Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 21 mars 2017, n° 16/08190

  • Centre médical·
  • Expertise·
  • Référé·
  • Demande·
  • Dire·
  • État antérieur·
  • Procédure civile·
  • Préjudice·
  • Soins dentaires·
  • Ordonnance

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 - ch. 3, 21 mars 2017, n° 16/08190
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/08190
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 9 juillet 2015, N° 15/54536
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS Pôle 1 – Chambre 3 ARRET DU 21 MARS 2017 (n° 232 , 8 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : 16/08190

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 10 Juillet 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 15/54536

APPELANT

Monsieur X Z

XXX

92200 NEUILLY-SUR-SEINE

né le XXX à TRIPOLI

Représenté par Me Philippe rudyard BESSIS, avocat au barreau de PARIS, toque : C0391

INTIMES

Madame D Y

XXX

XXX

Représentée par Me Jean-philippe PIN de l’AARPI CABINET PIN-BONNETON, avocat au barreau de PARIS, toque : C1908

assistée de Me Emmanuelle BONNETON plaidant pour l’AARPI CABINET PIN-BONNETON, avocat au barreau de PARIS, toque : C1908

SA LA MEDICALE DE FRANCE prise en la personne de son président

assureur des Centres dentaires MAGENTA, F G ET F LAZARE

XXX

XXX

N° SIRET : 582 068 698

XXX

XXX

N° SIRET : 348 865 912 00022

CENTRE DENTAIRE NORD MAGENTA dénommé CENTRE MEDICAL F-LAZARE

XXX

XXX

N° SIRET : 348 865 312 00055

CENTRE DENTAIRE NORD MAGENTA dénommé CENTRE MEDICAL F-G

22 boulevard F G

XXX

N° SIRET : 348 865 312 00030

représentés par Me Hélène FABRE membre de l’Association FABRE, SAVARY FABBRO, avocats au barreau de Paris, toque P 124

CPAM DE SEINE ET MARNE Prise en la personne de son représentant légal

XXX

XXX

Représentée par Me Maher NEMER de la SELARL BOSSU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R295

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Février 2017, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente de chambre

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

Mme J K L, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE – par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Martine ROY-ZENATI, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.

Madame H Y a été l’objet, entre 2009 et 2011, de divers soins dentaires de la part du Docteur X Z. Insatisfaite de ces prestations qu’elle affirme avoir reçues sans devis, sans information préalable et sans nécessité et qui lui auraient causé de graves dommages, elle a saisi le 22 août 2012 la Commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux d’Ile-de-France (CRCI) d’une demande d’indemnisation et a bénéficié d’une expertise à l’issue de laquelle la CRCI a rendu un avis d’incompétence le 10 juillet 2013, estimant que le dommage allégué ne présentait pas un caractère de gravité suffisant lui permettant de se prononcer sur sa demande.

Par acte d’huissier du 5 mai 2015, Madame Y a assigné en référé Monsieur Z ainsi que les centres dentaires où il exerçait et leur assureur responsabilité civile professionnelle la Médicale de France afin de solliciter une expertise médicale sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.

Par ordonnance contradictoire du 10 juillet 2015 qui n’a pas été signifiée, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a :

— rejeté la demande de mise hors de cause de Monsieur Z formée par les centres dentaires défendeurs ;

— ordonné une expertise dentaire de Madame H Y confiée à Monsieur I B, avec la mission suivante :

* interroger la partie demanderesse et recueillir les observations des défendeurs ;

* reconstituer l’ensemble des faits ayant conduit à la présente procédure ;

* établir l’état médical de la demanderesse avant les actes critiqués ;

* en consigner les doléances et procéder si nécessaire à l’audition de tout sachant ;

* préciser les éléments d’information fournis à la demanderesse préalablement à son consentement aux soins critiqués ;

* procéder à l’examen clinique, de manière contradictoire, de la demanderesse et décrire les lésions et séquelles directement imputables aux soins et traitements critiqués, (en joignant si nécessaire un plan de la dentition et des photos) ;

* dire si les actes et traitements étaient pleinement justifiés ;

* dire si ces actes et soins et leurs suivis ont été attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science médicale ; dans la négative, analyser de façon motivée, la nature des erreurs, imprudence, manque de précautions, négligences pré-, per- ou post-opératoires, maladresses ou autres défaillances relevées ;

— dit que même en l’absence de toute faute du défendeur et en ne retenant pas les éléments du préjudice corporel se rattachant soit aux suites normales des soins, soit à l’état antérieur, l’expert devra : * déterminer la durée de l’incapacité temporaire de travail en indiquant si elle est totale ou partielle ;

* fixer la date de consolidation et si celle-ci n’est pas acquise, indiquer le délai à l’issue duquel un nouvel examen devra être réalisé, évaluer les seuls préjudices qui peuvent l’être en l’état ;

* dire s’il résulte des soins prodigués une atteinte permanente à l’intégrité physique et psychique, dans l’affirmative, en préciser les éléments et la chiffrer (en pourcentage) ;

* en cas d’atteinte permanente à l’intégrité physique et psychique, décrire les retentissements des séquelles sur la vie professionnelle et personnelle de la demanderesse ; dire s’il doit avoir recours à une tierce personne, dans l’affirmative, préciser, compte tenu de la nature des actes pour lesquels une assistance est nécessaire, la qualification requise et la durée de l’intervention (en heures , en jours…,) ;

* dire si une indemnisation au titre des souffrances endurées est justifiée, qualifier l’importance de ce chef de préjudice , sur une échelle de 1 à 7 ;

* dire s’il existe un préjudice esthétique, en qualifier l’importance sur une échelle de un à sept ;

* dire s’il existe un préjudice d’agrément, le décrire ;

— dit que l’expert devra enfin :

* vérifier si un devis des travaux a été signé entre les parties ; apprécier le montant des honoraires réclamés par rapport à ceux usuellement pratiqués en région parisienne pour des soins analogues effectués par un praticien de même notoriété ;

* décrire et chiffrer le coût prévisionnel des soins et travaux nécessaires à une remise en état consécutive aux conséquences dommageables des soins et travaux réalisés, en précisant dans la mesure du possible la part qui demeurera à la charge de la patiente et non susceptible d’être prises en charge par les organismes sociaux ;

* dire si l’état de la demanderesse est susceptible de modification, en aggravation ou en amélioration ; dans l’affirmative, fournir tous éléments sur les soins, traitements… qui seront nécessaires, en chiffrer le coût et les délais dans lesquels ils devront être exécutés ;

— rejeté la demande de provision pour procédure abusive formée par le Dr X Z ;

— dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— déclaré l’ordonnance opposable à la CPAM de Seine-et-Marne ;

— laissé provisoirement à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Par déclaration du 7 avril 2016, M. Z a interjeté appel de cette décision.

Par ses conclusions transmises le 8 juin 2016, il demande à la cour d’annuler en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé du 10 juillet 2015, rejeter la demande de nouvelle expertise réclamée par Mme Y, la condamner à lui verser 2000 € au titre de cette nouvelle procédure abusive et 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens. Il soutient :

— que la demande d’expertise ne présente aucun motif légitime, s’apparentant à une demande de contre-expertise qui relève de la compétence du seul juge du fond puisqu’elle a pour objectif de remettre en cause le travail des premiers experts, dont le rapport était suffisant puisque contradictoire et exempt de toute critique de la part de Mme Y ;

— que la demande avait déjà été présentée en référé et rejetée, et sa réitération n’est pas recevable puisque la radiographie panoramique de 2007 dont elle se prévaut ne constitue pas un élément nouveau, ayant déjà été produite lors de la première instance ;

— que les analyses des Docteurs Leclerc et Augarten, payés par Mme Y, ou leurs opinions contraires ne suffisent pas à valider la nécessité d’une nouvelle expertise car elles n’ont pas été contradictoires ;

— qu’enfin, le chirurgien-dentiste ne peut être tenu que d’une obligation de moyens, y compris dans la délivrance d’un appareillage , et qu’au regard des articles L. 1142-1-I du code de la santé publique et 1147 du code civil, la preuve de l’existence d’une faute commise par le chirurgien-dentiste n’est pas rapportée par les simples affirmations de certains praticiens et devis produits.

Par ses conclusions transmises le 29 juin 2016, Mme Y demande la cour de :

— confirmer l’ordonnance rendue le 10 juillet 2015 par le juge des référés près le tribunal de grande instance de Paris en toutes ses dispositions ;

— dire et juger abusif et dilatoire l’appel interjeté par le Docteur Z en ce qu’il a attendu d’avoir participé aux opérations d’expertise, de connaître les conclusions de l’expert et d’échouer dans sa tentative de le voir remplacer pour interjeter appel ;

— condamner le Docteur Z au paiement d’une amende civile de 3 000 € ;

— le condamner au paiement par provision d’une somme de 5 000 € en réparation du préjudice subi du fait de cet appel dilatoire et abusif, ainsi que d’une somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens qui seront recouvrés par Me Jean Philippe Pin conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Elle fait valoir :

— que la mesure d’expertise repose bien sur un motif légitime puisqu’elle vise à analyser son état buccodentaire antérieur aux soins réalisés par le Docteur Z afin d’apprécier la responsabilité de ce dernier sur le fondement d’éléments non soumis à la CRCI et notamment les pièces démontrant l’aggravation de son état et la comparaison de son état antérieur avec celui résultant des soins contestés ;

— que la mesure ne peut être qualifiée de contre-expertise car la CRCI ne connaissait pas l’état antérieur de la patiente ;

— que son état de santé s’est encore dégradé puisqu’elle a perdu en mars 2015 la dent 11, que d’autres menacent de tomber et que son certificat médical du 11 mai 2015 réalisé par le Docteur A atteste qu’elle présente de nouveaux abcès dentaires au niveau des dents traitées par le Docteur Z. – que l’existence d’une procédure pénale pendante ne fait pas échec à sa demande d’expertise judiciaire, la règle le criminel tient le civil en l’état n’étant pas applicable devant le juge des référés selon l’article 5-1 du code de procédure pénale.

— que le Docteur Z a abusé de son droit d’agir en justice puisque son appel n’est motivé que par le désir de voir retarder l’issue du litige, ayant attendu de connaître la position de l’expert pour contester le bien fondé de l’expertise.

Par leurs conclusions transmises le 28 juillet 2016, la SA La Médicale de France, le Centre dentaire Nord Magenta, le Centre dentaire Nord Magenta encore dénommé 'Centre médical F-G’ et le Centre dentaire Nord Magenta dénommé 'Centre médical F-Lazare’ demandent à la cour de dire et juger qu’ils s’en remettent à son appréciation et sa sagesse quant aux demandes formulées par M. Z et rejeter toutes les demandes de condamnation qui pourraient être formulées à leur encontre.

Ils précisent que leurs conclusions ne valent en rien reconnaissance de responsabilité à l’égard de Madame Y et qu’ils se réservent le droit, dans l’hypothèse où l’appel de M. Z serait rejeté, de discuter le bien-fondé des observations et conclusions adoptées par l’expert dans son rapport déposé le 12 avril 2016 dont ils ne partagent pas l’analyse.

Par ses conclusions transmises le 24 juin 2016, la CPAM de Seine-et-Marne demande à la cour de débouter l’appel interjeté par le Docteur Z, confirmer l’ordonnance en toutes ses dispositions, et condamner le Docteur Z à lui verser la somme de 3000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens d’appel dont distraction au profit de la SELARL Bossu & Associés, Avocats, et ce, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Elle rappelle qu’elle a été amenée à verser diverses prestations dans l’intérêt de Madame Y qui s’élèvent à un montant de 6405,90 € et qu’en application de l’article L.376-1 du code de la sécurité sociale, elle dispose d’un recours subrogatoire sur les sommes versées à la victime en réparation de son préjudice corporel. Elle considère donc qu’il convient de confirmer l’ordonnance rendue le 10 juillet 2015 en ce qu’elle a ordonné une mesure d’expertise.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions transmises et développées lors de l’audience des débats.

MOTIFS

Considérant qu’aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé ;

Considérant que la demande de Madame Y étant formée afin d’établir la responsabilité de Monsieur Z du dommage qu’elle prétend avoir subi du fait de ses soins dentaires, il n’appartient pas au juge des référés de se prononcer sur les conditions de la mise en cause de celle-ci qui relève du seul juge du fond et qui n’est à ce stade qu’éventuelle ;

Considérant en revanche que Madame Y justifie bien d’une aggravation de son état depuis l’avis rendu par la CRCI par le compte rendu établi le 21 juillet 2014 par les Drs Jacquin et Attal du service d’odontologie de l’hôpital Pitié Salpetrière qui décrit point par point et date par date les troubles et dommages dentaires subis par la patiente ; que ceux-ci ont persisté et se sont aggravés en 2015 avec de nouveaux abcès et extraction ; que le Centre médical Opéra a certifié le 1er octobre 2014 que l’état de santé de Madame Y était altéré par un trouble dentaire aggravé et chronique avec complications psychosomatiques durables justifiant sa mise en invalidité catégorie II et la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées de la Seine-et-Marne a décidé le 5 mars 2015 l’attribution à l’intéressée d’une allocation aux adultes handicapés en lui reconnaissant un taux d’incapacité permanente évalué entre 50% et 79% ; que la mesure sollicitée et exécutée ne s’apparente donc pas à une contre-expertise, la CRCI ayant elle-même précisé à la fin de sa décision qu’il appartenait à Madame Y de saisir à nouveau la Commission au cas où surviendrait une aggravation de son état, notamment après consolidation ; que l’ordonnance doit être ainsi confirmée en ce qu’elle a ordonné une expertise confiée à M. B avec la mission susvisée ;

Considérant qu’il en résulte que la demande de M. Z de dommages-intérêts pour procédure abusive n’est pas fondée et doit être rejetée ;

Considérant en revanche, sur la demande reconventionnelle, que si l’exercice d’un recours constitue, en principe, un droit, il peut dégénérer en abus et que tel est bien le cas en l’espèce, M. Z n’ayant formé appel que lorsqu’il a eu connaissance des conclusions défavorables de l’expert et ne sollicitant donc 'l’annulation’ de la décision que pour faire échec au dépôt du rapport après avoir sollicité en vain la récusation de l’expert au vu du pré-rapport ; que cette attitude procédurière cause un préjudice moral évident à son ex-patiente en lui imposant une nouvelle procédure, qui sera justement réparé par l’allocation de dommages-intérêts provisionnels à hauteur de 1500 € ;

Considérant que le sort des dépens et de l’indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge ; qu’en revanche, il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame Y et de la CPAM leurs frais de représentation en appel et il leur sera alloué la somme de 2000 € à chacune à ce titre ;

PAR CES MOTIFS

Confirme l’ordonnance de référé du 10 juillet 2015 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Rejette les demandes de Monsieur Z ;

Le condamne à payer à Madame H Y les sommes de :

—  1500 € à titre provisionnel de dommages-intérêts pour appel abusif

— et 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Le condamne à payer à la CPAM de Seine-et-Marne la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Le condamne aux dépens de l’appel, qui seront recouvrés dans les conditions prévues par l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 21 mars 2017, n° 16/08190