Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 5 novembre 2020, n° 18/04896

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 7, 5 nov. 2020, n° 18/04896
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/04896
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Melun, 5 février 2018, N° 14/01048
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le

 : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRET DU 05 NOVEMBRE 2020

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/04896 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B5NX2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Février 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MELUN – RG n° 14/01048

APPELANT

Monsieur Z X

[…]

[…]

Représenté par Me Isabelle BENAZETH, avocat au barreau de MELUN, toque : A0908

INTIMEE

SARL KORIMMO

[…]

[…]

Représentée par Me Maud EGLOFF-CAHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1757

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Septembre 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat, entendu en son rapport, a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre,

Madame Hélène FILLIOL, Présidente de Chambre,

Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère.

Greffier, lors des débats : Madame Lucile MOEGLIN

ARRET :

—  CONTRADICTOIRE,

— mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— signé par Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de Chambre, et par Madame Lucile MOEGLIN, Greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Par contrat à durée indéterminée datant du 24 février 2014, M. X a été engagé en qualité de négociateur immobilier VRP au sein de la société Korimmo.

Le salarié a été licencié le 30 août 2014 pour faute grave.

Le 22 décembre 2014, la société Korimmo a saisi le Conseil de prud’hommes de Melun afin d’obtenir le paiement de la clause pénale en raison de la violation de la clause de non-concurrence par le salarié.

Par jugement du 6 février 2018, le Conseil de prud’hommes a condamné M. X à payer la somme de 20 000€ à la société Korimmo au titre de la clause pénale et celle de 278,12 € au titre de remboursement de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence, débouté les parties du surplus de leurs demandes et mis les dépens à la charge de M. X.

Pour statuer ainsi, le Conseil a jugé que la clause de non-concurrence était vaidte et que M. X l’avait violée.

Le 4 avril 2018, M. X a interjeté appel de ce jugement.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 1er juillet 2018, M. X demande à la cour de :

— débouter la société Korimmo de l’intégralité de ses demandes,

— condamner la société Korimmo à lui verser la somme de 3 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Korimmo aux dépens de première instance et d’appel

M. X fait valoir que la clause de non-concurrence prévue par son contrat de travail est irrégulière, que l’employeur ne justifie pas d’un intérêt légitime car il n’a exercé ses fonctions au sein de la société que durant un mois et demi et que le montant de la clause pénale est disproportionné. Selon l’appelant, l’employeur a violé la clause en ne versant pas la contrepartie financière.

M. X prétend la société Korimmo n’a pas rapporté la preuve d’un préjudice généré par l’absence de respect de la clause de non-concurrence.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 27 septembre 2018, la société Korimmo demande à la cour de :

— constater que M. X ne sollicite pas l’infirmation du jugement dans le dispositif de ses conclusions et ne qualifie pas ses demandes en droit,

— confirmer le jugement en ce qu’il a condamné M. X lui à verser à la société Korimmo les sommes suivantes :

* 20 000 euros au titre de la clause pénale prévue au contrat de travail,

* 278,12 euros à titre de remboursement de la contrepartie financière à la clause de non concurrence perçue,

— infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice concurrentiel et, statuant à nouveau, condamner M. X à lui verser la somme de 10 000 euros à ce titre,

— condamner M. X à lui verser la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.

L’intimée indique que M. X n’a pas sollicité l’infirmation du jugement de première instance et n’a pas qualifié ses demandes en droit.

La société Korimmo fait valoir que M. X ne l’a pas informée de la suspension de son permis de conduire durant son arrêt de travail et qu’elle a mis en demeure le salarié de justifier son absence.

Sur la clause de non-concurrence, l’employeur fait valoir que la clause était limitée dans le temps et l’espace, qu’une contrepartie financière à hauteur de 15% de la rémunération moyenne perçue les trois derniers mois était prévue et que la clause est donc valable. Elle ajoute qu’elle était justifiée par la protection de ses intérêts légitimes, M. X ayant été directement en contact avec ses clients et ayant eu accès aux informations commerciales de la société. L’employeur prétend que la durée d’exercice de M. X n’a pas d’importance et précise que le salarié a tenté de détourner certains de ses clients.

L’intimée estime que la clause pénale prévue au contrat de travail doit par conséquent être appliquée et que son montant n’est pas excessif.

Par ailleurs, elle fait valoir qu’elle a subi un préjudice en lien avec l’activité concurrentielle de M. X, ce dernier ayant détourné plusieurs de ses clients, et qu’elle a en outre subi un préjudice relatif à la dégradation de son image commerciale. L’intimée considère avoir versé indûment à M. X une contrepartie financière à une clause de non-concurrence n’ayant pas été respectée, celle-ci devant être remboursée.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions notifiées par RPVA.

L’instruction a été déclarée close le 1er juillet 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les constats invoqués par la société Korimmo au sujet du dispositif des écritures de l’appelant

Dans le dispositif de ses écritures, la société Korimmo demande à la cour de constater que M. X ne sollicite pas l’infirmation du jugement et qu’il ne qualifie pas ses demandes en droit. Ne tirant aucune conséquence de ses constatations, la cour dit n’y avoir lieu de répondre à cette demande.

Sur la validité de la clause de non-concurrence

L’article 13 du contrat de travail prévoit une clause de non-concurrence d’une durée de douze mois, limitée géographiquement à plusieurs villes expressément citées et situées à proximité du siège de la société en contrepartie du versement au profit du salarié d’une somme égale à 15 % de sa rémunération mensuelle moyenne des trois derniers mois de présence dans l’entreprise. Il stipule également qu’en cas de violation de la clause, le salarié est automatiquement redevable d’une somme fixée forfaitairement à 20 000 € par infraction constatée, ce paiement n’étant pas exclusif du droit que l’employeur se réserve de poursuivre le salarié en remboursement du préjudice effectivement subi et de faire ordonner sous astreinte la cessation de l’activité concurrentielle.

Le salarié dénonce l’absence d’intérêt légitime au regard de sa présence limitée au sein de l’entreprise, soit un mois et demi, ayant ensuite été absent pendant trois mois, soutenant qu’il n’a de ce fait pas été en mesure de détourner la clientèle.

L’appréciation de l’intérêt légitime de l’entreprise nécessite pour cette dernière de pouvoir justifier d’un préjudice réel dans le cas où le salarié viendrait à exercer son activité professionnelle dans une entreprise concurrente.

Le temps de présence effectif du salarié au sein de l’entreprise avant la rupture du contrat de travail importe peu dès lors que la société Korimmo justifie que M. X, engagé en qualité de négociateur immobilier, était en contact direct avec la clientèle, assumant une mission de prospection. L’employeur justifie donc d’un intérêt légitime au regard du risque de détournement de clientèle.

Par ailleurs, il résulte des termes du contrat que la clause était limitée dans le temps de même que géographiquement au secteur proche de l’agence où M. X exerçait ses fonctions de négociateur et que la contrepartie financière était raisonnable au regard des caractéristiques de la clause elle-même. Dès lors, il y a lieu de retenir la validité de la clause de non-concurrence.

L’absence de paiement de la totalité de la contrepartie à la clause de non-concurrence, les congés payés afférents à la créance de nature salariale n’ayant pas été réglés par la société Korimmo, n’est pas de nature à délier le salarié du respect de la clause ainsi que celui-ci le prétend.

Sur la violation de la clause de non-concurrence

La société Korimmo démontre que M. X a démarché deux de ses clients en septembre et octobre 2014 en leur proposant de lui confier un mandat de vente, ceux-ci demeurant à Tournan en Brie, ville faisant partie de la zone géographique concernée par l’interdiction d’exercer (attestations et estimation réalisée par M. X sous l’enseigne AVF France). Elle justifie également que M. X était associé à 40 % dans la société AVF France ainsi qu’en atteste le procès-verbal de l’assemblée générale ordinaire du 31 octobre 2008. Dès lors, la société Korimmo justifie de la violation à deux reprises par M. X de la clause de non-concurrence insérée dans son contrat de travail.

Sur la demande de remboursement de la clause de non-concurrence

Il est constant qu’en cas de violation de la clause de non-concurrence, le salarié doit rembourser les sommes perçues à ce titre.

Au regard de la violation par M. X de la clause de non-concurrence, ce dernier est redevable de la somme de 278,12 € versée par la société Korimmo au titre de la contrepartie à l’application de la clause.

Sur le montant de la clause pénale

L’article 1152 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte, ni moindre, que néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire, et que toute stipulation contraire sera réputée non écrite.

M. X invoque le caractère excessif de la clause pénale, précisant qu’il a en réalité travaillé jusqu’en 2008 au sein de l’Agence de la Place (AVF), puis en qualité d’auto-entrepreneur de 2009 à 2014 et qu’il a ensuite repris ses fonctions au sein de cette société qui a été placée en redressement judiciaire en janvier 2018. Toutefois, il ne verse aux débats aucune pièce. De même s’il dénonce le caractère fallacieux de l’attestation de Mme Y qui précise avoir été démarchée, force est de constater que cette dernière est très précise et circonstanciée.

Toutefois, il y a lieu au regard du caractère manifestement excessif de la clause pénale de réduire son montant à 5 000 €.

Sur le préjudice en lien avec l’activité concurrentielle

La société soutient que l’appelant a détourné plusieurs de ses clients et elle invoque également la dégradation de son image commerciale. Toutefois, elle ne verse aux débats aucune pièce attestant de la réalité de ses allégations. En conséquence, cette demande est rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement en ce qu’il a condamné M. X à payer à la société Korimmo la somme de 20 000 € au titre de la clause pénale ;

CONFIRME le jugement pour le surplus ;

Et statuant à nouveau,

CONDAMNE M. X à payer à la société Korimmo la somme de 5 000 € au titre de la clause pénale ;

JUGE que chacune des parties garde à sa charge les frais qu’elle a engagés en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. X au paiement des dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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