Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 16 décembre 2020, n° 18/05219

  • Compétitivité·
  • Licenciement·
  • Reclassement·
  • Rémunération·
  • Sociétés·
  • Modification·
  • Maroquinerie·
  • Contrat de travail·
  • Refus·
  • Sauvegarde

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 3, 16 déc. 2020, n° 18/05219
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/05219
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 12 mars 2018, N° F17/05086
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le

 : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 3

ARRET DU 16 DECEMBRE 2020

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/05219 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B5PQS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Mars 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 17/05086

APPELANTE

SAS LES BOUTIQUES LONGCHAMP Pris en la personne de son représentant légal en exercice, Monsieur Y Z, Président, domicilié en cette qualité au siège social de la société.

[…]

[…]

Représentée par Me Laurence CHREBOR, avocat au barreau de PARIS, toque : P0107

INTIME

Monsieur Y-A X

[…]

78100 SAINT-GERMAIN-EN-LAYE

Représenté par Me Julien MUNIN, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Novembre 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Laurence SINQUIN, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat, entendu en son rapport, a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Fabienne ROUGE, Présidente de Chambre

Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de Chambre

Madame Laurence SINQUIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Lucile MOEGLIN

ARRET :

—  CONTRADICTOIRE,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Fabienne ROUGE, Présidente de Chambre, et par Madame Nasra ZADA, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur X Y-A, engagé par la société LES BOUTIQUES LONGCHAMP, à compter du 11 juin 2012, en qualité de démonstrateur, au salaire mensuel brut de 3544,42 euros a été licencié pour motif économique le 19 janvier 2017. La lettre de rupture était rédigée dans les termes suivants :Nous avons le regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour motif économique pour les raisons que nous reprenons ci-après.

Votre licenciement est justifié par la réorganisation des activités cle la SAS LES BOUTIQUES

LONGCHAMP, réorganisation indispensable à la sauvegarde de sa compétitivité.

En effet, la Direction a fait le constat que les modalités de rémunération de l’ensemble du personnel de vente au détail n’étaient plus compatibles avec l’évolution du secteur d’activité concurrentiel dans lequel l’entreprise évolue. Comme vous le savez, la SAS LES BOUTIQUES

LONGCHAMP est aujourd’hui confrontée à une concurrence exacerbée de ses concurrents sur

le marché français.

Les modalités inchangées depuis de nombreuses années n’étaient également plus en adéquation

avec les pratiques en vigueur et étaient en outre très hétérogènes.

La Direction a donc décidé de modifier et ctuniformiser le dispositif de rémunération globale du

personnel de vente, afin d’instaurer un système plus homogène, plus juste et cohérent par rapport

au marché.

La baisse des ventes constatée en 2016 (-17% à fin septembre) ne rendait que plus urgente et nécessaire cette réorganisation.

C’est dans ce contexte que le nouveau dispositif cle rémunération a été présenté aux représentants du personnel lors des réunions des 28 janvier 2016, 17 mars 2016, 20 mai 2016, 14 juin 2016 et 21 juin 2016 et a fait l’objet d’un avis favorable. Il vous a également été présenté à l’occaslon de réunions collectives organisées en mai 2016.Nous vous rappelons également que le Plan de Sauvegarde de l’Emploi a fait l’objet d’une homologation par la DIRECCTE de l’lle-de-France le 26 décembre 2016, dont la décision estjointe à la présente.C’est dans ce cadre que nous vous avons proposé une modification de votre contrat de travail par courrier recommandé avec demande d’avis de réception du 05/07/2016.

Vous avez disposé d’un délai de plus d’un mois pour accepter ou refuser cette modification. En date du 18/07/2016, vous avez expressément refusé les nouvelles modalités de rémunération

et par conséquent la modification de votre contrat de travail.

Le Comité d’Entreprise a été régulièrement informé et consulté sur fes conséquences socíaies

du projet de réorganisation.

Nous avons déployé tous les efforts possibles pour vous reclasser au sein de la SAS LES BOUTIQUES LONGCHAMP et du Groupe LONGCHAMP.

A cette fin, nous avons pris contact avec les différentes sociétés du Groupe, afin de recenser les

postes disponibles qui pouvaient vous étre proposés en application de I’article L.1233-4 du Code

du Travail.

Ainsi, nous avons pu identifier 4 postes de reclassement au sein de la SAS LONGCHAMP et de

la SAS LES BOUTIQUES LONGCHAMP.

Le 06/01/2017, nous vous avons proposé le poste de Conseiller de vente senior au sein des points

de vente suivants :

- Boutique des Champs-Elysées

[…]

[…]

[…]

Votre absence de retour dans les délais impartis est assimilé à un refus des propositions qui vous

ont été adressées.

Nous nous sommes également rapprochés de la Commission Paritaire Nationale de l’Emploi et

de la Formation Professionnelle de la Branche dela Maroquinerie pour trouver des solutions de

reclassement externe.

Par courrier recommandé en date du 06/01/2017 et en application de l’article L.1233-4-1 du Code du Travail, nous vous avons interrogé sur vos souhaits relatifs à un éventuel reclassement à l’étranger.

Vous n’avez pas répondu, aussi votre absence de réponse est assimilé à un refus de vous voir communiquer des propositions de reclassement à l’international au sein des autres entités à l’international.

Dans ce contexte, et au regard de votre refus définitif d’accepter la modification de votre rémunération, de la nécessité pour notre société de procéder à cette réorganisation indispensable á la sauvegarde de sa compétitivité, de votre refus de tous les postes de reclassement proposés

en interne, nous sommes contraints de vous noti fier, par la présente, votre licenciement pour

motif économique…'

Monsieur X a contesté son licenciement et a saisi le conseil de prud’hommes.

Par jugement du 13 mars 2018, le conseil de prud’hommes de Paris a condamné la société LES BOUTIQUES LONGCHAMP à 21266,52 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 1001,61 euros à titre d’indemnité de reclassement outre 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, les intérêts et les dépens.

La société LES BOUTIQUES LONGCHAMP a relevé appel de cette décision.

Par conclusions récapitulatives auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société LES BOUTIQUES LONGCHAMP demande à la Cour au visas des articles L.1233-3 et L1233-4 du code du travail, dans leur version en vigueur du 27 juin 2008 au 1er décembre 2016 et du 20 mai 2010 au 8 août 2015, de constater la réalité du motif économique et la nécessité de procéder à la réorganisation de la société afin de sauvegarder la compétitivité, de constater que la société a satisfait à son obligation de reclassement d’ infirmer la décision du conseil de prud’hommes, de rejeter l’intégralité des demandes de Monsieur X ou subsidiairement de limiter le montant des dommages et intérêts qui lui ont été alloués.

Elle demande en outre de confirmer la décision du conseil de prud’hommes sur la prétendue exécution déloyale du contrat de travail, de débouter Monsieur X de ses demandes à ce titre et enfin d’infirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et a alloué sur ce fondement la somme de 1000,00 € à Monsieur X et le condamner à la somme de 2500 euros pour la première instance et 3000,00 € en cause d’appel au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Par conclusions récapitulatives auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, Monsieur X demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a considéré son licenciement comme dépourvu de cause réelle et sérieuse et lui a alloué la somme de 1.001,61 euros au titre de l’allocation spécifique de reclassement et la somme de 1.000,00 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, a ordonné le remboursement au Pôle Emploi des indemnités de retour à l’emploi versées à Monsieur X à hauteur de 750 euros. Il demande d’infirmer le jugement pour le surpus et en conséquence, il demande la condamnation de la société au paiement de :

—  60.500,00 euros d’indemnité licenciement sans cause réelle et sérieuse

—  7.500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour modification unilatérale des fonctions contractuelles et exécution déloyale du contrat de travail :

—  703,04 euros de rappel sur l’indemnité conventionnelle de licenciement

—  2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC pour la procédure d’appel outre les intérêt capitalisés et les dépens

La Cour se réfère pour plus ample exposé des faits et des demandes aux dernières conclusions signifiées.

MOTIFS

Sur la rupture du contrat de travail

En application des articles L 1233-3 et 4 du code du travail, le licenciement économique comporte des motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Le seul refus par un salarié d’une modification de son contrat de travail ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement et la rupture par l’employeur de son contrat de travail à la suite de ce refus, pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement pour motif économique.

Toutefois le licenciement du salarié suite à son refus d’accepter une modification du taux applicable à sa rémunération variable, impose à l’employeur de justifier que la réorganisation à l’origine de ce changement résultait de difficultés économiques ou de mutations technologiques ou qu’elle fût indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise.

Il est constant que le refus opposé par Monsieur X de la modification de son variable était motivé par le fait que le nouveau mode de calcul générait une baisse sensible de sa rémunération soit une somme équivalente à d’environ 2 mois de salaire sur l’ensemble de la période dégressive de 5 ans.

En l’espèce, la société LES BOUTIQUES LONGCHAMP indique que les modalités de rémunération au sein du personnel de vente n’était plus cohérent avec les pratiques en vigueur au sein du commerce de détail, crée des disparités au sein des différents points de vente et mettait en cause sa compétitivité. L’employeur explique que les rémunérations différaient notamment pour les vendeurs en concessions de la marque au sein des grands magasins (ancien SAS LONGCHAMP) et ceux des boutiques à l’enseigne de la marque et que cette différence a persisté même après le transfert du 1er mai 2011.

Pour justifier des problèmes de compétitivité, elle transmet un tableau de comparaison pris auprès de 3 entreprises de la maroquinerie et du prêt à porter, de la maroquinerie et du prêt à porter haut de gamme et du prêt à porter homme haut de gamme.

Ce tableau indique que les démonstrateurs comme Monsieur X étaient mieux remunérés.

Elle transmet également un tableau répertoriant les causes des difficultés de recrutement constatées dans les régions.

Ce tableau fait apparaître que dans la quasi totalité des régions, les démonstrateurs sont difficile à recruter notamment à cause d’un salaire fixe et variable trop faibles.

Avec ces données, la Cour ne trouve aucune explication pour comprendre en quoi la baisse de la rémunération variable des démonstrateurs, dont il est clairement affirmé qu’elle est le centre de la réorganisation proposée par la société LES BOUTIQUES LONGCHAMP, pourrait avoir un effet sur la compétitivité.

Dans le cadre des informations délivrées aux IRP, la société LES BOUTIQUES LONGCHAMP énonce d’autres raisons à la mise en place du Plan de sauvegarde de l’emploi. Elle précise que la réorganisation a pour vocation d’homogénéiser et faciliter la mobilité et l’employabilité entre les deux branches d’activité. Aucun élément ne démontre quel impact indispensable cette disposition a sur la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise.

Il n’est pas non plus justifié en quoi la modernisation du calcul des rémunérations est indispensable à

la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise.

Ni l’avis favorable de la DIRECTTE, ni celui des IRP ne suffit à rendre régulier le licenciement.

Sans nécessairement établir que la survie de l’activité économique de la société est en jeu, la société LES BOUTIQUES LONGCHAMP ne justifie pas que la réorganisation consistant à modifier les calculs de rémunération ait été rendue nécessaire pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise et qu’elle ait justifié les licenciements prononcés.

Il y a lieu comme le le conseil de prud’hommes de considérer que le refus de Monsieur X ne pouvait pas constituer dans ces circonstances une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Sur les demandes de complément d’ indemnité conventionnelle de licenciement et d’allocation de reclassement

Au vu des éléments communiqués par Monsieur X et notamment de son arrêt de travail 26 août au 30 novembre 2016 il y a lieu d’évaluer le salaire moyen de référence à la somme de 4288,98 euros.

La Cour constate que la demande de complément d’indemnité conventionnelle contestée au fond n’est pas contesté dans son montant. Au vu des articles 13 et 14 de la convention collective des industries de la maroquinerie, il convient de faire droit en intégralité à la demande de Monsieur X.

S’agissant de l’allocation de reclassement, il apparaît que les dispositions prévues par l’article R 1233-32 du du code du travail n’ont pas été respectées notamment eu égard aux périodes arrêts de travail et la demande de Monsieur X à hauteur de 1001,61 euros est fondée.

Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

C’est par des motifs pertinents, adoptés par la Cour, que les premiers juges, après examen de l’ensemble des pièces produites par les parties, ont considéré que Monsieur X ayant bénéficié des avantages inhérents à un congé de reclassement son préjudice au titre de la rupture du contrat de travail devait être évalué à la somme de 21266,52 euros. La Cour au vu des même éléments,confirmera ce montant.

Sur la demande de dommages-intérêts pour l’exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur et modification unilatérale du contrat de travail

La cour constate que si la société LES BOUTIQUES LONGCHAMP ne justifie pas que la réorganisation consistant à modifier les calculs de rémunération ait été rendue nécessaire pour sauvegarder la compétitivité, la dite réforme n’est pour autant pas necessairement inopportune pour le bon fonctionnement de la société et rien ne justifie qu’elle soit considérée comme déloyale. La demande de dommages-intérêts sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement entrepris, sauf en sa disposition concernant le montant du salaire de référence, du complément d’ indemnité conventionnelle de licenciement ;

Et statuant à nouveau sur ces chefs ;

FIXE le salaire mensuel brut de référence de Monsieur X à la somme de 4288,98 euros;

CONDAMNE la société LES BOUTIQUES LONGCHAMP à payer à Monsieur X la somme de 703,04 euros à titre de complément d’indemnité conventionnelle de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONFIRME le jugement en ses autres dispositions ;

Y ajoutant ;

DIT que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt ;

AUTORISE la capitalisation des intérêts ;

VU l’article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société LES BOUTIQUES LONGCHAMP à payer à Monsieur X en cause d’appel la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

ORDONNE le remboursement par la société LES BOUTIQUES LONGCHAMP à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à la suite du licenciement de Monsieur X , dans la limite de 750 euros ;

DEBOUTE les parties du surplus des demandes ;

CONDAMNE la société LES BOUTIQUES LONGCHAMP aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 16 décembre 2020, n° 18/05219