Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 10, 16 décembre 2019, n° 18/08193

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 10, 16 déc. 2019, n° 18/08193
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/08193
Importance : Inédit
Sur renvoi de : Cour de cassation, 13 mars 2018, N° 2010005095
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 15 octobre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 10

ARRÊT DU 16 DÉCEMBRE 2019

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/08193 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B5RQ3

Sur renvoi après un arrêt de la Cour de cassation prononcé le 14 mars 2018 emportant cassation partielle d’un arrêt rendu par la cour d’appel de Paris (Pôle 5 chambre 11) le 23 septembre 2016 (RG : 15/19762 absorbant le RG : 15/19816), cet arrêt intervenant sur renvoi après un arrêt de la cour de cassation prononcé le 29 septembre 2015 emportant cassation d’un arrêt rendu par la cour d’appel de Paris (Pôle 5 chambre 11) rendu le 04 avril 2014, sur appel d’un jugement rendu le 08 novembre 2013 par le tribunal de commerce de Paris, sous le n° RG : 2010005095.

DEMANDERESSE A LA SAISINE

SAS SUEZ RV TRADING FRANCE anciennement SARL SITA NEGOCE

Ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 6]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP EGNIER – BEQUET – MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Représentée par Me Frédérique CHAPUT de la SELARL RACINE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0301

DÉFENDERESSES A LA SAISINE

SA SOREPLA INDUSTRIE

Ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 5]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

SELARL [G] ET ASSOCIES

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 4]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentées par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Représentées par Me Jean-Jacques DIEUMEGARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C0715

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 25 Mars 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère

Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame [R] [D] dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN

ARRET :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par M. Edouard LOOS, Président et par Mme Cécile PENG, Greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Sorepla Industrie (ci-après dénommée Sorepla) est spécialisée dans le recyclage et la transformation de matières plastiques d’origine ménagère. La société Sita Négoce (ci-après dénommée Sita) désormais dénommée Suez RV Trading, filiale de Sita France et de Suez Environnement est un repreneur de matières usagées, habilité à commercialiser des matériaux recyclables issus du tri sélectif des déchets des collectivités locales.

La société Sorepla Industries a conclu avec la société Sita Négoce le 27 janvier 2006 un contrat cadre de reprise de plastiques, d’une durée d’exécution de six années, soit jusqu’au 27 janvier 2012. Sita Négoce s’engageait à livrer à Sorepla des quantités minimales garanties matières valorisables issues du tri sélectif, pouvant varier en plus ou moins de 5'% et être augmentées d’un commun accord, de matières plastiquées estimées pour la première année à 4 000 tonnes et portées, pour les années 2007, 2008, 2009 et 2010 à 4 500 tonnes. Sorepla s’engageait, quel que soit le cours des polymères, à garantir le prix d’achat ou de reprise minimum par qualité livrée qui devait être le plus avantageux entre le prix calculé selon une formule définie et celui du cours des polymères.

Après diverses difficultés d’exécution survenues en 2008, les parties sont convenues le 27 janvier 2009 de mettre en place un règlement échelonné des sommes facturées par la société Sita en 2008 et de suspendre pendant six mois les livraisons pour permettre l’écoulement des tonnages supplémentaires livrés en 2008. Le 25 mai 2009, la société Sita a informé la société Sorepla qu’elle procédait à compter de cette date à la résiliation anticipée du contrat cadre.

Invoquant une rupture abusive du contrat par la société Sita Négoce, la société Sorepla a, par exploit d’huissier du 28 décembre 2009, assigné cette dernière devant le tribunal de commerce de Paris aux fins d’indemnisation du préjudice subi.

Par jugement du 08 novembre 2013, le tribunal de commerce de Paris a condamné la SAS Sita Négoce à payer à la société Sorepla Industrie les sommes de 2 200 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2009, à titre de dommages et intérêts pour résiliation abusive d’un contrat d’approvisionnement en matières plastiques à durée déterminée de six années et celle de 100 000 euros à titre d’indemnité de procédure ainsi qu’aux dépens et ordonné l’exécution provisoire.

Les juges ont considéré comme fautive la rupture par la société Sita Négoce avant le terme du contrat cadre qui la liait jusqu’en 2012 à la société Sorepla.

Par arrêt du 4 avril 2014, la cour d’appel de Paris a retenu que les deux parties avaient commis des manquements contractuels, dit que la résiliation du contrat cadre du 17 janvier 2006 était prononcé au 21 juillet 2009 aux torts réciproques et partagés par moitié entre les parties et condamné la SARL Sita Négoce à payer à SARL Sorepla Industrie la somme de 593 152 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 30 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de premières instance et d’appel.

Par arrêt du 29 septembre 2015, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 4 avril 2014 et remis la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient devant la cour d’appel de Paris autrement composée. La Cour de cassation a considéré que la cour d’appel avait privé sa décision de base légale en jugeant que la rupture des relations contractuelles pouvait incomber pour moitié à chacune des parties, sans constater que la société Sita Négoce rapportait la preuve, à la date de la résiliation unilatérale du contrat d’une faute de la société Sorepla caractérisée et suffisamment grave pour justifier sa rupture plus de deux ans avant son terme.

Par arrêt du 23 septembre 2016, la cour d’appel de Paris a infirmé le jugement entrepris sur le montant des dommages et intérêts, condamné la SAS Sita Négoce à payer la SA Sorepla Industrie les sommes de':

—  1 603 294 euros au titre des surcoûts d’approvisionnement avec intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2009,

—  1 934 648 euros au titre du gain manqué,

Et confirmé le jugement pour le surplus.

Elle a condamné la SAS Sita Négoce à payer à la SA Sorepla Indutrie la somme de 20 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens d’appel qui seront recouvrés conforment à l’article 699 du code de procédure civile.

Par arrêt du 14 mars 2018, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 23 septembre 2016 seulement en ce qu’il a condamné la société Sita Négoce à payer à la société Sorepla Industrie la somme de 1 603 394 euros au titre des surcoûts d’approvisionnements, avec intérêts au taux égal à compter du 28 décembre 2009 et celle de 1 934 648 euros au titre du gain manqué.

La société Sorepla Industrie, désormais dénommée [Adresse 7] Industrie a saisi la cour d’appel de renvoi par saisine du 22 mai 2018.

Par conclusions signifiées le 21 novembre 2018, la société [Adresse 7] Industie et Maître [X] [G], ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de la société Sorepla Industrie demandent à la cour, au visa des articles 1103 (anciennement 1134), 1231-1 (anciennement 1147) et 1149 du code civil et 369 et 566 du code de procédure civile, de l’arrêt de cassation avec renvoi prononcé par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 14 mars 2018 et du contrat cadre de fourniture de matières plastiques usagées conclu le 27 janvier 2006 d’une durée de six années venant à échéance le 27 janvier 2012, et sa résiliation unilatérale, brutale et infondée par la société Sita Négoce par lettre du 25 mai 2009, de la recevoir en ses demandes et, sur le fond, de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Sita Négoce à verser à la société Sorepla Industrie 100 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de l’infirmer en ce qu’il n’a retenu le préjudice subi par la société uniquement à hauteur de la somme de 2 200 000 euros correspondant pour partie à la perte de marge que la société Sorepla Industrie a subi entre 2009 et 2012, mais non à la valeur de l’ensemble des préjudices qui lui ont été causés par la société Sita Négoce suite à la résiliation fautive du contrat,

En conséquence,

— condamner la société Sita Négoce à verser à la société Sorepla Industrie, la somme de 4 612 227,92 euros HT à titre de dommages et intérêts pour l’indemnisation de la perte de marge qu’elle a subie du fait de la résiliation du contrat et celle de 2 753 346 euros HT à titre de dommages et intérêts pour l’indemnisation de la perte de clientèle qu’elle a subie du fait de la résiliation du contrat,

Elle sollicite la condamnation de la société Sita Négoce à verser à la Société Sorepla Industrie la somme de 150 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens y compris ceux des arrêts cassés.

Par conclusions signifiées le 20 novembre 2018, la société Suez RV Trading demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Sita Négoce à payer à la société Sorepla la somme de 2 200 000 euros outre les intérêts légaux à compter du 28 décembre 2009, et celle de 100 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau de’ débouter Sorepla de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de la SAS Suez RV Strading France anciennement dénommée Sita Négoce.

Elle sollicite la condamnation de la société Sorepla à lui payer la somme de 50 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens de première instance et d’appel, comprenant ceux de l’arrêt cassé.

SUR CE,

Il convient de rappeler que la cour n’est saisie que de l’évaluation des préjudices subis par la société Sorepla au titre des surcoûts d’approvisionnement et du gain manqué. Les autres dispositions de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 13 septembre 2013 sont définitives.

La société Sorepla sollicite la condamnation de la société Sita Negoce à l’indemniser':

— à hauteur de la somme de 4 612 227,92 euros au titre de la perte de marge se décomposant comme suit':

. 2 648 000,00 euros au titre du surcoût d’approvisionnement dont 455 000 euros de frais financiers,

. 680 577,01 euros au titre du manque à gagner au niveau du taux de rendement de la matière première acquise (yield),';

. 1 283 650,91 euros au titre de l’augmentation du coût de production à la tonne';

— à hauteur de la somme de 2 753 356,00 euros HT au titre de l’indemnisation de la perte de clientèle.

La société Sita Negoce conclut au rejet de l’ensemble des demandes de la société Sorepla comme étant dénuées de fondement et non justifiées.

— Sur la perte de marge

. les surcoûts d’approvisionnement

La société Sorepla soutient qu’entre la date de début d’exécution du contrat cadre de reprise de matières plastiques le 27 janvier 2006, et le 28 janvier 2009, date à partir de laquelle la société Sita Négoce ne lui livrera plus ensuite aucune marchandise, la société Sita Négoce a livré à la société Sorepla Industrie les tonnages suivants :

' année tonnes 2006 – 2007 (du 27 janvier 2006 au 27 janvier 2007) : 4.357 tonnes,

' année 2007 – 2008 (du 28 janvier 2007 au 27 janvier 2008): 6.191 tonnes,

' année 2008 – 2009 (du 28 janvier 2008 au 27 janvier 2009): 7.018 tonnes';

Que le tonnage moyen de matières plastiques à recycler livré par la société Sita Négoce à la société Sorepla Industrie était donc, toutes catégories de produits confondues, de 5 855 tonnes par an en année pleine, c’est-à-dire du mois de janvier 2006 au mois de janvier 2009';

Que le cabinet Prorevise confirme aux termes de ses calculs « au réel » effectués à partir des pièces issues de la comptabilité de la société Sorepla Industrie, et non d’évaluations théoriques, que les quantités de tonnages dits « remplacés », car acquis par la société Sorepla Industrie en lieu et place des tonnages qu’elle aurait été en droit de recevoir de Sita Négoce d’août 2009 à janvier 2012 sur une base de 6 959 tonnes annuelles, si cette dernière n’avait pas résilié fautivement le contrat, s’établissent à 15 787 tonnes effectivement payées par la société Sorepla Industrie à des fournisseurs tiers pour un montant de 2 203 000 euros HT (hors frais financiers et frais de transport), en considération d’un surcoût d’approvisionnement moyen à la tonne de 140 € HT hors frais financiers toutes catégories de matières confondues, et cela par comparaison avec les prix pratiqués par Sita Négoce'; que s’ajoutent à ce montant de surcoût à tonne de 2 203 000 euros HT, les frais financiers pour un montant de 445 000 euros, les frais de transport n’étant pas inclus dans ces montants, que son préjudice au titre su surcoût d’approvisionnement à la tonne entre le mois d’août 2009 et le mois de janvier 2012, date à laquelle le contrat à durée déterminée de reprise de matières plastiques venait à échéance, est donc de 2 648 000 euros hors frais de transport (2 203 000 euros + 445 000 euros).

Elle précise que le préjudice est calculé sur le tonnage remplacé, lui-même déterminé à partir des quantités entrant dans le calcul des achats de matières premières tirés de la comptabilité de Sorepla ; en vertu des principes généraux régissant la comptabilité, les quantités comptabilisées dans les achats de matières premières ont nécessairement été achetées en propre par Sorepla ; que le tonnage remplacé est calculé de manière à ce qu’il ne puisse pas être plus élevé que le tonnage effectivement approvisionné par Sorepla durant la période d’examen du préjudice.

La société Sorepla expose que les tonnages acquis auprès de fournisseurs tiers entre l’année 2009 et l’année 2012, ont été justifiés dès le mois de février 2014 dans le cadre de la procédure d’appel initiale au moyen de la note du cabinet Prorevise visée en pièce n° 75, cette note reprenant dans sa synthèse l’ensemble des données figurant dans les comptes sociaux de la société Sorepla Industrie et donc les achats effectifs de matières premières effectués auprès de fournisseurs tiers postérieurement à la résiliation du contrat, les flux financiers corrélatifs inhérents à ces achats effectués par Sorepla Industrie tels qu’ils figurent dans les comptes de Sorepla Industrie étant repris.

La société Sita soutient que Sorepla ne rapporte pas la preuve qu’elle a dû compenser les conséquences de la fin du contrat, en achetant auprès de tiers, en 2009, 2010, 2011, l’équivalent des tonnages contractuels qu’elle achetait auparavant auprès de Sita Nécoe ni le fait qu’elle ai acheté les dits tonnages aux prix auxquels elle prétend les avoir achetés.

Elle fait valoir que l’argument des approvisionnements défavorables invoqué par Sorepla est inconciliable avec celui qu’elle développe selon lequel elle a demandé à Sita Négoce, début 2009, l’arrêt de la totalité des livraisons et la définition de nouvelles conditions contractuelles parce que les conditions de prix de Sita Négoce étaient défavorables par rapport à celles du marché'; que, contrairement à ce que prétend Sorepla, les tonnages que Sita Négoce aurait dû lui vendre en 2009 et 2010 si le contrat n’avait pas pris fin, étaient de 4 500 tonnes par an +/- 5 % en 2009 et en 2010 et qu’ils ne pouvaient « être augmentés » que « d’un commun accord des deux parties »'; qu’il ne saurait être pris en compte un tonnage excédant ces droits, motif pris de prétendues attentes légitimes'; que le fait que les parties soient convenues d’augmenter le tonnage d’une période donnée ne révèle aucunement l’existence d’un accord tacite aux termes duquel les parties seraient convenues d’augmenter dans les mêmes proportions le tonnage minimum garanti prévu au contrat pour les années suivantes'; que prétendre que Sita Négoce a commis une faute dolosive ou lourde serait irrecevable comme se heurtant à l’autorité de la chose jugée.

Elle ajoute que les tonnages livrés par Sita Négoce ne représentaient qu’une faible partie de ses approvisionnements globaux', soit 10,1 % en 2001, 18,8 % en 2007, entre 13,2 % et 16,1 %'; que le montant des achats effectués par Sorepla auprès de Sita Négoce ne représentait que 11,8 % en moyenne de ses achats totaux (8,54 % en 2006 ; 13 % en 2007 et 13,83 % en 2008)'; que les approvisionnements globaux de Sorepla ont connu des variations très importantes entre 2006 et 2011'; que ceci confirme que l’activité de cette dernière était très variable d’une année sur l’autre, à la hausse comme à la baisse, et pour des volumes bien supérieurs aux 4.500 tonnes contractuelles, et que la variation de volumes intervenues en 2009 par rapport à 2008, en 2010 par rapport à 2009 et en 2011 par rapport à 2010 n’étaient donc aucunement liées à la rupture anticipée du contrat avec Sita Négoce,

Ceci étant exposé, il appartient à la société Sorepla de justifier du préjudice qu’elle prétend avoir subi, soit le fait qu’elle a dû compenser les conséquences de la fin du contrat en achetant auprès de tiers en 2009, 2010 et 2011, l’équivalent des tonnages contractuels qu’elle achetait auparavant auprès de la société Sita Négoce du prix auquel elle a acheté les dits tonnages et du surcoût d’approvisionnement.

En l’espèce, la société Sorepla soutient que les tonnages que Sita Négoce aurait dû lui vendre en 2009, 2010 et 2011, si le contrat n’avait pas été rompu, correspondent aux tonnages que Sita Nétoce lui a vendus en 2008.

Or, le contrat prévoyait que les volumes achetés par Sorepla auprès de Sita Négoce étaient de 4 500 tonnes ± 5'% et ne pouvaient être augmentés qu’avec l’accord des parties. Contrairement à ce que Sorepla soutient, toute prise en compte d’un tonnage excédant les quantités convenues entre les parties, motif pris d’attentes légitimes compte tenu du tonnage pour l’année 2018, revendrait inclure dans l’assiette du préjudice, des avantages auxquels Sorepla n’avait pas contractuellement droit.

En outre, le fait que les parties étaient convenues d’augmenter le tonnage pour la période de 2008 ne révèle aucunement l’existence d’un accord tacite aux termes duquel les parties seraient convenues d’augmenter dans les mêmes proportions le tonnage minimum garanti par le contrat pour les années suivantes de même qu’il ne saurait être retenu que la facturation de la prime pour tonnage garanti (PTG) vaudrait engagement de respecter ces tonnages supplémentaires pour les années suivantes.

La société Sorepla est également mal fondée à invoquer la faute lourde ou dolosive qu’aurait commise Sita Négoce puisque cette demande se heurte à l’autorité de la chose jugée, le tribunal de commerce, confirmé par la cour d’appel ayant considéré que Sita Négoce avait commis une faute en rompant le contrat sans qualifier cette dernière de lourde ou de dolosive.

Enfin, la société Sorepla ne saurait invoquer la perte de chance d’acheter un tonnage supplémentaire dès lors que celle-ci est hypothétique, étant souligné que les parties étaient convenues le 27 janvier 2009 de mettre en place un règlement échelonné des sommes facturées par la société Sita en 2008 et de suspendre pendant six mois les livraisons pour permettre l’écoulement des tonnages supplémentaires livrés en 2008.

Il résulte des pièces produites par les parties et notamment le tableau de répartition des approvisionnements de Sorepla de 2006 à 2011 que les tonnages livrés par Sita Negoce ne représentaient qu’une faible partie des approvisionnements totaux de Sorepla’qui ont varié dans d’importantes proportions d’une année sur l’autre à la hausse comme à la baisse (' 20 462 tonnes en 2009 par rapport à 2008, + 20 536 tonnes en 2020 par rapport à 2009 et ' 6 500 tonnes en 2011 par rapport à 2010).

La société Sorepla soutient sans le justifier que les volumes achetés auprès de Sita Negoce ont été systématiquement remplacés par des volumes achetés plus chers auprès des fournisseurs «'spot'», autre que ceux avec lesquels elle avait un contrat long terme et dont les approvisionnements long terme présentent l’avantage de constituer une ressource à prix garanti.

En effet, elle ne produit pas les conditions tarifaires appliquées par ses fournisseurs long terme ou court terme ni l’évolution de ses volumes d’approvisionnement avec chacun d’eux. Les factures d’un fournisseur italien dont les tarifs sont plus élevés produites par Sorepla et qui ne concernent que les mois de mai, juillet et août 2010 n ne sauraient rapporter cette preuve. Sorepla ne justifie pas non plus que la société Valorplast qui était son principal fournisseur dans le cadre d’un contrat long terme ne pouvait pas lui vendre des volumes supérieurs à ceux qu’elle lui avait vendus jusqu’en 2008.

Ainsi que le souligne Sita Negoce, le surcoût d’approvisionnement n’implique pas nécessairement l’existence d’un préjudice dès lors qu’il convient de prendre en compte le taux de rendement qui peut varier selon la provenance de la matière première.

Sorepla n’analyse pas sa marge sur coûts variables qui est égale à la différence entre le chiffre d’affaires et les coûts variables qui inclus les coûts d’approvisionnement alors que seule analyse aurait permis de démontrer que le surcoût d’approvisionnement n’a pas été compensé, étant souligné que le préjudice doit être évalué au regard de la perte de marge'; l’augmentation des coûts d’approvisionnement pouvant être compensée par l’augmentation consécutive des prix de vente de Sorepla, l’adaptation de son outil et des volumes de production. Or, le taux de marge sur coût variables de Sorepla depuis 2006 a connu une érosion constante à l’exception de l’année 2010, soit l’année ayant immédiatement suivi la rupture de 2009.

En conclusion, la société Sorepla qui ne peut calculer son préjudice sur un tonnage supérieur aux tonnages prévus contractuellement et qui ne démontre pas avoir compensé les tonnages contractuels qu’elle n’a pu acquérir auprès de Sita Négoce avec un surcoût d’approvisionnement ne justifie pas du préjudice allégué. La demande sera rejetée.

. le manque à gagner au niveau du taux de rendement de la matière première acquise

La société Sorepla expose que le manque à gagner au niveau du taux de rendement de la matière première acquise (Yield) est particulièrement surveillé par l’ensemble des sociétés spécialisées dans le recyclage'; que l’obligation dans laquelle elle s’est trouvée de se passer immédiatement des approvisionnements de la société Sita, ce qu’elle ne pouvait anticiper puisque le contrat était à durée déterminée et devait être exécuté pendant trois années supplémentaires, l’a contrainte à s’approvisionner ponctuellement sur différents marchés, sans disposer d’une connaissance précise de la qualité de rendement des matières premières ainsi acquises ce qui l’a privée d’une source d’approvisionnement pérenne et de proximité (source française), constituée pour l’essentiel par le gisement national français à fort rendement, trié de manière conforme et d’excellente qualité.

Elle soutient que ce manque à gagner en ce qui concerne le taux de rendement de la matière première correspond à un préjudice d’un montant de 599 795,04 euros pour le PET et de 80 781,97 euros pour le PEHD au titre de la période allant du 28 janvier 2009 au 27 janvier 2012, soit au total une somme de 680 577,01 euros HT.

Ceci étant exposé et ainsi que l’expose la société Sita, la société Sorepla et le cabinet Prorevise n’explicitent pas la méthodologie d’évaluation mise en 'uvre pour la détermination du manque à gagner au niveau du taux de rendement de la matière première acquise et ne documentant pas ce poste de préjudice ni le lien de causalité avec la faute alléguée.

Ce chef de préjudice sera écarté.

. les frais financiers

Sorepla sollicite la condamnation de Sita Négoce à lui payer la somme de 445 000 euros au titre de frais financiers mentionnés dans le premier rapport de Prorevise du 12 février 2014, sur la base de taux d’intérêt annuel moyen sur découverts bancaires.

En l’absence de justificatifs de la somme réclamée, cette demande ne saurait être accueillie.

. l’augmentation du coût de production à la tonne

La société Sorepla expose la nécessité pour elle de s’approvisionner ponctuellement et en quantités insuffisantes et en qualité dégradée, de produits pour faire fonctionner son site de production, a eu une conséquence sur le renchérissement de son coût de production à la tonne, qui s’est accru entre 2008 et 2012 puisque la qualité dégradée a aussi impliqué l’augmentation de la quantité des déchets puisque toutes les quantités acquises, eu égard à leur qualité non constante et médiocre, ne permettaient pas un traitement en production'; qu’en considération du tonnage traité par la société Sorepla Industrie entre les années 2009 et 2012, et du coût de production à la tonne pour l’année 2008, elle a subi du fait de ce renchérissement une perte d’un montant de 762 558,75 euros pour le PET et de 521 092,16 euros pour le PEHD, l’ensemble correspondant à une perte de 1 283 650,91 euros HT.

La société Sita fait valoir que le cabinet Prorevise, pourtant mandaté par Sorepla, ne dit pas un mot au sujet de ce poste de préjudice et que cette dernière ne justifie pas du préjudice allégué.

Ceci étant exposé, la société Sorepla n’explique pas la méthode d’évaluation qu’elle a mise en oeuvre pour la détermination du préjudice allégué qu’elle ne justifie pas. La demande sera rejetée.

— Sur la perte de clientèle (ou gain manqué)

La société Sorepla Industrie soutient qu’elle est bien fondée à solliciter l’indemnisation du préjudice subi lié à une perte de clientèle alors surtout que les agissements de Sita confinent à un acte de concurrence déloyale.

Elle expose que, faute de pouvoir proposer des matières premières transformées en augmentant ses tonnages, elle a nécessairement perdu des clients qui ne pouvaient acheter des produits qu’elle n’avait pas fabriqués, et n’était d’ailleurs pas en mesure de fabriquer, faute d’approvisionnement suffisant à un coût maîtrisé'; que le surcoût qu’elle a supporté au titre de son obligation de s’approvisionner en matières plastiques à recycler sur les marchés européens l’a obligée à produire ses paillettes dans des conditions plus coûteuses et contrainte d’augmenter ses prix par rapport à certains de ses concurrents bénéficiant en ce qui les concerne de sources d’approvisionnement moins coûteuses, ce qui a eu partiellement pour effet de lui faire perdre des ventes.

Elle indique qu’elle a réalisé les chiffres d’affaires suivants :

' exercice 2006 : 20 000 000 euros (dont 2 495 153 euros HT au titre du traitement de produits confiés par des sociétés clientes en prestations de services),

' exercice 2007 : 24 000 000 euros (dont 3 225 019 euros HT au titre du traitement de produits confiés par des sociétés clientes en prestations de services),

' exercice 2008 : 25 500 000 euros (dont 3 043 849 euros HT au titre du traitement de produits confiés par des sociétés clientes en prestations de services),

' exercice 2009 : 14 463 035 euros (dont 1 625 813 euros HT au titre du traitement de produits confiés par des sociétés clientes en prestations de services),

' Exercice 2010 : 23 400 038 euros (dont 133 000 euros HT au titre du traitement de produits confiés par des sociétés clientes en prestations de services),

' exercice 2011 : 27 892 426 euros (dont 48 000 euros HT au titre du traitement de produits confiés par des sociétés clientes en prestations de services)';

Que les chiffres d’affaires hors taxes réalisés par Sorepla Industrie (hors matières fournies par des clients et donc hors prestations de services) s’établissent comme suit :

' exercice 2006 : 17 504 847 euros HT exercice 2007 : 20 774 981 euros HT

' exercice 2008 : 22 456 151 euros HT exercice 2009 : 12 837 222 euros HT

' exercice 2010 : 23 267 038 euros HT exercice 2011 : 27 844 426 euros HT

Elle précise que l’évolution à la hausse de ses chiffres d’affaires est directement liée non pas au tonnage produit mais à l’évolution considérable du prix des produits dépendant lui aussi de l’évolution considérable du prix des matières premières pendant la période faisant suite à la résiliation du contrat par la société Sita Négoce'; que l’analyse des tonnages permet de constater que le tonnage produit en PET qui était pour 2007 de 27 316 tonnes en constante évolution entre 2007 et 2008 puisqu’en 2008 ce tonnage passait à 30 790 tonnes, n’était plus en 2011 que de 21 304 tonnes soit 6 000 tonnes de moins qu’en 2007'; que le rapport de Batt Expertise souligne que les tonnages produits par Sorepla Industrie étaient en retrait de 23 % sur la période faisant suite à la résiliation du contrat, le taux de marge brute de Sorepla Industrie ayant reculé de 3,2 %, le surcoût d’approvisionnement étant donc bien réel et quantifié'; que dans le même temps, le taux de marge brute ressort en moyenne sur 2010 et 2011 à 39,1 % au lieu 42,3 % sur la période 2007/2008'; qu’il y adonc bien un recul de 3,2 % sur la dernière période'; que le résultat d’exploitation retraité de l’indemnisation ressort à 4,6 % en moyenne sur 2010/2011 contre 3,7 % sur la période de référence 2007/2008'; qu’il était prévu au contrat, que la société Sita Négoce sur cette période de six années, fournirait de manière cumulée à la société Sorepla Industrie un tonnage de produits à recycler de 26 500 tonnes, ce qui représente sur six ans 8,8% de ses besoins de fourniture globaux'; que le chiffre d’affaires moyen de la société Sorepla Industrie au titre des trois derniers exercices sociaux (2009, 2010 et 2011) pour lesquels la société Sita Négoce s’était contractuellement engagée à livrer des matières plastiques est donc de 21 316 228 €, hors prise en compte du chiffre d’affaires réalisé avec des clients en prestations de services'; que le préjudice subi par la société Sorepla Industrie au titre de la perte de clientèle dite également gain manqué ne pourra dès lors être évalué à moins de 5% par an, ce qui est nettement en deçà de la quote-part de fourniture de la société Sita Négoce à l’époque à laquelle elle respectait ses obligations contractuelles (8,8%), soit une somme de 1 065 811 € par an, ce qui représente 3 197 434 eruos HT sur trois ans.

La société Sita soutient que la demande formée par Sorepla au titre de la perte de marge et celle formée au titre de la perte de clientèle n’apparaissent pas compatibles puisque si Sorepla avait effectivement subi un surcoût d’approvisionnement en achetant auprès de tiers l’équivalent des tonnages achetés auparavant à Sita Négoce, elle n’aurait pas alors subi de baisse de tonnage, ni en conséquence de perte de chiffre d’affaires en résultant. Elle soutient que la société Sorepla est irrecevable à solliciter l’indemnisation de la totalité de son chiffre d’affaires et non pas seulement de sa perte de marge.

Elle fait valoir que le cabinet Prorevise ne dit pas un mot au sujet de ce poste de préjudice'; que le taux de perte de clientèle utilisé dans le chiffrage n’est pas documenté’et que l’approche mise en 'uvre n’est pas conforme au principe de réparation intégrale du préjudice et à la méthodologie applicable.

Ceci étant exposé, la société Sorepla soutient que du fait des comportements de la société Sita qui confinent à un acte de concurrence déloyale, elle a nécessairement subi une perte de clientèle qu’elle évalue à une quote-part de la fourniture par la société Sita à l’époque de leurs relations contractuelles.

Or, la société Sorepla ne saurait, en l’état de la procédure, invoquer des faits de concurrence déloyale au soutien de sa demande de dommages et intérêts, ce moyen n’ayant pas été retenu au titre de la rupture du contrat. En outre, elle ne justifie aucunement de la perte de clientèle alléguée ; la prise en compte d’une quote-part de la fourniture par la société Sita à l’époque de leurs relations contractuelles ne saurait compenser le défaut de justification de ce poste de préjudice.

Cette demande ne peut donc pas être accueillie.

En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a condamné la société Sita à payer à la société Sorepla payer à la société Sorepla la somme de 2 200 000 eruos avec intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2009.

La société [Adresse 7] Industie et Maître [X] [G], ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de la société Sorepla Industrie seront déboutées de leurs demandes de dommages et intérêts.

La Cour de cassation a, par son arrêt du 4 mars 2018 annulé l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 23 septembre 2016 uniquement sur le montant des dommages et intérêts alloués à la société Sorepla. Les autres dispositions de l’arrêt, dont celles relatives aux dépens de première instance et d’appel et à l’article 700 sont donc définitives.

Chacune des parties conservera les dépens qu’elle a exposés dans la présente instance d’appel après arrêt du de la Cour de cassation du 4 mars 2018 et sera déboutée de sa demande d’indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement,

VU le jugement du tribunal de commerce de Paris du 8 novembre 2013,

VU l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 04 avril 2014,

VU l’arrêt de la Cour de cassation du 29 septembre 2015,

VU l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 23 septembre 2016,

VU l’arrêt de la Cour de cassation du 04 mars 2018,

INFIRME le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 8 novembre 2018 en ce qu’il a condamné la société à payer à la société Sorepla la somme de 2 200 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2009 ;

Statuant à nouveau de ce chef,

DEBOUTE la société [Adresse 7] Industie et Maître [X] [G], ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de la société Sorepla Industrie de leurs demandes de dommages et intérêts ;

DIT que chacune des parties conservera la charge des dépens qu’elle a exposés dans la présente instance ;

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

C. BURBAN E. LOOS

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 10, 16 décembre 2019, n° 18/08193