Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 15, 16 septembre 2020, n° 19/00995

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 15, 16 sept. 2020, n° 19/00995
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/00995
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 7 janvier 2019
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 15

ORDONNANCE DU 16 SEPTEMBRE 2020

(n° 41, 16 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 19/00995 auquel sont joints les RG 19/996 (recours), 19/998 (recours) et 19/1061(recours) – N° Portalis 35L7-V-B7D-B7C77

Décisions déférées : Ordonnance rendue le 8 janvier 2019 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de PARIS

Procès-verbaux de visite et saisie en date du 9 janvier 2019 pris en exécution de l’Ordonnance rendue le 8 janvier 2019 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de PARIS

Nature de la décision : Contradictoire

Nous, AE AF-AG , Conseillère à la Cour d’appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l’article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l’article 164 de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;

assistée de U V, greffier lors des débats et de la mise à disposition ;

Après avoir appelé à l’audience publique du 17 juin 2020 :

SOCIETE MAJORELLE INTERNATIONAL S.A.R.L

prise en la personne de son gérant Monsieur X F G

Domiciliée chez Me Eric PLANCHAT

[…]

[…]

Représentée par Me Eric PLANCHAT de la SCP NATAF ET PLANCHAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0406

APPELANT ET REQUERANTE

Monsieur X F G

Domicilié chez Me Eric PLANCHAT

[…]

[…]

Représenté par Me Eric PLANCHAT de la SCP NATAF ET PLANCHAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0406

REQUERANT

et

LA DIRECTION NATIONALE DES ENQUETES FISCALES

[…]

[…]

Représentée par Me AB DI FRANCESCO de la SELARL URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137

INTIMÉE ET DEFENDERESSE AUX RECOURS

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 17 juin 2020, l’avocat des requérants, et l’avocat de l’intimée ;

Les débats ayant été clôturés avec l’indication que l’affaire était mise en délibéré au 16 Septembre 2020 pour mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

Avons rendu l’ordonnance ci-après :

Le 8 janvier 2019 le des libertés et de la détention (ci-après JLD) du Tribunal de grande instance (ci-après TGI) de PARIS a rendu, en application de l’article L. 16 B du LPF du livre des procédures fiscales (ci-après LPF), une ordonnance à l’encontre de :

— la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL, représentée par ses gérants MM F G W et X, dont le siège est sis […], et qui a une activité de holding et de gestionnaire de droits de propriété intellectuelle

autorisant des opérations de visite et saisie dans les lieux suivants :

—  les locaux et dépendances sis […], susceptibles d’être occupés par la SAS LABORATOIRES MAJORELLE et/ou la SAS LABORATOIRES MAJOR et/ou la SCI TELOUET BERRI et/ou la SCI LE BEAUHAVRE et/ou la SARL AXCEL LOISIRS FRANCE et/ou la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL ;

—  les locaux et dépendances sis […] 75008 PARIS, susceptibles d’être occupés par M. X F G et/ou Mme D E.

L’autorisation de visite et saisie des lieux susmentionnés était délivrée au motif que la société de droit luxembourgeois MAJORELLE INTERNATIONAL SARL exercerait tout ou partie de son activité de holding et de concession de marques ou AMM depuis le territoire national, sans souscrire les déclarations fiscales en matière commerciale et en TVA et ainsi, omettrait de passer les écritures comptables y afférentes.

Et ainsi serait présumée s’être soustraite et/ou se soustraire à l’établissement et au paiement des

impôts sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d’affaires, en se livrant à des achats ou des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le Code général des impôts (ci-après CGI) (articles 99 pour les BNC et 286 pour la TVA).

L’ordonnance était accompagnée de 32 pièces annexées à la requête, avec une origine apparemment licite et pouvant être utilisées pour la motivation de l’ordonnance.

Il ressortait des éléments du dossier que la société MAJORELLE GROUP SPF constituée le 5 septembre 2012 sous la forme d’une société de gestion de patrimoine familial a pour gérant unique W F G, le 26 mars 2014 elle devient MAJORELLE GROUPE SARL avec un statut de société à participations financières dont l’objet consiste en des opérations de prise de participations dans toute entreprise ainsi que l’administration, la gestion, le contrôle et le développement de ces participations. Le 29 janvier 2014 X F G devient co -gérant. Courant 2015, la société MAJORELLE GROUP SARL absorbe la société MAJORELLE INTERNATIONAL puis change de dénomination ( MAJORELLE INTERNATIONAL ), en juillet 2015 W F G cède 49 parts sociales au profit de la société CEG INVESTMENT SARL détenue intégralement par X F G.

La société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL est l’associé majoritaire de la SAS LABORATOIRES MAJORELLE ( laboratoire pharmaceutique créé en 2012) sis […] qui a pour principal dirigeant X F G .

Ainsi la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL, contrôlée par MM. X F G et W F G, ferait partie du groupe « MAJORELLE », spécialisé dans la vente de médicaments pharmaceutiques.

Son siège social est sis […], selon la base de données sur internet BEL-FIRST figurent à son adresse de siège social 37 sociétés.

Il serait également établi que la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL serait susceptible d’avoir pour siège social l’adresse d’une étude d’avocats proposant des services de domiciliation et à ce titre, ne pas disposer de moyens d’exploitation au LUXEMBOURG pour la réalisation de son activité.

D’autres investigations menées par l’administration laisseraient apparaître que M. X F G, Président de la SAS LABORATOIRES MAJORELLE, serait rémunéré dans le cadre de ses fonctions depuis 2015 par la SARL MAJORELLE INTERNATIONAL.

Sur son profil LINKEDIN, X F G se présente comme 'co-Founder/CEO LABORATOIRES MAJORELLE dans la région de Paris depuis mars 2011, il apparaît aussi comme le mandataire auprès de l’institut national de la propriété ( INPI) concernant l’enregistrement de marques par le LABORATOIRE MAJORELLE .

Par ailleurs, M. X F G aurait fait l’acquisition en indivision avec Mme D E d’un bien sis […] 75002 PARIS, adresse à laquelle il aurait déclaré résider lors de l’immatriculation d’un véhicule de marque P auprès de la Préfecture de police de PARIS le 21 avril 2017.

En outre, le 17 mai 2018 M. X F G et Mme D E auraient constitué avec leurs enfants mineurs une société civile immobilière de droit luxembourgeois NOUFIMMO. Il en ressort que M. X F G dispose de centres d’intérêts familiaux et professionnels

sur le territoire national.

Ainsi, la SARL MAJORELLE INTERNATIONAL serait présumée disposer d’un centre décisionnel en FRANCE, lieu des intérêts professionnels et personnels de son gérant salarié M. X F G.

Selon le site de l’office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) la SAS LABORATOIRES MAJORELLE est titulaire de 16 marques communautaires (OPTIDRIL, OPTIVOLA notamment).

Selon des contrats signés en 2012, la SAS LABORATOIRES MAJORELLE a cédé pour une somme forfaitaire les droits associés ainsi que la propriété des marques OPTIDRIL et OPTILOVA à la société de droit Luxembourgeois MAJORELLE LUXEMBOURG SOPARFI (devenue la société MAJORELLE INTERNATIONAL) pour des montants de 325000 euros et 105 000 euros, les contrats de cession pouvant être résolus de plein droit si la société MAJORELLE LUXEMBOURG SOPARFI n’obtient pas les autorisations de mise sur le marché ( AMM) délivrées par l’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).

Des contrats de cession, de promotion et distribution sont passés entre la société MAJORELLE LUXEMBOURG SOPARFI et la SAS LABORATOIRES MAJORELLE

La société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL dépose régulièrement ses bilans auprès du registre du commerce des sociétés luxembourgeoises et déclare des produits et bénéfices pour les exercices de 2014 à 2017.

Ainsi, selon les services fiscaux, la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL serait susceptible de réaliser pour partie son chiffre d’affaires par la concession d’exploitation en tant que titulaire d’Autorisations de Mise sur le Marché (AMM) auprès de sa filiale exploitante la SAS LABORATOIRES MAJORELLE, laquelle disposerait tant dans sa dimension pharmacologique que médicale du personnel nécessaire à l’exploitation de produits médicamenteux.

Il ressortirait d’un droit de communication exercé le 11 septembre 2018 auprès de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) concernant la ou les sociétés de droits luxembourgeois MAJORELLE INTERNATIONAL SARL ou MAJORELLE LICENSING que : les documents émanant des sociétés MAJORELLE au LUXEMBOURG sont signés au préalable par M. W F G ou M. X F G ; pour autant, ceux-ci délèguent systématiquement leurs pouvoirs dans le cadre des échanges avec l’ANSM à M. H I, pharmacien responsable de la SAS LABORATOIRES MAJORELLE ; les courriers envoyés avec la double en-tête de la société luxembourgeoise et de la société française à destination de l’ANSM sont rédigés de PARIS, avec pour personne en charge du dossier ou signataire M. H I ou Mme J K, salariés de la SAS LABORATOIRES MAJORELLE ; les coordonnées des sociétés luxembourgeoises MAJORELLE correspondent à ceux de la SAS LABORATOIRES MAJORELLE en FRANCE ; les transferts de titulaire d’AMM n’entraînent aucune modification dans les conditions d’exploitation des produits.

Ainsi, il pourrait être présumé que la gestion des AMM, des marques des sociétés luxembourgeoises MAJORELLE serait effectuée en réalité depuis le territoire national par la SAS LABORATOIRE MAJORELLE.

Au jour de la requête , la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL n’est pas répertoriée auprès de la Direction de impôts des non résidents de Noisy le Grand , elle n 'est pas connue pour l’exercice d’une activité professionnelle et n’a déposé aucune déclaration tant en matière d’impôt sur les sociétés qu’en matière de taxe sur la valeur ajoutée depuis sa création auprès de Direction Régionale des Finances Publiques d’Ile de France.

Il découle de ce qui précède que la société de droit luxembourgeois MAJORELLE INTERNATIONAL SARL serait susceptible de réaliser tout ou partie de son activité de holding et de concession de marques ou d’AMM depuis le territoire national en utilisant les moyens humains et matériels de la SAS LABORATOIRES MAJORELLE en France, sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes. Compte tenu des relations juridiques existant entre la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL et la SAS LABORATOIRES MAJORELLE , cette dernière est susceptible de détenir dans les locaux qu’elle occupe sis […] des documents et/ou supports d’information relatifs à la fraude présumée.

En raison de sa qualité de co -gérant et associé de la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL, F G X et sa compagne D E domiciliée à cette adresse, sont susceptibles de détenir dans les locaux qu’ils occupent sis […] , des documents et / ou supports d’informations relatifs à la fraude présumée.

Plusieurs sociétés , la SAS LABORATOIRES MAJOR, la SCI TELOUET BERRI, la SCI LE BEAUHAVRE, la SARL AXCEL LOISIRS FRANCE, ont pour dirigeant principal F G X et/ ou F G AA et ont leur siège sociil au […] à Paris 8e, ainsi ces sociétés sont susceptibles de détenir dans les locaux qu’elles occupent sis […] des documents et / ou supports d’information relatifs à la fraude présumée.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, le JLD de Paris a autorisé la visite domiciliaire :

-dans les locaux et dépendances sis […], susceptibles d’être occupés par la SAS LABORATOIRES MAJORELLE et/ou la SAS LABORATOIRES MAJOR et/ou la SCI TELOUET BERRI et/ou la SCI LE BEAUHAVRE et/ou la SARL AXCEL LOISIRS FRANCE et/ou la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL ;

— dans les locaux et dépendances sis […] 75008 PARIS (en réalité 75002), susceptibles d’être occupés par M. X F G et/ou Mme D E.

Les opérations de visite et saisie se sont déroulées le 9 janvier 2019 :

-dans les locaux et dépendances sis […], susceptibles d’être occupés par la SAS LABORATOIRES MAJORELLE et/ou la SAS LABORATOIRES MAJOR et/ou la SCI TELOUET BERRI et/ou la SCI LE BEAUHAVRE et/ou la SARL AXCEL LOISIRS FRANCE et/ou la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL, de 10H à 13H15, en présence de M. X F G , occupant des lieux.

-dans les locaux et dépendances sis […], au 4e étage, susceptibles d’être occupés par la SAS LABORATOIRES MAJORELLE et/ou la SAS LABORATOIRES MAJOR et/ou la SCI TELOUET BERRI et/ou la SCI LE BEAUHAVRE et/ou la SARL AXCEL LOISIRS FRANCE et/ou la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL, de 8H15 à 14H35, en présence de madame Q-R U, chef de projet, occupante des lieux et de H I à partir de 9h15.

-dans les locaux et dépendances sis […] en réalité située à Paris 2e , susceptibles d’être occupés par M. X F G et/ou Mme D E, de Y à Z,en présence de M. X F G et madame D E, occupants des lieux.

Le 17 janvier 2019, la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL, agissant par son gérant X F G a interjeté appel de l’ordonnance du JLD de PARIS (RG 19/00995).

Le 17 janvier 2019, Monsieur X F G a formé un recours contre le déroulement des opérations de visite dans les locaux et dépendances sis […]

19/00998) .

Le 17 janvier 2019, la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL agissant par son gérant X F G , a formé un recours contre le déroulement des opérations de visite dans les locaux et dépendances sis […], au 4e étage ( RG 19/00996).

Le 18 janvier 2019, la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL agissant par son gérant X F G , a formé un recours contre le déroulement des opérations de visite dans les locaux et dépendances sis […] (RG 19/01061).

L’affaire avait été audiencée pour être plaidée le 13 novembre 2019.

Le 26 avril 2019 la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL, représentée par son conseil, a déposé au greffe de la Cour d’appel de PARIS un mémoire afin de la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité (ci-après QPC) suivante : « les dispositions prévues par l’article L. 16 B II du Livre des procédures fiscales, en ce qu’elles valident selon une jurisprudence de la Cour de cassation, la pré-rédaction par l’administration fiscale des ordonnances de visites domiciliaires portent-elles atteinte au principe constitutionnel d’impartialité et d’indépendance du juge découlant de l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ' ».

Par ordonnance en date du 3 juillet 2019, le Premier président de la Cour d’appel de PARIS a refusé de transmettre à la Cour de cassation la QPC et a renvoyé l’affaire pour examen au fond à l’audience du 13 novembre 2019.

Le 6 novembre 2019 la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL représentée par son conseil, a déposé au greffe de la Cour d’appel de PARIS un mémoire destiné à formuler une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité : « les dispositions prévues par l’article L. 16 B II du Livre des procédures fiscales portent-elles atteinte à la liberté individuelle dont l’article 66 confie la garde à l’autorité judiciaire dès lors que les visites et saisie ne sont pas limitées à la recherche de la preuve des cas les plus graves de fraude fiscale ' » ( RG 19/19878).

A l’audience du 13 novembre 2019, l’affaire a été renvoyée au 18 mars 2020, pour plaidoirie de la QPC et du fond en accord avec les parties.

L’audience du 18 mars 2020 n’a pu se tenir du fait de l’état d’urgence sanitaire (Loi du 23 mars 2020), l’affaire a été renvoyée à l’audience du 17 juin 2020. A cette date la jonction des dossiers (RG 19/00995, RG 19/00996, 19/00998, 19/01061) est évoquée, après plaidoirie l’affaire est mise en délibéré au 16 septembre 2020.

Par ordonnance en date du 8 juillet 2020, le Premier président de la Cour d’appel de PARIS a refusé de transmettre la QPC à la Cour de cassation.

SUR L’APPEL :

Dans ses conclusions déposées le 26 avril 2019, la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL fait valoir :

1/ Les faits.

Il est rappelé que la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL dont le siège social est au Luxembourg, est l’associé majoritaire de la SAS LABORATOIRES MAJORELLES spécialisée dans vente de produits médicamenteux. En 2012 la SAS LABORATOIRES MAJORELLES a cédé des marques déposées (OPTIDRIL et OPTILOVA) à la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL, car cette dernière souhaitait exploiter ces produits en Europe. Le contrat de promotion et de

distribution prévoyait que la SAS LABORATOIRES MAJORELLES assumait la responsabilité pharmaceutique des produits. Au regard de l’ancienneté des dossiers d’autorisation de mise sur le marché la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL a renoncé à l’exploitation des produits à l’ensemble de l’Europe et a cédé le 23/12/2015 les marques OPTIDRIL et OPTILOVA à la SAS LABORATOIRES MAJORELLES .

Par ordonnance du 8 janvier 2019, le JLD de Paris a autorisé une visite des locaux professionnels au […] et d’un domicile privé sis […] , en vue de rechercher des preuves de nature à établir que la

société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL exercerait en France une activité commerciale de holding et de gestionnaire de droits de propriété intellectuelle ou d’Autorisation de Mise sur le Marché sans souscrire de déclarations fiscales correspondantes. La société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL a contesté l’ordonnance du JLD devant la Cour d’Appel de Paris.

2/ Les présomptions de fraude.

2-1 L’exigence d’un contrôle effectif et concret par le JLD.

Il est rappelé les termes du II de l’article L16B du LPF (vérification concrète par le juge) et la jurisprudence de l’arrêt RAVON de la CEDH (nécessité du contrôle juridictionnel effectif en fait comme en droit des visites domiciliaires). Il est rappelé que le Conseil constitutionnel rattache à la garantie des droits proclamés par l’article 16 de la DDHC de 1789 le droit à un recours juridictionnel effectif, les droits de la défense, le droit à un procès équitable et l’impartialité et l’indépendance des juridictions, ces principes sont indissociables de l’exercice des fonctions juridictionnelles.

Il est rappelé la jurisprudence constante de la Cour de cassation concernant l’article L16B du LPF et concernant l’ordonnance sur requête qui est réputée être établie par le juge qui l’a rendue et signée et que cette présomption ne porte pas atteinte aux principes d’impartialité et d’indépendance du juge qui statue sur requête dans le cadre d’une procédure non contradictoire.

Selon l’appelante, cette jurisprudence doit être écartée sur le fondement du principe constitutionnel de l’impartialité et de l’indépendance des juridictions, sans qu’il soit besoin d’attendre l’adoption par le Conseil constitutionnel d’une réserve d’interprétation.

L’impartialité suppose l’équidistance du juge à l’égard des parties au litige, ce dont on peut douter quand le juge se borne à parapher , sans ménager l’apparence d’un contrôle en fait et en droit, une décision pré-rédigée par une partie.

En l’espèce il est constant que le premier juge s’est borné à signer une ordonnance pré rédigée par l’administration, puisque les termes de son ordonnance sont en tout point identiques à ceux de la requête de l’administration. La pratique des ordonnance pré rédigées par les services fiscaux est contraire au principe constitutionnel d’impartialité et d’indépendance du juge, ainsi la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL est bien fondée à demander l’annulation de l’ordonnance du 8 janvier 2019 signée par le JLD du TGI de PARIS.

2-2 sur le contrôle préalable d’une présomption suffisante de fraude.

L’article L16B vise des présomptions qu’un contribuable se soustrait à l’établissement ou au paiement des impôts. Le juge méconnaît son obligation de vérification concrète du bien fondé de la demande de visite domiciliaire lorsqu’il retient une présomption de minoration de recettes et de transfert de bénéfices à l’étranger en se fondant expressément sur un document incomplet ne lui permettant pas de connaître la consistance exacte de l’opération en cause selon une jurisprudence de la cour de cassation (Cass com 6 avril 1999, N° 801 D, 97-30.271). Il est cité une décision de la Cour d’Appel

d’Aix en Provence du 10 septembre 2015 . Dans le cas où l’administration présume qu’une société ayant son siège social à l’étranger exercerait en France une activité imposable, le premier Président de la cour d’Appel doit vérifier les éléments fournis par l’administration concernant la localisation du centre décisionnel et l’exercice d’une activité en France. En l’espèce l’ordonnance se fonde sur des présomptions qui seraient de nature à établir que la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL exercerait en France une activité commerciale de holding de gestionnaire de droits de propriété intellectuelle ou d’AMM sans souscrire de déclarations fiscales correspondantes.

Les éléments évoqués dans l’ordonnance ne démontrent pas l’existence de fraude au préjudice de l’administration fiscale française.

En ce qui concerne le centre décisionnel de la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL, s’agissant d’une activité de holding, cela n’implique que des structures administratives légères, , aucun élément n’est produit pour établir que les réunions des dirigeants se déroulent en France, de plus W F G n’a pas son domicile fiscal en France. Quant à X F G , les éléments cités ne permettent pas de conclure à sa domiciliation en France dès lors qu’il fait état d’une adresse et d’un salaire au Luxembourg.

Quant à l’exercice d’une activité en France, l’ordonnance évoque les démarches administratives concernant les produits en cause effectuées par le pharmacien responsable de la SAS LABORATOIRES MAJORELLES auprès de l’ANSM, , alors que des contrats signés prévoient que la SAS LABORATOIRES MAJORELLES assume les démarches administratives en qualité d’exploitant, les éléments ne démontrent pas que la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL aurait exercé en France une activité à travers le pharmacien responsable de la SAS. Ainsi le schéma mis en avant par l’ordonnance du JLD ne révèle aucune existence de fraude au préjudice de l’administration fiscale française. En l’absence de toute présomption de fraude, l’ordonnance attaquée doit être annulée.

3/ La désignation de l’officier de police judiciaire

Il est rappelé le principe d’exigence d’impartialité dite objective affirmé par la Cour de cassation. Cette exigence impose de s’assurer que même en l’absence de la moindre preuve de partialité personnelle, la personne en cause ' vue de l’extérieur’ en quelque sorte ne puisse être soupçonnée de manque d’objectivité et donne toutes les apparences de l’impartialité. (Cass civile 2 du 10 mars 2016, CEDH 20 décembre 2011 N° 52999/08, Hanif et Kgan C/ RU) . Cette ' théorie de l’apparence’ vise à se prémunir contre des situations dans lesquelles le juge pourrait être soupçonné d’avoir formé son opinion avant même la tenue du débat contradictoire et sans que ce dernier puisse influer sur celle-ci.

Selon l’article L16B du LPF, l’C 'veille au respect du secret professionnel et des droits de la défense ' conformément aux dispositions du troisième alinéa de l’article 56 du CPP, aux termes de cet article l’C désigné par le juge assiste aux opérations et informe le magistrat de leur déroulement.

En l’espèce l’ordonnance désigne Monsieur AB AC AD, commissaire divisionnaire de Police, chef du Police nationale détaché auprès de la Direction générale des douanes et des droits indirects pour nommer les officiers de Police judiciaire placés sous son autorité dans le cadre de la visite domiciliaire autorisée.

Le ministre de 1'Action et des Comptes publics a autorité sur la Direction générale des douanes et des droits indirects mais également sur la direction générale des finances publiques.

La direction nationale d’Enquêtes fiscales (DNEF) est un service à compétence nationale de la direction générale des Finances publiques.

Ainsi, la désignation d’un officier de police judiciaire qui est rattaché à une Direction du Ministère de

l’action et des Comptes publics pour contrôler des agents d’une Direction qui dépend du même Ministère ne respecte pas le principe d’impartialité objective.

Cet officier de police judiciaire peut en raison de son rattachement administratif être soupçonné de manque d’objectivité pour exercer le rôle défini par les dispositions prévues par l’article L 16 B du Livre des Procédures Fiscales. De ce seul fait, l’ordonnance attaquée doit être censurée.

En conclusion il est demandé à la Cour de :

Annuler l’ordonnance du 8 janvier 2019 attaquée qui a autorisé une visite de locaux professionnels à Paris 8e, […] et d’un domicile privé sis à Paris 2 ème, […] en vue de rechercher des preuves de nature à établir que la Société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL exercerait en France une activité commerciale de Holding et de gestionnaire de droits de propriété intellectuelle ou d’Autorisation de Mise sur le Marché sans souscrire de déclarations fiscales correspondantes.

Par conclusions en réponse déposées au greffe de la Cour d’appel de PARIS en date du 25 juillet 2019 l’administration fiscale fait valoir :

1 et 2- Rappel de la procédure en cours et des éléments soumis à l’appréciation du JLD .

L’administration fiscale rappelle les éléments retenus par le JLD pour rendre son ordonnance d’autorisation de visite domiciliaire.

[…]

a) sur le contrôle du juge :

Selon une jurisprudence constante, les motifs et le dispositif de l’ordonnance sont réputés

avoir été établis par le juge qui l’a rendue et signée et cette présomption ne porte pas

atteinte aux principes d’impartialité et d’indépendance du juge qui statue sur requête, dans

le cadre d’une procédure non contradictoire.

Par ailleurs, l’article L. 16 B du LPF ne prévoit aucun délai entre la présentation de la

requête et le prononcé de la décision d’autorisation.

Enfn, la CEDH a jugé que le grief tire de l’ineffectivité du contrôle opéré par le JLD ne

saurait prospérer dans la mesure où la Cour d’appel sera amenée a effectuer un second

contrôle des pièces produites par l’administration fiscale à l’appui de sa demande

d’autorisation pour diligenter une visite domiciliaire .

En l’espèce, rien n’autorise l’appelante à suspecter que le juge se soit dispensé de contrôler les pièces qui étaient soumises à son appréciation, avant de rendre l’ordonnance.

b) sur les éléments retenus par le premier juge :

La société appelante considère que les éléments retenus par le JLD ne permettent pas de présumer de

la présence d’un centre décisionnel en France.

Le JLD a relevé de façon légitime plusieurs éléments permettant de présumer que X F G dispose de centres d’intérêts familiaux et professionnels en France et que la société de droit luxembourgeois MAJORELLE INTERNATIONAL SARL dispose d’un centre décisionnel en France , notamment du fait de la gérance de la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL et de de la société française LABORATOIRES MAJORELLE assurée par X F G, qui exerce d’importantes fonctions professionnelles en France en étant dirigeant de plusieurs sociétés françaises et mandataire auprès de l’INPI pour l’enregistrement de marques, profil LINKEDIN et résidence familiale en France de F G X.

La société allègue que le JLD aurait du relever des éléments permettant de constater que

les réunions des dirigeants se déroulaient en France, ces griefs ne sont pas fondés dès lors que le JLD a relevé les éléments permettant de présumer une simple domiciliation au Luxembourg ( adresse du siège au Luxembourg à la même adresse qu’une étude d’avocat spécialisée en domiciliation de société, 37 sociétés domiciliées à la même adresse , aucune mention de coordonnées téléphoniques de la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL sur un site d’accès public ), ces éléments permettent à eux seuls de présumer que la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL ne dispose pas de moyens d’exploitation au Luxembourg pour la réalisation de son activité , à l’inverse il est constaté que la SAS LABORATOIRES MAJORELLE dispose en France tant dans sa dimension pharmacologie que médicale du personnel nécessaire à l’exploitation de produits médicamenteux.

D’autres éléments du dossier ( documents signés par messieurs F G, délégation de pouvoir au pharmacien responsable de la SAS LABORATOIRES MAJORELLE, courriers à entête des deux sociétés, contrat de promotion et de distribution, missions revenant à la société MAJORELLE LUXEMBOURG…) ont permis qu’il pouvait être présumé que la gestion des AMM, des marques des sociétés luxembourgeoises MAJORELLE , nécessitant des moyens humains non existant au Luxembourg, en pouvait qu’être effectuée en réalité depuis le territoire national par la SAS LABORATOIRES MAJORELLE disposant du personnel compétent et du centre décisionnel.

c) sur l’impartialité de l’C

Il est soutenu par la partie appelante que l’C n’apparaît pas comme impartial dès lors qu’il est 'détaché auprès de la DGDDI'. L’administration rappelle les termes de l’article R15-18 du CPP, ainsi que les articles R2-16 et R2-17 du CPP selon lesquels l’C relève de l’autorité judiciaire et non du Ministère de l’action et des comptes publics.

Par ailleurs ce grief de partialité manque en fait dès lors qu’il ressort de la lecture du procès-verbal que les occupants n’ont formulé aucune observation à ce titre.

En conclusion, il est demandé de :

— confirmer l’ordonnance du JLD du TGI de PARIS en date du 8 janvier 2019 ;

— rejeter toutes autres demandes, fins et conclusions ;

— condamner l’appelante au paiement de la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens.

[…]

Dans ses conclusions (visant les numéros de RG 19/00996 et 19/01061) déposées le 26 avril 2019, la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL fait valoir :

Les conclusions

1/ les faits .

Il est rappelé qu’une visite domiciliaire s’est déroulée le 9 janvier 2019 dans les locaux professionnels , […], occupés par la SAS LABORATOIRES MAJORELLE à partir de 9H25 en présence de H I et par les sociétés SAS LABORATOIRES MAJORELLES, SARL AXCEL LOISIRS FRANCE et SCI TELOUET BERRI (bureau de X F G ) à partir de 10H30 en présence de M. X F G, que la société MAJORELLE INTERNATIONA SARL a contesté le 17 janvier 2019 la visite des locaux.

2/ la rédaction des procès verbaux.

A l’issue de la visite domiciliaire un procès- verbal est dressé, l’article L16B exige que ce procès- verbal relate les modalités et le déroulement de l’opération et consigne les constatations effectuées par les agents de l’administration des impôts.

En l’espèce, selon la partie requérante, au cours de la visite domiciliaire dans les locaux professionnels , […], occupés par la SAS LABORATOIRES MAJORELLE, un coffre fort a été ouvert et un ordinateur portable appartenant à H I a été examiné et les fichiers informatiques lus;

De même, lors de la visite domiciliaire dans les locaux professionnels , […], occupés par les sociétés SAS LABORATOIRES MAJORELLES, SARL AXCEL LOISIRS FRANCE et SCI TELOUET BERRI (bureau de X F G ), un coffre fort a été ouvert et un disque dur a été examiné et lu.

Ces faits ont été reconnus par les agents de la DNEF lors de la restitution des documents saisis. Or dans les deux PV établis à la suite de ces visites, la DNEF a omis de mentionner ces opérations, de ce fait les PV doivent être annulés car ne répondant pas aux dispositions de l’article L 16 B du LPF, ainsi que les visites dans les locaux professionnels.

3/ l’ouverture des coffres .

Il est rappelé la décision de la Cour de cassation du 24/03/1998, selon laquelle 'en l’absence de précision dans l’ordonnance d’autorisation quant aux modalités de visite et saisie autorisées, seuls les actes courants d’investigation sont inclus, sauf à ce que le juge soit de nouveau saisi par toute personne intéressée en cas de difficulté pour que soient précisées l’étendue et la nature des mesures autorisées'.

En l’espèce au cours des visites, deux coffres forts ont été ouverts et un ordinateur et un disque informatique ont été examinés, (les requérants précisent que ces faits ont été reconnus par les agents de la DNEF lors de la restitution des documents saisis), pour cela les agents de l’administration fiscale n’ont pas contacté le JLD pour obtenir une autorisation spécifique. De ce seul fait, l’annulation des visites des locaux professionnels susvisés doit être prononcée.

4/ l’officier de police judiciaire.

Il est rappelé le principe d’exigence d’impartialité dite objective affirmé par la Cour de cassation. Cette exigence impose de s’assurer que même en l’absence de la moindre preuve de partialité personnelle, la personne en cause ' vue de l’extérieur’ en quelque sorte ne puisse être soupçonnée de manque d’objectivité et donne toutes les apparences de l’impartialité. ( cass civile 2 du 10 mars 2016, CEDH 20 décembre 2011 N° 52999/08, Hanif et Kgan C/ RU) . Cette ' théorie de l’apparence’ vise à

se prémunir contre des situations dans lesquelles le juge pourrait être soupçonné d’avoir formé son opinion avant même la tenue du débat contradictoire et sans que ce dernier puisse influer sur celle-ci.

Selon l’article L16B du LPF, l’C 'veille au respect du secret professionnel et des droits de la défense ' conformément aux dispositions du troisième alinéa de l’article 56 du CPP, aux termes de cet article l’C désigné par le juge assiste aux opérations et informe le magistrat de leur déroulement.

En l’espèce, au cours de la visite des locaux professionnels susvisés, Messieurs M N et O P étaient présents en leur qualité d’C. Ces deux C sont rattachés auprès de la Direction générale des douanes et des droits indirect.

Le ministre de 1'Action et des Comptes publics a autorité sur la Direction générale des douanes et des droits indirects mais également sur la direction générale des finances publiques.

La direction nationale d’Enquêtes fiscales (DNEF) est un service à compétence nationale de la direction générale des Finances publiques.

Ainsi, la présence d’ officier de police judiciaire rattaché à une Direction du Ministère de l’action et des Comptes publics pour contrôler des agents d’une Direction qui dépend du même Ministère ne respecte pas le principe d’impartialité objective.

Cet officier de police judiciaire peut en raison de son rattachement administratif être soupçonné de manque d’objectivité pour exercer le rôle défini par les dispositions prévues par l’article L 16 B du Livre des Procédures Fiscales. De ce seul fait, l’annulation des visites des locaux professionnels à Parus 8e, […], doit être prononcée.

En conclusion il est demandé à la Cour de :

Décider que les opérations de visites et saisies effectuées le 9 janvier 2019 en exécution de l’ordonnance du 8 janvier 2019 du JLD de Paris, dans les locaux sis à Paris 8e, 12 rue de Berri sont irrégulières et que les saisies effectuées dans ces locaux seront annulées.

Aucun moyen n’est soulevé concernant le PV de visite du 9 janvier 2019 dans les locaux et dépendances sis […] situé à Paris 2e , susceptibles d’être occupés par M. X F G et/ou Mme D E, de Y à Z,en présence de M. X F G et madame D E, occupants des lieux. (RG 19/00998).

Par conclusions en réponse déposées au greffe de la Cour d’appel de PARIS en date du 25 juillet 2019 l’administration fiscale fait valoir :

a) sur la rédaction des procès-verbaux et l’ouverture de coffres :

Il est soutenu que lors de la visite des locaux du […] (Paris 8e), les agents de la DNEF auraient procédé à l’ouverture d’un coffre fort non autorisé par le JLD et non relatée dans le procès verbal, de même pour l’examen d’un ordinateur portable. L’administration observe que la société procède par affirmation.

Un outre il est précisé que la visite d’un coffre dans les locaux visités ne nécessite aucune autorisation particulière du JLD. Cette autorisation n’est requise que dans le cas du §II de l’article L16 B qui concerne la découverte d’un coffre dans un établissement de crédit.

Par ailleurs, les occupants des lieux n’ont formulé aucune observation lors de la rédaction du PV concernant le déroulement des opérations, les requérants n’évoquent aucune saisie de pièce qui leur aurait été dissimulé et ne font valoir aucun grief. Le procès-verbal fait état des documents papiers et

informatiques saisis. A supposé établis les éléments avancés par les requérants, ceux-ci ne sont pas susceptibles d’entraîner l’annulation des opérations de saisies.

b) sur l’impartialité de l’C :

Il est soutenu par la partie requérante que les C n’apparaitraient pas comme impartiaux dès lors qu’ils sont 'détachés auprès de la DGDDI'. L’administration rappelle les termes de l’article R15-18 du CPP, ainsi que les articles R2-16 et R2-17 du CPP selon lesquels l’C relève de l’autorité judiciaire et non du Ministère de l’action et des comptes publics.

Par ailleurs ce grief de partialité manque en fait dès lors qu’il ressort de la lecture du procès-verbal que les occupants n’ont formulé aucune observation à ce titre.

En conclusion, il est demandé de :

— rejeter toutes autres demandes, fins et conclusions ;

— condamner l’appelante au paiement de la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens.

SUR CE

SUR LA JONCTION

Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il convient en application de l’article 367 du Code de procédure civile et eu égard aux liens de connexité entre les affaires, de joindre l’instance enregistrée sous le numéro de RG 19/00995 (appel) et les instance enregistrées sous les numéros de RG 19/ 00996, 19/00998, 19/01061 (recours), qui seront regroupées sous le numéro le plus ancien RG 19/00995.

SUR l’APPEL

1 ' sur les présomptions de fraude

Sur l’exigence d’un contrôle effectif et concret par le JLD.

Il convient de rappeler que le JLD dans son ordonnance a relevé après un examen in concreto des pièces qui lui étaient soumises selon la méthode dit 'du faisceau d’indices’ qu’il existait des indices laissant apparaître des présomptions simples de manquements à certaines obligations fiscales justifiant que soit recherchée leur preuve au moyen d’une visite domiciliaire.

En l’espèce, la requête de l’administration était accompagnée de 32 pièces.

L’appelante reproche au JLD d’avoir signé une ordonnance pré-rédigée par l’administration fiscale, or le juge des libertés et de la détention destinataire peut demander une copie numérique du projet d’ordonnance qui lui est soumis, il signe le document par simple commodité. Dès lors, il peut modifier à sa guise le modèle d’ordonnance qui lui est proposé en supprimant des arguments non-pertinents, en les remplaçant par une autre motivation et enfin, peut tout simplement refuser de faire droit à la requête de l’administration. En ayant cette possibilité de modifier, de rectifier ou de refuser de délivrer une autorisation, il s’approprie la motivation de l’autorisation qu’il signe, son rôle ne se limitant pas à une simple mission de chambre d’enregistrement.

Au cas présent, le juge a signé l’ordonnance le 8 janvier 2019 soit 21 jours après la présentation de la requête, ce qui lui a permis d’examiner les pièces de façon approfondie, de vérifier les habilitations et

le jour de la signature, de demander aux agents de la DGFP toute information pertinente préalablement à la signature de son ordonnance et ainsi d’apprécier la pertinence de la requête, et ce, d’autant plus que le dossier présenté n’était pas d’une complexité insurmontable.

Ce moyen sera rejeté.

Sur le contrôle préalable d’une présomption suffisante de fraude .

Lors de la présentation de la demande par l’administration, il est demandé au juge de la liberté et de la détention de vérifier si la requête et les annexes jointes font apparaître des présomptions simples d’agissements frauduleux et non pas de vérifier l’existence effective d’une fraude fiscale.

Ainsi le premier juge a examiné l’ensemble des annexes jointes à la requête en confrontant certaines pièces qui par leur comparaison et rattachement peuvent établir des présomptions d’agissements frauduleux. Le JLD a ainsi pu relever plusieurs éléments permettant de présumer que la société de droit luxembourgeois MAJORELLE INTERNATIONAL SARL dispose d’un centre décisionnel en France , notamment du fait de la gérance de la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL et de de la société française LABORATOIRES MAJORELLE assurée par X F G, que celui-ci exerce d’importantes fonctions professionnelles en France en étant dirigeant de plusieurs sociétés françaises et mandataire auprès de l’INPI pour l’enregistrement de marques, que F G X dispose de centres d’intérêts familiaux et professionnels en France. Il est également relevé par le JLD des éléments permettant de présumer une simple domiciliation au Luxembourg ( adresse du siège au Luxembourg à la même adresse qu’une étude d’avocat spécialisée en domiciliation de société, 37 sociétés domiciliées à la même adresse, aucune mention de coordonnées téléphoniques de la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL sur un site d’accès public ) . Ainsi l’ensemble de ces éléments permettent de présumer que la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL ne dispose pas de moyens d’exploitation au Luxembourg pour la réalisation de son activité , à l’inverse il est constaté que la SAS LABORATOIRES MAJORELLE dispose en France tant dans sa dimension pharmacologie que médicale du personnel nécessaire à l’exploitation de produits médicamenteux.

Ainsi c’est à bon droit que le JLD a établi dans son ordonnance qu’il peut être présumé que la société de droit luxembourgeois MAJORELLE INTERNATIONAL SARL exerce son activité de holding et de concession de marque depuis le territoire national, à partir d’un centre décisionnel en France grâce aux moyens humains et matériels de sa filiale la SAS Laboratoires Majorelle.

Ce moyen sera rejeté

2 ' sur la désignation de l’C

Il convient de préciser que l’ordonnance du JLD du 8 janvier 2019 a désigné M AB-AC AD, commissaire divisionnaire, pour nommer les C placés sous son autorité pour assister aux opération de visite dans les locaux désignés, et cela conformément à l’article L 16 B du LPF , que la partie appelante soutient que l’C nommé n’apparaît pas comme impartial dès lors qu’il est 'détaché auprès de la DGDDI',alors qu’il résulte des articles R15-18 du CPP, R2-16 et R2-17 du CPP que l’C relève de l’autorité judiciaire et non du Ministère de l’action et des comptes publics, que l’impartialité de l’C ne peut être remise en cause.

Ce moyen sera rejeté

[…]

1- sur la rédaction des procès verbaux et l’ouverture des coffres forts.

-La visite domiciliaire s’est déroulée le 9 janvier 2019 dans les locaux et dépendances sis […], susceptibles d’être occupés par la SAS LABORATOIRES MAJORELLE et/ou la SAS LABORATOIRES MAJOR et/ou la SCI TELOUET BERRI et/ou la SCI LE BEAUHAVRE et/ou la SARL AXCEL LOISIRS FRANCE et/ou la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL, de 10H à 13H15, en présence de M. X F G, occupant des lieux.

Concernant cette visite, la requérante prétend qu’un coffre fort a été ouvert, qu’un disque dur a été examiné et lu, que cela n’est pas mentionné au PV et que le JLD n’a pas été requis pour autoriser l’ouverture du coffre fort.

Or il résulte de la lecture du procès verbal que seul le bureau de monsieur F G a été visité, que la présence d’un coffre fort dans les lieux n’est pas mentionnée, que deux ordinateurs portables utilisés par monsieur F G ont été examiné, que des fichiers ont été copiés à partir d’un seul ordinateur, que le PV a été signé par F G X, occupant des lieux, qui n’a émis aucune réserve concernant les opérations, que la question de ni la présence ni l’ouverture d’un coffre fort ne sont démontrées dans aucune pièces du dossier soumis à la Cour, que le procès verbal sera déclaré régulier.

Ce moyen sera rejeté.

-La visite domiciliaire s’est déroulée le 9 janvier 2019 dans les locaux et dépendances sis […], au 4e étage, susceptibles d’être occupés par la SAS LABORATOIRES MAJORELLE et/ou la SAS LABORATOIRES MAJOR et/ou la SCI TELOUET BERRI et/ou la SCI LE BEAUHAVRE et/ou la SARL AXCEL LOISIRS FRANCE et/ou la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL, de 8H15 à 14H35, en présence de madame Q-R U, chef de projet, occupante des lieux et de H I à partir de 9h15.

Concernant cette visite, la requérante prétend qu’un coffre fort a été ouvert et que l’ordinateur portable de H I a été examiné et lu, que cela n’est pas mentionné au PV et que le JLD n’a pas été requis pour autoriser l’ouverture du coffre fort.

Or il résulte de la lecture du procès verbal qu’une description des lieux est faite, que la présence d’un coffre fort est constatée dans la salle d’archives, que le PV précise que les bureaux de Madame Q R et le bureau de monsieur F G X n’ont pas été visités, que des documents n’ont été saisis que dans le 'bureau finance/ comptabilité', que les seuls ordinateurs utilisés par Mme A et M B ont été examiné, que I H représentant des lieux a signé le PV et n’a pas formulé d’observations, que la question de l’ouverture du coffre fort du local des archives n’est pas démontrée dans aucune pièce du dossier soumis à la Cour, que le procès verbal sera déclaré régulier.

Ce moyen sera rejeté.

2 ' sur la désignation de l’C

Il convient de préciser que l’ordonnance du JLD du 8 janvier 2019 a désigné M AB-AC AD, commissaire divisionnaire, pour nommer les C placés sous son autorité pour assister aux opération de visite dans les locaux désignés, et cela conformément à l’article L 16 B du LPF, que monsieur N M, C commandant de police en poste au SPND, régulièrement désigné et monsieur O P, C, commandant de police au SPND régulièrement désigné ont assisté aux opérations de visites domiciliaire au […], que dans ce cadre ils relèvent de l’autorité judiciaire( articles R15-18 du CPP, R2-16 et R2-17 du CPP) , qu’ à la lecture des procès verbaux rien ne permet de remettre en cause leur impartialité au cours des opérations de visite et de saisie.

Ce moyen sera rejeté.

En ce qui concerne le recours contre le PV de visite et saisie du 9 janvier 2019 dans les locaux et dépendances sis […] situé à Paris 2e , susceptibles d’être occupés par M. X F G et/ou Mme D E (RG 19/00998), aucun moyen n’est soulevé et le recours n’est pas soutenu à l’audience de plaidoirie du 17 juin 2020.

Disons que les circonstances de la procédure ( multiplication des audiences et des écritures eu égard aux deux QPC déposées de façon chronologique au cours de la même procédure) justifient qu’il soit fait application de l’article 700 au profit de l’administration.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement et en dernier ressort:

— Ordonnons la jonction des dossiers RG 19/00995 (appel) et RG 19/ 00996, 19/00998, 19/01061 (recours), sous le numéro le plus ancien ( RG 19/00995) ;

—  Confirmons en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de PARIS en date du 8 janvier 2019 ;

-Constatons que le recours contre le Procès verbal de visite et saisie du 9 janvier 2019 dans les locaux et dépendances sis […] situé à Paris 2e , susceptibles d’être occupés par M. X F G et/ou Mme D E, n’est pas soutenu à l’audience ;

-Déclarons régulières les opérations de visite et saisies effectuées le 9 janvier 2019 :

-dans les locaux et dépendances sis […], susceptibles d’être occupés par la SAS LABORATOIRES MAJORELLE et/ou la SAS LABORATOIRES MAJOR et/ou la SCI TELOUET BERRI et/ou la SCI LE BEAUHAVRE et/ou la SARL AXCEL LOISIRS FRANCE et/ou la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL,

-dans les locaux et dépendances sis […], au 4e étage, susceptibles d’être occupés par la SAS LABORATOIRES MAJORELLE et/ou la SAS LABORATOIRES MAJOR et/ou la SCI TELOUET BERRI et/ou la SCI LE BEAUHAVRE et/ou la SARL AXCEL LOISIRS FRANCE et/ou la société MAJORELLE INTERNATIONAL SARL,

-dans les locaux et dépendances sis […] , susceptibles d’être occupés par M. X F G et/ou Mme D E;

-Rejetons toute autre demande ;

—  Disons y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’administration (DNEF) pour la somme de 2000 euros (deux mille euros) ;

—  Disons que la charge des dépens sera supportée par la société appelante .

LE GREFFIER

U V

LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT

AE AF-AG

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 15, 16 septembre 2020, n° 19/00995