Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 29 juin 2018, n° 15/23699

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 6, 29 juin 2018, n° 15/23699
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 15/23699
Sur renvoi de : Cour de cassation, 21 septembre 2015, N° U14-18.174
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRET DU 29 JUIN 2018

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 15/23699

Décisions déférées à la Cour :

Arrêt du 22 Septembre 2015 -Cour de Cassation de PARIS – Pourvoi n° U14-18.174

Arrêt du 14 Mars 2014 – Cour d’appel de Paris – Pôle 5 Chambre 11 -RG 11/22139

Jugement du 19 Mai 2011 – Tribunal de commerce d’Evry – RG 2009F00583

DEMANDERESSE A LA SAISINE APRES CASSATION

LA BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS

[…]

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

[…]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Ayant pour avocat plaidant Me Pierre ELLUL, avocat au barreau d’ESSONNE

[…]

Monsieur Y X

Né le […] à Grenoble

[…]

[…]

Représenté par Me Anne-Marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque: B0653

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 15 Mai 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Françoise CHANDELON, Présidente de chambre

Madame Pascale GUESDON, Conseiller

Mme Pascale LIEGEOIS, Conseillère

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme A B

ARRET :

— Contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Françoise CHANDELON, présidente et par Madame A B, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La société Gidis Sodichal, qui exploitait un fonds de commerce de produits et matériel alimentaires, disposait d’un compte courant dans les livres de la Banque Populaire Rives de Paris (BPRP).

Cet établissement lui a consenti :

— un prêt de 100 000 € le 24 juin 2005,

— des crédits à court terme par l’émission de 8 billets à ordre, le dernier d’un montant de 250000 € souscrit le 30 juin 2008, à échéance le 31 juillet suivant.

Le 3 juin 2005, Monsieur Y X, président et fondateur de la société Gidis Sodichal dont les activités ont démarré le 1er octobre1980, a cautionné le prêt à hauteur de 30 000 €.

Le 27 février 2007, il a souscrit un second engagement de caution au titre de l’ensemble des engagements de la société dans la limite de 60 000 €.

Il a enfin avalisé les 8 billets à ordre, le premier émis le 20 juillet 2007.

Le 21 juillet 2008 le tribunal de commerce d’Évry a admis la société Gidis Sodichal au bénéfice du redressement judiciaire, converti en liquidation par jugement du 15 septembre 2008.

La créance de BPRP a été admise le 3 décembre 2009 dans les termes des déclarations des 6 août et 15 septembre 2008 à savoir 42 402,18 € au titre du prêt, 251339,11 € au titre du billet à ordre, 8 106,07 € correspondant à un effet impayé et 51100,23 €, montant du solde débiteur du compte courant.

Un certificat d’irrecouvrabilité lui a été adressé le 4 mai 2009.

C’est dans ce contexte qu’après avoir vainement mis en demeure Monsieur X de satisfaire à ses engagements de caution et d’avaliste par courriers des 6 août et 15 septembre 2008, BPRP a engagé la présente procédure par exploit du 4 septembre 2009.

Par jugement du 19 mai 2011, le tribunal de commerce d’Évry a, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, condamné Monsieur X à payer à la banque la somme de 90000 € due au titre de ses cautionnements portant intérêts au taux légal à compter du 6 août 2008 avec capitalisation ainsi qu’à une indemnité de 1 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile mais a annulé l’aval du billet à ordre du 30 juin 2008.

La juridiction consulaire a par ailleurs fait droit à la demande de délais de paiement de Monsieur X, l’autorisant à régler sa dette en 23 mensualités de 500 €, le solde à la 24e échéance.

Sur appel de la banque, la présente juridiction, autrement composée a, par arrêt du 14 mars 2014 confirmé ce jugement et alloué à Monsieur X une indemnité de 4000€ sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur le pourvoi formé par la BPRP et par arrêt du 22 septembre 2015, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt dans toutes ses dispositions, renvoyé la cause et les parties devant la cour d’appel de Paris autrement composée et indemnisé les frais irrépétibles des auteurs du pourvoi.

La Cour de cassation fait grief à la cour d’appel d’avoir confirmé le jugement en reprochant à la banque la fourniture d’un crédit abusif, moyen relevé d’office sur lequel les parties n’avaient pas été appelées à s’expliquer, Monsieur X ayant fondé sa demande de nullité de l’aval sur le dol.

La cour de renvoi a été saisie par déclaration du 20 novembre 2015.

Dans ses dernières conclusions du 10 avril 2018, BPRP demande à la cour de confirmer le jugement déféré du chef des condamnations prononcées, de l’infirmer pour le surplus et de condamner Monsieur X à lui payer les sommes de 250 000 € au titre de l’aval du billet à ordre souscrit le 30 juin 2008 et de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures notifiées le 26 mars 2018, Monsieur X conclut à la confirmation du jugement en ce qu’il a déclaré nul le billet à ordre et lui a accordé des délais de paiement, à son infirmation pour le surplus, se prévalant de la déchéance de la banque pour disproportion de ses engagements de caution. Il sollicite une indemnité de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 avril 2018.

CELA ETANT EXPOSE,

LA COUR

Sur l’appel principal

Considérant que pour conclure à la nullité de l’aval donné, Monsieur X, qui ne conteste pas la régularité formelle de son engagement ou de l’effet de commerce litigieux, expose en substance qu’il ne l’a souscrit que dans la certitude du maintien de ses concours par la banque alors que dès le 7 juillet, celle-ci les a dénoncés, précipitant l’ouverture d’une procédure collective, sa décision étant manifestement arrêtée lors de la signature du billet à ordre, BPRP connaissant la situation irrémédiablement compromise de sa cliente ;

Qu’il en déduit que le crédit correspondant n’a été accordé que dans le seul intérêt de la banque, pour réduire le découvert du compte courant de la société et soutient que s’il avait été informé de l’intention de la banque de rompre toute relation, il n’aurait pas consenti à se porter avaliste ;

Qu’il ajoute, sans pour autant invoquer les dispositions de l’article L650-1 du code de commerce, dont les conditions d’application sont particulièrement strictes, qu’en agissant de la sorte BPRP a aggravé la situation de l’entreprise et ainsi celle de son garant ;

Considérant toutefois, outre qu’il n’est pas démontré que BPRP ait promis ou suggéré qu’elle maintiendrait son concours financier à la société Gidis Sodichal si Monsieur X avalisait le billet à ordre, de sorte qu’aucune man’uvre dolosive n’est démontrée, toute banque étant libre d’accorder ou non un crédit, qu’à supposer que Monsieur X ait été informé d’une telle intention et refusé son aval, la banque aurait nécessairement exigé qu’il règle le précédent effet, de même montant, souscrit le 30 avril 2008 et à échéance le 30 juin ;

Considérant que les pièces produites démontrent ainsi à suffisance que la banque n’a pas cherché à se couvrir contre l’insolvabilité de sa cliente en transférant son propre risque sur le dirigeant de celle-ci mais qu’il l’a régulièrement accompagnée dans la recherche de solutions lui permettant d’assurer sa pérennité ;

Qu’il apparaît ainsi que la société Gidis Sodichal a décidé au cours de l’été 2006 d’abandonner la plate forme volaille qui dégageait une marge trop faible pour développer une nouvelle clientèle dans le secteur snacking ;

Qu’elle a par ailleurs réduit sa flotte de véhicule en novembre 2006 et prévoyait de baisser de 5 à 7% ses emplois salariés en juin suivant ;

Qu’à la même période elle a décidé, selon les affirmations non contredites de BPRP de renoncer à mobiliser ses créances pour recourir à des crédits à court terme sous forme de billets à ordres, tous avalisés par Monsieur X ;

Qu’elle a confié deux mandats successif d’assistance à cession d’actions, le premier à la société Eliance parts sociales le 13 décembre 2006, le second à la société Groupe Cesacq le 27 juin 2007 ;

Qu’elle a avisé la banque, le 30 août 2007, que sa candidature était retenue par la société Sodexho dans le cadre d’un nouveau marché dont la mise en 'uvre débutait le 1er février 2008, projet qui n’a finalement pas vu le jour selon les conclusions d’appel ;

Que le 15 mai 2008, elle annonçait à la banque une augmentation de capital de 320000 € grâce à une prise de participation de la société Unidis à hauteur de ce montant dont il était justifié à la banque par un courrier du 29 janvier 2008 ;

Considérant que c’est à la lumière de ces informations que BPRP a accepté d’accorder des crédits à court terme objets de 3 billets à ordre de 140 000 € sur la période du 20 juillet au 30 novembre 2007, d’un billet à ordre de 120 000 € le 31 décembre 2007, à échéance le 31 janvier suivant, puis de quatre billets à ordre de 250 000 € à compter du 15 janvier 2008 exigeant cependant qu’ils soient avalisés par Monsieur X lequel en a accepté l’augure en toute connaissance de cause dans l’espoir démontré que de nouveaux marchés ou un apport de capital par des investisseurs extérieurs permettraient d’éviter un dépôt de bilan ;

Considérant en conséquence qu’il n’y a pas lieu d’annuler l’aval souscrit par Monsieur X le 30 juin 2008 de sorte qu’il convient, infirmant le jugement déféré, d’accueillir la demande en paiement de la banque ;

Sur l’appel incident

Sur la disproportion de l’engagement de caution

Considérant qu’aux termes de l’article L341-4 du code de la consommation, devenu L332-1 du même code, l’engagement de caution conclu par une personne physique au profit d’un créancier professionnel ne doit pas être manifestement disproportionné aux biens et revenus déclarés par la caution sous peine de déchéance de s’en prévaloir ;

Considérant que la caution dirigeante peut bénéficier de cette disposition sous réserve d’apporter la preuve de la disproportion qui lui incombe ;

Considérant encore qu’il résulte de ce texte que la patrimoine des cautions à la date des engagements doit être pris en compte en plus des revenus de sorte que Monsieur X ne saurait se borner à évoquer le montant de sa retraite au soutien de sa demande de déchéance ;

Considérant que le 2 mai 2005, en perspective du cautionnement du prêt qui devait être donné le 3 juin suivant, Monsieur X a rempli une fiche de renseignement faisant état d’un patrimoine immobilier d’une valeur de 250 000 € et de revenus annuels de 54096€ ;

Qu’il n’a mentionné aucune charge, notamment locative ;

Que la banque n’ayant pas, sauf anomalie apparente, à vérifier la sincérité des déclarations qui lui sont faites, Monsieur X ne saurait faire état d’un loyer ou des autres engagements souscrits au profit du Crédit Industriel et Commercial les 23 mars et 15 avril 2005 à hauteur de 80 000 € et 150 000 € ;

Que seul peut être pris en compte le cautionnement consenti le 11 mai 2005 à Fortis Banque, soit 60 000 €, le prêt du 3 juin 2005 étant d’un montant total de 300 000 € avec une participation de BPRP limitée à 100 000 € comme précisé à l’acte ;

Considérant que le capital déclaré permettait à Monsieur X de s’engager à hauteur de 90 000 € et qu’aucune disproportion ne peut être constatée ;

Considérant que lors de la souscription du cautionnement « omnibus », le 27 février 2007, Monsieur X a rempli une nouvelle fiche de renseignement évaluant son patrimoine à la somme de 450 000 €, ses revenus annuels à 54 000 € et ne mentionnant, au titre de ses autres engagements que ceux souscrits auprès de BPRP et de la Fortis permettant à la banque de supposer qu’ils se rapportaient au prêt de 2005 ;

Considérant qu’il ne peut, pour les raisons précitées, invoquer les autres engagements souscrits au bénéfice du CIC ou le cautionnement « omnibus » donné à la banque Fortis le 10 août 2006 ;

Qu’il en résulte que c’est à bon droit que BPRP a accepté qu’il se porte caution à hauteur de 60 000 €, son patrimoine déclaré l’y autorisant ;

Que le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté sa demande de déchéance ;

Sur l’obligation de mise en garde

Considérant qu’en l’absence de disproportion des engagements de caution, la banque n’a à les mettre en garde que dans l’hypothèse où le projet qu’elle financerait serait irrémédiablement voué à l’échec entraînant nécessairement la mise en 'uvre des garanties demandées, ce dont ils n’auraient pu se convaincre eux mêmes comme profanes en la matière ;

Et considérant que Monsieur X ayant fondé puis géré pendant 38 ans une entreprise « multibancarisée » est averti tandis que l’ancienneté de l’entreprise ne laissait pas supposer qu’elle serait dans l’incapacité de solder un prêt de restructuration ou de rembourser le crédit accordé ;

Que la banque n’avait donc aucune obligation de mise en garde et que Monsieur X sera débouté de sa demande formée à ce titre ;

Sur les délais de paiement

Considérant que Monsieur X n’a pas profité de la longueur de la procédure pour exécuter les causes du jugement pourtant assorti de l’exécution provisoire alors encore que les 23 premières échéances étaient d’un montant modeste au regard de la condamnation prononcée ;

Que le quantum de la créance admise par la cour ne lui permettant pas de s’en acquitter en 24 versements tandis que Monsieur X ne justifie pas d’une mise en vente de son patrimoine immobilier permettant seul de solder sa dette, sa demande de délais ne peut être accueillie ;

Considérant que l’équité commande d’allouer à BPRP une indemnité de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré en ce qu’il annulé l’aval donné le 3 juin 2008 et accordé à Monsieur Y X des délais de paiement ;

Statuant à nouveau de ces chefs ;

Condamne Monsieur Y X à verser à la Banque Populaire Rives de Paris somme de 250 000 € portant intérêts au taux légal à compter du 6 août 2008 ;

Ordonne la capitalisation des intérêts selon les modalités prévues par l’article 1343-2 du code civil ;

Rejette la demande de délais de paiement ;

Confirme pour le surplus les dispositions du jugement non contraires au présent arrêt ;

Y ajoutant,

Condamne Monsieur Y X au paiement d’une indemnité de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Y X aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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