Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 20 décembre 2018, n° 16/11192

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 5, 20 déc. 2018, n° 16/11192
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/11192
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 29 mars 2016, N° 2013017144
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRÊT DU 20 DÉCEMBRE 2018

(n° , 13 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 16/11192 – N° Portalis 35L7-V-B7A-BY3KH

Décision déférée à la cour : jugement du 30 mars 2016 -tribunal de commerce de PARIS – RG n° 2013017144

APPELANTES

SAS SOLIDEO

Ayant son siège […]

[…]

N° SIRET : 326 923 950

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

SELARL A N O prise en la personne de Maître Z A ès-qualités de « Mandataire judiciaire » de la société SOLIDEO

[…]

[…]

SELARL B X ET D E ès-qualités de 'Commissaire à l’éxécution du plan’ de la société SOLIDEO

Ayant son siège […]

[…]

Représentées par Maître AA-AB AC de la SCP BRODU – CICUREL – AC – GAUTHIER – MARIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0240

Ayant pour avocat plaidant Maître Henry de MERCEY, avocat au barreau de PARIS, toque : P338

INTIMÉE

[…]

Ayant son siège social […]

[…]

N° SIRET : 439 026 139

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Maître Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant Maître Thomas DUBREIL, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 18 octobre 2018, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur V W, Président de chambre

Madame F G, Conseillère, chargée du rapport

Madame Estelle MOREAU, Conseillère

qui en ont délibéré,

un rapport a été présenté à l’audience par Madame F G dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame H I

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur V W, Président de chambre et par Madame H I, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Eurodep est dépositaire de produits pharmaceutiques destinés à être livrés aux officines de pharmacie, aux cliniques et aux hôpitaux, aux grossistes-répartiteurs et aux boutiques de parapharmacie.

Elle a conclu le 30 août 2010 un contrat de prestations de transport avec la société Mory Team pour une durée de deux ans, tacitement reconductible sauf dénonciation par l’une des parties quatre mois avant l’échéance.

À compter du mois de février 2011, la société Solidéo, société du groupe Mory, a fourni des prestations de transport à la société Eurodep.

Par jugement du 27 juin 2011, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de

redressement judiciaire à l’égard de la société Mory Team.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 10 avril 2012, la société Eurodep a indiqué à la société Solidéo, que pour les prestations effectuées, elle avait signé un contrat de transport de marchandises avec la société Mory Team le 30 août 2010 d’une durée de deux ans qui pouvait être dénoncé à l’échéance contractuelle moyennant un préavis de quatre mois et que par conséquent elle rompait ce contrat, applicable dans leurs rapports, à compter du 1er septembre 2012.

Le 13 juin 2012, la société Mory Team et la Société Baulaud Gladel & Martinez, en qualité d’administrateur judiciaire de la société Mory Team, d’une part, et la société Eurodep d’autre part, ont conclu un accord transactionnel relatif à un différend les opposant sur le paiement de factures à la société Mory Team et la compensation unilatéralement opérée par la société Eurodep au titre de litiges transport et d’une remise contractuelle de fin d’année.

Le 10 juillet 2012, la procédure de redressement judiciaire ouverte à l’égard de la société Mory Team a été convertie en liquidation judiciaire.

Le 20 juillet 2012, la société Eurodep a procédé unilatéralement à une compensation de créances entre les sommes dues à la société Solidéo au titre des prestations de transport effectuées et une créance alléguée au titre de litiges transport.

Par lettre du 26 juillet 2012, la société Solidéo a mis en demeure la société Eurodep de lui régler le solde de ses factures contestant la compensation effectuée avec la créance alléguée, au motif qu’elle ne serait pas certaine, liquide et exigible.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 30 juillet 2012, la société Eurodep, faisant référence à son précédent courrier du 10 avril 2012, a confirmé à la société Solidéo qu’elle mettait fin à leurs relations contractuelles à partir du 31 août 2012.

Par lettre du 7 août 2012, la société Solidéo a émis des réserves quant à la validité de cette résiliation dans la mesure où le courrier du 10 avril 2012 faisait référence à un contrat ne la concernant pas.

Par lettre du 8 août 2012, la société Solidéo a avisé la société Eurodep qu’en raison du défaut de paiement de ses factures, elle exerçait son droit de rétention sur la marchandise en sa possession à compter du 9 août 2012 et prononçait la déchéance du terme pour la totalité des factures émises.

La société Eurodep a cessé toute remise de marchandises à la société Solidéo à compter du 9 août 2012.

Le 24 août 2012, la société Eurodep a réglé le solde des factures émises par la société Solidéo en demandant la restitution de la marchandise retenue.

Par lettre du même jour, la société Eurodep a confirmé le terme du contrat les liant au 31 août 2012.

Par jugement du tribunal de commerce d’Amiens en date du 4 janvier 2013, une procédure de sauvegarde la a été ouverte à l’égard de la société Solidéo.

Par exploit du 4 mars 2013, la société Solidéo a assigné la société Eurodep devant le tribunal de commerce de Paris en vue de voir réparer le préjudice résultant notamment de la rupture brutale de la relation commerciale établie entre les deux sociétés.

Par jugement rendu le 30 mars 2016, le tribunal de commerce Paris a :

— pris acte de l’intervention volontaire du commissaire à l’exécution du plan de sauvegarde et du

mandataire judiciaire de la société Solidéo, et les a dits recevables,

— dit sans objet l’exception d’irrecevabilité soulevée par la société Eurodep et l’en a débouté,

— rejeté comme irrecevable la demande de la société Solidéo de voir rejetée la créance de 77.856,72 euros déclarée par la société Eurodep au passif de sauvegarde de la société Solidéo et renvoyé la société Solidéo à mieux se pourvoir devant le juge commissaire de la procédure de sauvegarde près du tribunal de commerce d’Amiens,

— débouté la société Solidéo de toutes ses demandes d’indemnisation,

— débouté la société Eurodep de sa demande de dommages et intérêts,

— condamné la société Solidéo à payer à la société Eurodep 1.000 euros au titre de l’application de l’article 700 du code de procédure civile, la déboutant pour le surplus,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,

— débouté les parties de leurs autres demandes,

— condamné la société Solidéo aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44 euros dont 13,52 euros de TVA.

La société Solidéo, la société A N O, agissant en la personne de Me Z A en qualité de mandataire judiciaire de la société Solidéo, et la société B X et D E, agissant en qualité de commissaire à l’exécution du plan de la société Solidéo, ont interjeté appel de cette décision le 18 mai 2016.

***

PRÉTENTIONS ET MOYENS DE PARTIES :

Dans leurs dernières conclusions du 22 novembre 2016, les sociétés Solidéo, A N O, B X et D E demandent à la cour de :

— infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 30 mars 2016 en ce qu’il a débouté la société Solidéo de toutes ses demandes tant pour la réparation du préjudice subi du 9 au 31 août 2012 qu’au titre de la rupture abusive des relations contractuelles,

En conséquence et statuant à nouveau ;

— condamner la société Eurodep à payer à la société Solidéo la somme de 91.422,56 euros TTC en principal, assortie des intérêts légaux à compter du 26 septembre 2012, date de la mise en demeure, jusqu’au 31 août 2012,

— condamner la société Eurodep à payer à la société Solidéo la somme de 9.863 euros correspondant à la perte de marge subie au titre des deux dernières dizaines du mois d’août 2012,

— condamner la société Eurodep à payer à la société Solidéo les sommes de 214.335 euros au titre du préjudice subi en raison de la rupture abusive des relations contractuelles,

— débouter la société Eurodep de ses demandes au titre du caractère prétendument abusif de la procédure et plus généralement de toutes ses demandes,

— condamner la société Eurodep à payer à la société Solidéo la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— la condamner en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître AA-AB AC de la SCP Brodu Cicurel AC Gauthier, Avocats à la Cour,

conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La société Solidéo critique la décision entreprise en ce qu’elle a retenu qu’elle était un sous-traitant au sens du décret n°2003-1295 du 26 décembre 2003. Or elle conteste avoir été sous-traitant de la société Eurodep et se prévaut de l’existence d’un contrat de transport à titre principal dans ses rapports avec celle-ci. Elle dénie la qualité de commissionnaire de transport revendiquée par la société Eurodep, son objet social ne le lui permettant pas, et rappelle que cette dernière n’a été inscrite au registre des commissionnaires de transport que le 5 juillet 2012, soit moins d’un mois avant la rupture des relations commerciales entre elles, et que constitue une infraction pénale le fait d’exercer l’activité de commissionnaire de transport sans être inscrit au registre. Elle ajoute que la société Eurodep ne saurait se prévaloir de sa propre turpitude pour lui imposer le régime du contrat type de sous-traitance de transport.

Au soutien de ses demandes en paiement des sommes de 91.422,56 euros et de 9.863 euros, elle invoque l’article 1134 du code civil. Elle affirme que les relations contractuelles devaient se poursuivre à tout le moins jusqu’au 31 août 2012, date fixée par Eurodep elle-même dans ses lettres de préavis. Elle expose qu’elle a, dans ces conditions, continué à mettre à disposition de la société Eurodep les moyens nécessaires à la réalisation de la prestation prévue au contrat, en particulier des véhicules et des chauffeurs, jusqu’au 31 août 2012. Elle ajoute avoir respecté ses obligations en livrant les marchandises retenues en vertu de son droit de rétention dès le paiement des factures dues. Elle affirme que la société Eurodep a cessé de lui remettre toute marchandise à compter du 9 août 2012. Dès lors, elle estime son préjudice résultant du non-respect du préavis annoncé d’une part, à la somme de 91.422,56 euros, qui correspond aux trois factures restées impayées au titre des moyens mis à disposition (véhicules, chauffeurs, taxe gas-oil), et d’autre part, à la somme de 9.863 euros correspondant à sa perte de marge.

En ce qui concerne la rupture des relations contractuelles, elle estime que ses relations avec la société Eurodep n’étaient pas régies par le contrat conclu le 30 août 2010 entre la société Eurodep et la société Mory Team prévoyant un préavis de quatre mois. Elle fait ainsi valoir que cette société est une société distincte d’elle et qu’aucune confusion sur l’identité du cocontractant ne pouvait intervenir dès lors qu’elle facturait à son nom les prestations effectuées et ce, d’autant plus que la société Eurodep et la société Mory Team ont signé le 13 juin 2012 un protocole d’accord transactionnel mettant fin à leurs différends suite à l’arrêt de leurs relations commerciales. Elle précise qu’elle n’est pas filiale de la société Mory Team mais des sociétés l’Achemineur et SNTD Automotive du groupe Mory. Elle considère ainsi qu’un nouveau contrat non écrit a été conclu au mois de février 2011. Elle estime, dans ces conditions, que le courrier du 10 avril 2012 ne lui était pas adressé, et ne lui est pas opposable, de même que le courrier du 30 juillet 2012 qui fait référence au courrier du 10 avril 2012.

En tout état de cause, la société Solidéo soutient que la rupture, à supposer la lettre du 30 juillet 2012 valable, est abusive au sens de l’article L.442-6, I, 5° du code de commerce puisqu’elle ne prévoit qu’un préavis d’un mois. Elle affirme que le point de départ du délai de préavis ne saurait courir de la lettre du 10 avril 2012 dès lors que ce courrier traitait des relations avec la société Mory Team qui ont fait l’objet d’un protocole d’accord transactionnel le 13 juin 2012. Elle soutient que son cocontractant lui avait laissé entendre que les relations se poursuivraient entre elles, ce qui expliquerait la nouvelle lettre du 30 juillet 2012. Elle affirme que le préavis ne pouvait être inférieur à six mois pour tenir compte de la durée des relations commerciales, du chiffre d’affaires réalisé avec la société Eurodep (1,5 million annuel), du type de contrat (la recherche d’une solution alternative nécessitant un certain délai en matière de transport routier de marchandises compte tenu de

l’importance des salariés et du nombre de véhicules utilisés) et de l’investissement réalisé pour acquérir un convoyeur permettant de traiter le flux de la société Eurodep. Elle sollicite à ce titre l’indemnisation tant des pertes subies qu’elle estime à un montant de 125.565 euros (coût des licenciements corrélatifs, coût des locations de véhicules dédiés) que des gains manqués qu’elle évalue à 88.770 euros (marge brute sur six mois). Sur la demande reconventionnelle de l’intimée, elle dénie tout abus de procédure.

Dans ses dernières conclusions du 27 juin 2018, la société Eurodep demande à la cour de :

À titre principal,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Solidéo de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

À titre subsidiaire,

— débouter la société Solidéo de ses demandes indemnitaires,

En toutes hypothèses,

— réformer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre du caractère manifestement abusif de la procédure,

— condamner solidairement la société Solidéo et la SCP X&Declerq, es qualités, au paiement d’une somme de 3.000,00 euros à titre de dommages et intérêts,

— condamner solidairement la société Solidéo et la SCP X&Declerq, es qualités, au paiement d’une somme de 10.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens dont distraction au profit de la SELARL Lexavoue Paris Versailles.

La société Eurodep soutient tout d’abord que la société Solidéo a repris le contrat conclu le 30 août 2010 avec la société Mory Team et que le délai de préavis de quatre mois contractuellement prévu était applicable. Elle fait valoir que depuis l’origine ce contrat n’a pas été exécuté par la société Mory Team elle-même mais par des filiales du groupe Mory, d’abord la société Distriteam, puis la société Solidéo. Elle précise que ce changement de filiale a été décidé unilatéralement par la société Mory Team qui a entretenu une confusion sur la nature du changement en précisant qu’il s’agissait d’abord d’un changement de dénomination sociale, puis en admettant qu’il y avait une substitution de sociétés. Elle ajoute que la reprise du contrat est encore démontrée par le fait que la facturation était établie sur des bases tarifaires identiques reprises sur un format de facture très similaire et mentionnant un paiement à adresser au centre Mory Groupe et que la société Solidéo avait acquis du matériel de la société Distriteam et repris les contrats de travail de salariés de la société Distriteam. Elle souligne encore que les prestations des deux sociétés se sont succédé puisque la société Mory Team a fourni des prestations jusqu’au 31 janvier 2011 et que la société Solidéo a commencé à fournir les prestations à compter du 1er février 2011. Elle fait observer que ni la société Distriteam ni la société Mory Team n’ont résilié le contrat du 30 août 2010, ce qui démontrerait qu’il s’est poursuivi.

Si la cour devait considérer que le contrat du 30 août 2010 n’était pas opposable à la société Solidéo, elle soutient que le contrat la liant à cette dernière devrait être qualifié de sous-traitance de transport. Dans ces conditions, elle fait valoir que les dispositions de l’article L 442-6-1 5° ne s’appliquent pas et que seules les dispositions du contrat-type défini par le décret n°2003-1295 du 26 décembre 2003, qui prévoient un préavis de trois mois lorsque la durée de la relation est supérieure à un an, sont applicables. A cet égard, elle affirme avoir la qualité de commissionnaire de transport malgré la tardiveté de son inscription au registre professionnel puisque les contrats la liant avec ses clients

(laboratoires, fabricants ou distributeurs) lui laissent une totale liberté d’organiser le transport des produits pharmaceutiques qui lui sont confiés.

Elle ajoute, si l’application du contrat type en matière de sous-traitance de transport était exclue, que la société Solidéo n’est pas fondée à réclamer le respect d’un préavis de six mois sur le fondement de l’article L.442-6 du code de commerce, puisque d’une part, la durée des relations commerciales nouées (comprise entre 14 et 19 mois) ne le justifie pas et que d’autre part, la société Solidéo ne se trouvait pas en état de dépendance économique à son égard (la part des relations avec la société Eurodep dans le chiffre d’affaires de la société Solidéo s’élevant à 11,3 % en 2011 et à 17,8 % en 2012).

En ce qui concerne le point de départ du délai de préavis, elle estime qu’il remonte au 10 avril 2012 dans la mesure où sa volonté de mettre fin aux relations commerciales existantes est clairement affirmée dans le courrier daté du même jour. Elle considère avoir respecté ses obligations jusqu’au terme du préavis et affirme que la société Solidéo a perturbé le bon déroulement du préavis en exerçant un droit de rétention de manière illégitime.

À titre subsidiaire, la société Eurodep fait valoir, quant au paiement de trois factures d’août 2012 au titre de « mise à disposition de moyens » réclamé par la société Solidéo, que ces sommes ne sauraient se cumuler avec la perte de chiffre d’affaires dont elle demande l’indemnisation. Elle ajoute que l’application de la taxe gasoil, destinée à compenser les éventuelles variations du coût du carburant, est injustifiée faute pour la société Solidéo d’avoir consommé du carburant à partir du 8 août 2012.

La société Eurodep fait valoir ensuite que les préjudices allégués par la société Solidéo ne sont pas liés à la brutalité de la rupture. En effet, elle affirme que la société Solidéo ne rapporte par la preuve que les licenciements allégués ont eu lieu du fait de la brutalité de la rupture, et même dans le cas contraire, elle ne démontre pas qu’elle aurait pu reclasser les salariés ou que les licenciements auraient pu être évités moyennant un délai de préavis plus long. Ensuite elle soutient qu’aucun élément ne permet de relier la location de véhicules à l’exécution du contrat Eurodep ni ne démontre l’impossibilité de mettre fin à la location en raison de la brutalité de la rupture. Par ailleurs, concernant le gain prétendument manqué invoqué par la société Solidéo au titre des trois dernières semaines du mois d’août 2012, elle affirme que dans la mesure où la société Solidéo s’est refusée à exécuter ses obligations, elle n’a pu lui confier de nouveaux transports. En ce qui concerne l’indemnisation d’un préjudice pour gain manqué pendant six mois à compter du 1er septembre 2012, elle argue de l’absence de démonstration du préjudice allégué, le tableau versé aux débats à cet effet n’ayant aucune valeur probante et n’étant de surcroît corroboré par aucune pièce extérieure.

Enfin la société Eurodep fait valoir le caractère abusif de la procédure diligentée à son encontre puisque la société Solidéo ne pouvait ignorer l’absence de bien fondé de son action dans la mesure où ses dirigeants connaissaient l’existence et les stipulations du contrat signé le 30 août 2010 avec la société Mory Team.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées pour l’exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 27 septembre 2018.

***

MOTIFS :

Considérant que la société Solidéo sépare ses demandes d’indemnisation en deux périodes de temps distinctes en invoquant deux fondements différents ; qu’elle demande, sur le fondement contractuel, l’indemnisation de ses préjudices sur la période allant du 9 août au 31 août 2012 ; qu’elle sollicite, par

ailleurs, sur le fondement de l’article L 442-6 du code de commerce, l’indemnisation de ses préjudices pour la période postérieure au 31 août 2012 ; que l’examen des demandes par la cour suivra donc cet ordre ;

' Sur les demandes formées par la société Solidéo sur le fondement contractuel

Sur la nature des relations contractuelles entre la société Eurodep et la société Solidéo

Considérant que les parties sont en désaccord sur la nature des relations juridiques les liant dans la mesure où la société Eurodep revendique le statut de commissionnaire de transport et attribue la qualité de sous-traitant de transport à la société Solidéo alors que celle-ci dénie tout rapport de sous-traitance et se prévaut de la qualité de transporteur principal ;

Considérant que la société Solidéo a conclu avec ses clients ' laboratoires pharmaceutiques, fabricants ou distributeurs de médicaments ' un contrat de commissionnaire – dépositaire aux termes duquel elle s’engage à assurer la livraison, la facturation et le recouvrement des produits aux clients des laboratoires ; qu’il est constant que la société Eurodep a confié à la société Solidéo des prestations de transport de produits pharmaceutiques à destination d’officines de pharmacie, cliniques, hôpitaux, grossistes-répartiteurs et boutiques de parapharmacie ; qu’ainsi que l’ont justement relevé les premiers juges, il n’est pas discuté que la société Eurodep n’est pas propriétaire des produits pharmaceutiques transportés et que les laboratoires propriétaires lui ont confié la mission d’organiser la distribution desdits produits aux pharmacies, hôpitaux et cliniques et officines désignés par eux ; qu’il n’est pas prétendu que la société Eurodep aurait la qualité de transporteur ; qu’ainsi, la société Eurodep a la qualité d’opérateur de transport au sens des articles 1er et 3 de l’annexe I du décret n°2003-1295 du 26 décembre 2003, et plus précisément, celle de commissionnaire de transport, au sens de l’article 3 de ladite annexe, c’est à dire «prestataire de service qui organise et fait exécuter, sous sa responsabilité et en son nom propre, un transport de marchandises selon les modes et les moyens de son choix pour le compte d’un commettant» ; qu’il importe peu pour la qualification du contrat liant la société Eurodep à la société Solidéo que la société Eurodep n’ait effectué son inscription au registre des commissionnaires de transport que le 5 juillet 2012 ; qu’en effet, la sanction pénale prévue en cas d’exercice illicite de l’activité de commissionnaire de transport n’entache aucunement la validité du contrat de commission conclus et qui continue à produire son effet ; qu’il est, par ailleurs, indifférent que la société Eurodep soit mentionnée, sur les lettres de voiture produites, à la suite des mots : « Expéditeur, Remettant » ; que dans ces conditions, la société Solidéo ne peut revendiquer être transporteur à titre principal et a nécessairement la qualité de sous-traitante de la société Eurodep ;

Sur l’application du contrat conclu le 30 août 2010 dans les relations entre la société Eurodep et la société Solidéo

Considérant que les parties s’opposent sur le contrat les liant puisque la société Eurodep considère que le contrat du 30 août 2010 conclu avec la société Mory Team a été repris par la société Solidéo tandis que celle-ci considère qu’un contrat verbal distinct a été conclu entre elles ;

Considérant que la cession de contrat est l’opération par laquelle le cédant transfère au cessionnaire l’ensemble des effets de droit (dettes, créances et autres prérogatives ou charges) créés par le contrat conclu avec le cédé ; que la substitution de cocontractant suppose un accord entre le cédant et le cessionnaire mais ne peut avoir d’effet à l’égard du cédé sans son consentement ;

Considérant qu’en l’espèce, il est établi que la société Eurodep et la société Mory Team ont conclu le 30 août 2010 un contrat dénommé «Protocole d’accord distribution dédiée région parisienne» par lequel la société Mory Team s’est engagée à effectuer des prestations de transport (enlèvement, livraison, mise à disposition de véhicules, retours) pour les produits exploités par la société Eurodep en vue de leur distribution en région parisienne ;

Considérant qu’il n’est pas discuté que ces prestations étaient en réalité assurées, non par la société Mory Team elle-même, mais par une société du groupe Mory, la société Distriteam ; que, par courriel du 4 février 2011, Madame P Y, salariée de la société Mory Team désignée par le contrat du 30 août 2010 en qualité d’interlocuteur privilégié de la société Eurodep, a avisé cette dernière qu’à compter du 7 février 2011, « la raison sociale de Distriteam Alfortville deviendra SOLIDEO. Rien d’autre ne change concernant la distribution de vos produits en RP (région parisienne) » ; qu’en réponse à une interrogation de la société Eurodep, Madame Y a précisé, par courriel du même jour : « A ma connaissance, vous ne changez absolument rien, c’est entièrement transparent pour vous sauf que sur SIRCO au lieu de voir Distriteam, vous verrez dorénavant SOLIDEO. C’est juste pour info. Solideo est également une filiale Mory. » ; que, par un autre courriel du 17 février 2011, Madame Q R, directeur des ventes de la société Mory Team, indique au directeur général de la société Eurodep : «Je vous confirme que concernant votre dossier «dédié» au départ d’Alfortville, la facturation sera désormais au nom de Solidéo le responsable de cette filiale est Mr B S que nous vous présenterons (') lors d’une visite sur le site d’Alfortville.» ; qu’il est établi qu’à la différence de ce qui était pratiqué avec la société Distriteam dont les prestations étaient facturées au nom de la société Mory Team, les prestations réalisées par la société Solidéo ont été facturées par cette dernière ; qu’il n’est pas démenti que la facturation était établie sur des bases tarifaires identiques à celles pratiquées par la société Mory Team ; qu’il est constant que la société Solidéo a acquis un convoyeur de la société Distriteam pour traiter les flux de la société Eurodep ; qu’il est encore démontré que les prestations de la société Distriteam et de la société Eurodep se sont succédées dans le temps puisque la société Distriteam a fourni des prestations pour le compte de la société Mori Team jusqu’au 31 janvier 2011 (facture n°177021334 du 31 janvier 2011) et que la société Solidéo a commencé à fournir des prestations à compter du 1er février 2011 (facture n°294000539 du 29 février 2011); qu’il sera encore observé que la société Mory Team n’a pas résilié le contrat du 30 août 2010, ce qui démontre qu’il s’est poursuivi au-delà de la fin de son intervention au titre des prestations ; qu’à cet égard, il sera relevé que le protocole d’accord conclu le 13 juin 2012 entre la société Mory Team et la société Eurodep ne mentionne aucune date concernant les factures faisant l’objet de l’accord ni ne fait état d’aucun contrat auquel il aurait été mis un terme ; qu’il ne peut donc être déduit de la conclusion de ce protocole que le contrat du 30 août 2010 concerne exclusivement les rapports entre la société Eurodep et la société Mory Team ;

Considérant que l’ensemble de ces éléments démontre que le contrat du 30 août 2010 a été cédé par la société Mory Team à la société Solidéo, avec l’accord tacite de la société Eurodep qui a été pleinement informée du changement de cocontractant, a été destinataire des factures établies au nom d’un prestataire distinct de son cocontractant initial et a effectué des paiements à ce nouveau prestataire ;

Sur le point de départ du délai de préavis

Considérant que les parties sont également en désaccord sur le point de départ du délai de préavis annonçant la fin des relations contractuelles ; que la société Eurodep considère avoir donné un préavis par lettre du 10 avril 2012 confirmé le 30 juillet 2012 tandis que la société Solidéo estime que lesdits courriers ne la concernaient pas puisqu’ils faisaient référence à un contrat qu’elle estimait ne pas lui être opposable ;

Considérant qu’il ressort de ce qui précède que le contrat du 30 août 2010 a été repris par la société Solidéo ; que celle-ci ne peut donc prétendre ne pas être concernée par ce contrat ; qu’en outre, contrairement à ce qu’elle soutient, elle n’a pu se méprendre sur la volonté de mettre fin aux relations les unissant exprimée par la société Eurodep par lettre du 10 avril 2012 dans la mesure où celle-ci précise expressément qu’elle considère que le contrat du 30 août 2010 conclu avec la société Mory Team est applicable dans leurs rapports ; que c’est donc à cette date qu’a commencé à courir le préavis contractuel de quatre mois nonobstant les courriers ultérieurs adressés par la société Eurodep à la société Solidéo les 30 juillet et 24 août 2012 dès lors que ceux-ci n’ont fait que confirmer la volonté de rompre toutes relations à compter du 31 août 2012 et qu’il n’est pas démontré que la

société Eurodep aurait entendu revenir sur le premier préavis délivré ;

Sur le respect du délai contractuel de préavis

Considérant que les parties s’opposent encore sur le respect du délai de préavis annoncé ; que la société Solidéo prétend que la société Eurodep aurait cessé toute livraison le 9 août 2012 ; que la société Eurodep ne dément pas ce point mais affirme que la société Solidéo en est responsable par la retenue abusive des marchandises confiées les 8 et 9 août 2012 ;

Considérant que selon l’article 2286 du code civil, « Peut se prévaloir d’un droit de rétention sur la chose :

1° Celui à qui la chose a été remise jusqu’au paiement de sa créance ;

2° Celui dont la créance impayée résulte du contrat qui l’oblige à la livrer ;

3° Celui dont la créance impayée est née à l’occasion de la détention de la chose ;

4° Celui qui bénéficie d’un gage sans dépossession.

Le droit de rétention se perd par le dessaisissement volontaire. » ;

Considérant qu’en l’espèce, la société Solidéo, qui revendiquait le paiement de créances au titre des prestations effectuées en exécution du contrat la liant à la société Eurodep, a exercé le droit de rétention reconnu par l’article susvisé après une mise en demeure du 26 juillet 2012 demeurée infructueuse ; que la société Eurodep soutient que l’exercice du droit de rétention était exclu dès lors qu’elle se prévalait de pertes et avaries et avait effectué une compensation en conséquence ; que toutefois si le contrat du 30 août 2010 mettait à la charge du transporteur des indemnités en cas de perte ou avarie de la marchandise, la créance d’indemnité de la société Eurodep à ce titre n’était ni certaine, ni liquide, ni exigible et n’était donc pas susceptible de compensation ; qu’en revanche, dès lors qu’il n’était pas discuté que les prestations de livraison avaient été fournies par la société Solidéo, la créance de cette dernière était certaine dans son principe et pouvait donner lieu à l’exercice d’un droit de rétention ; que c’est donc à tort que la société Eurodep prétend que la société Solidéo serait responsable de l’inexécution du préavis contractuel nonobstant les pertes et avaries dont elle se prévalait ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société Eurodep était tenue d’exécuter le contrat la liant à la société Solidéo au-delà du 8 août 2012 ; que ce contrat aurait dû se poursuivre jusqu’au 30 août 2012 inclus, date d’échéance de la durée de deux ans stipulée, et non jusqu’au 31 août 2012 comme l’affirme la société Solidéo ; que la société Eurodep a donc commis une faute contractuelle en ne confiant plus de marchandises à la société Solideo à compter du 9 août 2012 ;

Considérant que la société Solidéo demande réparation du préjudice résultant de cette faute correspondant la mise à disposition des moyens nécessaires à la réalisation de sa prestation entre le 9 août et le 31 août 2012 au titre desquels elle a émis trois factures :

— une facture correspondant à la mise à disposition de quinze véhicules par jour du 13 août au 20 août 2012 inclus pour un montant de 29.034,10 euros,

— une facture correspondant à la mise à disposition de quinze véhicules par jour du 21 août au 31 août 2012 inclus pour un montant de 52.261,37 euros,

— une facture correspondant à la taxe gasoil pour le mois d’août 2012 pour un montant de 10.127,09 euros ;

Qu’elle réclame également réparation du préjudice correspondant à la perte de marge subie entre le 9 août et le 31 août 2012 pour un montant de 9.863 euros ; que la société Eurodep discute ces chefs de préjudices ;

Considérant qu’il est établi que la société Solidéo avait l’obligation, en vertu du contrat du 30 août 2010, de mettre à la disposition de la société Eurodep quinze véhicules exclusivement dédiés ainsi que des chauffeurs jusqu’au terme du contrat; que les factures émises à ce titre chiffrent à 4.855,20 euros le montant de la perte subie par jour ; que toutefois, pour attester ce montant, la société Solidéo ne produit aucun élément justificatif hormis une facture correspondant à la location de véhicules pour le mois d’août 2012 d’un montant de 9.189,12 euros, soit 306 euros par jour ; que la société Eurodep ne peut sérieusement discuter que ladite facture est bien afférente aux véhicules mis à sa disposition ; que le préjudice résultant de la mise à disposition de véhicules pendant dix-huit jours sera donc estimé à 5.508 euros (306 euros x 18 jours ); que le surplus de sa demande sur ce point sera rejeté ;

Considérant qu’en ce qui concerne la «taxe gasoil», il s’agit d’un supplément facturé par les transporteurs pour compenser le risque de variabilité du coût du carburant ; qu’en l’absence de transport effectué par la société Solidéo pour le compte de la société Eurodep entre le 9 et le 30 août, la société Solidéo ne saurait arguer avoir subi un préjudice de ce chef ; que dans ces conditions, elle ne peut prétendre à cette taxe que pour la période du 1er au 8 août, soit un montant de 2.700 euros ( 9.863 euros / 30 jours x 8 jours) ; que le surplus de sa demande de ce chef sera rejeté ;

Considérant que la société Solidéo revendique le paiement d’intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure délivrée le 26 septembre 2012 ; que toutefois en application de l’article 1153-1 du code civil, dans sa version applicable au litige, les intérêts des créances indemnitaires ne courent qu’à compter du prononcé du jugement ; que dès lors, cette demande sera rejetée ;

Considérant par ailleurs que pour établir le gain manqué, la société Solidéo verse aux débats un tableau faisant ressortir mois par mois le chiffre d’affaires réalisé avec la société Eurodep, le coût de la sous-traitance et la marge brute réalisée ; que ce tableau n’est pas sérieusement discuté par la société Eurodep qui se contente d’en dénier la valeur probante sans objecter de moyens sérieux ; qu’il échet de relever que le taux de marge brute tel qu’il ressort de ce tableau s’élève à 12 %, ce qui est un taux habituel en matière de transport ; que ce tableau concorde avec l’ensemble des factures émises par la société Solidéo au titre des prestations effectuées pour la société Eurodep pour la période comprise entre les mois de février 2011 et juillet 2012 ; que dans ces conditions, il y a lieu de retenir cette évaluation ; que la marge brute de la société Solidéo réalisée avec la société Eurodep s’élevant à 14.795 euros par mois, il sera alloué de ce chef une somme de 9.863 euros (14.795 x 2/3) ;

Considérant que la société Eurodep sera donc condamnée à régler à la société Solidéo une somme de 8.208 euros au titre de la mise à disposition de moyens pour la période du 9 au 30 août 2012 ainsi qu’une somme de 9.863 euros au titre de la perte de marge subie pendant la même période ;

' Sur les demandes formées par la société Solidéo sur le fondement délictuel

Considérant que l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dispose qu’engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels;

Considérant que, si les dispositions de l’article L. 442-6 I 5° du code de commerce ne s’appliquent pas dans le cadre des relations commerciales de transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants, lorsque le contrat-type qui prévoit la durée des préavis de rupture, institué par

la loi du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs, régit les rapports du sous-traitant et de l’opérateur de transport, ce n’est qu’à la condition qu’aucune stipulation contractuelle ne prévoie de préavis ;

Considérant qu’en l’espèce, un préavis de quatre mois ayant été prévu par le contrat du 30 juillet 2010, les dispositions de l’article L. 442-6 I 5° du code de commerce, et non celles du contrat-type, sont applicables ;

Considérant qu’au vu de ce qui précède et contrairement à ce que soutient la société Solidéo, le préavis réellement exécuté par la société Eurodep s’est étendu entre le 10 avril 2012, date de la lettre annonçant la fin des relations, et le 9 août 2012, date de l’arrêt des livraisons, soit pendant une période de quatre mois ; qu’il sera relevé que les indemnisations revendiquées par la société Solidéo au titre de l’insuffisance du préavis sur le fondement de l’article L 442-6 I 5° recouvrent nécessairement en partie les indemnisations allouées au titre du non-respect du préavis contractuel sur le fondement de l’article 1134 du code civil correspondant à la période du 9 au 30 août 2012 ; qu’il ne saurait être alloué une double indemnisation de ce chef ; qu’en outre, au regard de la faible ancienneté des relations (dix-huit mois), de l’absence de dépendance économique, du secteur concerné (les transports) et de l’absence de preuve de l’impossibilité de réutiliser, avec un autre partenaire, le convoyeur acquis, la durée de préavis observée apparaît suffisante ; que dans ces conditions, la demande d’indemnisation pour rupture brutale formée par la société Solidéo sera rejetée et le jugement entrepris confirmé sur ce point ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Considérant que l’exercice d’une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol ;

Considérant qu’il ressort de ce qui précède qu’aucun abus du droit d’agir en justice ne peut être reproché à la société Solidéo ; que dans ces conditions, la demande de dommages et intérêts de la société Eurodep sera écartée et le jugement entrepris confirmé de ce chef ;

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Considérant que la société Eurodep succombe à l’instance ; qu’elle sera donc condamnée aux dépens de l’instance d’appel qui pourront être recouvrés selon les modalités de l’article 699 du code de procédure civile ; que la société Eurodep sera condamnée à payer à la société Solidéo une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; que la demande de la société Eurodep sur ce point sera rejetée ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

DIT que la société Eurodep a la qualité de commissionnaire de transport dans ses rapports avec la société Solidéo et que la société Solidéo a la qualité de sous-traitante de la société Eurodep ;

DIT que le contrat conclu le 30 août 2010 entre la société Eurodep et la société Mory Team a été repris par la société Solidéo ;

DIT que le délai de préavis contractuel a commencé à courir le 10 avril 2012 ;

CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Paris du 30 mars 2016 en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Solidéo au titre de la rupture brutale des relations

commerciales et la demande de dommages et intérêts de la société Eurodep pour procédure abusive ;

L’INFIRME sur le rejet des demandes d’indemnisation de la société Solidéo au titre de la mise à disposition de moyens jusqu’au 31 août 2012 et de la perte de marge subie pendant les deux dernières dizaines du mois d’août 2012, sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens ;

Statuant de nouveau sur les points infirmés,

DIT que la société Eurodep a commis une faute contractuelle en ne confiant plus de marchandises à la société Solideo à compter du 9 août 2012 ;

CONDAMNE la société Eurodep à régler à la société Solidéo une somme de 8.208 euros au titre de la mise à disposition de moyens pour la période du 9 au 30 août 2012 ainsi qu’une somme de 9.863 euros au titre de la perte de marge subie pendant la même période ;

DÉBOUTE la société Sodidéo du surplus de ces demandes sur ces points ;

CONDAMNE la société Eurodep à verser à la société Solidéo une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la demande de la société Eurodep de ce chef ;

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus ;

CONDAMNE la société Eurodep aux dépens qui pourront être recouvrés selon les modalités de l’article 699 du code de procédure civile ;

La Greffière Le Président

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 20 décembre 2018, n° 16/11192