Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 17 septembre 2019, n° 17/15114

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 2 - ch. 1, 17 sept. 2019, n° 17/15114
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 17/15114
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 2 mai 2017, N° 15/05206
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 1

ARRÊT DU 17 SEPTEMBRE 2019

(n° 2019 – 300, 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/15114 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B33D2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Mai 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 15/05206

APPELANT

Monsieur G X

[…]

[…]

Représenté par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Ayant pour avocat plaidant Me Olivier TOUCHOT, avocat au barreau de PARIS, toque : G0778, substituant Me Michel DUTILLEUL-FRANCOEUR

INTIMES

Monsieur I Y

Né le […] à TARBES

[…]

[…]

ET

La SARL MEZCALA EXPERTISES, prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 499 770 329 00013

[…]

[…]

Représentés par Me Francine HAVET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1250

Ayant pour avocat plaidant Me Judith SCHOR de la SCP RAPPAPORT HOCQUET SCHOR,

avocat au barreau de PARIS, toque : P0329

La SARL SOCIÉTÉ DE VENTES VOLONTAIRES BINOCHE et GICQUELLO – SVV, prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 443 301 775 00021

[…]

[…]

ET

SARL BINOCHE ET GIQUELLO, prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 443 301 775 00021

[…]

[…]

Ayant pour avocat plaidant Me Charlotte POIVRE, avocat au barreau de PARIS, substituant Me Marcel PORCHER de la SELAS PORCHER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : G0450

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 22 Mai 2019, en audience publique, devant la cour composée de :

M. K L, président de chambre

Mme Marie-Claude HERVE, conseillère

Madame Anne de LACAUSSADE, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur K L dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Nadyra MOUNIEN

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par M. K L, président de chambre et par Mme Fatima-Zohra AMARA, greffière présente lors du prononcé.

***********

M. G X, expert en arts précolombiens et collectionneur d’art indien d’Amérique, a procédé à sept acquisitions lors de deux ventes aux enchères sur catalogue organisées par la société

de ventes volontaires (SVV) Binoche et Giquello, assistée des experts M. I Y et la société Mezcala Expertises.

Lors de la vente du 24 avril 2010, M. X s’est porté acquéreur des quatre lots suivants :

Lot 60 : coiffe cheyenne, Plaines, Etats-Unis, XX ème siècle,

Lot 90 : veste de chef de guerre (shirt wearer) Sioux (Oglala '), Plaines, Etats-Unis, début du XXème siècle,

Lot 102 : scalp cheyenne, Plaines, Etats-Unis, XXème siècle,

Lot 212 : couteau et son étui, Apache, Nouveau-Mexique, Etats-Unis, début du XXème siècle.

Lors de la vente du 9 décembre 2011, il s’est porté acquéreur des trois lots suivants :

Lot 26 : coiffe de guerrier, indiens crow, Montana, Etats-Unis, début du XXème,

Lot 28 : coiffe de sorcier indien cree du clan du bison, Etats-Unis, fin XIXème siècle,

Lot 43 : […], […], […].

Le 3 novembre 2014, M. X a consulté M. M N, spécialiste de l’art indien d’Amérique, lequel a conclu que les sept objets qu’il avait acquis étaient tous des reproductions, puis d’autres experts en art indien, MM. O P, Q R, M S, T U, V W et AA AB, qui ont également conclu au défaut d’authenticité des pièces examinées.

Les 23, 24, et 30 mars 2015, M. X a fait assigner la SVV Binoche et Giquello, M. Y et la société Mezcala Expertises devant le tribunal de grande instance de Paris en responsabilité professionnelle et indemnisation.

Le 10 juin 2015, la SVV Binoche et Giquello a mis en cause les vendeurs, MM. AC Z, AD AE, AF AG et AH-AI AJ.

Par jugement du 3 mai 2017, le tribunal de grande instance de Paris a :

— condamné in solidum la SVV Binoche et Giquello, M. Y et la société Mezcala expertises à payer à M. X, en réparation de son préjudice, la somme de 35 684,64 euros, correspondant à la différence entre la valeur d’acquisition et la valeur réelle des oeuvres, outre intérêts de droit avec capitalisation à compter du jugement ;

— condamné in solidum M. Y et la société Mezcala Expertises à garantir la SVV Binoche et Giquello de l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre ;

— rejeté les demandes de réparation liées au caractère abusif de la procédure ;

— débouté M. Z de sa demande d’indemnisation au titre d’un préjudice moral ;

— condamné in solidum la SVV Binoche et Giquello, M. Y et la société Mezcala Expertises à payer à M. X la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné M. Y et la société Mezcala Expertises aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

— ordonné l’exécution provisoire de la décision.

Le tribunal a estimé que tous les lots vendus étaient inauthentiques, ces derniers ne pouvant être attribués soit au groupe social considéré, soit à la période indiquée, soit encore à la zone géographique prétendue.

M. X, qui a interjeté appel de cette décision, demande à la cour, aux termes de ses dernières conclusions du 15 février 2018 :

de confirmer le jugement en ce qu’il a :

— débouté la SVV et les experts de l’ensemble de leurs demandes ;

— jugé que les lots litigieux acquis lors des ventes des 24 avril 2010 (lots 90, 102 et 212) et des 9 décembre 2011 (lots 26, 28 et 43) ne sont pas authentiques ;

— jugé que la SVV Binoche et Giquello, M. Y et la société Mezcala Expertises ont commis une faute engageant leur responsabilité

de l’infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau :

— à titre principal, de condamner in solidum, la SVV Binoche et Giquello, M. Y et la société Mexcala Expertises à lui payer une somme de 230 192 euros avec intérêts de droit à compter du jour de l’acte introductif d’instance et capitalisation des intérêts année par année conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil ;

— subsidiairement, d’ordonner une mesure d’expertise avec mission notamment de donner son avis sur l’authenticité des objets acquis, de fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la cour de déterminer les responsabilités encourues et les préjudices subis, de chiffrer la valeur actuelle des objets acquis (faux) et leur valeur actuelle des dits objets s’ils étaient authentiques ;

— condamner, en tout état de cause, in solidum, la SVV Binoche et Giquello, M. Y et la société Mexcala Expertises à lui payer une somme de 15 000 euros HT au titre de l’article 700 du code de procédure civile (expertise, vente du 24 avril 2010) ;

— les condamner in solidum aux entiers dépens, lesquels comprendront l’ensemble des frais d’expertises qu’il a avancés (9 855,55 euros) dont distraction au profit de Me Dutilleur-Francoeur, avocat aux offres de droit.

Dans ses dernières écritures du 20 décembre 2017, la SVV Binoche et Giquello, formant appel incident, demande à la cour l’infirmation du jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

— dire que M. X ne rapporte pas la preuve du défaut d’authenticité ;

— dire que M. X ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un préjudice ;

— le débouter en conséquence de ses prétentions ;

— dire, à titre subsidiaire, que si préjudice il y a, il ne pourra être constitué que par la différence entre le prix d’achat et la valeur des objets et qu’il appartient à M. X de faire connaître sa réclamation sur ce fondement ;

— condamner, en tout état de cause, tout succombant à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de

l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner M. X en tous les dépens dont distraction au profit de la Selas Porcher & Associés qui affirme en avoir fait la plus grande avance dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile.

M. Y et la société Mezcala Expertises, formant appel incident, demandent à la cour, dans leurs dernières écritures du 19 décembre 2017, d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 3 mai 2017 et, statuant à nouveau, de :

— débouter M. X de l’intégralité de ses demandes.

— le débouter de sa demande subsidiaire d’expertise,

— le condamner à leur verser la somme de 3 000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

SUR CE,

Considérant que M. X soutient que :

— la datation au carbone 14 des lots 90 (veste de chef sioux), 26 (coiffe de guerrier Crow) et 28 (coiffe de sorcier Cree) a permis de démontrer des anachronismes ;

— les avis des experts consultés établissent par ailleurs le défaut d’authenticité de l’ensemble des objets achetés ;

— M. A, du muséum d’histoire naturelle, obligatoirement consulté par la SVV pour la vente dans le cadre de la convention CITES, n’a fait que répertorier les espèces protégées dont des éléments font partie des objets litigieux ; il appartenait ensuite à l’expert de la vente de déterminer si l’assemblage de l''uvre est authentique ou s’il s’agit d’une reconstitution ; les seuls travaux de M. A ne sauraient en conséquence valoir authentification des 'uvres en cause ; un examen des expertises de M. A révèle la présence de trois espèces animales (plumes de merle noir sur le lot 60 de la vente du 24 avril 2010, plumes de pygargue à queue blanche sur le lot 90 de la vente du 24 avril 2010, plumes d’oie cendrée sur le lot 28 de la vente du 9 décembre 2011, tous oiseaux qui ne sont pas présents en Amérique du nord), démontrant que les lots 60 et 90 de la vente du 24 avril 2010 et 28 de la vente du 9 décembre 2011 n’ont pas été créés en Amérique du nord ;

— l’expert et le commissaire-priseur se sont bornés à recopier les conclusions de M. A sans chercher à les analyser et à déceler des incohérences géographiques ;

— l’appelant a en revanche consulté l’ensemble des experts reconnus afin de déterminer si les objets qu’il a acquis sont authentiques ou non et les avis recueillis sont catégoriques et tranchés en faveur de reproductions ;

— s’agissant du lot 60 : coiffe cheyenne, plaines, Etats 'Unis, XXème siècle (vente du 24 avril 2010), il s’agit d’un objet de fabrication récente, créé au mieux dans les années 1980, non pas par la tribu des Cheyennes, mais en Europe, eu égard à la présence de plumes de merle noir, oiseau qui n’a jamais été présent au Montana, territoire de la réserve Cheyenne ;

— s’agissant du lot 90 : veste de chef de guerre-shirt wearer’début du XXème siècle (vente du 24 avril 2010), les perles figurant sur la chemise n’existaient pas chez les sioux au XIXème et au début du XXème siècle ; on ne retrouve pas l’odeur typique de cervelle d’animaux des vestes de cette époque ; les méthodes d’assemblage ne correspondent pas à celles des Sioux ; la patine et les signes d’usure

sont simulés ; l’anachronisme de cette veste est confirmé par une expertise scientifique menée par le laboratoire CIRAM révélant que le lot 90 date de la seconde moitié du XXème siècle ;

— le lot 102 : scalp cheyenne, Plaines, XXème siècle (vente du 24 avril 2010), n’a pas été fabriqué par un Cheyenne mais par des indianistes ;

— le lot 212 : couteau et son étui Apache-début du XXème siècle (vente du 24 avril 2010), est une création d’amateur du Far West, l’objet ne présentant aucune des caractéristiques d’un couteau Apache ;

— concernant le lot 26, coiffe de guerrier, indien Crow, Montana, début XXème siècle (vente du 9 décembre 2011), une étude scientifique réalisée par le laboratoire CIRAM confirme qu’il n’est pas authentique, l’analyse au carbone 14 démontrant que l’animal dont provient le cuir a été abattu durant la deuxième moitié du XXème siècle ;

— le lot 28, coiffe de sorcier indien Cree du clan du bison, Etats-Unis, fin XIXème siècle (vente du 9 décembre 2011), n’est pas de style Cree mais Osage ; il s’agit d’une imitation d’une pièce emblématique de l’art Osage ; les matériaux de l’objet litigieux sont récents car il n’y a pas de traces d’usure ;

- le lot 43, […], […], […] (vente du 9 décembre 2011), est un objet de fantaisie qui ne présente pas de signes d’usure ;

— tous les objets litigieux sont ainsi des reconstitutions d’objets indiens réalisés par des indianistes (absence de trace d’usure, de poussières, incohérences des matériaux et du style, etc') ; ils n’ont pas été fabriqués par les tribus mentionnées dans le catalogue de vente et/ou à l’époque indiquée par l’expert et le commissaire-priseur ;

— l’analyse scientifique vient confirmer l’opinion des experts s’agissant des lots 90 et 60 de la vente du 24 avril 2010, 26 et 28 de la vente du 9 décembre 2011 ;

— dès lors que les recherches, c’est-à-dire les connaissances de l’époque, auraient dû permettre d’établir que ces oeuvres n’étaient pas authentiques, la responsabilité de l’expert, qui a fait figurer dans les catalogues des mentions non conformes à la réalité et dénuées de réserves, est engagée ;

— en affirmant sans réserves l’authenticité des lots litigieux, la SVV, la société Mezcala et M. Y ont manqué à leurs obligations, sans qu’il soit besoin de caractériser une autre faute de leur part et engagé leur responsabilité ;

— si la cour considère que l’absence de réserve est insuffisante pour caractériser la faute, elle ne pourra que constater que l’expert et le commissaire-priseur n’ont pas pris, préalablement à la vente, les précautions qui s’imposaient ; en se bornant à faire état de l’expertise scientifique de M. A, M. Y et la société Mezcala confirment qu’ils n’ont fait aucune recherche ni analyse ethnographique et stylistique ; ils ne justifient pas avoir entrepris des recherches ou des travaux pour se convaincre de l’authenticité des 'uvres, ce d’autant que le milieu des arts premiers est connu pour ses nombreux faux ;

— la SVV était tenue de s’assurer de l’existence matérielle des diligences effectuées par ses experts ;

— s’il avait eu connaissance de ce que les lots litigieux étaient des faux, il ne les aurait jamais acquis puisqu’étant collectionneur il n’a aucun intérêt à acheter des copies ; ce sont les mentions erronées portées sur les catalogues de vente par la SVV Binoche, avec le concours de la Sarl Mezcala et M. Y, qui ont déterminé ses achats et concouru à son préjudice ;

— son préjudice correspond à la différence entre la valeur des objets au jour de la décision de la cour s’ils avaient été authentiques et la valeur réelle des objets qu’il a achetés ;

Considérant que la SVV Binoche et Guiquello réplique que :

— la preuve du défaut d’authenticité des objets en cause n’est pas rapportée ; par ailleurs, cette procédure ayant été intentée plusieurs années après les ventes, le demandeur doit prouver que les objets litigieux sont bien les mêmes que ceux dont il a fait l’acquisition ;

— la recherche d’authenticité est du ressort du seul expert, professionnel hautement spécialisé auquel l’opérateur de vente, généraliste du marché de l’art, fait appel ;

— l’estimation transmise par M. Q B est largement supérieure à la valeur d’acquisition des biens (qui s’est élevée à 44 500 euros), alors même qu’il ne s’est écoulé qu’une durée de six ans entre la date des ventes et la délivrance de l’attestation litigieuse ;

— le préjudice de l’appelant ne peut s’entendre que de la différence entre la valeur d’acquisition et la valeur réelle des 'uvres, c’est-à-dire la valeur du marché ;

Considérant que M. Y et la Sarl Mezcal, répliquent que :

— tous les experts sollicités par M. X, à l’exception de M. Storrmer, ont émis des opinions extrêmement tranchées n’émettant aucune réserve et affirmant de manière catégorique que les objets sont des faux grossiers ; or toutes ces personnes, sauf une, ont été interrogées par e-mail et se sont prononcées à partir de photographies qui ne sont pas versées aux débats ;

— les attestations établies par I A confirment l’authenticité des objets comprenant des éléments organiques d’espèces protégées ;

— la preuve de l’inauthenticité des objets n’est pas rapportée ;

— la seule valeur qui peut être retenue et considérée comme probante est celle que les objets ont atteint au jour de la vente ;

Considérant que les premiers juges ont exactement rappelé que la responsabilité de l’expert est engagée en cas de mentions inexactes sur le catalogue de la vente, la société de vente volontaire devant solidairement sa garantie à l’adjudicataire, sauf son recours contre l’expert, homme de l’art, qu’il a pris la précaution de consulter ;

Considérant que si M. X a attendu plusieurs années avant de contester l’authenticité des objets qu’il a acquis au cours de deux ventes, force est de constater qu’aucune prescription ne lui est opposée ;

Considérant que s’il lui est reproché de ne pas avoir sollicité une mesure d’expertise sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, il a présenté une demande de mesure d’instruction devant le juge de la mise en état qui lui a été refusée, de sorte que ce n’est pas de son fait si une expertise contradictoire n’a pu avoir lieu ;

Considérant que la SVV soutient qu’il appartient à M. X de démontrer que les objets dont il conteste l’authenticité sont bien les mêmes que ceux qu’il a achetés ; que, toutefois les intimés ne font état d’aucun élément précis qui introduirait un doute sur ce point ;

Considérant que l’ensemble des attestations, expertises, travaux dont fait état l’appelant a été soumise au contradictoire des intimés qui ont été mis à même de les discuter et de les contester; qu’il convient

par ailleurs de relever que ceux-ci ne demandent pas d’expertise et s’opposent même à celle sollicitée à titre subsidiaire par M. X ;

Considérant que les intimés ne peuvent se prévaloir de l’intervention de l’expert en zoologie, M. A, du Muséum d’histoire natuelle, qui aurait authentifié les objets litigieux qu’il a examinés, dès lors que celui-ci atteste qu’il est intervenu dans le cadre de la convention de protection internationale CITES et que son action ne consiste qu’à dire les espèces qui composent un objet et non de se substituer à l’expert scientifique de la vente ; que M. A souligne que les deux sortes d’experts n’ont pas les mêmes savoirs et qu’ils ne peuvent être confondus ou intervertis ; qu’il ne peut être prétendu que l’expert en zoologie est capable d’une authentification/validation en arts premiers ; que la reprise par ses soins des éléments repris du catalogue (et non l’inverse) dans son attestation matériaux organiques/zoologie est seulement destinée à préciser le contexte connu ou réputé de l’objet ainsi qu’à le décrire très brièvement, ce qui ne saurait signifier validation de sa part ; que l’affirmation de ce que la mise en oeuvre n’est pas frauduleuse signifie seulement qu’il n’a décelé aucune incohérence temporelle entre les matériaux organiques présents, examinés et identifiés d’un point de vue espèce animale et les éléments fournis par le demandeur, la mention servant également à expliciter qu’il n’y a pas de matériaux faux au sens d’une espèce volontairement maquillée ou transformée dans le seul but de tromper, de faire croire à une autre ; qu’il s’ensuit qu’il ne peut être excipé par les intimés de la validation par M. A de l’authenticité ethnographique des objets qu’il a examinés ;

Considérant que les premiers juges ont exactement, par des motifs que la cour fait siens, retenu que l’expertise scientifique menée par le laboratoire CIRAM a permis de déterminer que le lot 90 (chemise de guerre) datait de la seconde moitié du 20e siècle, alors que le catalogue précisait qu’il remontait au début du 20e siècle ; que cette observation qui n’est pas discutée est confortée par les observations circonstanciées faites notamment par les experts consultés (qui ont vu tous les objets en cause), M. B, ainsi que MM. C et D (perles anachroniques chez les Sioux, absence d’odeur typique résultant de la pâte de cervelle d’animaux) ;

Considérant, s’agissant du lot 26, que l’analyse au carbone 14 effectuée par le laboratoire CIRAM a permis de déterminer que l’animal dont provient le cuir du lot 26 (coiffe de guerrier Crow, Montana, début 20e siècle, avait été abattu durant la deuxième moitié du 20 ème siècle, alors que le catalogue mentionne le début du 20e siècle ; que cette observation scientifique, indiscutée, confirme les opinions des experts consultés (anomalie des perles, technique ne correspondant pas au style traditionnel Crow ;

Considérant, s’agissant du lot 28, décrit comme une coiffe de sorcier, indien Cree du clan du bison, fin du 20e siècle, que l’analyse du laboratoire CIRAM date l’échantillon de corne provenant de la coiffe postérieurement à 1950 et que la teinture bleue contient un produit de synthèse, les experts consultés indiquant tous que l’oeuvre n’est pas de style Cree mais Osage ;

Considérant que s’agissant du lot 102 (scalp cheyenne, plaines, 20e siècle), MM. E et D indiquent qu’il ne s’agit pas d’un scalp, que la broderie en piquants de porc-épic est trop mal faite pour être crédible et que le fil de couture est du nylon moderne ; que pour le lot 212 (couteau et son étui, Apache, début du 20e siècle, les trois experts consultés concluent à un faux, MM. F et D relevant que l’épaisseur de la lame est constante et que celle-ci est plane, ce qui est impossible sur les objets anciens forgés ; que le lot 43 (cuillère de danse de feu, […], Etats unis, début 20e siècle), les experts B ainsi que F et D ne relèvent aucun signe d’usure ou d’âge ;

Considérant que l’ensemble de ces éléments est suffisant pour dire qu’il existe au moins un doute sur l’exactitude des mentions contenues dans les catalogues, de sorte que la responsabilité de l’expert et de la SVV est engagée solidairement à l’égard de l’appelant ;

Considérant que M. X, qui affirme que collectionneur, il n’aurait pas acquis ces objets s’il ne les avait pas cru authentiques, ne demande pas pour autant la nullité de la vente mais l’indemnisation de la différence de valeur entre la véritable valeur de ce qu’il a acheté et ce que serait la valeur de ces objets s’ils avaient été, de façon certaine, authentiques ;

Considérant que les intimés font valoir à juste titre la difficulté d’estimer la valeur de ces objets, compte tenu du fait qu’il ne s’agit pas d’oeuvres attribués à un auteur particulier mais d’objets d’art tribal ;

Considérant qu’il ressort des attestations versées aux débats que la valorisation de ce type d’oeuvre a évolué très positivement, ce que ne contestent pas les intimées qui se bornent à affirmer que le préjudice doit être évalué au moment de la vente ;

Considérant toutefois que le préjudice doit être évalué au moment où la cour statue ;

Considérant dès lors qu’eu égard à l’évolution favorable de la valeur de ces oeuvres tribales, il convient, au vu des évaluations fournies par les experts sollicités par M. X, aboutissant à une différence de valeur supérieure à 200 000 euros, il convient cependant de tenir compte du caractère fluctuant et de la particulière difficulté de ces valorisations, de chiffrer le préjudice de M. X, découlant de l’absence de certitude d’authenticité des oeuvres litigieuses achetées à la somme de 100 000 euros ;

Considérant dans ces conditions que le jugement doit être confirmé sauf sur le montant de l’indemnisation de M. X ; que la somme de 35 684,64 euros allouée par le tribunal portera intérêts au taux légal à compter du jugement du 3 mai 2017 avec capitalisation, le surplus de la somme allouée par la cour portant intérêts au taux légal à compter de la date de l’arrêt ;

Considérant que la SVV Binoche et Gicquello, M. Y et la société Mezcala Expertises doivent être condamnées in solidum à payer à M. X la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel et à supporter les dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, les demandes des intimées devant être rejetées compte tenu du sens de la décision ;

Par ces motifs, la cour,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 3 mai 2017 sauf sur le montant de l’indemnisation allouée à M. X ;

Statuant à nouveau, condamne in solidum la SVV Binoche et Giquello, M. Y et la société Mezcala expertises à payer à M. X, en réparation de son préjudice, la somme de 100 000 euros ;

Dit que la somme de 35 684,64 euros portera intérêts au taux légal à compter du jugement du 3 mai 2017, le surplus de la somme allouée par la cour portant intérêts au taux légal à compter de la date de l’arrêt, les intérêts dus pour une année se capitalisant ;

Y ajoutant, condamne in solidum la SVV Binoche et Gicquello, M. Y et la société Mezcala Expertises à payer à M. X la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel et à supporter les dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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