Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 27 mars 2019, n° 17/12101

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 6, 27 mars 2019, n° 17/12101
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 17/12101
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Bobigny, 18 juin 2015, N° F13/00813
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6

ARRÊT DU 27 Mars 2019

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 17/12101 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B4FY2

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 juin 2015 par le Conseil de prud’hommes formation de départage de BOBIGNY – RG n° F 13/00813

APPELANTE

Mme B C épouse X

[…]

[…]

comparante en personne, assistée de Me Maude BECKERS, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 141

INTIMÉE

SA GFI INFORMATIQUE venant aux droits de GFI INFORMATIQUE PRODUCTION

[…]

[…]

N° SIREN : 428 286 496

représentée par Me Léa DUHAMEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

PARTIES INTERVENANTES

DÉFENSEUR DES DROITS

[…]

[…]

représenté par Me Laetitia BRAHAMI, avocat au barreau de PARIS

SYNDICAT […]

[…]

[…]

représentée par M. D E (Secrétaire national) en vertu d’un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 12 Février 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Hélène GUILLOU, Présidente de chambre

Anne BERARD, Présidente de chambre, rédactrice

Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère

qui en ont délibéré

MINISTÈRE PUBLIC

L’affaire a été communiquée au ministère public représenté lors des débats par M. Antoine PIETRI, substitut général, qui a été entendu en ses observations

Greffier : Martine JOANTAUZY, lors des débats

ARRÊT :

— contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— signé par Madame Hélène GUILLOU, présidente de chambre et par Madame Martine JOANTAUZY, greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme X a été embauchée le 16 mars 2009 par contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de technicienne support, catégorie Etam, position 2.2 au coefficient de classification 310, aux conditions générales de la convention collective nationale applicable aux personnels des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs conseils et des sociétés de conseil (convention Syntec) par la société GFI Informatique Production aux droits de laquelle se trouve la société GFI Informatique par l’effet de la transmission universelle du patrimoine à effet du 14 septembre 2018.

La société emploie plus de onze salariés.

Elle a été affectée à compter du 26 mars 2009 sur une mission pour le compte de la SNCF, sur le site de Paris-Saint Lazare.

Elle a été en congé maternité à partir du 10 septembre 2009 jusqu’au 13 janvier 2010.

A son retour de congé, son employeur a proposé à Mme X une nouvelle mission pour le compte d’EDF, à Clamart.

Mme X a refusé cette affectation en raison de l’allongement de son temps de trajet et des horaires de travail.

Elle a de nouveau refusé cette affectation après proposition de modification des horaires par son employeur.

Mme X a été convoquée le 6 avril 2010 à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement pour cause réelle et sérieuse et a été licenciée pour ce motif par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 avril 2010.

Mme X a saisi la Halde d’une réclamation pour discrimination à raison de son congé maternité.

Mme X a saisi le Conseil de Prud’hommes de Bobigny le 26 février 2013 qui, par jugement de départage du 19 juin 2015, l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes, a rejeté l’ensemble des demandes formées par le syndicat solidaires unitaires démocratiques (SUD), a condamné Mme X ainsi que le syndicat SUD à verser chacun à la société GFI Informatique la somme de 500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné Mme X aux dépens.

Le 21 juillet 2015, Mme X a régulièrement interjeté appel.

Le syndicat SUD groupe GFI est intervenu volontairement à ses côtés.

Le Défenseur des droits a décidé de présenter des observations

Par conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 8 février 2019 et développées oralement, auxquelles il est expressément fait référence, Mme X demande à la cour d’infirmer le jugement rendu, de reconnaître l’existence d’une discrimination et subséquemment la nullité du licenciement et de condamner la société GFI Informatique à lui payer :

—  70.000 euros à titre de dommages et intérêts pour la nullité de son licenciement,

—  202.000 euros au titre de la discrimination,

—  2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile devant le conseil de prud’hommes,

—  2.400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile devant la Cour,

Par conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 11 février 2019 et développées oralement, auxquelles il est expressément fait référence, la société GFI Informatique venant aux droits de la société GFI Informatique-production, demande de confirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions, de dire que l’action du syndicat Sud est irrecevable en cause d’appel, de le condamner à lui payer une somme de 1.500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile, de condamner Mme X à lui verser une somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de les condamner aux dépens.

Par un mémoire d’intervention volontaire à titre principal adressé aux parties le 16 janvier 2019 et développé à l’audience du 12 février 2019, le syndicat SUD demande à la cour de le dire recevable et bien fondé, la procédure posant une question de principe et un préjudice étant porté à l’intérêt collectif de la profession.

Il demande :

— La condamnation de la société GFI Informatique à lui verser 1.500 euros de dommages et intérêts,

— La publication sur l’intranet du Groupe Gfi (https ://gfi1.sharepoint.com)du message suivant de la décision à intervenir, en caractères Times .30 et couleur rouge : « GFI condamnée par la Cour

d’Appel de Paris pour avoir porté atteinte à la protection de la maternité et discriminé une salariée à son retour d’arrêt maternité '' accompagné d’un lien permettant d’accéder sur écran à la décision intégrale de la décision, et ce durant 1 mois, courant à compter du jour où la décision à intervenir sera exécutoire,

Assortir cette condamnation d’une astreinte de 500 € par infraction constatée, la cour d’appel se réservant compétence pour liquider cette astreinte,

— la condamnation de la société GFI Informatique à lui verser 1.000€ au titre de l’article 700 code de procédure civile, outre aux entiers dépens,

— que soit ordonnée l’exécution provisoire de la décision.

Par observations écrites déposées le 12 février 2019, visées par le greffier et développées oralement, auxquelles il est expressément fait référence, le Défenseur des droits, sollicité par Mme X pour qu’il poursuite l’enquête engagée par la Halde, a estimé que le remplacement définitif de Mme X durant son congé maternité, l’absence d’organisation de son retour, le maintien de la proposition de l’employeur de l’affecter à une nouvelle mission éloignée de son domicile difficilement compatible avec sa vie personnelle et familiale, alors que d’autres postes correspondant à ses fonctions étaient disponibles au sein de l’entreprise, caractérisent l’existence de mesures préparatoires au licenciement de la réclamante, la violation des dispositions de l’article L1225-25 du code du travail et la mise en oeuvre abusive de la clause de mobilité prévue à son contrat de travail, de nature à entacher de nullité le licenciement de Mme X pour discrimination, par application des dispositions de l’article L1132-4 du code du travail.

Le ministère public, dans son avis du 15 janvier 2019 développé oralement à l’audience, a estimé que Mme X n’a pas fait l’objet d’une mesure discriminatoire.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l’intervention du syndicat SUD

La société GFI Informatique soutient que l’intervention volontaire du syndicat SUD à l’instance d’appel est irrecevable, dès lors qu’il était déjà intervenu volontairement en première instance et n’a pas interjeté appel du jugement.

Le syndicat SUD soutient pour sa part être recevable sans s’expliquer particulièrement sur ce point de procédure.

L’article 554 du code de procédure civile dispose que « peuvent intervenir en cause d’appel, dès lors qu’elles y ont intérêt, les personnes qui n’ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.

Le syndicat SUD, qui avait déjà fait une intervention volontaire à titre principal en première instance et disposait d’un droit d’appel, sera déclaré irrecevable en son intervention volontaire principale en cause d’appel.

Sur le licenciement

Aux termes de la lettre de licenciement qui lui a été notifiée le 13 avril 2010, Mme X a été licenciée pour avoir refusé de réaliser une prestation pour le compte du client EDF situé à Clamart.

Il est constant qu’elle avait refusé cette mission lors d’un entretien avec son employeur le 21 janvier 2010, qui lui a indiqué qu’il se laissait un délai d’un mois pour rechercher une autre affectation, en se

réservant le droit de lui proposer celle-ci s’il n’y parvenait pas. Il lui a finalement imposé, par ordre de mission du 9 mars 2010, d’avoir à participer à l’exécution de ce contrat sous la responsabilité de M. Z à compter du 22 mars 2010.

Mme X a refusé par mail du 12 mars 2010 en estimant qu’il ne pouvait être considéré comme un poste similaire en raison des temps de trajets importants par rapport à ceux de la précédente mission, qu’il était en dehors du secteur géographique tel que défini par la jurisprudence et qu’il l’exposait à des frais de garde importants et imposait à son jeune enfant un rythme inadapté.

Le 15 mars 2010, M. F lui a rappelé que la prestation qu’elle effectuait précédemment ne constituait pas un poste vacant, que sa nouvelle mission à Clamart était accessible par les transports en commun, que du temps lui avait été laissé pour s’organiser et qu’il lui demandait donc de se présenter sur le site le 22 mars à 9H, ses horaires de travail étant de 8H30-17H00 assortis d’une pause méridienne d’une heure.

Il a appelé son attention sur les conséquences du maintien de son refus.

Sur le changement d’emploi

Aux termes de l’article L1225-25 du code du travail 'A l’issue du congé de maternité, la salariée retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente'.

L’article 5 du contrat de travail de Mme X, stipule comme lieu d’affectation ' la zone géographique des nos établissements localisés en région parisienne'.

Il précise : ' comme vous le savez, la nature même de l’exercice de votre métier dans une société de service informatique implique que vous soyez appelé à effectuer vos missions en dehors des locaux de GFI. C’est pourquoi, en raison de la nature des activités de l’Entreprise et de ses nécessités de fonctionnement, vous serez appelé à vous déplacer selon une fréquence et pour des durées variant en fonction de vos missions (de quelques jours à quelques mois).

Ces déplacements seront indemnisés selon les modalités et barèmes en vigueur dans notre Entreprise.

Vous reconnaissez que votre attention a été spécialement attirée sur la mobilité nécessaire aux collaborateurs d’une Entreprise de services telle que la nôtre et vous déclarez en avoir compris l’intérêt'.

L’activité de Mme X à la SNCF Site Saint Lazare avant son congé maternité s’inscrivait dans le cadre de l’exécution d’une mission. Son changement de lieu de mission, sur le site d’EDF à Clamart, qui relève du pouvoir de direction de l’employeur, ne saurait être considéré comme un changement d’emploi, dès lors qu’elle restait bien technicienne support affectée à un établissement GFI de région parisienne, avec des conditions de rémunération inchangées.

Mission et emploi constituant deux notions distinctes, si Mme X disposait d’un droit à réintégration dans son emploi de technicienne support à l’issue de son congé maternité et être ainsi payée sans avoir de mission, elle ne disposait en revanche d’aucun droit à retour dans sa précédente mission, qui, en l’occurrence, n’était plus disponible, la salariée l’ayant relayée donnant satisfaction au client de son employeur et celui-ci ayant accepté de l’y maintenir.

Les termes du contrat de Mme X autorisaient son employeur à lui confier une nouvelle mission similaire, ce qui était le cas de celle de Clamart, relevant du niveau de compétence défini à son contrat de travail et s’accomplissant dans l’aire géographique contractuelle.

Sur le changement de lieu d’exercice de la mission

L’article 61de la convention collective applicable précise que « Constatant l’intérêt économique et social de la mobilité géographique, des salaries entrant dans le champ d’application de la présente Convention, mais conscientes des répercussions quelle peut avoir, les parties signataires recommandent que cette mobilité ne soit pas, pour les salariés, l’occasion d’une charge supplémentaire et qu’il soit tenu compte dans toute la mesure du possible de leur situation familiale'.

Il est constant que le contrat de travail de Mme X comprend en son article 9 une clause de mobilité, mais qui concerne l’hypothèse d’un détachement ou d’une mutation dans un autre poste ou un autre établissement de l’entreprise ou du groupe.

Cette clause n’a nullement été appliquée à la situation de Mme X, lorsqu’il lui a été donné un nouvel ordre de mission.

L’article L1121-1 du Code du travail dispose cependant que : ' Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché'.

Dès lors, si le salarié est amené à changer de lieu de travail au sein d’un même secteur géographique, il n’en résulte qu’un simple changement des conditions de travail, qui s’impose à lui, sauf atteinte excessive à sa vie privée et familiale.

Pour caractériser cette atteinte, Mme X, fait état de l’allongement notable de son temps de trajet et de l’impact de ce changement sur l’organisation de la garde de son enfant.

Il résulte des pièces produites aux débats que tant dans le cas de sa première affectation que dans celui de la seconde, Mme X était amenée à faire deux changements de transport collectif : Autobus, puis RER, puis métro, et inversement, pour la première, trois trajets successifs en autobus aller-retour pour la seconde.

Si l’employeur justifie que les trajets en voiture étaient plus courts pour la deuxième mission que pour la première, l’ordre de mission remis à la salariée excluait cependant ce mode de transport.

Par les transports en commun, Mme X justifie de trajets aller de 38 minutes avec départ à 7 H 31 et arrivée à 8 H 09 et de trajets retour de 39 minutes avec départ à 17 H 50 et arrivée à 18 H 29 pour se rendre sur le site de sa première mission. L’employeur justifie quant à lui d’une durée de 48 minutes à des horaires matinaux comparables.

Pour se rendre sur le site de sa seconde mission, Mme X justifie de trajets aller de 1 H 25, avec un départ à 6 h 45 du domicile pour une arrivée sur le lieu de travail à 8 h 15 et de trajets retour de 1 H 29, avec un départ du lieu de travail à 17H50 pour une arrivée sur 19 H 19 au domicile. L’employeur justifie pour sa part de trajets réalisables en 1 H 07, avec un départ à 7 H 12 et une arrivée à 8 H 19.

Compte-tenu des dispositions de son contrat de travail, qui prévoyait un travail en région parisienne et qui attirait tout spécialement l’attention de la salariée sur la mobilité, et en considération des temps de trajets usuels en région parisienne, l’allongement de celui de Mme X dans les proportions susmentionnées constitue un changement qui pouvait lui être imposé sans porter une atteinte excessive à sa vie privée et familiale.

Si Mme X fait état de l’impact de ce changement sur les modalités de garde de son enfant, le contrat qu’elle avait signé avec l’assistante maternelle le 28 décembre 2009 prévoyait une garde de 9H à 18H, du lundi au vendredi, qui n’aurait pas davantage été compatible avec les horaires de sa

mission initiale, sans le relai d’un tiers. A cet égard, l’absence de fourniture des horaires de travail du père ne met pas la cour en mesure d’apprécier la mesure de la difficulté organisationnelle et financière posée à Mme X et n’établit, en tout état de cause, nulle différence entre celles posées par sa seconde mission par rapport à la première.

Mme X ne rapporte donc pas la preuve de ce que le changement de ses conditions de travail a constitué une atteinte excessive à sa vie privée et familiale, ni même que ces conditions aient été moins favorables au sens de l’article 15 de la directive du 5 juillet 2006, en l’absence de changement d’emploi ni même de changement dans les conditions d’exercice de celui-ci, tant en ce qui concerne la nature de la mission, sa rémunération et son lieu d’exécution en région parisienne.

Enfin, si dans ses écritures Mme X fait valoir qu’elle avait été informée d’une ambiance de travail tendue sur le site EDF de Clamart, elle n’en avait pas fait état dans le mail refusant le poste qu’elle avait adressé à l’employeur, étant par ailleurs observé que ce dernier produit une attestation démentant cette mauvaise ambiance.

Compte-tenu des termes de son contrat de travail précédemment analysés, de l’ordre de mission qui lui avait été donné le 9 mars 2010 d’avoir à participer à l’exécution de ce contrat à compter du 22 mars 2010 et du refus persistant qu’elle a opposé à l’accomplissement de cette mission, il est établi que son licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Sur l’existence d’une discrimination

Aux termes des dispositions de l’article L 1132-1 du code du travail en sa version alors applicable, '[…] aucun salarié ne peut être […] , licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, […] en raison de son origine, de son sexe, […] , de sa situation de famille ou de sa grossesse […]'.

Il résulte de l’article L1132-4 alors applicable à l’espèce 'Toute disposition ou tout acte pris à l’égard d’un salarié en méconnaissance des dispositions de l’article L1134-1 est nul

En application de l’article L 1134-1 du même code il incombe à la salariée d’établir les éléments de fait qui laissent présumer l’existence d’une discrimination, et dans une telle hypothèse il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Mme X établit :

— qu’elle a été affectée auprès du client SNCF pôle Saint-Lazare à Paris,

— qu’elle a été remplacée par Mme A lorsqu’elle est partie en congé maternité,

— qu’elle s’est présentée sur site le 14 janvier 2010, et a dû rendre son badge d’accès et sa clé de bureau,

— qu’elle s’est vu assigner contre son gré une nouvelle mission avec un temps de trajet plus long que le précédent,

— qu’elle avait organisé le mode de garde de son enfant sur la base de sa mission initiale,

— que 11 techniciens support ont été recrutés entre janvier et août 2010 pour le compte de plusieurs clients, ce qui laisse présumer que l’entreprise avait des possibilités de l’affecter sur une mission plus

adaptée à sa situation de famille,

Mme G H établit, au travers de ces éléments, l’existence matérielle de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’une discrimination salariale à son encontre liée à sa situation de grossesse ou de famille.

L’employeur justifie :

— qu’il a prévenu Mme X avant son retour de congé maternité qu’une nouvelle mission allait lui être proposée,

— que le client SNCF, souhaitait conserver sa remplaçante, tant en raison de ses compétences plus conformes à ses attentes, que pour la stabilité de la prestation, étant par ailleurs opposé au retour de Mme X, dont il avait notamment déploré les problèmes d’orthographe lors d’un comité de pilotage antérieur à son remplacement,

— que le contrat de travail stipulait l’accomplissement de missions temporaires chez différents clients et que sa nouvelle affectation, conforme aux termes du contrat et similaire à la précédente, tant en ce qui concerne le contenu de la mission que son aire géographique, ne constituait pas un changement de poste ;

— qu’il a tenté d’informer sa salariée de sa nouvelle affectation à Clamart la veille de son retour de congé maternité en lui laissant des messages, qu’il lui a remis en mains propres le 21 janvier 2010 un premier ordre de mission à cet effet, puis, face aux objections de la salariée, différé cette affectation pour tenter de trouver une solution lui convenant mieux ;

— que si onze personnes ont été recrutées entre janvier et juin 2010 sur des postes de techniciens support, les missions étaient très éloignées du domicile de Mme X et/ou justifiaient un niveau de compétence et d’expérience supérieurs au sien,

— qu’aucun des projets en cours de prospection correspondant à son profil ne s’est concrétisé dans les semaines ayant suivi l’entretien du 21 janvier,

— que c’est dans ce contexte qu’il lui a délivré un second ordre de mission le 9 mars 2010, à effet du 22 mars 2010 pour lui laisser le temps de s’organiser et en modifiant ses horaires initiaux (7 H – 20 H) à 8 H 30 – 17 H pour tenir compte de ses contraintes familiales.

L’employeur démontre que les décisions prises à l’égard de Mme X résultaient, non de l’intention de la discriminer à raison notamment de sa maternité, mais bien du souhait de satisfaire le désir de stabilité et de compétence du client SNCF, dans le respect des termes du contrat de la salariée, sur une mission similaire et dans une aire géographique identique.

Si l’impréparation manifeste de la nouvelle mission de Mme X est regrettable, dès lors que ce n’est que le 13 janvier 2010, veille de son retour de congé maternité, que son employeur a tenté de la joindre pour la lui annoncer, cette situation ne procède pas d’une intention malveillante à l’égard de Mme X, dès lors qu’il lui a été ensuite été donné plusieurs semaines pour s’organiser et où, face à l’absence d’alternatives disponibles, son employeur a aménagé ses horaires ( 8H30-17H) pour qu’ils soient compatibles avec ses contraintes familiales.

Dans ce contexte, tant le changement d’affectation que le licenciement subséquent de Mme X pour refus d’exécuter sa mission sont dépourvus de caractère discriminatoire et elle sera déboutée de sa demande indemnitaire subséquente.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur l’existence d’actes préparatoires au licenciement durant la période de protection

Aux termes de l’article L1225-4 du code du travail, 'Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’une salariée lorsqu’elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu’elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l’expiration de ces périodes.

Toutefois, l’employeur peut rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave de l’intéressée, non liée à l’état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa'.

Il a été constaté que le remplacement définitif de Mme X sur la mission de la SNCF n’avait pour seul objet que de satisfaire le client de l’entreprise. La salariée n’établissant nullement qu’elle aurait été menacée de licenciement avant le 15 mars 2010, soit plus de huit semaines après son retour de congé maternité, aucun acte préparatoire au licenciement n’a eu lieu durant la période de protection.

Mme X sera donc déboutée de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du licenciement et de sa demande indemnitaire subséquente.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

Mme X qui succombe conservera la charge de ses frais irrépétibles et sera condamnée aux dépens de la procédure.

L’équité et les circonstances de la cause commandent de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société GFI Informatique et de condamner Mme X et le syndicat Solidaires Unitaires Démocratiques à lui verser chacun 900€ à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

DÉCLARE le syndicat Solidaires Unitaires Démocratiques irrecevable en son intervention volontaire principale en cause d’appel ;

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE Mme X aux dépens ;

CONDAMNE Mme X à payer à la société GFI Informatique la somme de 900 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE le syndicat Solidaires Unitaires Démocratiques à payer à la société GFI Informatique la somme de 900 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE Mme X de sa demande présentée au titre des frais irrépétibles.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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