Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 8 janvier 2020, n° 18/09823

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 4, 8 janv. 2020, n° 18/09823
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/09823
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 3 avril 2018, N° 2018005518
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE A

Pôle 5 – Chambre 4

ARRÊT DU 08 JANVIER 2020

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 18/09823 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B5WLV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Avril 2018 – Tribunal de Commerce de A – RG n° 2018005518

APPELANTE

SARL CREDENCE 2A

Ayant son siège social : […]

75008 A

N° SIRET : 809 511 272 (A)

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de A, toque : B1055

Ayant pour avocat plaidant : Me Roger ROMELLY, avocat au barreau de A, toque : D1761

INTIMÉE

SAS SCHMIDT GROUPE

Ayant son siège social : […]

[…]

[…]

N° SIRET : 326 784 709 (COLMAR)

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de A, toque : L0044

Ayant pour avocat plaidant : Me Marc LANCIAUX, avocat au barreau de A, toque : D0864

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 13 Novembre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame D-E F, Présidente de chambre

Madame Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère

Monsieur Dominique GILLES, Conseiller, chargé du rapport,

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame B C

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame D-E F, Présidente de chambre, et par Madame B C, greffier auquel la minute de la présente décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS Schmidt Groupe, propriétaire des marques et logos propres au réseau Schmidt, fabrique des meubles de cuisine, de salle de bain et des aménagements intérieurs qu’elle distribue par un réseau de concessionnaires.

La société Crédence 2A, créée par M. X le 10 février 2015, a racheté, le 26 février 2015, pour le prix de 230 000 euros, un fonds de commerce de cuisines, salles de bain, meubles, appareils électro-ménager et fourniture de prestations annexes, à l’enseigne Schmidt, situé 82/[…] à A dans des locaux pris à bail ; elle est devenue concessionnaire exclusif de la marque Schmidt, par acte sous seing privé du 4 mars 2015, conclu après réception par M. X du document d’information pré-contractuel (DIP).

Par lettre du 12 avril 2017, la SAS Schmidt Groupe a annoncé à la SARL Crédence 2A sa décision de mettre fin au contrat de concession, avec effet au 28 février 2018.

La société Crédence 2A ayant contesté cette décision, la société Schmidt Groupe l’a informée, par lettre du 22 mai 2017, qu’elle proposait de proroger le contrat au 30 juin 2018.

La société Crédence 2A, par lettre du 11 juillet 2017, a demandé à la SAS Schmidt Groupe soit de prolonger son contrat jusqu’en février 2022, pour lui permettre d’amortir son investissement, soit de l’aider à retrouver un repreneur, au prix fixé par son expert-comptable.

Par lettre recommandée du 2 novembre 2017, la société Crédence 2A a mis en demeure le concédant de revoir sa position.

Par lettre du 14 décembre 2017, la SAS Schmidt Groupe a proposé une aide pour trouver un repreneur, à un prix de cession du fonds de commerce compris entre 197 000 euros et 242 000 euros.

La société Crédence 2A, s’appuyant sur une estimation à hauteur de 453 000 euros de la valeur du fonds de commerce réalisée par son expert-comptable, a mis en demeure la SAS Schmidt Groupe, par lettre du 26 décembre 2017, de poursuivre l’exécution du contrat de concession.

La SAS Schmidt Groupe, par lettre du 4 janvier 2018, a indiqué au concessionnaire qu’elle restait sur sa position antérieurement exprimée.

La SAS Crédence 2A, dûment autorisée, a fait assigner la SAS Schmidt Groupe à bref délai, par acte extrajudiciaire du 23 janvier 2018.

C’est dans ces conditions que le tribunal de commerce de A, par jugement du 4 avril 2018 a :

— dit que la rupture du contrat de concession du 4 mars 2015 n’est pas abusive et déloyale ;

— débouté la société Crédence 2A de ses demandes d’exécution forcée du contrat de concession et de ses demandes subsidiaires de dommages et intérêts pour la somme de 852 936 euros ;

— débouté les parties de leur demande d’expertise ;

— condamné la société Crédence 2A à payer à la société Schmidt Groupe la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 CPC ;

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;

— condamné la société Crédence 2A aux entiers dépens de la présente instance.

Par dernières conclusions du 14 octobre 2019 la SARL Crédence 2A, appelante, demande à la Cour de :

— infirmer la décision déférée en toutes ses dispositions ;

et statuant à nouveau,

vu l’article 1134 du code civil dans sa version applicable au 4 mars 2015,

vu les articles 1146 et suivants du code civil dans leur version applicable au 4 mars 2015,

vu le contrat de concession du 4 mars 2015,

— dire abusive et de loyale la résiliation par la société Schmidt Groupe du contrat de concession du 4 mars 2015 ;

— débouter la société Schmidt Groupe de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

partant,

— condamner la société Schmidt Groupe à lui payer une somme de 453 834 euros au titre de la perte de son fonds de commerce ;

— condamner la société Schmidt Groupe à lui payer une somme de 373 644 euros au titre de la perte de bénéfices ;

— condamner la société Schmidt Groupe à lui payer une somme de 50 000 euros au titre de la réparation de son préjudice moral ;

— condamner la société Schmidt Groupe à lui payer une somme de 25 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner la société Schmidt Groupe aux entiers dépens.

Par dernières conclusions du 11 octobre 2019, la SAS Schmidt groupe prie la Cour de :

— confirmer le jugement du 4 avril 2018 en toutes ses dispositions ;

en conséquence,

— rejeter les demandes présentées par la société Crédence 2A ;

— condamner la société Crédence 2A à lui payer une somme de 50 000 euros au titre du préjudice moral ;

— condamner la société Crédence 2A à lui payer une somme de 25 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— condamner la société Crédence 2A en tous les dépens.

SUR CE, LA COUR

Sur l’abus du droit de résiliation

Dès lors que le contrat de concession comportait une clause d’exclusivité, il s’est trouvé régi par les dispositions de l’article L.330-3 du code de commerce, prévoyant une information à la charge du concédant, afin qu’ayant reçu des informations sincères et loyales, le concessionnaire puisse s’engager en connaissance de cause.

En vertu de l’article R.330-1,6° du code de commerce, le DIP doit comporter, en particulier, l’indication de la durée du contrat proposé, celles des conditions de son renouvellement et de sa résiliation.

Or, en l’espèce, le projet de contrat établi par le concédant ayant figuré en annexe du DIP, comme le contrat effectivement signé, ne contiennent pas les précisions suffisantes ayant pu permettre à la SARL Crédence 2A de s’engager en toute connaissance de cause de la durée de l’engagement souscrit par la SAS Schmidt Groupe .

En effet, la durée du contrat n’est directement abordée que par l’article 13, énonçant de manière tautologique et imprécise que la durée du contrat est équivalente à « la durée de la collaboration entre » les parties, « sous réserve des conditions des articles 7 et 9.4 ».

Or, l’article 9.4 prévoit l’engagement du concessionnaire de ne pas utiliser la marque dans le cadre de l’enregistrement des noms de domaine, ni dans l’identification de pages internet hébergées par des prestataires gratuits.

L’article7, intitulé « Résiliation du contrat » dresse une liste de cas de reprise de la marque par le concédant (factures impayées, incompatibilité de politique commerciale, cessation des paiements du concessionnaire, violation de l’exclusivité par le concessionnaire), rien ne venant préciser s’il s’agit d’une liste limitative ou non-limitative.

Enfin, l’article 8 relatif à l’utilisation de la marque mentionne que l’autorisation de l’utiliser demeure valable pendant la durée d’exploitation de l’enseigne et prendra fin dans les cas visés aux articles 7 et 9.4 analysés ci-dessus, « ainsi qu’en cas de résiliation conventionnelle du présent contrat ».

La Cour considère que la résiliation conventionnelle s’entend généralement de l’accord des parties

pour mettre fin au contrat, ce qu’a légitimement pu comprendre M. X.

Il se déduit des dispositions contractuelles ci-dessus que M. X, puis la SARL Crédence 2A, n’ont pas été valablement informés sur le droit de résiliation unilatérale conservé par la SAS Schmidt Groupe du fait qu’en l’absence de stipulation de durée, le contrat était nécessairement à durée indéterminée.

Il en résulte que M. X, du fait de ce défaut d’information sincère de la part du concédant, a pu croire légitimement dans la pérennité de la relation d’affaire avec celui-ci.

La SAS Schmidt Groupe a procédé à la résiliation, tout en indiquant au concessionnaire dans une lettre 22 mai 2017 : « … les circonstances de la rupture ne sont pas fautives, en aucun cas nous n’avons cherché à démontrer que vous avez commis une quelconque faute durant l’exécution du contrat de concession ».

Dans le cas de la présente instance, la SAS Schmidt Groupe n’établit aucun manquement contractuel de la SARL Crédence 2A.

En particulier, à la lumière de cette lettre, il ne peut être tiré aucune conséquence des pièces n°1 et n°2 de la SAS Schmidt Groupe (courriel de M. Y du 10 février 2017, courriel de Mme Z du 29 janvier 2018, les deux étant internes à la SAS Schmidt Groupe ) quant à l’origine des mauvaises évaluations de bilan-qualité du magasin en février 2017 et en janvier 2018.

En outre, en présence des contestations argumentées de la SARL Crédence 2A quant à la gestion de nombreuses situations de service après vente délicates héritées du précédent propriétaire du fonds, l’imputabilité au concessionnaire de la dégradation du bilan qualité n’est pas établie.

Il est démontré cependant que la SARL Crédence 2A a acquis le fonds de commerce au prix de 230 000 euros, soit 170 000 euros pour les éléments incorporels, d’une part, correspondant à la clientèle attachée au fonds, au droit au bail, et au droit à la ligne téléphonique et, d’autre part, 60 000 euros pour les éléments corporels existants, constitués du mobilier commercial, des installations matériels et outillages pour l’exploitation du fonds.

Les bilans de la société cédante démontrent que l’exploitation était déficitaire.

Il est également établi que l’opération a été financée par 20 000 euros d’apport personnel, 62 000 euros de compte courant d’associé et 276 302 euros d’emprunt bancaire, ce dernier étant souscrit par la SARL Crédence 2A .

Il est prouvé que dans le cours des opérations d’assistance au candidat concessionnaire, la SAS Schmidt Groupe a défini la forme et les montants à investir par M. X et par la SARL Crédence 2A, donnant son avis sur le montant du crédit, exigeant même que soit embauché un troisième vendeur lors du deuxième exercice, le coût de la formation des vendeurs ayant été évaluée à 51 885 euros par le concédant lui-même.

Le courriel du 18 novembre 2014 de M. A de la SAS Schmidt Groupe au comptable de la SARL Crédence 2A, pour la réalisation du prévisionnel, démontre également que la SAS Schmidt Groupe avait préconisé que M. X ne se verse pas de salaire la première année, convenant que le magasin étant quasiment au point mort lors de la reprise, et entérinant l’idée que le rythme de croisière de l’exploitation ne serait atteint qu’en mai 2016.

Or, la SAS Schmidt Groupe a fait usage de son droit de résiliation dès avril 2017, alors que la SARL Crédence 2A avait repris un fonds de commerce déjà exploité sous la même enseigne, mais dans des conditions déficitaires et que la SAS Schmidt Groupe, dans son propre intérêt, avait incité M.

X, puis la SARL Crédence 2A, à investir des sommes importantes, en s’endettant pour 7 années, et en ayant exigé de prévoir d’embaucher un troisième vendeur lors du deuxième exercice.

Il s’en déduit que la rupture du contrat à durée indéterminée a été décidée par le concédant sans grief contre le concessionnaire, qu’elle est survenue à une date très proche du début d’exploitation de celui-ci, de manière d’autant plus imprévisible qu’il avait été victime, d’une part, d’un défaut d’information imputable au concédant sur la durée du contrat, et que, d’autre part, ce concédant a agi de manière contradictoire avec ses propres préconisations et exigences qu’il avait formulées lors de la phase d’assistance.

Ceci caractérise l’abus de droit de résiliation du concédant.

Le jugement entrepris sera donc infirmé.

Sur les préjudices

S’agissant de la demande de dommages-intérêts au titre de la perte du fonds de commerce, la SAS Schmidt Groupe, par procès-verbal du 14 février 2019 établit que le fonds de commerce litigieux était exploité à cette date à l’enseigne Comera cuisines. La SARL Crédence 2A expose qu’elle a par la suite perdu le droit au bail et qu’elle a perçu une indemnité d’éviction.

Cependant, au 30 juin 2018, date d’effet de la résiliation abusive, la SARL Crédence 2A a perdu l’usage de la marque Schmidt et, avec celui-ci, la clientèle qui y était attachée.

Si la SARL Crédence 2A réclame une somme de 453 000 euros au titre de la perte de son fonds de commerce, d’une part elle se fonde sur une évaluation de son fonds de commerce effectuée par son expert-comptable à la date du 9 juin 2017 sur la base d’un chiffre d’affaires extrapolé qui est démenti par les comptes réels et, d’autre part, elle ne distingue pas selon les éléments du fonds de commerce.

La SARL Crédence 2A n’établit pas que les éléments corporels du fonds de commerce ont été perdus en tout ou en partie que par suite de l’abus de résiliation du contrat de concession exclusive.

La SARL Crédence 2A, bien qu’elle produise une situation comptable au 30 septembre 2019, n’établit pas non plus que le droit au bail a été perdu à cause de la résiliation abusive.

La SARL Crédence 2A n’établit pas qu’elle n’a dû arrêter son activité sans pouvoir réussir sa reconversion sous une autre enseigne par suite de l’abus de droit retenu contre la SAS Schmidt Groupe.

Il demeure cependant que si la SARL Crédence 2A a pu conserver, par cette reconversion, les éléments du fonds de commerce indépendants de la marque, elle a néanmoins perdu, au 30 juin 2018, la clientèle attachée à la marque Schmidt qu’elle avait, d’une part, acquis à titre onéreux de la SARL Ale Design comme un élément du fonds de commerce cédé et qu’elle a, d’autre part, entretenue voire développée jusqu’à l’effet de la résiliation du contrat de concession exclusive.

Cette perte de clientèle propre auprès des clients Schmidt constitue un préjudice certain né de l’abus du droit de résiliation de la SAS Schmidt Groupe et la SARL Crédence 2A a droit à une indemnité de ce chef.

Il revient donc à la Cour d’évaluer cette perte de clientèle.

A cet égard, l’acte d’acquisition du fonds de commerce et le bilan de la SARL Ale Design indiquent que le droit au bail avait été acquis par celle-ci au prix de 75 000 euros ; le droit au bail constitue le seul élément du fonds de commerce valorisé dans le bilan de la société cédante, celle-ci ayant créé le

fonds de commerce.

La valeur de la clientèle acquise par la SARL Crédence 2A augmentée de la valeur du droit à la ligne téléphonique n’a donc pas pu être estimée à plus de 95 000 euros par les parties à la cession (170 000
- 75 000 = 95 000 euros), étant observé que la part du droit à la ligne téléphonique ne représente qu’une faible part de cette somme. Ce montant doit être rapproché du chiffre d’affaires réalisé par la société cédante, qui a été de 1 291 994 euros en 2012 et de 966 654 euros en 2013.

Il est établi que, dans le cadre de sa mission d’assistance à M. X (cf. pièce n°18 de la SARL Crédence 2A), la SAS Schmidt Groupe a formellement exprimé son accord sur le fait de ventiler le prix d’acquisition du « magasin » de 230 000 euros de la manière suivante : "170 Keuros pour le fonds [note de la Cour : ce ne peut être que les éléments incorporels du fonds de commerce, dont le droit au bail de 75 000 euros, le surplus étant la clientèle et le droit à la ligne téléphonique]", 40 000 euros pour les modèles d’exposition, 15 000 euros pour les agencements et 5 000 euros pour le matériel de bureau.

La proposition de la SAS Schmidt Groupe de trouver un repreneur pour un prix compris entre 197 000 euros et 242 000 euros est à rapprocher du chiffre d’affaires réalisé par la SARL Crédence 2A, en prenant le chiffre d’affaires réel de 2017, de 1 420 857 euros, et non le chiffre d’affaires extrapolé par le technicien à la date du 9 juin 2017 (1 823 784 euros).

Si la SAS Schmidt Groupe expose dans ses conclusions que les chiffres qu’elle a avancés pour la reprise du fonds « ne cherchent pas à représenter la valeur effective du fonds de commerce de la SARL Crédence 2A , mais le montant auquel le nouveau concessionnaire doit limiter son investissement sur ce poste (achat du fonds de commerce) pour assurer ensuite la viabilité de son entreprise en en restreignant son investissement initial », la Cour, en vertu du principe de réparation intégrale du préjudice, doit retenir que la SARL Crédence 2A a droit à l’indemnisation de la totalité de la perte, au 30 juin 2018, date d’effet de la résiliation, de la valeur de cette clientèle propre qu’elle a acquise, maintenu et développé, et qui est restée attachée à la marque Schmidt.

Or, si les éléments incorporels du fonds de commerce, après déduction du droit au bail de 75 000 euros, étaient pour la SAS Schmidt Groupe de 95 000 euros reflétant la valeur de la clientèle (au droit à la ligne téléphonique près) soit environ 9,5% de la valeur du chiffre d’affaires annuel oscillant autour de 1 000 000 euros, après que la SARL Crédence 2A eut beaucoup développé le chiffre d’affaires pour le porter à 1 400 000 euros environ, la proposition de la SAS Schmidt Groupe de trouver un repreneur entre 197 000 euros et 242 000 euros est très insuffisante pour refléter la valeur de la clientèle devant être perdue par la SARL Crédence 2A à l’occasion de la cession aux conditions envisagées par le concédant.

La SAS Schmidt Groupe échoue à démontrer l’existence de conditions défavorables devant conduire à ignorer ou à minorer les conséquences du développement de clientèle réalisé par la SARL Crédence 2A .

La Cour retiendra donc qu’il est démontré en l’espèce que la perte de la clientèle attachée à la marque Schmidt et qui a été subie par la SARL Crédence 2A du fait de l’abus de droit commis par la SAS Schmidt Groupe ne peut-être réparée par une somme inférieure à 120 000 euros.

S’agissant de la perte des bénéfices du fait de la perte de l’usage de la marque Schmidt à compter du 30 juin 2018, la SARL Crédence 2A demande 373 644 euros de dommages-intérêts.

La SARL Crédence 2A se fonde sur le montant de l’excédent brut d’exploitation pour l’exercice 2017, qu’elle évalue à 103 711 euros et considère que l’exploitation aurait au moins dû aller jusqu’à février 2022 date de fin d’amortissement des crédits bancaires.

La Cour doit néanmoins tenir compte du fait que la SARL Crédence 2A a bénéficié dans les faits d’un préavis de rupture, en l’espèce de 14 mois.

La SARL Crédence 2A ayant déjà été indemnisée de la perte de sa clientèle attachée à la marque Schmidt à la date du 30 juin 2018 date d’effet de la résiliation abusive, la Cour considère que la preuve n’est pas rapportée que les conséquences de l’abus de la SAS Schmidt Groupe se soit prolongées après cette date, pour laquelle la SARL Crédence 2A a eu le temps de se préparer comme elle l’a voulu, dans des conditions dont le caractère dommageable allégué n’est pas imputable à la SAS Schmidt Groupe .

La Cour ne peut donc allouer quelqu’indemnité que ce soit au titre de la perte de revenus invoquée.

L’abus de droit commis par la SAS Schmidt Groupe a nécessairement causé un préjudice moral à la SAS Schmidt Groupe, précisément constitué par la nécessité de se réorganiser dans des délais contraints et dans des conditions qu’elle n’avait pu prévoir.

La Cour dispose des éléments nécessaires lui permettant d’évaluer ce préjudice à la somme de 30 000 euros, que la SAS Schmidt Groupe sera condamnée à payer à la SARL Crédence 2A à titre de dommages-intérêts.

En équité, la SAS Schmidt Groupe, qui sera déboutée de toutes ses demandes, sera condamnée à payer à la SARL Crédence 2A , sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, une somme telle que précisée au dispositif du présent arrêt.

La SAS Schmidt Groupe, qui succombe, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

INFIRME le jugement entrepris,

CONDAMNE la SAS Schmidt Groupe à payer à la SARL Crédence 2A les sommes suivantes :

—  120 000 euros au titre de la perte de clientèle,

—  30 000 euros au titre du préjudice moral,

—  15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SAS Schmidt Groupe aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile,

REJETTE toute autre demande.

Le Greffier Le Président

B C D-E F

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