Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 1, 28 mai 2019, n° 16/21946

  • Tierce opposition·
  • Sentence·
  • Égypte·
  • Exequatur·
  • Koweït·
  • Libye·
  • Promotion des investissements·
  • Privatisation·
  • Sociétés·
  • Procédure civile

Chronologie de l’affaire

Commentaires4

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 - ch. 1, 28 mai 2019, n° 16/21946
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/21946
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 12 mai 2013
Dispositif : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 1

ARRET DU 28 MAI 2019

(n° 253 , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 16/21946 – N° Portalis 35L7-V-B7A-BZ5SQ

Décision déférée à la Cour : Arrêt du 28 octobre 2014 rendu par le Pôle 1 chambre 1 de la Cour d’Appel de PARIS qui a confirmé l’ordonnance du 13 mai 2013 rendue par le président du tribunal de grande instance de Paris qui a déclaré exécutoire en France la sentence arbitrale rendue au Caire le 22 mars 2013.

DEMANDERESSE A LA TIERCE OPPOSITION :

CENTRAL BANK OF LIBYA

prise en la personne de Monsieur le gouverneur, et dûment représenté aux fins de la présente action par le Département du contentieux du comité des différends avec les pays étrangers 'Direction des affaires de l’état’ ou 'service du contentieux'

PO Box 1103, B Shat Road

[…]

représentée et assistée par Me Carole SPORTES LEIBOVICI de la SELARL HAUSSMANN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0443

DÉFENDERESSES A A LA TIERCE OPPOSITION :

[…]

[…],

[…]

[…]

représentée et assistée par Me Michel PITRON de l’AARPI GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI, avocat au barreau de PARIS, toque : T03

société F D E B-C ET FILS

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social :

B C Towers – 13th floor

Qibla KOWEIT Y

et son établissement en Egypte :

3, rue Abbas B-Akkad, Madinat Nasr

LE CAIRE/EGYPTE

représentée et assistée par Me Rémi BAROUSSE de la SELASU TISIAS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2156

[…]

[…]

[…]

défaillant

MINISTÈRE DE L’ECONOMIE LIBYEN

[…]

[…]

défaillant

MINISTÈRE DES FINANCES LIBYEN

[…]

[…]

défaillant

CONSEIL GÉNÉRAL DE LA PROMOTION DE L¿INVESTISSEMEN T ET DE LA PRIVATISATION

[…]

[…]

défaillant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 02 avril 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Dominique GUIHAL, présidente de chambre

Mme Anne BEAUVOIS, présidente

M. Jean LECAROZ, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

— par défaut

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Dominique GUIHAL, présidente de chambre et par Mélanie PATE, greffière.

Le 8 juin 2006, le Service de développement touristique libyen a conclu un contrat de location de parcelles pour la réalisation d’un projet d’investissement touristique avec la société F D E B-C et Fils pour le commerce, les entreprises et les constructions industrielles (ci-après la société B-C), société de droit koweïtien ayant élu domicile en République Arabe d’Egypte.

A la suite du retrait de l’agrément délivré à la société B-C, une sentence du 22 mars 2013, rendue par un tribunal arbitral constitué sous l’égide du Centre régional d’arbitrage du commerce international du Caire a condamné le gouvernement de l’Etat libyen, les ministères de l’Economie et des Finances de Libye, ainsi que le Conseil général de promotion des investissements et de la privatisation à payer à la société B-C une indemnité de 936.940.000 USD.

Cette sentence a été rendue exécutoire par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris du 13 mai 2013, confirmée par arrêt de cette cour rendu le 28 octobre 2014 sur l’appel de l’Autorité libyenne d’investissement et de l’ensemble des défendeurs à l’arbitrage. Le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté par la Cour de cassation le 8 juin 2016.

Le 11 mars 2016, la société B-C 'immatriculée au Registre du commerce de l’Etat du Koweit, ayant son siège social à B-C Towers, 13th floor, Qibla, X Y' et ayant élu domicile en l’étude de son huissier de justice à Montrouge, a fait procéder à la saisie-attribution des sommes détenues par le Crédit agricole Corporate & Investment Banking à Courbevoie, pour l’Etat de Libye et toutes ses émanations.

La Central Bank of Libya ( Banque centrale de Libye) ayant été informée par le Crédit agricole de la saisie de son compte sur lequel était déposée la somme de 100 millions d’euros, a formé le 11 avril 2016 devant le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Nanterre une contestation de cette mesure d’exécution en faisant notamment valoir qu’elle n’avait pas été condamnée par la sentence et qu’elle n’était pas une émanation de l’Etat libyen.

Par assignation délivrée le 17 octobre 2016 à la société B-C, à son siège social 3 rue Abbas B-Akkad Madinat Nasr, le Caire (Egypte), ainsi qu’au gouvernement de l’Etat libyen, au ministère de l’Economie et à celui des Finances de Libye, ainsi qu’au Conseil général de promotion des investissements et de la privatisation, par remise au parquet général près la cour d’appel de Paris, conformément à l’article 684 du code de procédure civile, pour les actes destinés aux personnes ayant leur résidence habituelle à l’étranger, hors Union européenne et en l’absence de traité international, la Central Bank of Libya a formé tierce opposition à l’arrêt de cette cour du 28 octobre 2014.

Le 19 avril 2017, la société B-C, ayant son siège social au Koweït, a saisi le conseiller de la mise en état d’un incident de nullité de fond de l’assignation tenant au défaut de pouvoir de M. Z A pour représenter la Central Bank of Libya. Cette dernière a invoqué le défaut

d’intérêt à agir de la société B-C ayant son siège social au Koweït, qu’elle désigne dans ses écritures comme B-C Koweït. Par une ordonnance du 5 octobre 2017, le conseiller de la mise en état s’est déclaré compétent pour examiner cette fin de non-recevoir, l’a rejetée et a également rejeté l’exception de nullité de l’assignation. Le déféré formé contre cette ordonnance a été déclaré irrecevable par arrêt du 6 mars 2018.

Par dernières conclusions notifiées le 14 mars 2019, la Central Bank of Libya demande à la cour de la juger recevable et bien fondée en sa tierce opposition, de rétracter l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 28 octobre 2014 en ce qu’il a confirmé l’ordonnance du 13 mai 2013 rendue sur la requête en exequatur de la sentence arbitrale du 22 mars 2013, et de prononcer la nullité de l’ordonnance d’exequatur :

— à titre principal, en conséquence de la nullité de la requête en exequatur de la sentence arbitrale du 22 mars 2013, formulée par la société F D E B-C et fils domiciliée 3, rue Abbas B-Akkad Madinat Nasr, Le Caire (République Arabe d’Egypte), désignée dans ses écritures comme B-C Egypte, entité dépourvue de personnalité juridique pour défaut de capacité d’ester en justice ;

— à titre subsidiaire, en conséquence de l’irrecevabilité de la requête en exequatur de la sentence arbitrale du 22 mars 2013, formulée par B-C Egypte, entité dépourvue de personnalité juridique pour défaut de capacité de jouissance et d’ester en justice.

Elle sollicite en tout état de cause le débouté de B-C Egypte de l’intégralité de ses demandes et la condamnation de B-C Egypte aux entiers dépens de l’instance et à lui payer la somme de 20.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile avec distraction.

La Central Bank of Libya qui se présente comme une institution autonome jouissant d’une personnalité morale propre et distincte de celle de l’Etat de Libye, soutient en premier lieu, sur la recevabilité de sa tierce opposition, que cette voie de recours est ouverte à l’encontre de l’arrêt de cette cour rendu le 28 octobre 2014 qui a confirmé l’ordonnance d’exequatur rendue par le tribunal de grande instance de Paris du 13 mai 2013, en application de l’article 585 du code de procédure civile et de l’article 1525 du code de procédure civile qui n’exclut pas cette voie de recours, en second lieu qu’elle a la qualité de tiers qui n’était ni partie ni représentée dans la procédure d’exequatur et en dernier lieu qu’elle dispose d’un intérêt à agir au motif qu’elle a subi un préjudice du fait d’une saisie-attribution pratiquée sur le fondement de l’arrêt de la cour d’appel.

Elle fait valoir ensuite qu’elle est bien fondée en sa tierce opposition et en sa demande de nullité de l’ordonnance d’exequatur, soit à raison de la nullité de fond affectant la requête en exequatur ainsi que toute la procédure subséquente, en application de l’article 117 du code de procédure civile, en l’absence de personnalité morale de l’entité B-C Egypte requérante qui n’est qu’un bureau de représentation dépourvue de personnalité morale, soit subsidiairement, sur le fondement des articles 122 et suivants du code de procédure civile, à raison de l’irrecevabilité de la requête pour défaut de capacité de jouissance et de capacité d’ester en justice de B-C Egypte, entraînant également la nullité de la procédure d’exequatur.

Par dernières conclusions notifiées le 18 mars 2019, la société Mohammed D E B-C et fils, société de droit koweïtien, ayant son siège social à Koweït Y (Koweït) prise en son établissement en Egypte au Caire, demande à la cour de débouter la Central Bank of Libya de toute ses demandes, de la condamner à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour recours abusif et la même somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile, de la condamner aux entiers dépens dont distraction.

La société B-C soutient en premier lieu que la tierce opposition de la Central Bank of Libya est irrecevable aux motifs que la décision d’exequatur d’une sentence arbitrale rendue à l’étranger

n’est, en tant que telle susceptible d’aucun recours, que la banque centrale n’est pas un tiers au sens de l’article 583 alinéa 1er du code de procédure civile et qu’elle n’a aucun intérêt direct, personnel et actuel à agir.

Subsidiairement, la société B-C soutient que le moyen invoqué n’est pas admissible, le recours ne pouvant être fondé que sur les cinq cas visés par l’article 1525 du code de procédure civile, qu’au surplus, il est mal fondé au motif qu’il n’existe qu’une seule société B- C.

Les autres parties à l’instance, le gouvernement de l’Etat libyen, les ministères de l’Economie et des Finances de Libye, ainsi que le Conseil général de promotion des investissements et de la privatisation , n’ont pas constitué avocat.

SUR QUOI :

Sur la recevabilité de la tierce opposition de la Central Bank of Libya

La société B-C invoque en premier lieu l’irrecevabilité de la tierce opposition au motif que cette voie de recours extraordinaire n’est pas ouverte à la Central Bank of Libya laquelle prétend que la tierce opposition est recevable en vertu des articles 585 et 1525 du code de procédure civile.

Selon l’article 582 du code de procédure civile, « La tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit d’un tiers qui l’attaque.

Elle remet en question relativement à son auteur les points jugés qu’elle critique pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit ».

Il résulte de cet article que le tiers opposant est dans une situation semblable à celle où il se serait trouvé s’il était intervenu pour s’opposer à l’action. Il lui est permis d’invoquer les moyens qu’il aurait pu présenter s’il était intervenu à l’instance avant que la décision ne fut rendue.

L’article 585 du code de procédure civile dispose que tout jugement est susceptible de tierce opposition si la loi n’en dispose autrement.

En premier lieu, il convient de relever que si en matière d’arbitrage interne, la voie de la tierce opposition est ouverte en application de l’article 1501 du code de procédure civile, l’article 1506 du code de procédure civile ne renvoyant pas à ce texte, pour les sentences rendues en France en matière internationale et pour les sentences rendues à l’étranger, celles-ci ne peuvent pas être frappées d’une tierce opposition.

En second lieu, comme le soutient la société B-C, le seul recours ouvert contre l’ordonnance d’exequatur d’une sentence rendue à l’étranger est l’appel prévu par l’article 1525 du code de procédure civile, dans les cas d’ouverture énumérés par l’article 1520 du code de procédure civile qui visent la sentence elle-même et non l’ordonnance d’exequatur qui n’est donc en tant que telle, susceptible d’aucun recours.

Dès lors, la tierce opposition à l’arrêt d’appel statuant sur la décision qui accorde l’exequatur à une sentence rendue à l’étranger, permettrait si elle était admise, à un tiers à la convention d’arbitrage et à l’instance arbitrale, d’opposer aux parties à cette convention et cette instance, des moyens visant la sentence elle-même alors qu’aucun recours n’est ouvert aux tiers contre la sentence rendue à l’étranger.

La tierce opposition de la Central Bank of Libya doit en conséquence être déclarée irrecevable.

Sur la demande de dommages et intérêts pour recours abusif

L’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits n’est pas suffisante à faire dégénérer l’exercice de ce droit en abus et n’est pas en soi constitutive d’une faute. A défaut pour la société B-C d’établir une faute constitutive d’un tel abus commise par la Central Bank of Libya, sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive sera rejetée.

Sur les dépens et l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Les dépens de la présente instance seront supportés par la Central Bank of Libya qui succombe en ses prétentions.

L’équité commande de la condamner à payer à la société B-C une indemnité de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Déclare irrecevable la Central Bank of Libya en sa tierce opposition contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 28 octobre 2014 ayant confirmé l’ordonnance rendue le 13 mai 2013 par le président du tribunal de grande instance de Paris qui a déclaré exécutoire en France la sentence arbitrale rendue au Caire le 22 mars 2013.

Rejette la demande de la société F D E B-C et Fils en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Condamne la Central Bank of Libya à payer à la société F D E B-C et Fils une indemnité de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la Central Bank of Libya aux dépens, dont distraction conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 1, 28 mai 2019, n° 16/21946