Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 22 octobre 2019, n° 17/09422

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 1, 22 oct. 2019, n° 17/09422
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 17/09422
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 19 avril 2017, N° 15/12330
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRÊT DU 22 OCTOBRE 2019

(n° 120/2019, 16 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 17/09422 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B3I5M

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Avril 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS 01 – RG n° 15/12330

APPELANTES

Madame C X

Née le […] à […]

Demeurant 2 avenue R 1er de Serbie

[…]

R e p r é s e n t é e p a r M e M a t t h i e u B O C C O N G I B O D d e l a S E L A R L L E X A V O U E PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée de Me Charlotte MARCHAND substituant Me Céline SERPAGLI, avocat au barreau de PARIS, toutes deux de la société d’avocats KIEJMAN & MAREMBERT, Avocat au barreau de PARIS, toque P200

SARL G H

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 479 473 332

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

2 avenue R 1er de Serbie

[…]

R e p r é s e n t é e p a r M e M a t t h i e u B O C C O N G I B O D d e l a S E L A R L L E X A V O U E PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée de Me Charlotte MARCHAND substituant Me Céline SERPAGLI, avocat au barreau de PARIS, toutes deux de la société d’avocats KIEJMAN & MAREMBERT, Avocat au barreau de PARIS, toque P200

SAS CARSON H

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTERRE sous le n°438 557 282,

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[…]

92100 BOULOGNE-BILLANCOURT

Représentée par Me P SMILEVITCH de l’ASSOCIATION SMILEVITCH & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R122

Assistée de Me Nicolas BRAULT de la SARL WATRIN BRAULT AVOCATS – WBA, avocat au barreau de PARIS, toque : J046

INTIMÉES

Madame C X

Née le […] à […]

Demeurant 2 avenue R 1er de Serbie

[…]

R e p r é s e n t é e p a r M e M a t t h i e u B O C C O N G I B O D d e l a S E L A R L L E X A V O U E PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée de Me Charlotte MARCHAND substituant Me Céline SERPAGLI, avocat au barreau de PARIS, toutes deux de la société d’avocats KIEJMAN & MAREMBERT, Avocat au barreau de PARIS, toque P200

SARL G H

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 479 473 332

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

2 avenue R 1er de Serbie

[…]

R e p r é s e n t é e p a r M e M a t t h i e u B O C C O N G I B O D d e l a S E L A R L L E X A V O U E PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée de Me Charlotte MARCHAND substituant Me Céline SERPAGLI, avocat au barreau de PARIS, toutes deux de la société d’avocats KIEJMAN & MAREMBERT, Avocat au barreau de PARIS, toque P200

SAS CARSON H

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nanterre sous le n°438 557 282,

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[…]

92100 BOULOGNE-BILLANCOURT

Représentée par Me P SMILEVITCH de l’ASSOCIATION SMILEVITCH & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R122

Assistée de Me Nicolas BRAULT de la SARL WATRIN BRAULT AVOCATS – WBA, avocat au barreau de PARIS, toque : J046

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 10 Septembre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur David PEYRON, Président de chambre

Mme N DOUILLET, Conseillère

M. François THOMAS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRÊT :

• Contradictoire

• par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

• signé par David PEYRON, Président de chambre et par Karine ABELKALON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame C X est présentatrice de télévision et de radio depuis les années 1990.

En 2004, elle a créé sa propre société de production audiovisuelle dénommée G H. Cette société a produit diverses émissions télévisées, notamment, pour FRANCE TELEVISIONS : La fête de la chanson française de 2005 à 2016, sur France 2 et France 3, Les années Zénith en 2005 sur France 2, Joe Dassin, 40 ans de succès ! en 2005 sur France 2.

Le 22 mai 2009, la société FRANCE TELEVISIONS et la société G H ont conclu un contrat de production pour une nouvelle émission musicale intitulée Chabada, d’après une idée originale revendiquée par Mme X. La société G H s’est engagée à réaliser et produire 37 émissions musicales pour le compte de FRANCE TELEVISIONS, dans le cadre d’une collaboration télévisuelle exclusive entre Mme X et FRANCE TELEVISIONS.

La société G H et Mme X exposent que cette émission se proposait de réunir des chanteurs et des chansons françaises d’hier tout en mettant en avant la nouvelle scène française, à travers trois ou quatre invités représentatifs de trois générations d’artistes-interprètes assistant à

l’émission.

L’émission Chabada présentée par Mme X a été diffusée à compter du 13 septembre 2009, tous les dimanches à 17h sur France 3. Elle a été reconduite pour trois saisons supplémentaires, soit jusqu’en 2013.

Courant 2013, la société FRANCE TELEVISIONS a décidé de mettre un terme à ce contrat pour la saison à venir, en invoquant des raisons financières.

Dans un courrier en date du 3 avril 2013, la société FRANCE TELEVISIONS a informé Mme X de ce qu’elle allait procéder à une consultation professionnelle pour un nouveau magazine musical sur France 3 pour la même plage horaire.

La société G H a participé à cette consultation en proposant trois projets d’émissions, mais aucune de ses propositions n’a été retenue, la société FRANCE TELEVISIONS ayant porté son choix sur une émission intitulée Les Chansons d’abord proposée par la société CARSON H.

La société CARSON H, filiale du groupe LAGARDERE, est une société de production d’émissions télévisées musicales, de variétés et de divertissements, créée en 2001 par Messieurs Y et Z.

La société CARSON H expose que son émission Les Chansons d’abord se proposait de réunir quatre invités autour de la chanteuse Natasha SAINT-PIER et cinq jeunes talents chanteurs-chroniqueurs afin qu’ils chantent ensemble. Coproduite par la société CARSON H et FRANCE TELEVISIONS, l’émission Les Chansons d’abord a été diffusée sur France 3 entre septembre 2013 et juin 2014. Elle a ensuite été remplacée par une nouvelle émission musicale intitulée Du côté de chez Dave, également coproduite par la société CARSON H et FRANCE TELEVISIONS, diffusée de septembre 2014 à mai 2016. La société CARSON H expose que cette émission se proposait de réunir, autour du chanteur Dave, un invité principal ainsi que les artistes de son choix.

Selon Mme X et la société G H, les émissions Les Chansons d’abord et Du côté de chez Dave reproduisent les caractéristiques originales de leur émission Chabada.

C’est dans ces conditions que, par exploit d’huissier du 23 juillet 2015, la société G H et Mme X ont assigné les sociétés CARSON H et FRANCE TELEVISIONS devant le tribunal de grande instance de Paris en dommages et intérêts pour rupture abusive des relations commerciales établies, en contrefaçon de droits d’auteur sur l’émission Chabada par la diffusion des émissions Les chansons d’abord et Du côté de chez Dave à titre principal et pour concurrence déloyale et parasitisme à titre subsidiaire.

A la suite d’un accord intervenu en cours de procédure de première instance avec la société FRANCE TELEVISIONS, la société G H et Mme X se sont désistées de leurs demandes à l’encontre de celle-ci par conclusions du 22 janvier 2016. Le juge de la mise en état a constaté ce désistement partiel par ordonnance du 11 février 2016.

L’instance s’est donc poursuivie entre la société G H et Mme X d’une part, et la société CARSON H d’autre part.

Par jugement rendu le 20 avril 2017, le tribunal de grande instance de Paris a :

• rejeté la fin de non recevoir soulevée par la société CARSON H,

déclaré Mme X et la société G H recevables dans leurs demandes envers la société CARSON H,

• dit que la société CARSON H s’est rendue coupable de contrefaçon de droit d’auteur du format de l’émission Chabada, par la production des émissions Les chansons d’abord et Du côte de chez Dave, au préjudice de Mme X et de la société G H,

• -rejeté les demandes en dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait de la contrefaçon,

• fait interdiction à la société CARSON H de continuer à produire les émissions contrefaisantes,

• rejeté la demande en publication judiciaire de la décision,

• condamné la société CARSON H aux dépens et au paiement à Mme X et à la société G H de la somme de 5000 euros à chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

• ordonné l’exécution provisoire de la décision.

Le 9 mai 2017, la société G H et Mme X ont interjeté appel de ce jugement (procédure n° RG 17/09422). Le 12 mai 2017, la société CARSON H a interjeté appel de ce même jugement (procédure n° RG 17/09654). La jonction a été prononcée entre les deux procédures par ordonnance du conseiller de la mise en état du 13 mars 2018.

L’ordonnance de clôture est du 29 janvier 2019.

L’affaire a été plaidée le 5 février 2019 et à l’issue des débats, les parties ont été invitées à faire connaître à la cour, par notes en délibéré, si elles accepteraient une mesure de médiation.

Par un arrêt du 19 mars 2019, la cour, au vu des notes en délibéré communiquées par les parties, a ordonné une mesure de médiation.

Par courrier du 3 juin 2019, la médiatrice a informé la cour de ce que la médiation n’avait pas permis aux parties de trouver un accord mettant fin au litige.

Dans leurs dernières conclusions transmises le 21 décembre 2018, la société G H et Mme X demandent à la cour :

• de confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que la société CARSON H a commis des actes de contrefaçon par la reprise du format original de l’émission Chabada,

• à titre subsidiaire, de juger que la société CARSON H a commis des actes de concurrence déloyale ou parasitaire par la reprise des caractéristiques de l’émission Chabada,

• de juger que la société CARSON H a commis des actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire ;

en conséquence,

• de faire interdiction à la société CARSON H de produire les émissions litigieuses sous astreinte de 50 000 euros par infraction constatée,

• infirmant le jugement,

• de condamner la société CARSON H à verser à la société G H :

• la somme de 1 875 000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice économique [manque à gagner] subi du fait de la reprise du format original de Chabada,

• la somme de 500 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de la reprise du format original de Chabada,

• la somme de 2 000 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice économique subi du fait des actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire,

• de débouter la société CARSON H de ses demandes reconventionnelles,

• de condamner la société CARSON H à diffuser, dans 5 publications au choix des appelantes et aux frais avancés de l’intimée, pour un montant maximal de 10 000 euros H.T

• par insertion, un communiqué judiciaire sous astreinte définitive de 1 500 euros par jour de retard, à compter de la signification de la décision, de condamner la société CARSON H à diffuser sur les deux tiers de la page www.carson-H.com et ce pendant un mois, une publication judiciaire rappelant la condamnation à intervenir,

• de condamner la société CARSON H à leur verser la somme de 100 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions transmises le 14 janvier 2019, la société CARSON H, poursuivant l’infirmation partielle du jugement, demande à la cour :

—  à titre principal, vu le protocole transactionnel du 9 décembre 2015, de déclarer irrecevables la société G H et Mme X en leurs demandes,

—  à titre subsidiaire :

• de juger que la société G H ne saurait s’approprier par le droit d’auteur les caractéristiques qu’elle revendique sur l’émission Chabada et son prétendu format,

• de juger que la société G H ne démontre pas que tout ou partie des éléments qu’elle revendique sur l’émission Chabada, auraient fait l’objet d’une reprise contrefaisante par les émissions Les chansons d’abord et/ou Du côté de chez Dave,

• en conséquence, d’infirmer le jugement en ce qu’il a dit que la société CARSON H s’est rendue coupable de contrefaçon de droit d’auteur du format de l’émission Chabada, par la production des émissions Les chansons d’abord et Du côté de chez Dave et lui a fait interdiction de continuer à les produire, et de débouter la société G H de ce chef,

• de juger que la société G H ne justifie pas avoir été victime d’une faute de concurrence déloyale ou de parasitisme à titre subsidiaire ou reposant sur des faits distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon et en conséquence, de débouter la société G H de ce chef,

—  en tout état de cause :

• de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes en dommages et intérêts et en réparation formées par la société G H,

• de condamner solidairement la société G H et Mme X à lui payer :

• la somme de 150 000 € 'en réparation de leur intention de nuire' auprès de FRANCE TELEVISIONS,

• la somme de 800 000 € en réparation de son préjudice d’image à raison des faits de dénigrement,

• de déclarer irrecevables et infondées la société G H et Mme X en leur appel et les débouter de leurs demandes,

• de les condamner solidairement à lui payer la somme de 100 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L’ARRÊT

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur la recevabilité des demandes de la société G H et de Mme X au regard du protocole transactionnel conclu entre elles et la société FRANCE TELEVISIONS

La société CARSON H soutient que la société G H et Mme X, qui ont transigé avec FRANCE TELEVISIONS, ne peuvent poursuivre une action au titre des émissions Les chansons d’abord et Du côté de chez Dave. Elle fait valoir que si l’effet relatif des contrats lui interdit de se prévaloir du protocole transactionnel du 9 décembre 2015 auquel elle n’est pas partie, elle peut néanmoins invoquer la renonciation de la société G H et de Mme X, par ce protocole, à interdire la poursuite par FRANCE TELEVISIONS de la production et de la diffusion de l’émission prétendument contrefaisante Du côté de chez Dave. Elle ajoute que la société G H ne peut sans contradiction à la fois autoriser FRANCE TELEVISIONS à poursuivre la production et la diffusion de l’émission prétendument contrefaisante Du côté de chez Dave et la poursuivre en tant que co-producteur (avec FRANCE TELEVISIONS) de cette même émission, en contrefaçon ou en concurrence déloyale.

La société G H et Mme X objectent qu’en application de l’article 2051 du code civil, la société CARSON H ne peut invoquer la transaction intervenue, au cours de la procédure de première instance, entre elles et la société FRANCE TELEVISIONS pour se soustraire à ses obligations et que leur renonciation à agir à l’encontre de FRANCE TELEVISIONS n’entraîne, aux termes mêmes du protocole d’accord, aucune renonciation à agir à l’encontre de la société CARSON H.

Aux termes de l’article 2051 du code civil, 'La transaction faite par l’un des intéressés ne lie point les autres intéressés et ne peut être opposée par eux'. La société G H et Mme X D donc à juste raison que la société CARSON H ne peut leur opposer le protocole qu’elles ont signé le 9 décembre 2015 avec la société FRANCE TELEVISIONS et par lequel, notamment, elles ont renoncé 'à toute demande à l’égard de France Télévisions fondée sur la contrefaçon et/ou la concurrence déloyale, s’agissant des émissions 'Du côté de chez Dave’ et 'Les chansons d’abord'', et auquel la société CARSON H n’était pas partie.

Du reste, le protocole prévoit que la société G H et Mme X se désistent à l’égard de FRANCE TELEVISIONS de l’instance et de l’action pendante devant le tribunal de grande instance de Paris, mais précise expressément que 'ce désistement ne vaut pas à l’égard de la société Carson H'.

En outre, la société CARSON H excipe vainement de l’autorisation qui aurait été donnée, par ce protocole, à la société FRANCE TELEVISONS de poursuivre la production et la diffusion de l’émission Du côté de chez Dave, une telle autorisation ne ressortant pas des termes du protocole.

Pour ces motifs, la fin de non-recevoir de la société CARSON H sera en conséquence rejetée et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la contrefaçon

La société G H et Mme X soutiennent que les émissions télévisées Les Chansons d’abord puis Du Côté de chez Dave produites par la société CARSON H à la suite de l’arrêt de l’émission Chabada et diffusées à sa place sur France 3, présentent de nombreuses similitudes avec cette dernière dont elles reprennent la combinaison originale de ses caractéristiques, ce qui constitue la contrefaçon de droits d’auteur, les différences de détail étant inopérantes. Elles font valoir ainsi que l’émission Les chansons d’abord reprend neuf des dix caractéristiques dont la combinaison fait l’originalité de Chabada alors que Du côté de chez Dave reprend toutes ces caractéristiques.

La société CARSON H répond que la société G H ne peut s’approprier par le droit d’auteur les caractéristiques qu’elle revendique concernant l’émission Chabada et son prétendu format dès lors qu’elle ne justifie d’aucune combinaison originale et que le format revendiqué relève d’un concept qui n’est pas protégeable par le droit d’auteur. Elle ajoute qu’en tout état de cause, la société G H ne démontre pas que tout ou partie des éléments qu’elle revendique pour l’émission Chabada, auraient fait l’objet d’une reprise contrefaisante par les émissions Les chansons d’abord et/ou Du côté de chez Dave.

En application de l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial.

Le droit de l’article susmentionné est conféré, selon l’article L.1 12-1 du même code, à l’auteur de toute oeuvre de l’esprit, quels qu’en soit le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.

Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d’une 'uvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale. Néanmoins, lorsque cette protection est contestée en défense, l’originalité d’une 'uvre doit être explicitée par celui qui s’en prétend auteur, seul ce dernier étant à même d’identifier les éléments traduisant sa personnalité.

L’originalité d’une 'uvre doit s’apprécier de manière globale de sorte que la combinaison des éléments qui la caractérise du fait de leur agencement particulier lui confère une physionomie propre qui démontre l’effort créatif et le parti pris esthétique portant l’empreinte de la personnalité de l’auteur.

Le droit d’auteur ne protège que la matérialisation des oeuvres de l’esprit originales et cette protection n’est pas accordée aux simples idées, qui sont de libre parcours, mais seulement à leur présentation formelle en une création perceptible, dotée d’une physionomie propre portant l’empreinte de la personnalité de son auteur.

La société G H et Mme X observent à juste raison que les émissions télévisées peuvent être protégées au titre du droit d’auteur si elles présentent une originalité dans la combinaison précise de leurs éléments caractéristiques, même si ces caractéristiques prises isolément préexistaient.

En l’occurrence, elles font valoir que l’émission Chabada présente les caractéristiques suivantes dont la combinaison ferait l’originalité de son format, précisant que ces caractéristiques ont été exposées dans une note d’intention soumise à FRANCE TELEVISIONS et acceptée par cette dernière :

• 3 à 5 chanteurs sont invités,

• les invités chantent des extraits de chansons réarrangés par l’équipe musicale de l’émission, tout en restant assis, comme dans un salon, dans le coin 'talk’ du plateau ; ainsi lorsqu’ils chantent assis au 'talk', les invités chantent des extraits de tubes tandis que sur scène ils chantent leur titre promo du moment,

• les invités représentent systématiquement plusieurs générations de chanteurs dans chaque émission,

• les invités sont présents sur le plateau pendant toute la durée de l’émission, sans se succéder alors que dans les émissions de variété classiques, les invités se succèdent, arrivant des coulisses et repartant en coulisses après leur prestation ; dans Chabada, les invités restent ensemble du début à la fin de l’émission ce qui permet de chanter ensemble et de s’écouter les uns les autres, dans un espace de convivialité et d’échange verbal et musical ; c’est l’une des innovations caractéristiques de Chabada puisqu’aucune émission consacrée à la chanson française n’avait jusque-là réuni des invités qui restent sur le plateau pendant toute la durée de l’émission,

• tous les invités reprennent les chansons d’un artiste référent,

• une formation de 5 musiciens visibles sur le plateau joue en 'live’ ; il s’agit des musiciens de l’émission et non ceux des invités ; ils accompagnent les invités chantant au 'talk’ des extraits qu’ils réarrangent eux-mêmes ; lorsqu’ils accompagnent les titres promo, l’orchestre suit les arrangements de l’invité et il peut arriver que des musiciens propres à l’artiste les

• accompagnent, des magnétos d’archives,

• des chroniques récurrentes sur l’histoire des chansons,

• un chroniqueur présente des découvertes et coups de c’ur,

• un chroniqueur interprète lui-même certaines chansons.

La société G H et Mme X soulignent qu’aucune émission consacrée à la chanson française n’avait jusque-là réuni des invités qui restent sur le plateau pendant toute la durée de l’émission dans un espace d’échange verbal et musical, que sous réserve de quelques ajustements, les caractéristiques conçues sur le papier (dans la note d’intention précitée) se retrouvent dans l’adaptation audiovisuelle de l’émission au fil des quatre saisons, le format de l’émission, qui marque son originalité, étant constitué de l’ensemble des caractéristiques récurrentes de l’émission.

Cependant, la société CARSON H justifie que l’explicitation par la société G H de l’originalité du format de son émission a évolué depuis l’assignation dans laquelle les caractéristiques invoquées étaient les suivantes :

• La durée de l’émission de 52 minutes ;

• Son genre : il s’agit d’une émission consacrée à la chanson de variété française ;

• La périodicité de Chabada est hebdomadaire, diffusée le dimanche après-midi ;

• Le déroulé de l’émission : chaque semaine deux personnalités reconnues du monde de la chanson française et un « jeune talent » sont invités pour évoquer un artiste du passé ayant joué un rôle fondateur dans leur parcours ;

• Le dispositif de l’émission : Le plateau est installé sur scène, les invités et les animateurs se trouvent au milieu des musiciens. La troupe de l’émission est assise avec les invités, pouvant se mettre à chanter à n’importe quel moment avec eux. Une petite formation de musiciens accompagne les invités en live pour interpréter un de leur titre ou un titre d’un autre artiste qu’ils auront choisi. Les invités peuvent ainsi reprendre des chansons en live, d’une manière qui semble improvisée, parfois toute la chanson parfois un refrain ou un couplet, simplement à la guitare ou au piano. Le public est composé de chorales d’amateurs ou d’écoles de chant ;

• La mécanique de l’émission : Les trois invités sont réunis sur le plateau pendant toute l’émission. L’animateur, un spécialiste de la chanson française et la troupe de musiciens et de chanteurs sont à leurs côtés.

La société CARSON H objecte par ailleurs à juste raison que la note d’intention à laquelle se réfère la société G H (pièce 48), ne constitue pas un élément probant dès lors qu’il s’agit d’un document non daté, portant la mention 'Note d’intention 2" qui laisse augurer de possibles versions postérieures, et qu’elle n’est nullement visée ou annexée aux contrats de production de l’émission Chabada signés entre les sociétés G H et FRANCE TELEVISIONS pour les saisons 2009/2010, 2010/2011, 2011/2012 et 2012/2013 (pièces 2, 4 à 6) lesquels mentionnent, sans plus de précision un 'format original' accepté par FRANCE TELEVISIONS (article 1.2.1) et le fait que la société G H est chargée 'd’organiser la production de la série sous le contrôle éditorial et artistique du Directeur Général de france televisions (…) avec laquelle seront définies, le cas échéant, les différentes rubriques des émissions et à qui seront soumis au plus tard 5 (cinq) jours avant le début du tournage de chaque émission, les éléments relatifs au contenu des émissions, notamment la liste des invites, choisis d’un commun accord entre les parties, et les conducteurs' (article 6-2). De plus, comme le relève la société CARSON H, de nombreuses propositions mentionnées dans la note d’intention invoquée ne se retrouvent pas dans les caractéristiques désormais revendiquées par la société G H (ainsi : 'L’émission recevra chaque semaine : 2 stars et 1 jeune talent' ; 'E F, accompagné de jeunes musiciens et chanteurs (sorte de troupe de l’émission)' La troupe reprendra plusieurs extraits des trois artistes 'cultes'' ; 'La troupe de l’émission est assise avec les invités, et peut se mettre à chanter à n’importe quel moment' ; 'Le plateau est installé sur la scène, les invités et les animateurs sont au milieu des musiciens' ; 'Chaque artiste peut reprendre des chansons en live' ; 'Le public, composé de chorales d’amateurs ou d’écoles de chant, peut chanter aussi'…), seules quatre propositions (sur 13) de la note d’intention correspondant aux caractéristiques revendiquées de l’émission ('Chaque artiste interprète des morceaux de chanson de son artiste référent' ; 'E F, accompagné de jeunes musiciens et chanteurs (sorte de troupe de l’émission), évoquera la vie de chacun des trois artistes choisis par les invités. Des anecdotes sur les chansons et les destins de chacun’ ; 'Les trois invités sont réunis sur le plateau pendant toute l’émission' et 'Des sujets courts d’archives évoquent les artistes').

En outre, pour tenter de démontrer l’originalité de la combinaison des caractéristiques qu’elle revendique, la société G H établit un tableau (page 24 de ses écritures) duquel il ressort que cette combinaison ne se retrouve dans aucune des 26 autres émissions de variétés qu’elle cite, à l’exception des émissions litigieuses Les chansons d’abord et Du côté de chez Dave. Ce tableau est cependant contrebattu avec efficacité par celui établi par la société CARSON H (sa pièce 80) duquel il résulte que plusieurs des caractéristiques invoquées se retrouvent dans de nombreuses autres émissions comparables, ce qui est corroboré par les extraits vidéo fournis. Il apparaît ainsi notamment que :

• la formation de 5 musiciens visibles sur le plateau jouant en live se retrouve dans les émissions Tout pour la musik (2005), La chanson Numéro 1 (1975), Taratata (1993, 1994), La chance aux chansons (1992),

• un groupe de 3 à 5 chanteurs invités se retrouve dans les émissions Le grand échiquier (1974), Tapis rouge (1999),

• des invités reprenant les chansons d’un artiste référent se retrouvent dans Taratata (hommage Brassens 1993), Le grand échiquier (spécial Brassens 1974)

• des invités représentant plusieurs générations de chanteurs se retrouvent dans Taratata (hommage G. Brassens 1993), La Chance aux chansons (hommage à Mouloudji 1992),Taratata (hommage S. Gainsbourg 1994),

• les magnétos d’archives se retrouvent dans La chanson numéro 1 (spécial M 2004), La légende des voix (2003), La Chance aux chansons (spécial Mike Brant 1992), La Chance aux chansons (hommage à Mouloudji 1992), Champs Elysées (spécial Brassens 1984),

• des chroniques sur l’histoire des chansons se retrouvent dans La chanson numéro 1 (2004), Les années bonheur (2006),

• des découvertes et coups de c’ur présentés par un chroniqueur se retrouvent dans Tout pour la musik (2005),

• des invités présents sur le plateau pendant toute la durée de l’émission, sans se succéder se retrouvent dans Bienvenue, Le grand Echiquier et Taratata,

• des invités qui chantent dans un salon ou coin 'talk’ du plateau se retrouvent dans Le grand Echiquier, L’inconnu du dimanche (1974).

Il ressort des extraits vidéos produits que certaines des émissions de variétés citées reprennent de nombreuses caractéristiques revendiquées (Le Grand Echiquier, La Chance aux chansons, Taratata). Contrairement à ce qui est soutenu, aucune des émissions opposées par la société CARSON H ne présente un chroniqueur interprétant lui-même certaines chansons, ce qui ne suffit cependant pas à démontrer l’originalité alléguée.

De plus, si, comme l’a retenu le tribunal (qui a reconnu l’originalité de l’émission), le format doit être entendu comme une sorte de mode d’emploi décrivant un déroulement formel, toujours le même, consistant en une succession de séquences dont le découpage est pré-établi, la création consistant, en dehors de la forme matérielle dans l’enchaînement des situations et des scènes, force est de constater que certains émissions Chabada ne réunissent pas toutes les caractéristiques revendiquées (extrait vidéo en pièce 85 de la société CARSON H) : ainsi, les émissions des 1er janvier 2012 (pas de chroniqueur présentant l’histoire des chansons, ses découvertes ou coups de coeur ou interprétant des chansons),16 décembre 2012 (pas de chronique historique) et 5 septembre 2012 (un invité quitte le

plateau en cours d’émission).

En définitive, la société G H ne fait que définir, dans des termes qui ont substantiellement évolué au cours du litige, un ensemble d’idées ou d’intentions, qui peuvent s’appliquer à de nombreuses émissions de variétés, ou un concept, non protégeable par le droit d’auteur. Elle échoue à démontrer que ces idées, même combinées entre elles (soit réunir 3 à 5 chanteurs de générations différentes qui chanteront, accompagnés d’une équipe de musiciens jouant en 'live', des chansons dans un coin salon du plateau en reprenant les titres d’un artiste référent et en restant présents jusqu’à la fin de l’émission, laquelle comportera des chroniques sur l’histoire des chansons grâce à des magnétos d’archives, des découvertes et coups de c’ur et des chansons interprétés par le chroniqueur lui-même), confèrent à l’émission Chabada une physionomie propre démontrant un effort créatif qui porterait l’empreinte de la personnalité de son auteur.

Le jugement sera par conséquent infirmé en ce qu’il a déclaré Mme X et la société G H 'recevables' dans leur action en contrefaçon, étant rappelé que l’originalité d’une oeuvre de l’esprit constitue une condition de fond de sa protection au titre du droit d’auteur et non une condition de recevabilité, en ce qu’il a dit que la société CARSON H s’est rendue coupable de contrefaçon de droit d’auteur du format de l’émission Chabada par la production des émissions Les chansons d’abord et Du côté de chez Dave et fait interdiction à cette société de continuer à produire les deux émissions jugées contrefaisantes.

La société G H et Mme X seront donc déboutées de l’ensemble de leurs demandes en contrefaçon de droits d’auteur sur le format de l’émission Chabada.

Sur la concurrence déloyale et parasitaire

A titre subsidiaire, la société G H et Mme X soutiennent que la société CARSON H a commis des actes de concurrence déloyale ou parasitaire en reprenant les caractéristiques de l’émission Chabada. Elles font valoir qu’après une rupture brutale et arbitraire, par la société FRANCE TELEVISIONS, des relations commerciales établies avec G H, la société CARSON H a pu récupérer la case horaire de Chabada et s’est alors approprié le fruit des efforts créatifs de G H, de ses choix artistiques, de son travail et de son savoir-faire en tirant profit de la notoriété de l’émission Chabada. Elles expliquent que la société CARSON H a ainsi, d’une part, copié Chabada dans la réalisation de ses propres émissions en reprenant aussi bien de nombreux choix artistiques que des choix esthétiques et, d’autre part, repris les équipes et prestataires précédemment engagés par G H.

La société CARSON H répond que la société G H qui ne peut se prévaloir d’un droit privatif sur l’émission Chabada ne peut trouver dans l’action en concurrence déloyale une action de repli lui permettant d’obtenir réparation du simple fait que l’émission Chabada aurait fait l’objet d’une reproduction et qu’en tout état de cause, elle n’a commis aucun acte de concurrence déloyale ou de parasitisme au préjudice de la société G H. Elle fait valoir à cet égard que si par leur identité de genre, les trois émissions en cause présentent certaines éléments artistiques de similitude, G H ne peut se les approprier alors qu’ils résultent d’une recette de longue date éprouvée d’émissions musicales et de variétés antérieurement produites, en ce compris par elle-même, que la seule ressemblance entre les trois émissions réside dans leur genre musical et de variétés, développé antérieurement par CARSON H dans l’ensemble de ses émissions, qu’elle n’a donc pas cherché à créer un risque de confusion et ce, d’autant qu’il existe des différences entre les émissions et que C X, qui seule peut invoquer une notoriété auprès du public, insuffle un style et une ambiance différents de ce que produisent Natasha St Pier et Dave, respectivement présentateurs de Les chansons d’abord et Du côté de chez Dave. Elle réfute également le reproche de parasitisme en arguant qu’elle a concouru à une consultation organisée par FRANCE TELEVISIONS pour la production d’une émission suivant un cahier des charges et une programmation définis par cette dernière, qu’elle n’a pas profité de l’audience de Chabada que FRANCE TELEVISIONS n’a d’ailleurs pas reconduite compte tenu de résultats d’audience non satisfaisants, qu’elle n’a pas débauché les collaborateurs de l’émission Chabada, qu’elle n’a réalisé aucune économie particulière ni tiré profit d’un savoir-faire ou d’investissements qui ne sont pas établis, que G H ne justifie enfin pas de la prétendue perte de valeur économique du travail qu’elle aurait produit dans l’émission Chabada, ce d’autant que le coût des investissements et du pilote de l’émission Chabada a intégralement été payé par FRANCE TELEVISIONS.

La concurrence déloyale et le parasitisme sont pareillement fondés sur l’article 1240 du code civil mais sont caractérisés par application de critères distincts, la concurrence déloyale l’étant au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements. Ces deux notions doivent être appréciées au regard du principe de la liberté du commerce et de l’industrie qui implique qu’un produit qui ne fait pas l’objet d’un droit de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit ou par l’existence d’une captation parasitaire, circonstances attentatoires à l’exercice paisible et loyal du commerce.

En l’espèce, aucun élément au dossier ne permet d’imputer à faute à la société CARSON H la rupture par la société FRANCE TELEVISIONS, en 2013, des relations établies avec la société G H pour la production de l’émission Chabada. Les manoeuvres déloyales alléguées à cet égard par la société G H et Mme X ne sont pas établies.

La société CARSON H argue pertinemment que les émissions litigieuses Les chansons d’abord et Du côté de chez Dave et l’émission de Mme X ne sont guère susceptibles de confusion dans l’esprit du public en raison des personnalités qui respectivement les animent, toutes bien connues du public. L’absence de risque de confusion, lequel n’est pas du reste pas expressément invoqué ni a fortiori démontré par G H et Mme X, conduit à rejeter le grief de concurrence déloyale.

Le reproche relatif à la reprise par CARSON H de personnes clés tant de l’équipe de production (la chargée de production, un ancien directeur artistique, une programmatrice musicale, une documentaliste, trois musiciens, le directeur musical) que de l’équipe technique (opératrice prompteur, opérateur grue, cadreur, chauffeurs de salle…) , et de prestataires utilisés par G H dans l’émission Chabada (lieu de tournage, prestataire vidéo, traiteur…) doit être écarté également dans la mesure, d’une part, où la société CARSON H justifie avoir fait dans une large mesure appel, aussi bien pour la production technique que pour la production artistique, à des intermittents avec lesquels elle avait déjà travaillé et, d’autre part, où il n’est pas démontré ni même explicité en quoi le choix de prestataires identiques constituerait un détournement d’efforts particuliers à l’origine d’une captation parasitaire alors que la société CARSON H justifie de son côté, en particulier, qu’elle a procédé à un appel d’offre auprès de deux opérateurs proposant une prestation de location de plateau.

Il reste que la société CARSON H, qui a repris le créneau précédemment occupé par l’émission Chabada, ce qui ne saurait lui être reproché en soi puisque ce choix a été celui de FRANCE TELEVISIONS, a néanmoins reproduit dans ses émissions Les chansons d’abord puis Du côté de chez Dave plusieurs des caractéristiques de l’émission Chabada. Il en est ainsi de :

• la reprise de choix artistiques :

la reprise de duos (I J et K L reprenant ensemble le titre Chante la vie chante dans Les chansons d’abord après l’avoir interprété dans Chabada ; I M et Tal reprenant ensemble La maladie d’amour dans Les chansons d’abord après l’avoir interprété dans Chabada)

• la reprise de l’interprétation par des artistes de chansons n’appartenant pas à leur répertoire (Matt Pokora interprétant le titre Je t’aimais, je t’aime et je t’aimerais dans Du côté de chez Dave après l’avoir chanté dans Chabada ; N O interprétant la chanson de P Q Le petit garçon dans Du côté de chez Dave après l’avoir chanté dans Chabada ; R S interprétant Le petit bal perdu dans Du côté de chez Dave après l’avoir chanté dans Chabada ; T U V chantant C’est extra dans Du côté de chez Dave après l’avoir chanté dans Chabada ; Arielle Dombasle chantant Que reste-il de mes amours dans Du côté de chez Dave après l’avoir interprété dans Chabada)

• la reprise de mêmes choix de décor ou de tournage :

• la même dominante bleue dans l’éclairage du plateau de Chabada (2e décor de Chabada) se retrouve dans Les chansons d’abord,

• le sol et le mobilier (banquettes) blancs de Chabada se retrouvent dans l’émission Les chansons d’abord de sorte que chacun des décors a une dominante en bleu et blanc,

• la même répartition des musiciens de chaque côté de la scène se retrouve dans Les chansons d’abord,

• la même présence d’un écran central délimité par des pylônes se retrouve dans les deux émissions de CARSON H,

• les fauteuils club en cuir fauve de Chabada (1er décor de Chabada) se retrouvent dans Du côté de chez Dave et sont filmés également de dos,

• même ambiance 'appartement’ avec des meubles sur lesquels sont posés des objets dans le 1er décor de Chabada que dans Du côté de chez Dave,

• le générique de Les chansons d’abord, à l’instar de celui de Chabada, présente des images de l’émission sur la gauche de l’écran et les noms de l’équipe de tournage sur la droite.

Toutes ces reprises, à la fois artistiques et esthétiques, qui, contrairement à ce qui est soutenu, n’étaient nullement imposées par le cahier des charges imposé par FRANCE TELEVISIONS, produisent une forte impression de continuité entre les émissions concernées, ce qui a d’ailleurs été relevé par la presse qui a souligné le caractère faiblement novateur de la nouvelle émission Les chansons d’abord présentée par Natasha Saint Pier (pièces 19, 22, 23, 24 de G H et D. X).

En procédant, sans nécessité, à ces multiples emprunts, la société CARSON H a indûment tiré profit des efforts et du savoir-faire de la société G H et de la notoriété de l’émission Chabada acquise au cours de quatre années de diffusion hebdomadaire et démontrée à suffisance par les pièces produites (résultats d’audience – pièces 7, 8 et 30). Elle s’est ainsi volontairement positionnée dans son sillage pour tirer profit de ses efforts, notamment d’investissement, de son travail et de son succès, ce qui caractérise un comportement parasitaire, la société G H versant aux débats de nombreuses factures de fournisseurs ou de prestataires relativement à des dépenses engagées pour la réalisation de l’émission Chabada (sa pièce 78).

En reprenant des éléments artistiques ou de décor qui ont contribué au succès de l’émission présentée par C X, la société CARSON H a nécessairement tiré profit de son comportement parasitaire en réalisant des économies sur le budget consacré au lancement et au développement de ses deux émissions. Par ailleurs, le comportement parasitaire a aussi entraîné une certaine banalisation et, partant, une certaine dépréciation de l’émission Chabada.

Le préjudice subi par la société G H sera indemnisé par l’allocation d’une somme de 40 000 € à titre de dommages et intérêts.

Il n’y a lieu de faire interdiction à la société CARSON H de produire les deux émissions litigieuses lesquelles ne sont plus diffusées. Pour cette même raison, les demandes tendant à la publicité de cet arrêt seront également rejetées.

Sur les demandes de la société CARSON H

La société CARSON H se plaint de ce que la société G H et Mme X l’ont gravement mise en cause devant le CSA lors d’une demande d’arbitrage sur le caractère qu’elles considéraient brutal de la rupture de leurs relations avec FRANCE TELEVISIONS et qu’elles l’ont également dénigrée auprès de FRANCE TELEVISIONS. Elle ajoute qu’en médiatisant le procès, la société G H et Mme X ont publiquement dénigré ses émissions par des accusations de plagiat qui ont été largement reprises dans la presse.

La société G H et Mme X contestent tout dénigrement.

Mme X a adressé un courrier au CSA le 28 avril 2014 pour se plaindre de la rupture brutale des relations avec FRANCE TELEVISIONS et du fait que son émission avait été remplacée par celle de la société CARSON H qui présentait de nombreuses similitudes avec Chabada. Il ne ressort toutefois des termes de ce courrier aucun excès répréhensible eu égard au sens de la présente décision qui reconnaît l’existence d’actes de parasitisme à l’encontre de la société CARSON H, étant en outre observé que cette dernière indique que la demande d’intervention de Mme X auprès du CSA est demeurée 'lettre morte'.

De même aucun propos dénigrant ne ressort de l’interview de C X accordée à Télé Star (22 février 2016) dans laquelle, en réponse à une question qui lui est posée sur le litige engagé à l’encontre de FRANCE TELEVISIONS et LAGARDERE ACTIVE (dont la société CARSON H est une filiale), elle se borne à répondre : 'On ne va pas parler de ça ! Il n’y a rien en cours. Tellement de choses sont dites sans être vérifiées… Aujourd’hui tout va bien (…)'.

Enfin, les articles de M. A et de M. B consacrés au conflit entre C X et FRANCE TELEVISIONS (pièces 70 et 77 de CARSON H) ne peuvent être imputés à Mme X.

Les demandes de la société CARSON H pour dénigrement seront par conséquent rejetées.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société CARSON H qui succombe sera condamnée aux dépens d’appel et conservera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

La somme qui doit être mise à la charge de la société CARSON H au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la société G H et Mme X peut être équitablement fixée à 10 000 €, cette somme complétant celle allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Infirme le jugement déféré si ce n’est en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir de la société CARSON H (tirée de la signature du protocole transactionnel conclu entre la société G H et Mme X d’une part et la société FRANCE TELEVISIONS d’autre part), rejeté la demande de publication judiciaire et condamné la société CARSON H aux dépens et sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau pour le surplus et ajoutant,

Déboute la société G H et Mme X de toutes leurs demandes en contrefaçon de droits d’auteur,

Dit que la société CARSON H a commis des actes de parasitisme au préjudice de la société G H,

Condamne la société CARSON H à payer à la société G H la somme de 40 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant des actes de parasitisme,

Rejette le surplus des demandes de la société G H et de Mme X,

Rejette les demandes de la société CARSON H fondées sur le dénigrement,

Condamne la société CARSON H aux dépens d’appel et au paiement à la société G H et à Mme X de la somme de 10 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LE PRÉSIDENT LE GREFFIER

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 22 octobre 2019, n° 17/09422