenir sans contrepartie financière ses obligations de non démarchage et de non sollicitation. La société Réponse Invest soutient que le tribunal de commerce de Paris, dans son jugement du 3 octobre 2014, a violé la volonté des parties en octroyant une indemnité fixée par les parties mais non applicable en l’espèce. En effet, l’indemnité d’un an de rémunération brute totale ne visait qu’à couvrir l’obligation de non-rétablissement. Or, la société Réponse Invest avait libéré monsieur E X de cette obligation et elle ne lui devait pas cette indemnité. En conséquence la société Réponse Invest demande à la cour de réformer le jugement déféré et de débouter monsieur E X de sa demande tendant à voir la société Réponse Invest condamnée à lui verser la somme de 412.252 euros en contrepartie d’une prétendue obligation de non-concurrence.

Monsieur E X demande la confirmation du jugement déféré, sous réserve d’une erreur matérielle de chiffrage. Monsieur E X fait valoir qu’il est redevable en toute hypothèse de la contrepartie financière pour les deux motifs suivants: d’une part, la société Réponse Invest a dénaturé l’article 10.1 du pacte d’actionnaires en date du 19 mai 2008, et d’autre part, l’article précité est une clause de non concurrence et dés lors la contrepartie financière s’impose. En conséquence monsieur E X demande à la cour de condamner la société Réponse Invest à lui verser la somme de 412.576 euros représentant le montant fixé par l’article 10.1 du pacte d’actionnaires en date du 19 mai 2008, correspondant à la rémunération brute totale perçue par le dirigeant actionnaire au titre de l’année précédant sa date de départ.

Aux termes de l’article 10 1b) du pacte d’actionnaire du 19 mai 2008 relatif aux engagements des dirigeants actionnaires il est stipulé que ceux ci s’engagent à une obligation de non rétablissement et de non démarchage, en fait de non sollicitation. La société peut décider de mettre en oeuvre cette interdiction et dans ce cas et dans l’hypothèse d’un départ 'good leaver’ du dirigeant, ce qui est le cas en l’espèce, l’article 10 1b) prévoit une rémunération à hauteur du montant global égal à la rémunération brute totale perçue par le dirigeant pour l’ensemble des fonctions remplies au sein du groupe eu titre de l’année précédant sa date de départ.

Monsieur X a reçu une lettre recommandée le 24 septembre 2012 lui notifiant que la société renonçait à exercer son l’option concernant l’obligation de non rétablissement. Il était ajouté que cette renonciation était 'sans préjudice de vos obligations de non démarchage tels que stipulés au Pacte'.

La cour constate en premier lieu que la demande de monsieur X est fondée sur le pacte d’actionnaire et non sur son contrat de travail et considère que les premiers juges ont fait une exacte appréciation des stipulations du pacte en estimant que, selon les termes mêmes du pacte qui définit les deux interdictions comme 'l’interdiction', l’interdiction est composée de l’obligation de non rétablissement et de l’obligation de non sollicitation dont celle de non démarchage.

En tout état de cause et si l’on devait suivre le raisonnement de la société Reponse Invest, il conviendrait de définir quelles sont les obligations auxquelles resterait tenu monsieur X après avoir été délié de son interdiction de non rétablissement.

En l’espèce, monsieur X resterait débiteur d’une interdiction de non démarchage consistant à 'démarcher tout client ou tout fournisseur du Groupe pour leur proposer des produits ou services concurrençant ceux offert par le Groupe dans le cadre de l’Activité'.

Cette activité qui lui reste interdite s’analyse de facto en une interdiction d’activité professionnelle dans le même domaine que celui de la société Reponse Invest. Il s’agit donc bien d’une obligation de non concurrence.

La cour relève que si l’obligation de non concurrence pour être valable ne nécessite pas une contrepartie financière pour les dirigeants actionnaires à la différence des salariés, il est néanmoins possible pour les parties en vertu de la liberté contractuelle, de prévoir une contrepartie financière à une telle clause.

En l’espèce les parties ont entendu donner aux dirigeants actionnaires une contrepartie financière s’appliquant à l''interdiction'.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris sur ce point également hormis sur le montant exact de l’indemnité due à ce titre, le tribunal de commerce ayant commis une erreur.

Sur l’article 700 du Code de procédure civile

Monsieur X sollicite le paiement de la somme de 30.000 euros à ce titre.

Il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais qu’il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens. Il sera donc fait droit à la demande.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 3 octobre 2014, sauf sur le montant de la somme due par la société Reponse Invest à monsieur X au titre de l’obligation de non sollicitation et de non rétablissement,

Statuant à nouveau mais sur ce point uniquement,

Condamne la société Reponse Invest à payer à monsieur E X la somme de 412.576 euros,

Condamne la société Reponse Invest à payer à monsieur E X la somme de 30.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamne la société Reponse Invest aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Pauline ROBERT G H

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