Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 22 mai 2018, n° 16/17580

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 1, 22 mai 2018, n° 16/17580
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/17580
Publication : Legipresse, 363, septembre 2018, p. 420-421, note
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 30 juin 2016, N° 14/03274
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, 1er juillet 2016, 2014/03274
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : CIE INTERNATIONALE DES WAGONS-LITS ET DES GRANDS EXPRESS EUROPEENS
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 96619149
Classification internationale des marques : CL39
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Référence INPI : M20180192
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Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS ARRÊT DU 22 mai 2018

Pôle 5 – Chambre 1

(n°068/2018, 11 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : 16/17580 Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 juillet 2016 -Tribunal de Grande Instance de Paris – RG n° 14/03274

APPELANTE La société WL DIFFUSION, SARL, Inscrite au RCS de Nanterre sous le n° B 408 732 865, Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège […] c/o Fidexo 92100 BOULOGNE BILLANCOURT Représentée et assistée de Me Philippe O, avocat au barreau de PARIS, toque : E0377

INTIMÉES SA CHANEL Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège […] 92200 NEUILLY SUR SEINE Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034 Assistée de Me Marie GEORGES P de l’AARPI HOYNG ROKH MONEGIER LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : P0512

SAS TAPIOCA FILMS Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège […] 75018 PARIS Représentée et assistée de Me Vincent TOLEDANO, avocat au barreau de PARIS, toque : A0859

La société VENICE SIMPLON-ORIENT EXPRESS LIMITED, société de droit étranger, Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège 1 st Floor Schackleton House 4 Battle B L SE2HP LONDRES Royaume-Uni Représentée par Me Luca DE MARIA de l PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assistée de Me Anne B substituant Me Béatrice M et Martine K, de la société d’avocats JP K et Associés, avocats au barreau de PARIS, toque R156 COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été débattue le 28 mars 2018, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur David PEYRON, Président de chambre Mme Isabelle DOUILLET, Conseillère M. François THOMAS, Conseiller qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRET: Contradictoire • par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. • signé par David PEYRON, Président de chambre et par Karine ABELKALON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE La société COMPAGNIE DES WAGONS-LITS (CWL) et la COMPAGNIE PARIS-LYON-MEDITERRANEE (PLM) sont des compagnies ferroviaires historiques de luxe fondées respectivement en 1872 et 1857.

La société CWL, qui est notamment à l’origine du lancement de l’Orient-Express et du Transsibérien, a pris en 1883 la dénomination de 'COMPAGNIE INTERNATIONALE DES WAGONS-LITS ET DES GRANDS EXPRESS EUROPEENS (CIWL)' qu’elle a fait figurer dans un monogramme doré, décrit comme 'composé d’un ruban ceignant deux lions et entrelacé de feuilles stylisées', qui décore les voitures de ses trains.

En 1967, la CIWL a diversifié ses activités dans l’hôtellerie et le tourisme et a parallèlement modifié sa raison sociale, devenue la COMPAGNIE INTERNATIONALE DES WAGONS-LITS ET DU TOURISME (CIWLT).

La société PLM a été absorbée par le groupe hôtelier ACCOR et en 1996, celui-ci a créé, conjointement avec la CIWLT, la société WAGONS-LITS DIFFUSION (WL DIFFUSION) qui se présente

comme ayant pour activités la gestion et la valorisation des éléments du patrimoine historique et des archives des deux compagnies ferroviaires précitées.

La société CIWLT a déposé la marque semi-figurative n°96619149, enregistrée le 28 mars 1996 pour désigner des produits et services en classes 3, 8, 9, 11, 14, 20, 28, 29, 30 et 39, renouvelée le 14 février 2006, composée d’un blason représentant deux lions entourés d’un motif en forme de ruban sur lequel figure la mention 'COMPAGNIE INTERNATIONALE DES WAGONS LITS ET DES GRANDS EXPRESS EUROPEENS', et auquel est accrochée une branche d’arbuste.

Par un contrat conclu le 21 février 1997, la CIWLT a consenti à la société WL DIFFUSION une licence d’exploitation de la marque précitée, limitée à la commercialisation et à la vente 'de produits et articles de luxe à l’exclusion de toute autre activité dans quelque domaine que ce soit'.

Par un contrat du 10 décembre 2012, les sociétés ACCOR et CIWLT ont cédé une série de titres à la société WL DIFFUSION, dont la marque française semi-figurative n°96619149 pour les produits désignés en classes 3, 8, 9, 11, 14, 20, 28, 29 et 30, exclusion ainsi faite des services de transport de la classe 39.

La société WL DIFFUSION indique qu’en qualité de cessionnaire de cette marque, elle noue différents types de partenariats avec des acteurs économiques désireux d’utiliser les éléments du patrimoine qu’elle est chargée d’exploiter.

La société de droit anglais VENICE SIMPLON-ORIENT-EXPRESS (ci-après, la société VSOE) est une filiale de la société BELMOND venant aux droits de la société SEA CONTAINERS Inc. qui, aux termes d’un contrat conclu le 29 janvier 1980 avec la société COMPAGNIE INTERNATIONALE DES WAGONS-LITS ET DU TOURISME (CIWLT), a acquis plusieurs wagons qu’elle utilise dans le cadre de son exploitation du train Venice Simplon-Orient-Express.

Aux termes du même contrat, la CIWLT a concédé à la société SEA CONTAINERS, agissant tant pour son compte que pour celui de toute société appartenant au groupe SEA CONTAINERS, pendant toute la durée de vie de chacun des wagons, l’usage du nom 'Compagnie Internationale des Wagons-Lits et des Grands Express Européens', du monogramme de la CIWLT et des autres marques de la CIWLT apposées sur les wagons.

La société CHANEL a créé en 1921 le parfum n° 5 et ce produit, devenu emblématique, a fait l’objet de nombreux films publicitaires mettant en scène des personnalités du monde du cinéma, telles que Catherine D, Carole B ou encore Nicole K.

En 2008, la société CHANEL a décidé de lancer une nouvelle campagne publicitaire pour son parfum n°5 et la ligne de produits associés. Dans ce but, elle a fait appel à Jean-Pierre J, réalisateur de la comédie romantique Le Fabuleux Destin d’Amélie P, ainsi qu’à sa société de production TAPIOCA FILMS qui a été chargée de réaliser et produire un film intitulé Train de nuit mettant en scène l’actrice Audrey TAUTOU dans une rencontre, sous forme de chassé-croisé, avec un jeune homme entre les gares de Limoges et d’Istanbul.

Estimant que ce film constituait une exploitation illicite de ses signes, en ce qu’il montrait en particulier, d’une part, un plan reproduisant le blason aux lions constitutif de sa marque semi-figurative positionné à l’entrée du wagon de l’Orient Express lors de l’embarquement de la passagère et, d’autre part, deux plans montrant une fenêtre et l’avancée du train laissant apparaître partiellement mais très lisiblement la mention « COMPAGNIE INTERNATIONALE DES WAGONS LITS ET DES GRANDS EXPRESS EUROPEENS », la société WL DIFFUSION a adressé le 7 mars 2013 à la société CHANEL une sommation de cesser la diffusion du film et de lui communiquer les éléments nécessaires à l’évaluation de son préjudice.

En l’absence de suite favorable réservée à cette demande, elle a saisi le juge des référés en vue d’obtenir une expertise sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, ce qui lui a été refusé par une ordonnance rendue le 16 octobre 2013, aux motifs notamment qu’il n’existait pas de risque de dépérissement des preuves et que les demandes faites à l’expert étaient extrêmement générales de sorte que les conditions du texte précité n’étaient pas remplies.

Par acte d’huissier en date du 14 février 2014, la société WL DIFFUSION a assigné la société CHANEL devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de marque et parasitisme.

Les sociétés VSOE et TAPIOCA FILMS sont intervenues volontairement à la procédure.

Dans un jugement rendu le 1er juillet 2016, le tribunal a notamment : • prononcé la déchéance des droits de la société WL DIFFUSION sur la marque semi-figurative n°96619149 pour les produits de la classe 3 'Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; produits de parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices', à compter du 29 mars 2001 ; • rejeté les demande de la société WL DIFFUSION au titre de la contrefaçon de marque ; • dit que la société WL DIFFUSION n’établit pas bénéficier de la protection au titre de la marque renommée ;

• rejeté les demandes de la société WL DIFFUSION au titre des atteintes à la marque renommée ; • rejeté les demandes de la société WL DIFFUSION au titre des actes de parasitisme ; • débouté la société CHANEL de sa demande reconventionnelle au titre de la procédure abusive ; • déclaré sans objet sa demande de garantie dirigée contre la société TAPIOCA FILMS ; • dit n’y avoir lieu de statuer sur le moyen d’irrecevabilité soulevé par la société TAPIOCA FILMS ; • condamné la société WL DIFFUSION aux dépens et au versement, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, des sommes de : • 8 000 euros à la société CHANEL ; • 1 500 euros à la société VENICE SIMPLON ORIENT EXPRESS ; • 1 500 euros à la société TAPIOCA FILMS ; • dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire.

Le 17 août 2016, la société WL DIFFUSION a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions numérotées 4 transmises par RPVA le 12 décembre 2017, la société WL DIFFUSION demande à la cour :

— de lui donner acte qu’elle accepte le jugement en ce qu’il a : • prononcé la déchéance de ses droits sur la marque semi-figurative n°96619149 pour les produits de 'Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; produits de parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices, à compter du 29 mars 2001 ; • dit que la décision une fois définitive sera transmise à l’INPI à l’initiative du greffe ou de la partie la plus diligente pour transcription sur le registre national des marques, • de le réformer en ce qu’il a : • rejeté ses demandes au titre de la contrefaçon de marque, au titre des atteintes à la marque renommée, au titre des actes de parasitisme, •condamnée aux dépens,

•de condamner la société CHANEL pour atteinte à sa marque notoire semi-figurative 'COMPAGNIE INTERNATIONALE DES WAGONS LITS ET GRANDS EXPRESS EUROPEENS’ et pour parasitisme, notamment par voie de reproduction illicite et de représentation de sa marque dans le cadre d’une campagne publicitaire dite Train de Nuit, • d’ordonner le retrait total par la société CHANEL et ses ayant droits, sur tous supports, y compris sur internet, de tous extraits, vidéogrammes, images ou représentations totales ou partielles de la campagne publicitaire Train de Nuit sous astreinte de 500€ par infraction constatée,

• de constater que le préjudice qu’elle subit au titre des faits d’atteinte à sa marque notoire commis à ce jour par CHANEL ne saurait être inférieur à la somme de 3 150 000 € et de condamner la société CHANEL au versement de cette somme, • de constater que le préjudice qu’elle subit au titre du parasitisme ne saurait être inférieur à la somme de 1 125 000 € et de condamner la société CHANEL au versement de cette somme, en application des dispositions de l’article '1382" du code civil, •subsidiairement, de nommer un expert aux fins d’évaluation de son préjudice, •en tout état de cause, de dire la société CHANEL mal fondée en son appel incident et la débouter en toutes ses demandes à son encontre, • de débouter la société VENICE SIMPLON ORIENT EXPRESS de toutes ses demandes, de débouter toute partie de toute demande autre ou contraire, • de condamner la société CHANEL aux dépens et au versement d’une somme de 40 000 € au titre de l’article 700 code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions numérotées 2 transmises par RPVA le 25 janvier 2018, la société CHANEL demande à la cour :

•de débouter la société WL DIFFUSION de l’ensemble de ses demandes, •de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé la déchéance des droits de la société WL DIFFUSION sur la marque française semi-figurative n° 96 619 149 pour tous les produits qu’elle désigne en classe 3, à savoir 'Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; produits de parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices, à compter du 29 mars 2001, • de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société WL DIFFUSION de l’ensemble de ses demandes, • d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande en réparation pour procédure abusive et vexatoire et, à ce titre, de condamner la société WL DIFFUSION à lui verser la somme de 40 000 € à titre de dommages et intérêts, • à titre subsidiaire, de condamner la société TAPIOCA Productions à la garantir de l’ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, • en tout état de cause, de condamner la société WL DIFFUSION à lui verser la somme complémentaire de 30 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions transmises par RPVA le 16 janvier 2017, la société VSOE demande à la cour : • de confirmer le jugement,

• de débouter la société WL DIFFUSION de l’ensemble de ses demandes, • de la condamner à lui verser la somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions transmises par RPVA le 26 janvier 2018, la société TAPIOCA FILMS demande à la cour :

•à titre principal, de dire la société WL DIFFUSION mal fondée en toutes ses demandes et de confirmer le jugement, •à titre subsidiaire, de débouter la société CHANEL de sa demande de garantie, •de condamner la partie qui succombe dans son recours à lui verser une indemnité de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est du 13 février 2018.

MOTIFS DE L’ARRÊT

Considérant qu’en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées ;

Sur les chefs du jugement non critiqués

Considérant que la société appelante demande qu’il lui soit donné acte de ce qu’elle accepte le jugement en ce qu’il a : • prononcé la déchéance de ses droits sur la marque semi-figurative n°96619149 pour les produits de 'Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; produits de parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices, à compter du 29 mars 2001 ; • dit que la décision une fois définitive sera transmise à l’INPI à l’initiative du greffe ou de la partie la plus diligente pour transcription sur le registre national des marques ;

Que par ailleurs, nonobstant les termes de son dispositif, l’appelante ne conteste pas non plus le jugement en ce qu’il l’a rejeté ses demandes au titre de la contrefaçon de sa marque semi-figurative n°96619149, ce qui ressort sans ambiguïté du corps de ses écritures (notamment, pages 22 et 23) ;

Que dès lors, en l’absence de toute critique, le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs par adoption de ses motifs pertinents et exacts tant en fait qu’en droit ;

Sur l’atteinte à la marque renommée

Considérant que la société WL DIFFUSION fait valoir que sa marque semi-figurative bénéficie d’une renommée mondiale, restant évocatrice, ainsi que le tribunal l’a reconnu, 'des voyages luxueux des années 30présents dans la littérature et le cinéma, ayant été le décor de nombreux événements historiques ou romanesques (signature de l’armistice de la première guerre mondiale, roman d’Agatha C…) et constituant un emblème essentiel de l’histoire des transports ferroviaires de luxe et des grands voyages et aventures du siècle dernier ; qu’elle fournit des pièces complémentaires de celles produites en première instance et souligne que la renommée de sa marque explique seule le fait que la société CHANEL, qui n’est ni une société de transports, ni une société d’hôtellerie, se soit donné la peine de déplacer sciemment son logotype pour le faire figurer dans son film et le fait qu’elle-même se soit portée acquéreur de la marque concernée pour les 'produits dérivés’ avec droit de dépôt en toutes classes autres qu’afférentes aux domaines des transports et de l’hôtellerie ; qu’elle ajoute que le caractère de marque renommée a été reconnu dans le passé à son monogramme par de nombreuses décisions de justice ;

Que la société CHANEL répond que la preuve de la renommée de la marque invoquée n’est pas davantage rapportée en appel qu’en première instance ; qu’elle fait valoir que la société WL DIFFUSION ne démontre pas que la marque a acquis une renommée pour les produits dérivés pour lesquels elle a acquis la marque en 2012, à l’exclusion des services liés au transport et au voyage, soulignant que l’appelante a accepté le jugement en ce qu’il a prononcé la déchéance de ses droits sur la marque pour les 'Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; produits de parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices’ de la classe 3, reconnaissant de ce fait que la marque n’a acquis aucune renommée pour ces produits ; qu’elle critique la pertinence des éléments de preuve apportés en cause d’appel par l’appelante ; qu’elle ajoute qu’en tout état de cause, aucune atteinte n’est portée à la marque invoquée ;

Que les sociétés VSOE et TAPIOCA FILMS indiquent s’associer à l’argumentation de la société CHANEL sur ce point ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 713-5 code de la propriété intellectuelle :

'La reproduction ou l’imitation d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la

marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière.

Les dispositions de l’alinéa précédent sont applicables à la reproduction ou l’imitation d’une marque notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle précitée.' ;

Que comme le tribunal l’a rappelé, une marque est considérée comme renommée lorsqu’elle est connue d’une large fraction du public et qu’elle exerce un pouvoir d’attraction propre indépendant des produits et services qu’elle désigne, ces conditions devant être réunies au moment de l’atteinte alléguée ; que sont notamment pris en compte l’ancienneté de la marque, son succès commercial, l’étendue géographique de son usage et l’importance du budget publicitaire qui lui est consacré, son référencement dans la presse et sur internet ou encore, l’existence de sondages attestant de sa connaissance par le consommateur ;

Considérant qu’en l’espèce, c’est à juste raison que les premiers juges ont estimé que la société WL DIFFUSION invoquait vainement des décisions de justice constatant la renommée de la marque litigieuse mais concernant des faits antérieurs d’environ 20 ans aux faits de la cause ;

Qu’en produisant aux débats des couvertures d’ouvrages consacrés à l’Orient Express et comportant le monogramme doré décrit supra, le catalogue de l’exposition 'Il était une fois l’Orient Express’ consacré en 2014 à l’Orient Express par l’Institut du Monde Arabe, la convention signée avec cet Institut pour l’organisation de cette exposition, des contrats de licence dont plusieurs sont postérieurs aux agissements reprochés ou portent sur d’autres visuels et éléments figuratifs ou ne sont pas datés, la société WL DIFFUSION n’établit pas, comme l’ont retenu les premiers juges, que la marque complexe n°96619149 est en elle-même, prise isolément, sans référence à l’univers des trains et notamment à la dénomination 'Orient-Express', connue d’une large partie du public et dotée du pouvoir d’attraction allégué ;

Considérant qu’en appel, la société appelante produit encore, d’une part, des éléments comptables concernant ses résultats au cours de la période 2008/2012 faisant apparaître un chiffre d’affaires total de 1,5 million d’euros environ, ses comptes annuels au 31 décembre 2012 (montrant un chiffre d’affaires de 247 317 euros) et un document intitulé 'Combien de personnes ont acheté un produit WL entre 2000 et 2010 " et, d’autre part, une étude de notoriété réalisée par le cabinet HARRIS INTERACTIVE ;

Que la société WL DIFFUSION prétend reconstituer à partir des chiffres d’affaires apparaissant sur les documents comptables un chiffre d’affaires de ventes de produits utilisant le monogramme WLD

pour un montant de près de 150 millions d’euros sur la période 2000/2010,chiffre propre, selon elle, à démontrer la notoriété manifeste du monogramme hors de son domaine d’origine constitué par l’exploitation ferroviaire ;

Que cependant, en admettant que des chiffres fournis pour 5 années seulement puissent permettre de reconstituer un chiffre d’affaires réalisé sur 10 années, il n’est pas démontré que les chiffres d’affaires apparaissant sur les pièces comptables fournies ont été obtenus grâce à la marque invoquée ; que le document 'Combien de personnes ont acheté un produit WL entre 2000 et 2010 '' (sa pièce 49), non certifié, fait état de 2 736 278 produits vendus arborant 'le fameux logo doré aux deux lions de Wagons-Lits’ sans qu’il puisse être vérifié qu’il s’agit de la marque complexe considérée ; qu’en outre, ce document vise essentiellement des produits de consommation courante (accessoires, cadeaux d’affaires, édition de fascicules, jeux/jouets), de sorte que les 2,7 millions de produits vendus en 10 années et 'plus de 5 millions de personnes ayant une connaissance qualifiée de la marque WL (2 personnes atteintes par produit vendu)' qu’il revendique ne seraient pas suffisants pour caractériser la renommée alléguée ;

Qu’il ressort de l’étude de notoriété produite i) qu’après une 'exposition continue', 59 % des 1000 répondants interrogés reconnaissent le logo de la Compagnie des Wagons-lits, ii) que 84 % de ces 1000 répondants connaissent bien ou ont déjà entendu parler 'de l’histoire des wagons-lits', iii) que 95 % de ces répondants associent tout à fait ou associent plutôt le logo aux trains de prestige ;

Que cependant, l’étude porte sur la reconnaissance du logo, soit le monogramme doré présenté sur fond noir, présenté et décrit supra, qui ne correspond pas exactement à la marque semi-figurative n°96619149, laquelle ne comporte pas d’éléments dorés présentés sur fond noir ; qu’en outre, la société CHANEL observe pertinemment que la 'cible interrogée', à savoir 1000 répondants âgés de 50 ans et plus, CSP+ ou retraités CSP+ (soit les catégories socio- professionnelles favorisées), ne constitue pas un panel pertinent, le public pertinent étant celui visé par les produits et services que la marque désigne, en l’occurrence les produits des classes 3, 8, 9, 11, 14, 20, 28, 29 et 30, soit, pour partie du moins, des produits de consommation courante, de sorte que le public visé est le grand public ; que ces réserves empêchent de reconnaître à l’étude de notoriété produite la force probante qui lui est prêtée ;

Que dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce qu’il a retenu que la renommée de la marque semi-figurative n°96619149 n’était pas suffisamment établie pour bénéficier de la protection prévue par l’article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle et rejeté les demandes de la société WL DIFFUSION à ce titre ;

Sur le parasitisme

Considérant que la société WL DIFFUSION soutient que la société CHANEL et son agence de communication ont adopté une stratégie délibérée de parasitisme d’une image de marque synthétisant voyage, aventure, luxe, histoire et sensualité constituée autour des marques 'COMPAGNIE INTERNATIONALE DES WAGONS LITS ET DES GRANDS EXPRESS EUROPEENS’ et 'ORIENT EXPRESS', que la société CIWL, puis elle-même, ont développée au fil du temps et depuis plus d’un siècle, au travers de leurs activités et de leurs investissements constants, notamment par la promotion active de licences de marques de la part de WL DIFFUSION et la conclusion de multiples contrats d’image ; qu’elle souligne que le déplacement du logotype pour le faire figurer dans le film CHANEL ne saurait constituer la simple utilisation d’un élément de décor et est révélateur de cette stratégie de parasitisme ;

Que la société CHANEL conteste ce grief en opposant que l’appelante n’apporte aucune preuve des investissements qu’elle aurait personnellement réalisés pour la promotion de la marque invoquée, alors qu’elle même peut revendiquer des investissements publicitaires très importants, notamment pour la réalisation du film incriminé ;

Que les sociétés VSOE et TAPIOCA FILMS indiquent s’associer à l’argumentation de la société CHANEL sur ce point ;

Considérant que c’est par des motifs exacts et pertinents, que la cour adopte, que le tribunal a rejeté la demande de la société WL DIFFUSION en relevant notamment, d’une part, que les éléments verbaux et figuratifs de la marque considérée apparaissaient dans le film publicitaire de manière fugitive et secondaire, à titre de décor, apposés sur les voitures du train, alors que le signe « CHANEL » était à l’inverse omniprésent et, d’autre part, que la société CHANEL avait acquis, en vertu d’un accord de tournage conclu entre la société VENICE SIMPLON-ORIENT-EXPRESS (VSOE), propriétaire des voitures, et la société TAPIOCA FILMS, producteur du film, moyennant le paiement d’une somme de 320 000 €, le droit de montrer les éléments du train, dont ses décors ; que dans ces conditions, le déplacement délibéré du logo sur la paroi du train afin qu’il apparaisse dans le film publicitaire ne peut suffire caractériser le parasitisme allégué ;

Sur les demandes de la société CHANEL

La demande en garantie de la société TAPIOCA FILMS

Considérant qu’en raison du sens de la présente décision, la demande de garantie de la société CHANEL dirigée contre la société TAPIOCA FILMS est sans objet ;

Que le jugement est confirmé sur ce point également ;

La demande pour procédure abusive et vexatoire

Considérant qu’à l’appui de sa demande, la société CHANEL argue que les actions engagées par la société WL DIFFUSION, en référé et au fond, en première instance et en appel, 'et toutes les approximations, affirmations péremptoires, et demandes rocambolesqu.es qui les animent témoignent non seulement dune légèreté blâmable (…) mais surtout d’un véritable acharnement judiciaire visant exclusivement à atteindre les fonds de CHANEL’ ; qu’elle fait valoir notamment que l’appelante a attendu plus de quatre ans avant de réagir à la sortie du film publicitaire incriminé, la laissant exploiter paisiblement ce film jusqu’à la fin de sa programmation en 2011 et qu’elle n’a eu de cesse, après sa sommation de mars 2013, de réclamer la communication d’informations confidentielles sensées lui permettre d’évaluer un préjudice qui résulterait d’actes dont le caractère illicite n’avait même pas encore été tranché par un juge ; qu’elle prétend que l’appel interjeté par la société WL DIFFUSION témoigne de la légèreté de son comportement qui lui cause un grave préjudice, entraînant une désorganisation au sein de l’entreprise, portant atteinte à son image de sérieux et ternissant sa relation avec son producteur TAPIOCA (et donc avec Jean-Pierre J) mais également avec tout autre réalisateur avec lequel elle est ou sera amenée à travailler ;

Que la société WL DIFFUSION conclut au rejet de la demande ;

Considérant que l’exercice d’une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol ;

Que le tribunal a retenu à juste raison que les circonstances invoquées par la société CHANEL ne suffisent pas à caractériser l’existence d’une action engagée de manière abusive ; qu’il sera ajouté que la société CHANEL n’apporte aucun élément susceptible de démontrer la réalité du préjudice qu’elle invoque ; qu’ainsi, elle ne démontre pas l’existence d’un préjudice distinct de celui causé par la nécessité de se défendre en justice qui sera réparé par l’allocation d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Que le jugement sera par conséquent confirmé de ce chef et la demande, en ce qu’elle porte sur l’appel interjeté par la société WL DIFFUSION, sera rejetée ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles non compris dans les dépens

Succombant en son recours, la société WL DIFFUSION sera condamnée aux dépens d’appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées ;

Que les sommes qui doivent être mises à la charge de la société WL DIFFUSION au titre des frais non compris dans les dépens exposés par les sociétés CHANEL, VSOE et TAPIOCA FILMS peuvent être équitablement fixées, respectivement, à 10 000 €, 3 000 € et 3 000 €, ces sommes complétant celles allouées en première instance ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Rejette la demande de la société CHANEL pour procédure abusive et vexatoire, Condamne la société WL DIFFUSION aux dépens d’appel ainsi qu’au paiement des sommes suivantes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile : • à la société CHANEL : 10 000 €, • à la société VSOE : 3 000 €, • à la société TAPIOCA FILMS : 3 000 €.

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 22 mai 2018, n° 16/17580