Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 6, 3 décembre 2019, n° 16/00741

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 2 - ch. 6, 3 déc. 2019, n° 16/00741
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/00741
Décision précédente : Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris, BAT, 17 novembre 2016
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 6

ORDONNANCE DU 03 DÉCEMBRE 2019

Contestations d’Honoraires d’Avocat

(N° /2019 , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 16/00741 – N° Portalis 35L7-V-B7A-B2C2K

NOUS, Muriel PAGE, Conseillère à la Cour d’Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Sarah-Lisa GILBERT, Greffière lors des débats et au prononcé de l’ordonnance.

Vu le recours formé par :

SELASU X

[…]

[…]

Représentée par Me Hayette MAHI, avocate au barreau de SEINE-SAINT-DENIS

Demanderesse au recours,

contre une décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de PARIS dans un litige l’opposant à :

Madame Y Z B

[…]

[…]

Comparante et assistée de Me Sephora PEREZ substituant à l’audience Me Jean-Eric CALLON de la SELEURL CALLON Avocat & Conseil, avocat au barreau de PARIS, toque : R273

Défenderesse au recours,

Par décision contradictoire, statuant publiquement, et après avoir entendu les parties présentes à notre audience du 8 novembre 2019 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,

L’affaire a été mise en délibéré au 3 décembre 2019 :

Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;

Vu la décision en date du 18 novembre 2016, par laquelle le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Paris, saisi par Mme Y Z-B d’une demande en fixation des honoraires

qu’elle indique avoir réglés à hauteur de 2.400 € TTC au cabinet X, a :

— fixé à 1.000 € HT le montant total des honoraires dus par Mme Y Z-B à la SELASU Cabinet X

— constaté des règlements intervenus à hauteur de 2.000 € HT

— dit en conséquence que la SELASU Cabinet X devra restituer à Mme Y Z-B, la somme de 1.000 € HT, laquelle sera majorée de la TVA au taux applicable, des intérêts au taux légal à compter de la saisine du Bâtonnier, ainsi que les frais éventuels de signification de la décision.

La SELASU Cabinet X a formé recours le 25 novembre 2016 contre cette décision qui lui a été notifiée le 22 novembre 2016.

Les parties ont été convoquées par lettre recommandée avec accusé de réception.

Elles ont été entendues en leurs observations à l’audience du 8 novembre 2019.

Aux termes de ses conclusions déposées et visées par le greffier à l’audience, la SELASU Cabinet X, représentée par son avocate, a demandé au délégué du premier Président :

— à titre principal, constater l’absence de règlement de Mme Y Z-B et la condamner à lui régler la somme de 2.160 € TTC

— à titre subsidiaire, constater l’existence de la clause de dédit, dire qu’elle est incompétente pour statuer sur cette clause et sur sa légalité, débouter Mme Y Z-B de sa demande, fixer ses honoraires à 2.000 € HT, soit 2.400 € TTC, soit 2.160 € TTC à régler

— à titre infiniment subsidiaire, fixer ses honoraires à 4.600 € dont 200 € HT réglés, condamner Mme Y Z-B à lui payer la somme de 5.280 € TTC

— en tout état de cause, condamner Mme Y Z-B à lui verser 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle a indiqué avoir été chargée par Mme Y Z-B d’une procédure de divorce, qu’une convention d’honoraires au forfait a été signée pour un honoraire forfaitaire de 2.400 € TTC, avec une clause de dédit en cas de dessaisissement, un contrat de prêt auprès de la société COFIDIS étant souscrit par Mme Y Z-B pour régler ses honoraires.

Elle a soutenu que Mme Y Z-B n’avait pas réglé les mensualités dues à l’organisme de crédit et que seuls 240 € lui ont été versés en carte bancaire soit la première mensualité.

Elle a fait valoir que Mme Y Z-B a repris son dossier parce qu’elle n’avait pas réglés ses honoraires et non pour toute autre raison qui n’est qu’un prétexte.

Elle a soutenu que le crédit n’ayant pas été réglé, celui-ci ne lui a pas versé les fonds.

Subsidiairement, elle a soutenu que la cour n’est pas juge du contrat et n’a pas compétence pour trancher sur la validité d’une clause de dédit, qui s’applique sans être soumise à réduction judiciaire.

A titre infiniment subsidiaire, elle a indiqué qu’au titre des prestations réalisées, il convient de comptabiliser 23 heures de travail soit 4.600 € HT outre 200 € de frais de transfert de dossier.

Mme Y Z-B a comparu en personne à l’audience, assistée de son avocate.

Aux termes de ses conclusions déposées et visées par le greffier à l’audience, elle a demandé à la cour, au visa des articles L 212-1, L 212-2, L 212-3 du code de la consommation, 32-1 du code de procédure civile, de :

— dire la clause de dédit présente dans la convention d’honoraires de Maître X abusive

— dire la clause de dédit présente dans la convention d’honoraires de Maître X réputée non écrite

— confirmer la décision de M. le Bâtonnier et ordonner à Maître X de lui restituer la somme de 1.400 €

— condamner Maître X à lui payer la somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts au titre de l’article 32-1 du code de procédure civile

— condamner Maître X à lui payer la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre au paiement des dépens.

Elle a exposé avoir été contrainte de régler la totalité des honoraires de Maître X, bien que celle-ci n’ait pas terminé la procédure de divorce.

Elle a soutenu que la clause de dédit est abusive, qu’elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, qu’elle permet à Maître X de percevoir l’intégralité des honoraires forfaitaires sans aucune contrepartie de sa part, qu’elle porte atteinte à ses droits et libertés fondamentales.

Sur les honoraires, elle a soutenu que la somme réclamée est exagérée et n’est pas justifiée par les diligences entreprises.

Motifs de la décision

Sur les honoraires

Le contrat est la loi des parties en application de l’article 1103 du code civil ;

Les parties ont signé dès le début de leurs relations le 4 février 2016 une convention d’honoraires, prévoyant l’assistance de Mme Y Z-B dans le cadre d’une action en divorce et une rémunération forfaitaire fixée à la somme de 2.400 € TTC ;

Il est indiqué qu’en cas de retrait du dossier par le client durant la procédure, les honoraires forfaitaires seront dus en totalité ;

Au titre des modalités de règlement des honoraires, la mention manuscrite suivante a été consignée : 'CB 240 x 10" ;

Au titre des frais et débours, il est stipulé les mentions suivantes :

' En cas d’honoraires forfaitaires, Maître X accepte de percevoir des honoraires inférieurs à ceux qui seraient dus au taux horaire. En contrepartie, il est dû une indemnité de dédit par le client qui retire son dossier en cours de procédure. Cette indemnité de dédit correspond aux honoraires restant à courir dans le dossier et est plafonné à 2.500 € HT.

Dans l’hypothèse où le client souhaiterait confier la défense de ses intérêts à un autre avocat et que par conséquent la présente convention ne trouverait plus à s’appliquer, Maître X aura droit à des honoraires en fonction des diligences effectuées outre l’indemnité de dédit.

En cas de rupture de la présente convention, pour quelque cause que ce soit, les parties conviennent d’ores et déjà de renoncer au caractère forfaitaire des honoraires qui seront calculés exclusivement sur la base horaire au taux figurant ci-dessous.

Il est indiqué à cet effet que le taux horaire pratiqué par le cabinet en l’absence d’honoraires forfaitaires est de 200 € HT.' ;

En l’espèce, il est constant que Mme Y Z-B a dessaisi la SELASU Cabinet X par courrier recommandé du 13 avril 2016, alors qu’aucune audience n’avait pas encore eu lieu de sorte que Maître X n’est pas allée au terme de sa mission ;

Conformément aux termes de la convention d’honoraires et aux dispositions légales applicables en la matière, les honoraires doivent être calculés exclusivement sur la base horaire au taux figurant à la convention ;

Il sera rappelé en effet, que lorsque la mission de l’avocat n’a pas été menée jusqu’à son terme, le dessaisissement de l’avocat avant que soit intervenu un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable rend inapplicable la convention d’honoraires initialement conclue et les honoraires dus à l’avocat pour la mission effectuée doivent alors être fixés selon les critères définis à l’article 10, alinéa 2, de la loi du 31 décembre 1971 ;

Aux termes de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971, modifié par la loi du 10 juillet 1991, à défaut de convention entre l’avocat et son client, l’honoraire est fixé selon les usages,

en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ;

L’article 10 du décret du 12 juillet 2005 précise que l’avocat chargé d’un dossier peut demander des honoraires à son client même si ce dossier lui est retiré avant sa conclusion, dans la mesure du travail accompli ;

Par ailleurs, comme l’a exactement énoncé le Bâtonnier, la qualification indemnitaire donnée à la somme due en cas de dessaisissement visée à la convention d’honoraires, fait qu’elle ne peut en aucun cas être considérée comme un honoraire et que son éventuelle application échappe à sa compétence ;

La décision déférée constate à juste titre que le caractère indemnitaire de la somme réclamée au titre de l’indemnité de dédit, est confirmé par les termes précités de la convention, qui distingue les honoraires dus en fonction des diligences effectuées, de l’indemnité de dédit, qui vient s’ajouter aux honoraires ;

L’application de cette indemnité échappe également à la compétence du délégué du Premier Président, saisi en matière de contestation des honoraires d’avocat ;

Il convient donc de nous déclarer incompétent pour examiner l’application de cette indemnité ;

Les développements de Mme Y Z-B sur la validité de cette clause sont partant sans objet ;

S’agissant des honoraires, il doit être constaté qu’outre deux rendez-vous en cabinet, dont le premier était gratuit, la SELASU Cabinet X justifie de la rédaction d’une requête en divorce ;

L’examen de cette requête ne révèle aucune difficulté particulière et la décision du Bâtonnier en ce qu’il a fixé les honoraires de la SELASU Cabinet X à la somme de 1.000 € sera confirmée ;

Il résulte enfin des pièces du dossier, que pour le règlement des honoraires, Mme Y Z-B a réglé par carte une somme de 240 € et a souscrit pour le reste un crédit à la consommation ;

La SELASU Cabinet X échoue à démontrer qu’elle n’a pas perçu de fonds de l’organisme de crédit, dès lors qu’elle reconnaît que Mme Y Z-B a souscrit le prêt dans le but de régler ses honoraires, par son intermédiaire, et que le cabinet en règle les frais (plus de 200 €) ;

Le contrat type de crédit qu’elle produit aux débats, mentionne bien que le crédit est un crédit affecté servant à financer l’acquisition d’un bien ou service déterminé, les fonds étant versés au vendeur, d’ordre et pour le compte du client ;

Aucune pièce produite aux débats, ne vient établir que les fonds ne lui ont pas été versés ;

Le non règlement des échéances de crédit à leurs échéances par Mme Y Z-B est indifférent sur ce point ;

Au surplus, les poursuites engagées à l’encontre de Mme Y Z-B démontrent bien que la somme a été libérée ;

Dès lors, il s’agit bien d’une somme de 2.400 € TTC, soit 2.000 € HT, telle que retenue par le Bâtonnier qui a été versée ;

La décision déférée sera donc confirmée en toutes ses dispositions ;

Sur les autres demandes

En application des dispositions de l’article 32-1 du code de procédure civile, l’exercice d’une action en justice ne dégénère en abus que s’il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou s’il s’agit d’une erreur grave équipollente au dol ; l’appréciation inexacte qu’une partie se fait de ses droits n’est pas constitutive en soi d’une faute ;

Mme Y Z-B ne démontre pas que la SELASU Cabinet X a fait dégénérer en abus son droit de former un recours ; elle doit donc être déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif ;

En revanche, il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme Y Z-B la totalité des frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés. Il lui sera alloué 1.000 € (mille euros) sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Il convient de laisser les dépens à la charge de la SELASU Cabinet X ;

Le sens de la présente décision conduit à rejeter la demande de la SELASU Cabinet X, fondée sur l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant en dernier ressort, publiquement, par ordonnance contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Confirmons la décision déférée en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Nous déclarons incompétent pour examiner l’application de l’indemnité de dédit ;

Condamnons la SELASU Cabinet X à payer à Mme Y Z-B la somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons la SELASU Cabinet X aux dépens ;

Rejetons toute autre demande ;

Disons qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, la présente décision sera notifiée aux parties par le greffe suivant lettre recommandée avec accusé de réception.

ORDONNANCE rendue par mise à disposition au greffe de la cour le TROIS DÉCEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF par Muriel PAGE, Conseillère, qui en a signé la minute avec Sarah-Lisa GILBERT, Greffière, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l’article 450 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA CONSEILLÈRE

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