Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 13 février 2020, n° 18/03601

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 2 - ch. 2, 13 févr. 2020, n° 18/03601
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/03601
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 29 janvier 2018, N° 15/13982
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 2

ARRÊT DU 13 FÉVRIER 2020

(n° 2020 – 71, 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/03601 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B5B5C

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Janvier 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 15/13982

APPELANTE

SARL FARGO, agissant en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 454 049 123

[…]

[…]

Représentée et assistée à l’audience de Me Gauthier MOREUIL de la SCP PECHENARD & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R047

INTIMEE

Madame E X

Née le […] au […]

[…]

92100 BOULOGNE-BILLANCOURT

Représentée par Me Nathalie JOUVÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : D2190

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 05 Décembre 2019, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Cathy CESARO-PAUTROT, présidente de chambre

Madame Patricia LEFEVRE, conseillère

Madame G H, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame G H, conseillère dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Fatima-Zohra AMARA

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Cathy CESARO-PAUTROT, présidente de chambre et par Madame Fatima-Zohra AMARA, greffière présente lors du prononcé.

**************

EXPOSE DU LITIGE

Mme E X est intervenue comme 'prestataire indépendante, conseil en gestion,' dans le cadre d’une convention de coopération conclue avec la société Fargo le 7 janvier 2013, pour réaliser des prestations de :

— fiscalité, déclarations fiscales,

— travaux administratifs à définir,

— tenue de la comptabilité générale fournisseurs, clients, banque,

— formation et mise en place de la comptabilité sur le logiciel Ciel,

— travaux et conseil en législation sociale courante,

— recrutement (comptabilité),

— pilotage d’une aide comptable.

Le contrat était de durée indéterminée, résiliable à tout moment par lettre recommandée avec accusé de réception avec préavis de 3 mois. Les honoraires fixés étaient de 200 euros hors taxes par durée de 4 heures.

Des facturations d’un montant total de 42.918,46 euros sont intervenues jusqu’au 30 septembre 2013 pour, notamment, audit social et comptable 2012, travaux administratifs et comptables, prise en charge de dossiers de ruptures de contrats de travail, recrutement d’aide comptable et contrôleur de gestion, pilotage et suivi des travaux de l’aide comptable, point sur les comptes fournisseurs et clients, relances clients, salaires (transmission au prestataire). Elles sont passées d’une douzaine de jours par mois jusqu’en avril à 7 à 4 jours ensuite.

Le 26 août 2013, une offre de recrutement en CDI pour un poste de responsable administratif qui incluait les mêmes activités que celles de Mme X a été diffusée.

Par courriel du 19 septembre 2013, le dirigeant de la société, M. Y, lui a indiqué qu’il souhaitait mettre fin à leur 'collaboration'.

Le 22 septembre 2013, Mme X en a pris note.

Le 30 septembre 2013, M. Y lui a demandé le calendrier de ses disponibilités 'd’ici à la fin de

[ses] prestations'.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er octobre 2013, Mme X a rappelé qu’elle était en attente de la lettre recommandée de rupture.

Par courriel du 8 octobre 2013, M. Y lui a répondu qu’il lui avait demandé le 26 septembre de ne plus pénétrer dans les locaux. Il lui reprochait un comportement rendant impossible la poursuite de la collaboration pendant l’été, la remise en cause auprès des salariés de la pérennité de la société et de la capacité à gérer du dirigeant ainsi que des écarts de langage récurrents.

C’est dans ces conditions que par exploit d’huissier du 11 février 2014, Mme X a fait citer la société Fargo devant le tribunal d’instance du 2e arrondissement de Paris qui s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Paris par jugement du 7 septembre 2015.

Par jugement rendu le 30 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Paris a :

— condamné la société Fargo à payer à Mme X les sommes suivantes :

—  6.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel ;

—  1.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

—  3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— ordonné l’exécution provisoire ;

— condamné la société Fargo aux dépens.

Par déclaration du 14 février 2018, la société Fargo a relevé appel des chefs de ce jugement lui faisant grief et en ce qu’il a omis de statuer sur certains chefs de demandes.

Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 15 mai 2018, auxquelles il convient de se référer pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Fargo demande, au visa des articles 1131 et 1133 (anciens) du code civil, 1147 et 1382 (anciens) du code civil, 1376 (ancien) du code civil, à la cour de :

— infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Et, statuant à nouveau,

— dire et juger que la cause de son engagement au titre du contrat conclu avec Mme X est illicite,

— prononcer la nullité du contrat conclu entre les parties,

— condamner Mme X à lui rembourser l’intégralité des sommes payées dans le cadre de l’exécution du contrat, soit 42.918,46 euros,

A titre subsidiaire,

— dire et juger que la résiliation du contrat conclu entre les parties est imputable à Mme X,

— débouter Mme X de l’ensemble de ses demandes,

— condamner Mme X à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts,

A titre infiniment subsidiaire,

— dire et juger que les demandes de Mme X sont mal fondées,

— dire et juger que le préjudice allégué par Mme X doit s’analyser en une perte de chance,

— débouter Mme X de ses demandes, à tout le moins partiellement,

En tout état de cause,

— condamner Mme X à rembourser à la société Fargo la somme de 5.752,76 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2013, et à lui remettre un avoir du même montant,

— ordonner en tant que de besoin la compensation des créances respectives des parties,

— condamner Mme X à lui payer la somme de 25.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner Mme X aux entiers dépens d’instance et d’appel.

Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 26 juillet 2018, auxquelles il convient de se référer pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme X demande, au visa de l’article 1382, ancien, du code civil, à la cour de :

— dire la société Fargo mal fondée en son appel,

En conséquence,

— confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions

— la débouter de l’ensemble de ses demandes,

Y ajoutant

— condamner la société Fargo à lui verser la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Fargo aux entiers dépens de l’instance.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 novembre 2019.

MOTIFS

Sur la nullité du contrat

La société Fargo critique le jugement déféré sur le rejet de sa demande de nullité de la convention conclue avec Mme X. Elle soutient que les obligations souscrites relèvent du monopole des experts comptables et que Mme Z qui n’est pas expert comptable n’était pas en droit de les fournir. Elle affirme que la cause d’une obligation s’apprécie à la date de formation du contrat et que la question de savoir si les prestations effectivement fournies par Mme X correspondent à celles contractuellement prévues est totalement indifférente. Elle soutient que Mme X

effectuait des travaux comptables et qu’elle utilisait le logiciel Ciel compta évolution. Elle allègue que l’intimée a également facturé des prestations en violation de l’article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. Enfin, elle affirme que la règle 'nemo auditur…' ne peut lui être opposée.

En réplique, Mme X fait valoir qu’elle n’a jamais fait l’objet d’une procédure ordinale de la part du conseil de l’ordre des experts comptables. Elle soutient qu’elle justifie que son activité pour le compte de la société Fargo s’inscrivait dans le cadre des prestations autorisées et que la comptabilité de cette société a toujours été passée par un comptable en interne et par un expert comptable en externe qui établissait le bilan et la liasse fiscale. Elle affirme qu’elle n’a jamais passé d’écritures comptables puisqu’en effet, elle travaillait uniquement à partir des pièces comptables établies et transmises par un comptable interne et un expert comptable pour mener à bien ses missions. Elle allègue également qu’elle n’était pas utilisatrice du logiciel Ciel compta évolution installée sur le poste informatique de la comptable interne. Enfin, elle soutient qu’elle n’a effectué aucun acte juridique relevant du monopole des avocats, dès lors que les actes et le suivi juridiques de la société étaient assurés par un avocat avec lequel elle était en relation.

Il résulte du rapprochement des articles 1131 et 1133 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, que l’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet et que la cause est illicite, quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes moeurs ou à l’ordre public.

Certes, comme le soutient l’appelante, l’existence de la cause d’une obligation doit s’apprécier à la date où elle est souscrite, mais il convient de déterminer, à la lumière du comportement ultérieur des parties, leur commune intention sur l’objet et le contenu des travaux confiés à Mme X sommairement décrits à la convention.

Quel que soit l’intitulé formel de la mission de Mme X, il appartient à la société Fargo d’établir que des actes réservés au monopole des experts comptables auraient été confiés ou exercés de manière illicite en violation de l’ordonnance n°45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l’ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d’expert-comptable.

L’article 2 de l’ordonnance dispose qu’est expert comptable 'celui qui fait profession habituelle de réviser et d’apprécier les comptabilités des entreprises et organismes auxquels il n’est pas lié par un contrat de travail. Il est également habilité à attester la régularité et la sincérité des comptes de résultats. L’expert-comptable fait aussi profession de tenir, centraliser, ouvrir, arrêter, surveiller, redresser et consolider les comptabilités des entreprises et organismes auxquels il n’est pas lié par un contrat de travail.'

L’article 20 de l’ordonnance prohibe l’exercice illégal de la profession d’expert-comptable par une personne qui, sans être inscrit au tableau de l’ordre en son propre nom et sous sa responsabilité, exécute habituellement des travaux prévus à l’article 2 précité.

En l’espèce, Mme X a signé la convention de coopération conclue avec la société Fargo le 7 janvier 2013, prenant effet à cette date, en qualité de 'prestataire indépendante – conseil en gestion.' Il est constant qu’elle ne s’est jamais présentée à quiconque comme expert comptable.

Les pièces versées aux débats attestent que pendant la durée de la convention (de janvier à septembre 2013), la comptabilité de la société Fargo a été suivie, en externe, par deux cabinets d’experts comptables successifs, Emargence, puis Audicial, et en interne, par deux comptables salariées, Mme I B (du 18 octobre 2011 à janvier 2013), puis par Mme A N du 13 février au 31 octobre 2013, en qualité d’aide comptable.

Les lettres de missions des 7 février 2012 et 13 mai 2013 des cabinets d’expertise comptables, Emargence et Audicial, attestent que ces derniers étaient en charge :

— en matière comptable, des interventions relatives aux journaux opérations diverses, à la préparation et l’enregistrement des écritures d’inventaire, aux contrôles de pièces justificatives, au contrôle des états de rapprochements bancaires, au registre des immobilisations et amortissements, à l’établissement et présentation des documents comptables de fin d’exercice,

— en matière fiscale de la déclaration fiscale de l’année, de la déclaration de chiffre d’affaires,de l’assistance en cas de vérification fiscale,

— en matière juridique, de l’assistance à convocation et tenue des AGO, des formalités de publicité annuelle, de la mise à jour des registres obligatoires.

Elles détaillent par ailleurs les tâches laissées à la charge de la société Fargo.

Il s’en déduit que les missions de ces cabinets étaient particulièrement étendues et qu’ils ont eux-mêmes distingué les missions qui rentraient dans le cadre de leur monopole, de celles laissées à l’appelante.

Les échanges de courriels entre Mme X et M. J K (cabinet Emargence) d’une part, et M. L M (cabinet Audicial) d’autre part, dont copie au chef d’entreprise, confirment que ces cabinets étaient, notamment, en charge de l’établissement du bilan et compte de résultat, de la liasse fiscale, des écritures, des soldes de tout compte des salariés partants, des déclarations Urssaf et font apparaître que Mme X était une simple interlocutrice.

Les attestations de Mme B du 6 juin 2014, Mme N du 3 mai 2014 et d’une autre salariée de la société Fargo, Mme O C du 16 juin 2014 confirment que Mme X ne passait pas d’écritures comptables.

Ainsi, Mme B, ancienne responsable administrative, précise que Mme X avait été engagée afin d’effecteur un état d’après les éléments détenus en comptabilité et qu’elle avait tout de suite indiqué 'qu’elle ne pouvait saisir les éléments comptables et qu’une comptable devra être recrutée.'

Mme N, aide comptable, confirme qu’elle a été recrutée car Mme X 'en qualité de prestataire … ne pouvait en aucun cas prendre en charge la partie comptabilité.' Mme N décrit de façon détaillée et circonstanciée la répartition des tâches entre elle-même et Mme X. Ainsi, elle était en charge 'de la partie comptabilité de la société Fargo (saisie ligne par ligne de la comptabilité, de l’émission des factures, des règlements, d’établir les déclarations de TVA…)', alors que l’intimée 'avait en charge la partie administrative et sociale' et 'devait à partir du grand livre 2012, faire le point sur les créances à recouvrer, les factures à payer et vérifier si toutes les déclarations sociales et fiscales étaient à jour.'

Mme C confirme que Mme X avait la charge 'du social, de l’administratif et de l’accompagnement de l’aide comptable', dans le but de redresser la trésorerie et la situation administrative de la société.

La pièce intitulée 'historique système' produite par la société Fargo est inopérante à rapporter la preuve que Mme X ait utilisé le logiciel Ciel compta évolution installé sur le poste des comptables successives de la société appelante, dès lors que n’y sont identifiés, ni l’utilisateur du logiciel, ni les travaux réalisés. Par ailleurs, si une deuxième licence de ce logiciel a été acquise début juillet 2013 par l’appelante, cette dernière ne démontre pas que Mme X l’ait utilisée afin de passer de quelconques écritures comptables.

Enfin, si certains intitulés des prestations mentionnés aux factures émises par Mme X peuvent effectivement prêter à confusion ('audit social et comptable 2012", 'travaux administratifs et comptables', 'analyse grand livre 2012") la réalité des tâches qu’elle effectuait pour la société Fargo est suffisamment établie par l’ensembles des éléments précités.

Il s’en déduit que la société Fargo ne rapporte pas la preuve que Mme X ait exécuté une quelconque tâche relevant de la profession réglementée des experts comptables, ni qu’elle ait passé des écritures comptables.

La société Fargo ne caractérise pas davantage l’existence de prestations juridiques que Mme X auraient exécutées en violation de l’article 54 de loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 relative à la profession d’avocat. Elle ne précise pas quelles seraient les prestations concernées, alors que Mme X démontre par les courriels versés aux débats que la société Fargo avait recours aux services d’un avocat.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré sur le rejet de la demande de nullité de la convention de coopération conclue le 7 janvier 2013 et par voie de conséquence de la demande de remboursement de la somme de 42.918,46 euros versée en exécution de cette convention.

Sur l’action en responsabilité

Il appartient à Mme X qui entend engager la responsabilité de la société Fargo de démontrer l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

La société Fargo, lorsqu’elle demande à la cour d’infirmer le jugement déféré sur le préjudice, expose que Mme X qui fonde ses demandes sur l’article 1382, ancien, du code civil, alors qu’elle invoque la rupture abusive du contrat, est mal fondée en ses demandes.

Le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.

Pour retenir que la rupture du contrat n’était pas imputable à Mme X, le tribunal a considéré que : 'dans des courriels du 26 août puis du 19 septembre 2013, M. Y indique vouloir 'changer de modèle’ par le recrutement d’un senior qu’i1 pensait avoir trouvé (l’offre d’emp1oi étant parue le 26 août) et de ce fait souhaiter mettre fin à la collaboration, sans que cela procède d’ 'aucun affect, rien de personnel'. Il demeure dès lors inexplicable qu’il n’ait pas été mis fin à la collaboration dans les formes épistolaires requises, comme demandé aussitôt par la collaboratrice. Le litige est né du défaut de respect du formalisme de rupture avec préavis (…) Aucun élément ne permet a posteriori d’imputer la rupture à la faute de la demanderesse et de dispenser du paiement du préavis contractuel de 3 mois.'

Il a ainsi caractérisé l’inexécution fautive de ses obligations par la société Fargo et dans la mesure où Mme X conclut à la confirmation du jugement dont elle reprend les termes, avant de conclure que la société Fargo a abusivement rompu le contrat (…) sans préavis, il s’ensuit que le fondement contractuel de l’action en responsabilité de Mme X est dans le débat et que les parties ont été à même d’en débattre contradictoirement.

' Sur l’imputabilité de la rupture du contrat

A titre subsidiaire, la société Fargo entend voir prononcée l’imputabilité de la rupture de 'la convention de coopération’ aux torts de Mme X au regard de son comportement. Elle expose que les pièces qu’elle verse aux débats démontrent que l’intimée maltraitait les clients, les fournisseurs et les salariés de la société, tentait de semer la zizanie entre les associés, dénigrait le gérant auprès des salariés et rendait impossible la poursuite du contrat.

En réplique, Mme X sollicite la confirmation du jugement déféré sur l’imputabilité de la rupture. Elle soutient que la décision de mettre un terme au contrat, évoquée pour la première fois le

19 septembre 2013, s’inscrivait dans le cadre d’une nouvelle organisation souhaitée par le gérant et qu’à cette date, aucun reproche ne lui avait été fait. Elle expose que les premiers griefs ont été formulés à son encontre par M. Y le 8 octobre 2013, après qu’elle ait demandé à la société Fargo de respecter le préavis contractuel de trois mois. Elle fait valoir qu’elle justifie qu’elle a toujours fait preuve de professionnalisme, de discrétion et de respect à l’égard de tous et que les pièces versées aux débats par la société Fargo sont des attestations de complaisance qui émanent de salariés, mais surtout d’associés, et sont mensongères.

Les parties versent chacune aux débats des attestations appuyant leur interprétation respective. Ainsi la société Fargo produit cinq attestations qui mentionnent des propos déplacés tenus par l’intimée aux mois de juillet et août 2013, alors que M. Y était en congés. Elles indiquent, notamment, que Mme X s’est vantée que les salaires avaient été payés grâce à elle, qu’elle mettait en cause la capacité de gestion de M. Y et tenait des propos alarmistes sur l’état de la trésorerie de l’entreprise.

Ces attestations, qui datent toutes de 2014, et émanent de porteurs de parts (Mme P D, Mme Q R, M. S T) ou de salariés (Mme U V, Mme W AA) de la société Fargo sont contredites par celles versées aux débats par Mme X et, notamment, celles de Mme A N (ancienne salariée et comptable) et de Mme AB AC AD (expert comptable, commissaire aux comptes) qui témoignent du professionnalisme de l’intimée. Ainsi, Mme N indique : 'Nous avions beaucoup de factures impayées. Mme E X a effectué cette tâche ardue avec professionnalisme et efficacité. Elle n’a jamais manqué de respect à un des clients de l’entreprise. Elle a seulement été ferme et déterminée…' Elle précise également que Mme D lui avait dit que M. Y 'était complètement fou', alors que Mme D impute de tels propos à Mme X. Mme AB AC AD atteste que Mme X 'a su travailler en équipe avec ses collègues comptables et juristes. De même elle fut pédagogue auprès de ses collègues du service de paie. Elle a toujours su se montrer efficace, loyale et réactive envers les clients et son employeur…'

Compte tenu du caractère contradictoire de ces attestations sur les conditions de la rupture, il convient d’examiner le déroulement des faits et la teneur des propos de M. Y, dirigeant de la société Fargo pour apprécier l’imputabilité de la rupture de la convention de coopération liant les parties.

En l’espèce, aucun élément ne permet de considérer que la société Fargo aurait formulé de quelconques reproches à Mme X antérieurement au mail du 19 septembre 2013 adressé par son dirigeant, M. Y, dans lequel il l’informait qu’il souhaitait mettre fin à leur collaboration. De surcroît, M. Y n’y formule aucun grief à son encontre puisqu’il justifie cette décision par le fait qu’il souhaite réorganiser la société, que Mme X est prestataire à temps partiel et indique même 'Il n’y a aucun affect personnel. Je dois avancer, c’est tout.'

Il y a lieu de relever par ailleurs que par mail du 30 septembre 2013, M. Y a demandé à Mme X de lui donner le calendrier des disponibilités qu’elle accordait à l’agence d’ici à la fin de sa prestation, alors que cette dernière lui avait indiqué par courriel du 22 septembre 2013 qu’elle prenait note de son désir de mettre fin à leur collaboration et lui rappelait le délai de préavis de trois mois courant à réception de la lettre de rupture.

Il en résulte que c’est à juste titre que les premiers juges ont considéré qu’aucun élément ne permet a posteriori d’imputer la rupture de 'la convention de coopération’ à Mme X et de dispenser la société Fargo du paiement du préavis contractuel de trois mois. Il y a lieu de confirmer le jugement déféré de ce chef.

' Sur le préjudice

Mme X sollicite la confirmation du jugement déféré sur l’indemnisation de son préjudice matériel évalué à la somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts. Elle estime que les sommes auxquelles elle pouvait prétendre pendant la période des trois mois de préavis prévus au contrat sont au moins équivalentes à celles perçues sur les derniers mois de son intervention calculées sur la base d’une journée par semaine, à savoir 6.240 euros (8 heures x 60 euros HT x 13 semaines). S’agissant de l’indemnisation de son préjudice moral, elle sollicite également la confirmation du jugement qui l’a fixé à 1.000 euros à titre de dommages et intérêts.

En réplique, la société Fargo demande à la cour d’infirmer le jugement déféré sur le préjudice. Elle fait valoir que sur la base d’une journée par semaine au tarif horaire de 50 euros, le préjudice de Mme X serait de 5.200 euros HT (8 heures x 50 euros HT x 13 semaines) et qu’il ne peut s’analyser qu’en une perte de chance car l’intimée n’était pas assurée du volume des prestations qui lui seraient confiées. Elle rappelle également que le principe de la réparation intégrale du préjudice s’oppose à ce qu’une partie obtienne à titre de dommages et intérêts une somme excédant le préjudice subi.

Il est constant que la convention de coopération prévoit que les parties pourront y mettre fin moyennant 'un délai de prévenance de trois mois' et que la société Fargo n’a respecté aucun délai de préavis.

Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé.

En l’espèce, Mme X a été directement et certainement privée du gain qu’elle aurait obtenu si elle avait pu exécuter ses prestations durant le délai de préavis contractuellement convenu entre les parties en l’absence de rupture unilatérale du contrat par la société Fargo.

Le contrat prévoit un tarif de 200 euros HT pour une demie-journée de 4 heures et de 400 euros HT pour une journée de 8 heures, soit 50 euros HT de l’heure.

Les parties s’accordent à dire que les prestations confiées à Mme X sur les derniers mois de son activité étaient d’une journée de 8 heures par semaine, soit treize semaines pour trois mois, mais divergent sur le tarif horaire applicable.

Mme X soutient qu’elle aurait demandé, au mois de mai 2013, que son tarif horaire soit porté à 60 euros HT en contrepartie de la baisse de ses jours de présence et que M. Y aurait donné son accord.

Toutefois, elle ne justifie ni de sa demande, ni de l’accord de l’appelante sur ce nouveau tarif.

Le règlement par la comptable de la société Fargo des factures émises par l’intimée qui font apparaître une augmentation progressive du tarif horaire dès le mois de mai 2013 pour le porter à 60 euros HT de juillet à septembre 2013, de même que le courriel de M. Y du 17 octobre 2013 indiquant à Mme X que le virement de sa facture de septembre 2013 venait d’être effectué, sont inopérants à rapporter la preuve d’un quelconque accord de la société Fargo, dès lors que rien n’établit que M. Y ait accepté ce nouveau tarif, ni même qu’il en ait eu connaissance. Les factures émises ne mentionnent en effet nullement le taux horaire appliqué.

Il y a donc lieu de retenir le tarif horaire contractuel de 50 euros HT pour l’appréciation du gain manqué qui s’établit à la somme de 5.200 euros (8 heures x 50 euros HT x 13 semaines).

Il y a donc lieu d’infirmer le jugement déféré sur le quantum du préjudice matériel et de condamner la société Fargo à payer à Mme X la somme de 5.200 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation de son préjudice matériel.

S’agissant du préjudice moral, comme l’ont retenu les premiers juges au regard de 'la tournure du litige’ et des 'accusations portées', il y a lieu de considérer que Mme X a subi un préjudice moral certain.

Le jugement déféré sera par conséquent confirmé sur l’indemnisation du préjudice moral à hauteur de la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les demandes reconventionnelles

' Sur la demande de dommages et intérêts

L’appelante soutient que Mme X a, par son comportement, désorganisé la société Fargo, dont elle a au surplus terni l’image auprès des tiers et sollicite l’indemnisation de ses préjudices qu’elle évalue à 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Compte tenu du sens de la présente décision sur l’imputabilité de la rupture contractuelle, il y a lieu de débouter la société Fargo de cette demande.

' Sur la répétition de l’indu

La société Fargo sollicite, sur le fondement de l’article 1376 du code civil, la condamnation de Mme X à lui payer la somme de 5.752,76 euros indûment perçue sur la base d’un tarif horaire de 60 euros HT au lieu du tarif horaire contractuel de 50 euros. Elle rappelle l’adage 'erreur ne fait pas compte'.

Mme X fait valoir en réplique qu’aucune erreur n’a été commise dès lors que les parties étaient convenues de porter son tarif horaire à la somme de 60 euros HT.

L’article 1376 du code civil, dans sa version en vigueur antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, dispose que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s’oblige à le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu. En application de ces dispositions, il est constant, que dès lors que les sommes versées n’étaient pas dues, le solvens est en droit, sans être tenu à aucune preuve d’en obtenir la restitution.

Dès lors que la société Fargo a réglé les prestations de Mme X sur la base d’un tarif horaire non conforme au tarif contractuel, ainsi qu’il a été dit précédemment, il y a lieu de condamner Mme X à lui rembourser les sommes indûment perçues.

En l’espèce, la société Fargo ne conteste pas le nombre d’heures mensuelles facturées de mai à septembre 2013, mais uniquement le tarif horaire appliqué.

Ainsi, sur la base du nombre d’heures mentionné aux factures émises et du tarif horaire contractuel de 50 euros HT, Mme X aurait dû percevoir les sommes suivantes :

— au mois de mai 2013, pour 59,30 heures de travail (et non 48 heures comme soutenu par l’appelante) : 2.975 euros (59,30 heures x 50 euros), au lieu de 3.455 euros facturés, soit une différence de 480 euros (3.455 euros – 2.975 euros),

— au mois de juin 2013, pour 48 heures de travail (et non 32 heures comme soutenu par l’appelante) : 2.400 euros (48 heures x 50 euros), au lieu de 2.720 euros facturés, soit une différence de 320 euros (2.720 euros – 2.400 euros),

— au mois de juillet 2013, pour 74 heures de travail (et non 56 heures comme soutenu par l’appelante), 3.700 euros (74 heures x 50 euros), au lieu de 4.715 euros facturés, soit une différence de 1.015

euros (4.715 – 3.700 euros),

— au mois d’août 2013, pour 40 heures de travail : 2.000 euros (40 heures x 50 euros), au lieu de 2.400 euros facturés, soit une différence de 400 euros (2.400 euros – 2.000 euros),

— au mois de septembre 2013, pour 32 heures de travail : 1.600 euros (32 heures x 50 euros), au lieu de 1.920 euros facturés, soit une différence de 320 euros (1.920 euros – 1.600 euros),

Il en résulte que Mme X a indûment perçu la somme totale de 2.535 euros (480 + 320 + 1.015 + 400 + 320 euros).

Il y a lieu en conséquence d’infirmer le jugement déféré sur le rejet de la demande de répétition de l’indu et de condamner Mme X à payer à la société Fargo la somme de 2.535 euros en remboursement des sommes indûment perçues avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 12 novembre 2013 et à lui remettre un avoir du même montant.

La compensation des créances réciproques des parties sera également ordonnée.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L’équité commande de confirmer la décision déférée au titre des frais irrépétibles de première instance. En revanche, il n’y a pas lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

La société Fargo, partie perdante, supportera les entiers dépens d’appel conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la décision déférée étant confirmée sur les dépens de première instance.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition de la décision au greffe,

Confirme le jugement déféré sauf en ses dispositions relatives au montant du préjudice matériel et au rejet de la demande de remboursement d’un trop perçu ;

Statuant à nouveau des chefs du jugement infirmé et y ajoutant,

Condamne la société Fargo à payer à Mme E X la somme de 5.200 euros en indemnisation de son préjudice matériel ;

Déboute la société Fargo de sa demande d’indemnisation de ses préjudices ;

Condamne Mme E X à payer à la société Fargo la somme de 2.535 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2013 en remboursement des sommes indûment perçues et à lui remettre un avoir du même montant ;

Ordonne la compensation des créances réciproques des parties ;

Rejette toutes autres demandes, notamment celles au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel ;

Condamne la société Fargo aux entiers d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 13 février 2020, n° 18/03601