Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 17 janvier 2020, n° 19/00410

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 11, 17 janv. 2020, n° 19/00410
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/00410
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bobigny, 3 décembre 2014, N° 13/08418
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRÊT DU 17 JANVIER 2020

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/00410 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B7BLA

Décisions déférées à la Cour :

Jugement du 04 Décembre 2014 – Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY – RG n° 13/08418

Arrêt du 06 Mars 2017 – Pôle 5 Chambre 10 de la Cour d’appel de Paris – RG n°15/9805

Arrêt du 26 Septembre 2018 – Cour de cassation- Pourvoi n° K17-17.764- Arrêt n°691 F-D

DEMANDEUR A LA SAISINE

M. LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D’ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE PARIS

[…]

[…]

représenté par Me Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.BOCCALINI & MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque: PC430

DÉFENDERESSE A LA SAISINE

Compagnie d’assurances GROUPAMA GRAND EST

[…]

[…]

représentée par Me Olivier LAURENT, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 14 Novembre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Françoise BEL, Présidente de chambre

Mme Agnès COCHET-MARCADE, Conseillère

Mme Estelle MOREAU, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI.

ARRÊT :

— contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme Françoise BEL, Présidente et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

Faits et procédure :

A la suite d’une vérification de comptabilité, la société Groupama Grand Est (ci-après, la société Groupama), s’est vue notifier des rappels de taxe sur les conventions d’assurances (ci-après, la TSCA), prévue par les articles 991 et suivants du code général des impôts, relativement à l’imposition des garanties d’assistance accessoires aux assurances automobiles qu’elle proposait.

L’administration fiscale a considéré que le taux de 9 % appliqué à ces garanties par la société Groupama Grand Est, pour les années 2007 à 2009, était incorrect et qu’il y avait lieu de lui appliquer le taux de 18 %.

Sans remettre en cause le taux retenu par l’administration fiscale, la société Groupama s’est opposée à elle quant aux conditions de calcul du surplus de taxe, soutenant que celui-ci aurait dû être effectué selon la méthode dite 'en dedans', soit en tenant compte de la TSCA faisant partie de la prime déjà payée par le client, tandis que l’administration fiscale avait retenu la méthode dite 'en dehors', appliquant le nouveau taux à la prime payée par le client avant application de la TSCA.

Sa demande de décharge partielle de la TSCA ayant été rejetée, la société Groupama a assigné devant le tribunal de grande instance de Bobigny l’administratrice générale des finances publiques chargée de la direction des vérifications nationales et internationales (ci-après, la DVNI) en dégrèvement.

Par jugement du 04 Décembre 2014, le tribunal de grande instance de Bobigny a :

— déclaré non fondé le rejet de la réclamation contentieuse formée le 11 décembre 2012 par la société Groupama,

— prononcé le dégrèvement des sommes de 14.632 euros dont 1.064 euros d’intérêts de retard pour l’année 2007, 15.592 euros dont 660 euros d’intérêts de retard pour l’année 2008, 15.160 euros dont 168 euros d’intérêts de retard pour l’année 2009,

— débouté la société Groupama de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a jugé que la TSCA présentait le caractère d’un impôt indirect, perçu à titre définitif sur la consommation de prestations d’assurance en vue d’assurer le financement de charges publiques, tout comme la TVA. Il a relevé que si la TSCA avait été instituée par l’article 21 de la loi du 31 janvier 1944, en remplacement du droit de timbre et du droit d’enregistrement, les opérations soumises à cette taxe étaient exonérées de la TVA.

Il a retenu que la TSCA était un élément du prix convenu avec l’assuré dès lors que l’accord entre

l’assureur et l’assuré se faisait sur le montant de la prime figurant dans la quittance émise par l’assureur, qui comprend la TSCA. Il a jugé que la TSCA ne constituait pas un frais accessoire au sens de l’article 1593 du code civil, en ce que le redevable de cette taxe n’était pas l’acquéreur, comme dans le cas d’une vente immobilière, mais l’assureur qui en répercutait le coût à l’assuré, et que cette taxe n’était pas un frais intrinsèque à la vente.

Il en a déduit que la méthode de calcul 'en dehors' appliquée par l’administration fiscale aboutissait à imposer l’assureur sur des sommes qu’il n’a pas perçues.

Par arrêt du 6 mars 2017, la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions, condamné le responsable de la DVNI à payer à la société Groupama la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, rejeté les autres demandes et condamné le responsable de la DVNI aux dépens.

La cour d’appel de Paris, rappelant les dispositions de l’article 991 du code général des impôts selon lesquelles l’assiette de la TSCA porte sur le montant des sommes stipulées au profit de l’assureur et de tous accessoires dont celui-ci bénéficie directement ou indirectement du fait de l’assuré, a jugé que la prime d’assurance payée par l’assuré en contrepartie de la garantie comprenait la prime constituant la référence de la garantie, les frais de gestion et la TSCA, et que si la prime proprement dite et les frais de gestion portaient sur des sommes et accessoires bénéficiant à 1'assureur du fait de l’assuré, il en allait différemment de la partie TSCA perçue par 1'assureur à charge pour lui de la reverser à 1'administration fiscale.

La cour en a conclu que les premiers juges avaient justement relevé que la collecte de la TSCA était de même nature que celle de la TVA et que la TSCA n’ayant pas la nature d’un accessoire, l’assureur ne pouvait pas modifier le prix en cas d’erreur sur le taux applicable de la TSCA.

Elle a également jugé que les premiers juges avaient justement retenu que la TSCA ne devait pas s’analyser comme un frais d’acte accessoire à la vente visé à l’article 1593 du code civil, le redevable de la TSCA étant 1'assureur seul, qui répercute ce coût sur son client, l’assuré.

Elle en a conclu que le calcul opéré par l’administration fiscale avait alors abouti à reporter la charge sur 1'assureur pour des sommes qu’il n’avait pas perçues et que c’était donc à tort que les rappels de TSCA notifiés à la société Groupama avaient été calculés sur une prime hors taxes et non diminuée du montant de la TSCA.

La DVNI a formé un pourvoi en cassation, faisant grief à l’arrêt d’avoir confirmé le jugement entrepris en ayant déclaré non fondé le rejet de la réclamation contentieuse formée par la société Groupama et prononcé le dégrèvement des sommes correspondantes.

Par arrêt en date du 26 septembre 2018, la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt rendu le 6 mars 2017 par la cour d’appel de Paris et remis en conséquence la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d’appel de Paris, autrement composée,

aux motifs que :

'Vu l’article 991 du code général des impôts ;

(…)

Attendu que pour faire droit à cette demande l’arrêt, par motifs propres et adoptés, relève que la méthode de calcul en dedans préconisée par la société Groupama, conduit à asseoir la TSCA sur une somme égale au prix initialement stipulé diminué notamment du montant de la taxe ; que, pour approuver cette méthode de calcul, il relève que l’assureur, qui est redevable de la TSCA, en répercute le coût sur l’assuré et retient que cette taxe, faisant partie intégrante du prix convenu entre les parties constitué de la prime, des frais de gestion et de la TSCA, ne peut être considérée comme étant un accessoire de ce prix, lequel ne peut être modifié en cas d’erreur sur le taux applicable ; qu’il ajoute que la méthode de calcul préconisée par l’administration fiscale, dite 'en dehors', aboutit à reporter la charge de la TSCA sur l’assureur pour des sommes qu’il n’a pas perçues ;

Qu’en statuant ainsi, alors que, selon le texte susvisé, la TSCA est perçue sur le montant des sommes stipulées au profit de l’assureur et de tous accessoires dont celui-ci bénéficie directement ou indirectement du fait de l’assuré et que la méthode de calcul retenue, dite 'en dedans', qui conduit à reconstituer une assiette de la taxe inférieure au montant de la prime hors taxe initialement convenue entre les parties, exclut de cette assiette une partie des sommes stipulées au profit de l’assureur, la cour d’appel a violé le texte susvisé'.

Par déclaration du 31 décembre 2018, le Directeur régional des Finances publiques d’île de France et du département de Paris a saisi la cour d’appel de renvoi.

Prétentions et moyens des parties :

Par dernières conclusions déposées et notifiées le 28 février 2019, le directeur régional des finances publiques d’île de France et du département de Paris demande à la cour de :

— Le dire recevable et fondée en son appel,

— Infirmer le jugement entrepris,

— Dire régulières et valables les déclarations complémentaires de régularisation (n° 3949) du 30 mars 2010,

— Remettre à la charge de la société Groupama Grand Est les impositions litigieuses, soit 45.384 euros (dont 1.901 euros d’intérêts de retard),

— Condamner la société Groupama Grand Est en tous les dépens de première instance et d’appel, et dire qu’en tout état de cause les frais entraînés par la constitution d’un avocat qui n’est pas obligatoire (article R. 202-2 du Livre des procédures fiscales), resteront à sa charge.

Le demandeur à la saisine explique que la jurisprudence de la Cour de cassation et celle du Conseil d’Etat, optant, en cas de rectification de la TVA, pour la méthode de calcul dite 'en dedans', consistant à soustraire la TVA du prix facturé avant correction, reposent sur une analyse civiliste de la notion de prix. Il rappelle que la TVA est un impôt réel qui ne peut être assis que sur des sommes réellement encaissées, dont la base d’imposition est constituée par l’ensemble des éléments remis en contrepartie de la livraison ou de la prestation, soit les impôts, taxes, droits et prélèvements de toute nature à l’exception de la taxe sur la valeur ajoutée, en application des articles 266-1.a et 267-I.1° du code général des impôts. Il souligne qu’en matière de vente, le prix doit être déterminé, ferme et définitif, et qu’il a ainsi été jugé par la Cour de cassation, au visa de l’article 1593 du code civil, que la TVA est un élément qui grève le prix convenu avec le client et non pas un accessoire du prix à charge de celui-ci. Il en déduit que les modalités de calcul des rectifications de TVA découlent de la nature juridique de cet impôt, en ce qu’il s’agit d’un élément du prix convenu au sens du droit civil.

Il considère que cette analyse ne peut s’appliquer à la TSCA. Il soutient à ce titre que le régime applicable à la TSCA au plan fiscal est assimilable aux droits d’enregistrement en matière de procédure de contrôle, de recouvrement et de contentieux, ladite taxe étant régie par les dispositions des articles 991 à 1004 inclus dans le titre IV qui traite notamment des droits d’enregistrement. Il ajoute qu’en application des dispositions de l’article 991 du code général des impôts, cette taxe est

perçue à l’occasion de la conclusion d’un acte juridique, en l’occurrence une convention d’assurance, comme c’est le cas pour les droits d’enregistrement et de timbre. Il rappelle que la doctrine civiliste et la jurisprudence judiciaire rangent notamment parmi les frais accessoires à la vente les droits d’enregistrement, de sorte que la TSCA, assimilable à de tels droits, ne pourrait pas être qualifiée d’élément du prix convenu au titre d’une approche civiliste. Il ajoute que le contrat d’assurance, opération spécifique, ne saurait être comparé à une vente au sens de l’article 1582 du code civil, ni relever de la jurisprudence sur le fondement de l’article 1593 du code civil.

Il fait valoir que l’approche civiliste, propre au régime du contrat de vente, retenue par les premiers juges n’est donc pas adaptée au contrat d’assurance, qui relève des dispositions de l’article 991 du code général des impôts, et qu’il convient, pour déterminer les modalités de calcul en cas de rectification de la TSCA, de se référer à cet article, dont l’alinéa 2 définit la base d’imposition de la TSCA comme comprenant 'le montant des sommes stipulées au profit de l’assureur et tous les accessoires dont celui-ci bénéficie directement ou indirectement du fait de l’assuré'.

Il soutient qu’en droit des assurances, la TSCA constitue un accessoire de la prime nette et qu’elle est exclue de la base d’imposition, dès lors qu’elle ne bénéficie pas à l’assureur au sens des dispositions de l’article 991 du code général des impôts, n’étant pas stipulée à son profit, mais collectée par lui et reversée au trésor. Il considère que la TSCA doit donc être liquidée sur le seul montant de la prime nette, de sorte que les rectifications ne peuvent s’effectuer que selon la méthode de calcul 'en dehors'. Il considère qu’une base d’imposition imputée de la taxe elle-même n’est pas conforme aux dispositions de l’article 991 du code général des impôts.

La société Groupama Grand Est, qui s’est constituée, n’a pas produit de conclusions sur renvoi après cassation. Elle est donc réputée s’en tenir aux moyens et prétentions qu’elle avait soumis à la cour d’appel dont l’arrêt a été cassé, en application des dispositions de l’article 1037-1 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées et déposées le 11 septembre 2015, elle demandait à la cour de :

— Déclarer l’appelante mal fondée en son appel ;

— Confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bobigny le 4 décembre 2014 en ce qu’il a dit et jugé que les rappels de taxes sur les conventions d’assurance mis à sa charge doivent être calculés sur le montant des primes diminué du montant de la taxe sur les conventions d’assurances ;

— Débouter l’appelante de toutes ses demandes, y compris reconventionnelles ;

— La condamner au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— La condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel.

L’intimée sollicite l’application de la méthode de calcul dite 'en dedans', considérant que lorsqu’un rappel de TSCA trouve sa source dans l’application d’une exonération injustifiée ou d’un taux de taxe erroné, l’assiette du rappel, taxe incluse, ne peut excéder la somme qui a été effectivement payée à titre de prime commerciale par l’assuré.

Elle soutient à ce titre que la prime commerciale fixe le montant maximum de l’engagement de l’assuré vis à vis de l’assureur qui ne peut exiger, en sus de ce paiement, le complément réclamé par l’administration fiscale au titre de la TSCA. Elle considère que ladite taxe doit donc être assise sur le montant de la prime commerciale, diminué du montant de cette même taxe, conformément à la jurisprudence de la Cour de Cassation et du Conseil d’Etat en matière de TVA.

Elle fait valoir que l’assimilation de la TSCA aux droits d’enregistrement, invoquée par l’administration fiscale pour justifier que la TSCA soit rangée dans la catégorie des frais accessoires à la vente, se limite à la matière contentieuse et au recouvrement, tel qu’il ressort expressément de la doctrine administrative en la matière, qui souligne le caractère sui generis de la TSCA.

Elle considère que par analogie avec la jurisprudence dégagée en matière de TVA, et dès lors que la TSCA est, comme la TVA, un impôt sur la consommation, et que l’assureur n’a pas la possibilité de la récupérer auprès de son client, la prime commerciale convenue entre l’assureur et son client doit être considérée comme incluant la TSCA.

Elle soutient que cette analyse n’est pas contradictoire avec le fait que la TSCA soit calculée en appliquant le taux approprié sur le montant de la prime nette, obtenue en déduisant cette taxe de la prime totale, dès lors que la prime commerciale constitue le prix total, taxe incluse, de la prestation fournie par l’assureur à son client et, par suite, le montant maximum de l’engagement auquel ce dernier est tenu.

MOTIFS

Selon l’article 991 du code général des impôts,

'Toute convention d’assurance conclue avec une société ou compagnie d’assurances ou avec tout autre assureur français ou étranger est soumise, quels que soient le lieu et la date auxquels elle est ou a été conclue, à une taxe annuelle et obligatoire moyennant le paiement de laquelle tout écrit qui constate sa formation, sa modification ou sa résiliation amiable, ainsi que les expéditions, extraits ou copies qui en sont délivrés, sont, quelque soit le lieu où ils sont ou ont été rédigés, enregistrés gratis lorsque la formalité est requise.

La taxe est perçue sur le montant des sommes stipulées au profit de l’assureur et de tous accessoires dont celui-ci bénéficie directement ou indirectement du fait de l’assuré'.

La prime d’assurance a trois composantes :

— la prime pure, qui correspond au strict prix de l’assurance du risque ;

— la prime nette, qui correspond à la prime pure, additionnée des frais de gestion (souscription et gestion du contrat, frais de commissions…), également appelée ' les chargements',

— la prime totale ou commerciale, qui correspond à la prime nette, agrégée des taxes fiscales.

L’objet du litige réside dans la détermination de la base de calcul de la TSCA en cas de rectification de celle-ci en raison de l’application d’un taux incorrect.

La méthode retenue par les premiers juges et soutenue par la compagnie d’assurances, dite 'en dedans', consiste, lors de la rectification du taux de la taxe (en l’occurrence, de 9 à 18%) à tenir compte du prix réellement perçu par les assureurs, soit le montant de la prime commerciale/totale payée par l’assuré et perçue par la compagnie d’assurances avant correction et, dans la limite de ce montant, d’augmenter celui de la taxe due en proportion du nouveau taux. Cette méthode de calcul conduit ainsi à déduire de la somme totale perçue par l’assureur sur la base d’un taux erroné, le pourcentage du taux réellement applicable, et à calculer la nouvelle taxe sur cette base, donc à reconstituer la portion censée constituer la prime nette, sur la base de laquelle sera calculée la taxe, en déduisant de la prime totale le pourcentage du taux applicable.

La méthode préconisée par l’administration fiscale, dite en dehors, consiste à recalculer le montant de la TSCA sans modifier le montant de la prime nette. L’assiette de la taxe est, dans le cadre du rappel,

celle de la prime nette.

Les parties s’opposent sur le point de savoir si la TSCA est un élément ou un accessoire de la prime versée par l’assurée, par assimilation à la TVA ou aux droits d’enregistrement, et doit donc, ou non, être prise en compte pour calculer la base de la TSCA en cas de rectification.

La TSCA est distincte de la TVA, dès lors qu’elle est perçue sur le montant des sommes stipulées au profit de l’assureur et de tous accessoires dont celui-ci bénéficie directement ou indirectement du fait de l’assuré, qu’elle ne couvre pas l’ensemble des opérations économiques sur le territoire national, puisqu’elle ne s’applique pas à l’ensemble des transactions ayant pour objet des biens ou des services, et qu’elle n’est ni perçue à chaque stade du processus de production et de distribution, ni appliquée à la seule valeur ajoutée au service produit par l’assureur.

En outre, la conclusion d’un contrat d’assurance n’est pas assimilable à une vente. Le fait générateur de la TSCA est la conclusion ou le renouvellement d’une police d’assurance et non pas l’exécution d’une prestation de service. Si l’assureur peut répercuter la TSCA sur les assurés, il en est le redevable.

La méthode de calcul de rappel de TVA ne saurait donc être transposée, par assimilation, en matière TSCA.

La TSCA ne constitue pas non plus un droit d’enregistrement, mais fait partie des taxes assimilées, dès lors qu’elle est notamment régie par l’article 991 du code général des impôts qui figure au chapitre III 'Autres droits et taxes' du titre IV intitulé 'Enregistrement, publicité foncière, impôt de solidarité sur la fortune, timbre'.

Selon la doctrine administrative, 'La taxe sur les conventions d’assurances a été instituée par l’article 21 de la loi du 31 janvier 1944. Elle est régie par les dispositions des articles 991 à 1004 du code général des impôts inclus dans le titre IV intitulé 'Enregistrement, publicité foncière, impôt de solidarité sur la fortune, timbre'. Malgré cette classification, la taxe ne constitue ni un droit de timbre, ni un droit d’enregistrement. Elle revêt un caractère d’une taxe sui generis, créée en remplacement des droits d’enregistrement et des droits de timbre' (D. adm. 71 11 n° 1, 1" juillet 1996 ; B01 TCAS ASSUR;10 10 n° 1. 12 septembre 2012), et 'Le caractère sui generis de la taxe sur les conventions d 'assurances est souligné par les dispositions de l’article 991 du code général des impôts aux termes duquel, moyennant le paiement de la taxe, tout écrit qui constate la formation, la modification ou la résiliation amiable d’une convention d 'assurances ainsi que les expéditions, extraits ou copies qui en sont délivrés sont, quel que soit le lieu ou ils sont ou ont été rédigés, enregistrés gratis lorsque la formalité est requise' (D. adm. 7 I 11 n° 2, lerjuillet 1996; BOI TCAS ASSUR 10 10 n° 10, 12 septembre 2012.).

Il résulte de ces éléments que la TSCA, qui diffère de la TVA et des droits d’enregistrement, présente un caractère sui generis, et que sa perception est régie par les seules dispositions de l’article 991 du code général des impôts, qui prévoient qu’elle est perçue du fait de la conclusion de 'toute convention d’assurance conclue avec une société ou compagnie d’assurances ou avec tout autre assureur français ou étranger' et qu’elle a pour assiette'le montant des sommes stipulées au profit de l’assureur et de tous accessoires dont celui-ci bénéficie directement ou indirectement du fait de l’assuré'.

La TSCA n’est donc pas un élément de la prime convenue avec l’assuré, qui consiste en la prime nette, mais un droit d’acte, dont le fait générateur est l’émission de la quittance, et non pas le paiement. Elle ne bénéficie pas à l’assureur au sens des dispositions de l’article 991 du code général des impôts, étant due par l’assureur.

La TSCA n’est donc pas un élément de la prime, et doit se calculer, en cas de rectification, sur

l’ensemble de la prime conformément à l’article 991 alinéa 2 du code général des impôts. L’assiette de ladite taxe est donc, en cas de rappel, celle de la prime nette.

La méthode de calcul 'en dedans' retenue par les premiers juges, consistant à asseoir la taxe sur une somme égale au prix effectivement payé par l’assuré, diminuée du montant de taxe rappelée, conduit à retenir une assiette reconstituée inférieure au montant de la prime hors taxe initialement convenue entre les parties, et par voie de conséquence à exclure de l’assiette de la taxe une partie des sommes stipulées au profit de l’assureur.

Il s’ensuit que la méthode à retenir, lors de la rectification du taux de la taxe, est la méthode 'en dehors' défendue par l’administration fiscale.

Le jugement est donc infirmé.

Il convient, en conséquence, de dire régulières et valables les déclarations complémentaires de régularisation (n° 3949) du 30 mars 2010, et de remettre à la charge de la société Groupama Grand Est les impositions litigieuses, soit 45.384 euros (dont 1.901 euros d’intéréts de retard).

La société Groupama échouant en ses prétentions est condamnée aux dépens exposés en première instance et en cause d’appel.

Le jugement est confirmé en ce qu’il a débouté la société Groupama de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ladite demande étant également rejetée au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement rendu le 04 Décembre 2014 par le tribunal de grande instance de Bobigny, sauf en ce qu’il a débouté la société Groupama Grand Est de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant de nouveau,

Dit régulières et valables les déclarations complémentaires de régularisation (n° 3949) du 30 mars 2010,

Met à la charge de la société Groupama Grand Est les impositions litigieuses, soit 45.384 euros (dont 1.901 euros d’intérêts de retard),

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société Groupama Grand Est de sa demande,

Condamne la société Groupama Grand Est aux dépens exposés en première instance et en cause d’appel.

Le greffier Le président

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