Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 1er juillet 2020, n° 16/11126

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 8, 1er juill. 2020, n° 16/11126
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/11126
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Bobigny, 20 juillet 2016, N° F15/00005
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le

 : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 8

ARRÊT DU 01 JUILLET 2020

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 16/11126 – N° Portalis 35L7-V-B7A-BZRGZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Juillet 2016 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY – RG n° F15/00005

APPELANTE

Madame B Z épouse X

86, rue Saint-Blaise

[…]

Représentée par Me Matthieu ODIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R105

INTIMÉE

CPAM DE SEINE SAINT DENIS

[…]

[…]

Représentée par Me Sophie TRANCHANT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1955

COMPOSITION DE LA COUR :

En application :

— de l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19;

— de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, notamment ses articles 1er et 8 ;

— de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 modifiée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période ;

L’affaire a été retenue selon la procédure sans audience le 19 mai 2020, les avocats y ayant consenti

expressément ou ne s’y étant pas opposés dans le délai de 15 jours de la proposition qui leur a été faite de recourir à cette procédure;

La cour composée comme suit en a délibéré :

Mme Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente

M. Benoît DEVIGNOT, conseiller,

Mme Corinne JACQUEMIN, conseillère

ARRÊT :

— contradictoire

— mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

— signé par Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Dans le cadre d’un contrat dit 'Emploi Jeune’ à durée déterminée du 30 juin 2000, Mme B Z épouse X (Mme Z), a été engagée par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Seine-Saint-Denis, (la CPAM de Seine Saint- Denis) pour une période de soixante mois, en qualité d’Agent administratif de pré-accueil.

Le 1er décembre 2003, la relation de travail s’est poursuivie dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée.

La convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957 est applicable à la relation de travail.

Du 1er mai 2013 au 31 mars 2014, conformément à son souhait, la salariée obtenait de son employeur une autorisation exceptionnelle d’absence dans le cadre d’un congé sabbatique d’une durée de onze mois.

Par courrier en date du 30 janvier 2014, Mme Z sollicitait un nouveau congé sans solde pour une durée de douze mois.

Cette demande était refusée par courriers des 27 février 2014, et 27 mars 2014.

Le 1er avril 2014, la salariée présente à son poste de travail, a posé des congés payés jusqu’au 19 mai 2014.

Malgré deux mises en demeure des 5 et 25 juin 2014, Mme Z ne se présentait plus à son poste et était de ce fait convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 16 juillet suivant.

Malgré la délibération du Conseil de discipline régional aux termes de laquelle cette instance s’est prononcée contre une mesure de licenciement pour faute grave, Mme Z était licenciée le 12 août 2014 pour faute grave.

En son dernier état, la rémunération moyenne mensuelle brute de la salariée s’élevait à 1 972,65 euros pour un poste de Référent technique, niveau 4, coefficient 240-278.

Contestant le bien fondé de la mesure prise à son encontre, Mme Z saisissait le conseil des prud’hommes de Bobigny le 5 janvier 2015 pour faire valoir ses droits.

Par jugement du 21 juillet 2016, la section activités diverses du conseil de prud’hommes de Bobigny a:

— mis hors de cause la Mission Locale de Contrôle et de l’Audit des organismes de Sécurité Sociale,

— débouté Mme Z de l’intégralité de ses demandes et l’a condamnée aux dépens.

Cette dernière, régulièrement représentée, a interjeté appel le 18 août 2016.

Aux termes de ses conclusions, déposées au greffe par voie électronique le 6 septembre 2018, Mme Z demande à la cour:

— d’infirmer le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

— de constater que la CPAM de Seine-Saint-Denis a eu un comportement déloyal à son égard,

— de constater que le licenciement pour faute grave intervenu le 12 août 2014 est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— de condamner la CPAM de Seine-Saint-Denis à lui verser les sommes de:

—  5 917,95 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

—  591,79 euros à titre de congés payés sur préavis,

—  11 835,88 euros à titre d’indemnité de licenciement,

—  35 500 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  3 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— de condamner la CPAM de Seine-Saint-Denis aux dépens.

Par conclusions déposées au greffe par voie électronique le 16 janvier 2017, la CPAM de Seine Saint Denis demande au contraire à la cour :

— de confirmer le jugement entrepris,

— de débouter Mme A de l’ensemble de ses demandes, fins, écrits et conclusions,

— de la condamner au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 25 février 2020.

Dans le cadre des dispositions des ordonnances du N°2020-304 du 25 mars 2020 et N° 2020 -595 du 20 mai 2020, cette affaire a été retenue avec l’accord exprès des avocats représentant les parties dans le cadre de la procédure sans audience.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure et aux conclusions susvisées pour l’exposé des moyens des parties devant la cour.

MOTIFS :

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible immédiatement le maintien du salarié dans l’entreprise.

Il appartient à l’employeur d’apporter la preuve de la gravité des faits fautifs retenus et de leur imputabilité au salarié.

La gravité du manquement imputé est appréciée au regard du contexte, de la nature des agissements, des fonctions exercées par le salarié dans l’entreprise, de son ancienneté, d’éventuels manquements antérieurs et du préjudice en résultant pour l’employeur.

Par ailleurs, le pouvoir de direction de l’employeur est soumis à une obligation générale de

bonne foi applicable à l’ensemble des contrats en vertu de l’article 1134 du code civil et

l’article L.1222-1 du code du travail énonce : ' le contrat de travail est exécuté de bonne foi. '

En principe, la bonne foi contractuelle est présumée et c’est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver (article 2274 du code civil),le salarié devant démontrer que la décision de l’employeur qu’il conteste, a été prise soit pour des raisons étrangères à l’intérêt de l’entreprise, soit qu’elle a été mise en oeuvre dans des conditions excluant la bonne foi contractuelle.

Enfin, en vertu de l’article 40 de la convention collective applicable, inclus dans le paragraphe 'J-Congés sans solde', le directeur peut accorder un congé sans solde d’une durée maximale d’un an 'compte tenu des nécessités du service et à titre exceptionnel'.

La lettre de licenciement dont les termes fixent les limites du litige, fait grief à Mme Z d’être en absence injustifiée depuis le 19 mai 2014, alors que sa demande de congé sans solde déposée pour douze mois à compter du 1er avril 2014 a été légitimement refusée à raison d’une part d’un manque de visibilité quant au projet professionnel de la salariée ainsi que sur son éventuel retour au sein de l’organisme et d’autre part de la remise en cause de l’équilibre du service nécessairement touché par un accord de congé sans solde au regard de la privation pérenne de la ressource dans un contexte de recrutement soumis à des contraintes financières particulièrement strictes.

L’employeur considère en conclusion que '(…), compte tenu de la pérennité des faits qui vous sont reprochés et de votre refus caractérisé de réintégrer physiquement votre poste à la Caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis, je vous informe de ma décision de vous licencier pour faute grave, sans indemnité ni préavis'.

Le fait que Mme Z ne se soit pas présentée à son poste à compter du 19 mai 2014, et malgré deux mise en demeure à elle adressées par voie recommandée, la dernière le 25 juin 2014, est admis de part et d’autre.

Pour justifier sa décision et caractériser la faute grave de sa salariée, l’employeur, évoque l’absence de tout abus de sa part dans le refus opposé à la demande de congé sans solde, dès lors que l’article 40 de la convention collective applicable n’instaure aucune obligation d’accepter le congé sans solde ni de justifier son refus.

Alors qu’il est admis que l’exercice d’un droit est abusif lorsqu’il inflige à des intérêts légitimes un sacrifice manifestement disproportionné avec la satisfaction dérisoire qu’il procure à son titulaire (Cornu, Introduction,, n° 151 2007' Les biens, 13e éd., Montchrestien, n° 39), même si l’article 40 n’instaure aucune obligation de motivation du refus, il n’exclut pas que puisse être opposé à la CPAM l’existence d’un abus de droit dans la décision de refus de congé sans solde opposée à la salariée.

Mais force est de relever sur ce point que Mme Z venait au moment où elle sollicitait une absence dans le cadre d’un congé sans solde, de terminer une période d’un an pendant laquelle lui avait été accordé un congé sabbatique lui même régi par les articles L. 3142-91 et suivants du code du travail aux termes desquels la durée de douze mois est une durée maximum, sauf exceptions dans lesquelles la salariée ne prétend pas rentrer.

L’employeur avait donc déja accepté l’absence de sa salariée pendant une durée maximum de douze mois pour lui permettre de se consacrer comme elle le souhaitait, à l’obtention d’un doctorat.

L’existence d’un sacrifice manifestement disproportionné pour Mme Z et lié au refus d’une nouvelle absence pendant douze mois ne peut être retenue alors qu’elle ne verse aucun élément permettant de déterminer quelles conditions de présence lui étaient imposées par l’organisme auprès duquel elle poursuivait l’obtention de son doctorat en science de l’éducation, ni de pièces déterminant l’état d’avancement de ses travaux de recherches, rien ne justifiant la nécessité d’un travail de recherche en présentiel, la convention de formation professionnelle continue versée en pièce N° 17 par la salariée ne concernant ni le diplôme ni la période en litige et ne mettant pas la cour en mesure de considérer que, comme elle l’affirme, elle aurait perdu l’investissement d’une année de formation acquise à ses frais exclusifs pendant l’année sabbatique.

La faute tenant à l’absence injustifiée est donc imputable à Mme Z, aucun abus dans le refus de l’employeur n’étant caractérisé, le licenciement de cette dernière devant être considéré comme justifié à ce titre.

En revanche, alors que l’immédiateté de la rupture justifiée par la gravité de la faute commise s’entend de l’impossibilité pour l’employeur, compte tenu de l’importance de la faute, de tolérer, même pendant une durée limitée, la présence du salarié dans l’entreprise, la CPAM de Seine Saint Denis n’apporte aucun élément justifiant la nécessité d’une rupture immédiate, privative de l’indemnité de licenciement et de l’indemnité compensatrice de préavis, l’absence de toute difficulté précédente dans le comportement de la salariée présente dans les effectifs depuis plus de douze ans au moment de la rupture de son contrat de travail n’étant pas contestée.

En conséquence, le licenciement doit être reconnu fondé mais par une faute constitutive d’une cause réelle et sérieuse non privative des indemnités susvisées.

Le jugement entrepris sera infirmé dans cette limite et la CPAM de Seine Saint Denis condamnée à verser à Mme Z les sommes de 5 917,95 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, 591,79 euros à titre de congés payés sur préavis, 11 835,88 euros à titre d’indemnité de licenciement, non autrement contestées dans leurs montants.

En raison des circonstances de l’espèce, il apparaît équitable d’allouer à Mme Z une indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles exposés tant en première instance qu’en cause d’appel, dont le montant sera fixé au dispositif.

DÉCISION:

Par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement entrepris,

et statuant à nouveau,

DIT le licenciement de Mme Z fondé sur une cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la CPAM de Seine Saint Denis à lui verser les sommes de:

—  5 917,95 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

—  591,79 euros à titre de congés payés sur préavis,

—  11 835,88 euros à titre d’indemnité de licenciement,

DIT que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur en conciliation et que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes.

CONDAMNE la CPAM de seine Saint Denis à verser 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu’en cause d’appel,

CONDAMNE la CPAM de Seine Saint Denis aux dépens.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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