Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 16 décembre 2020, n° 18/10247

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 4, 16 déc. 2020, n° 18/10247
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/10247
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Meaux, 8 juillet 2018, N° F17/00213
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le

 : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 4

ARRET DU 16 DECEMBRE 2020

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/10247 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6KXL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Juillet 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MEAUX – RG n° F 17/00213

APPELANT

Monsieur Z Y

[…]

77650 SAINTE-COLOMBE

Représenté par Me Abdellah BESSAA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1772

INTIMEE

SA CONFORAMA FRANCE

[…]

[…]

Représentée par Me Cyril CATTE de la SCP SOUCHON CATTE LOUIS PLAINGUET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0452

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Novembre 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne-Ga’l BLANC, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Monsieur Olivier MANSION, conseiller

Madame Anne-Ga’l BLANC, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. Y (le salarié) a été engagé le 5 novembre 2009 par contrat à durée indéterminée en qualité de contrôleur produits G2, statut cadre, par la société Conforama France (l’employeur).

Il occupait en dernier lieu les fonctions de responsable de la coordination marketing.

Il a été licencié le 27 décembre 2016 pour insuffisance professionnelle.

Estimant ce licenciement infondé, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes qui, par jugement du 9 juillet 2018, a rejeté toutes ses demandes.

Le salarié a interjeté appel le 21 août 2018, après notification du jugement le 30 juillet 2018.

Il demande au regard, selon lui, de la nullité du licenciement, sa réintégration sous astreinte de 500 € par jour de retard et le paiement des sommes de :

—  141.312 € de rappel de salaires pour la période d’avril 2017 au 31 décembre 2019,

—  14.131 € de congés payés afférents,

—  6.809 € de rappel de primes sur objectif 2015/2016 et 2016/2017 ;

à titre subsidiaire :

—  105.984 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  3.600 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’employeur conclut à la confirmation du jugement et sollicite le paiement de 3.600 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux conclusions des parties échangées par RPVA les 5 février et 30 avril 2019.

MOTIFS :

Sur le licenciement :

1°) Le salarié invoque la nullité du licenciement au motif qu’il est intervenu en lien direct avec son état de santé ce qui constituerait une discrimination.

L’article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 dispose : 'Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son origine, de son sexe, de sa situation de famille, de sa

grossesse, de son apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son patronyme, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, de son état de santé, de sa perte d’autonomie, de son handicap, de ses caractéristiques génétiques, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable'.

En application des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail, pour se prononcer sur l’existence d’une discrimination, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une telle discrimination et à l’employeur de prouver, au vu de ces éléments, que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Ici, le salarié rappelle qu’il a été en arrêt de travail du 31 mai au 1er décembre 2016, qu’à cette date le médecin du travail l’a déclaré apte à reprendre son activité à temps partiel thérapeutique à 80 % sur 5 jours, en finissant les journées de travail plus tôt. Il ajoute : 'à réévaluer dans trois mois'.

Le médecin traitant a permis la reprise de travail tout en prolongeant les soins jusqu’au 29 février 2017.

Le licenciement est intervenu avant la réévaluation de l’état de santé du salarié par le médecin du travail et alors que le salarié avait été dispensé d’être présent à compter du 2 décembre 2016 avec maintien de sa rémunération.

Il en résulterait, par rapprochement des dates, une volonté de l’employeur de le licencier en raison de son état de santé.

Ces éléments pris dans leur ensemble font présumer l’existence d’une discrimination fondée sur l’état de santé.

Il appartient à l’employeur non pas de rapporter la preuve d’un fait négatif comme il le soutient, mais d’établir que le licenciement est fondé non pas sur l’état de santé du salarié mais l’insuffisance professionnelle invoquée, dont la charge de la preuve est partagée entre les parties.

Ici, la lettre de licenciement reproche au salarié une insuffisance professionnelle consistant en des inexécutions contractuelles relatives notamment aux ouvertures et fermetures des codes promotionnels, à l’élaboration de 'chemins de fer’ très importante pour l’enseigne, des erreurs et carences relatives à la communication d’informations essentielles concernant les offres promotionnelles, à la diffusion de notes au réseau ou aux plans d’animation commerciale, ainsi que d’autres manquements.

Cette lettre est détaillée et vise des faits précis, matériellement vérifiables, sans lien avec l’état de santé du salarié.

Les comptes rendus d’entretiens professionnels de 2015 et 2016 sont produits (pièces n°4 et 5).

Il convient de relever que des carences sont relevées comme un manque de rigueur se traduisant par des erreurs et des approximations ainsi qu’un manque de prise d’initiative et d’organisation et montée en compétence de son équipe, sur la seule année 2015.

Par ailleurs, l’employeur produit des échanges de mails (pièce n°8) intervenus en septembre et octobre 2015 et qui traduiraient, selon lui, des difficultés liées aux communication réseau et la

diffusion de notes erronées.

Le salarié conteste ces griefs en soulignant qu’il n’a pas été remplacé, qu’il a perçu ses primes sur les années antérieures, qu’il n’a pas bénéficié d’une formation suffisante et que les carences reprochées sont anciennes.

Il établit que l’évaluation 2015 a été réalisée par Mme X avec laquelle il n’a travaillé que quatre mois (pièces n°89 et 90) et qu’il a été sollicité à plusieurs reprises pendant son arrêt de travail pour trouver des solutions à divers problèmes liés au fonctionnement du magasin (pièces n°91 à 99).

L’argument sur l’ancienneté des griefs n’est pas pertinent dès lors que l’insuffisance professionnelle s’apprécie sur la durée après mise en garde de l’employeur et formation dispensée pour y remédier.

Sur le défaut d’ouverture de code des opérations promotionnelles le 9 novembre 2015, le salarié indique qu’il était en congé et que la saisie des codes n’étant pas automatisée, c’est sa collaboratrice qui aurait dû réaliser cette tâche. Il ajoute que cette erreur a été vite rectifiée dans la matinée. Il en va de même pour l’ouverture du code le 9 décembre qui est intervenu à 11 heures au lieu de 10 heures, horaire d’ouverture des magasins.

Pour la fermeture de code le 31 mai 2015, le salarié démontre que la promotion était prévue du 27 au 30 mai inclus (pièce n°28).

L’extension au 31 mai n’est pas prouvée par l’employeur.

Sur les 'chemins de fer', le salarié démontre qu’il a reçu des informations incomplètes (pièces n°34 et 35) alors que l’employeur n’apporte aucun élément probant sur ce point autre que les mails susvisés.

Le salarié établit qu’il a réagi comme demandé à la suite de l’erreur sur le périmètre de la réduction de 70 % accordée, survenue le 28 décembre 2015 (pièce n°39) et qu’il a demandé en février 2016 (pièce n°37) de prévoir un dernier contrôle afin d’éviter les erreurs.

Sur la diffusion de cinq notes au réseau, le salarié indique qu’il n’a pas bénéficié de formation à la suite de sa nomination le 1er juin 2015 en qualité de responsable de la coordination marketing et que la note du 17 août 2015 a été validée par sa hiérarchie (pièce n°42), avec des modifications à faire, lesquelles ont été réalisées le même jour (pièces n°43 et 44).

L’employeur ne soutient pas que la note du 21 septembre 2015 contienne une ou des erreurs.

Par ailleurs, le salarié apporte des explications pertinentes pour les notes des 12 octobre 2015 et 8 février 2016, sans qu’elles soient valablement contestées par l’employeur.

Sur les prospectus n°10 du 7 mars 2016 et n°1 du 21 octobre 2015, comme pour les offres génériques, le salarié justifie soit de son absence pour congés soit de la validation de ces documents par son supérieur hiérarchique.

Il procède de même pour le grief portant sur la réunion de validation du 8 mars 2016, en établissant avoir répondu à Mme X à 00h17 (pièce n°61), alors qu’il était en arrêt de travail pour cause de maladie.

La visite du magasin de Torcy le 1er avril 2016 a été annulée à la suite de la demande de Mme X et ce après information de l’intéressée (pièces n°63 et 65).

Les autres griefs ne sont pas établis ou alors le salarié apporte des justifications emportant conviction (pièces n°67 à 73).

Il résulte de tous ces éléments que la discrimination ne peut être retenue en ce que l’employeur démontre que les éléménts objectifs et matériellement vérifiables allégués au soutien du licenciement sont sans lien avec l’état de santé du salarié, ce qui permet de rejeter la demande de réintégration sous astreinte et le paiement d’un rappel de salaire.

En revanche, l’insuffisance professionnelle telle que décrite dans la lettre de licenciement n’est pas prouvée, de sorte que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Au regard de l’ancienneté dans l’entreprise d’un peu plus de 7 ans et d’un salaire mensuel moyen de 4.416 €, le montant des dommages et intérêts sera évalué à 50.000 €.

Sur les autres demandes :

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l’employeur et le condamne à payer au salarié la somme de 3.000 €.

L’employeur supportera les dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant par mise à disposition, par décision contradictoire :

— Infirme le jugement du 9 juillet 2018 sauf en ce qu’il rejette la demande de M. Y en nullité du licenciement et sa réintégration consécutive ainsi que le paiement d’un rappel de salaire ;

Statuant à nouveau sur les autres chefs :

— Dit que le licenciement de M. Y est sans cause réelle et sérieuse ;

— Condamne la société Conforama France à payer à M. Y la somme de 50.000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Y ajoutant :

— Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Conforama France et la condamne à payer à M. Y la somme de 3.000 euros ;

— Condamne la société Conforama France aux dépens de première instance et d’appel ;

LA GREFFI’RE LE PR''SIDENT

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