Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 13 novembre 2020, n° 18/04931

  • Sociétés·
  • Bon de commande·
  • Consommation·
  • Location·
  • Matériel·
  • Électricité·
  • Contrats·
  • Économie d'énergie·
  • Dol·
  • Titre

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 11, 13 nov. 2020, n° 18/04931
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/04931
Décision précédente : Tribunal de commerce de Créteil, 18 décembre 2017, N° 2017F00143
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRET DU 13 NOVEMBRE 2020

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/04931 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B5HBE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Décembre 2017 -Tribunal de Commerce de Créteil – RG n° 2017F00143

APPELANTE

EURL DIDA,

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

[…]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de MONTPELLIER sous le numéro 509 633 145

Représentée par Me Mickaël RUBINSOHN, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

[…]

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

[…]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 800 779 902

N’ayant pas constitué avocat

SAS LOCAM – LOCATION AUTOMOBILES MATÉRIELS

prise en la personne de ses représentants légaux

[…],

[…]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de SAINT ETIENNE sous le numéro 310 880 315

Représentée par Me Guillaume MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque:PC430

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Octobre 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Denis ARDISSON, Président de la chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Denis ARDISSON, Président de la chambre

Mme Marie-Ange SENUCQ, Présidente de chambre

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Ludivine VAN MOORLEGHEM.

ARRET :

— rendu par défaut,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par M. Denis ARDISSON, Président de chambre et par Mme Mathilde BOUDRENGHIEN Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

Le 21 août 2014, l’eurl DIDA, exploitant une pizzeria à l’enseigne 'DELIZIA’ et désireuse de minimiser sa consommation électrique, indique que, suite à un démarchage sur son lieu d’exploitation par la sarl ENERGY CONTROL SOLUTION (société ENERGY), elle lui a commandé un appareil 'controlbox’ et des panneaux de 'led', l’ensemble du matériel devant finalement être acquis par la S.A. LOCATION AUTOMOBILES MATÉRIELS -LOCAM – qui le lui a donné en location le même jour pour une durée de 60 mois, moyennant un loyer mensuel d’un montant de 150 euros HT. Le matériel ayant fait l’objet par ailleurs, d’un bon de livraison sans réserve le 21 août 2014, la société LOCAM en a réglé la facture du 23 septembre suivant, d’un montant de 7.356,95 euros TTC et a adressé le 25 septembre 2014 une facture unique de loyers à la société DIDA.

Prétendant ne pas avoir constaté d’économies, avoir découvert que, contrairement à ses affirmations lors du démarchage, la société ENERGY n’était pas un partenaire d’EDF et estimant que le matériel proposé 'était obsolète', la société DIDA en a déduit que son consentement avait été vicié par des manoeuvres dolosives. Par lettre recommandée AR du 30 juin 2016 de son conseil, elle a vainement mis en demeure la société ENERGY d’annuler les contrats et de lui rembourser les 22 mensualités alors déjà payées d’un montant de 180 euros chacune [TTC], soit la somme globale de 3.960 euros.

Les 26 décembre 2016 et 4 janvier 2017, la société DIDA, invoquant le dol et la violation du code de la consommation, a attrait les sociétés ENERGY et LOCAM devant le tribunal de commerce de Créteil aux fins essentiellement d’annuler le contrat daté du 21 août 2014 avec la société ENERGY

et, corrélativement, le contrat du même jour avec la société LOCAM, et :

— à titre principal, en dernier lieu de condamner la société ENERGY à lui payer la somme de 5.760 euros en remboursement des mensualités, versées en vertu du contrat annulé, outre la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles, et de dire la décision à intervenir opposable à la société LOCAM,

— subsidiairement, au motif que le contrat de financement proposé par la société LOCAM n’est pas conforme, justifiant aussi son annulation, de condamner celle-ci au paiement de la somme de 5.040 euros au titre des mensualités versées en vertu du contrat annulé, outre la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles et de dire la décision à intervenir opposable à la société ENERGY.

La société LOCAM s’y est opposée, en faisant notamment valoir que :

— la plaquette publicitaire [de la société ENERGY] invoquée par la société DIDA, n’est pas un document contractuel,

— la réduction de consommation était basée sur des batteries de condensateurs qui n’ont pas fait l’objet de la commande,

pour en déduire que le dol allégué n’est pas prouvé, tout en soutenant par ailleurs que les articles L 121-16 et L 311-5 du code de la consommation invoqués par la société DIDA ne sont pas applicables, et a demandé la somme de 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles.

Retenant essentiellement que les manoeuvres dolosives n’étaient pas établies et que l’exploitation de la pizzeria est impossible sans électricité, pour en déduire que la fourniture d’électricité et la recherche corrélative d’économies sont en lien direct avec l’exploitation du fonds, de sorte que l’article L 121-16 du code de la consommation n’est pas applicable au litige, le tribunal, par jugement dit contradictoire [en réalité réputé contradictoire] du 19 décembre 2017, a débouté la société DIDA tant de ses demandes de nullité [successivement] fondées sur le dol et la violation de l’article L 121-16 du code de la consommation, que de remboursement des sommes antérieurement versées et l’a condamnée à verser à la société LOCAM la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles.

La société DIDA a interjeté appel le 6 mars 2018 en intimant les sociétés ENERGY et LOCAM.

Assignée devant la cour à la requête de la société DIDA suivant acte, contenant le jugement dont appel, la déclaration d’appel et les (premières) conclusions d’appelant, délivré le 15 mars 2018 sur procès-verbal de recherches, la société ENERGY n’a pas constitué avocat devant la cour.

Vu les dernières écritures télé-transmises le 9 septembre 2020 par la société DIDA appelante, réclamant la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles et poursuivant l’infirmation du jugement en sollicitant :

— à titre principal, l’annulation des contrats en raison du dol et de la violation du code de la consommation et la condamnation solidaire des sociétés ENERGY et LOCAM à lui payer la somme de 10.800 euros au titre des mensualités versées en vertu du contrat annulé,

— subsidiairement, la condamnation de la [seule] société LOCAM à lui payer la somme de 10.800 euros au titre également des mensualités versées en vertu du contrat annulé,

— plus subsidiairement, la condamnation de la [seule] société ENERGY à lui payer la somme de 11.000 euros de dommages et intérêts en raison des manquements dans l’exécution du contrat ;

Vu les dernières écritures télé-transmises le 3 septembre 2020, par la société LOCAM intimée,

réclamant la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles et poursuivant la confirmation du jugement.

SUR CE,

Il convient liminairement de préciser que les conventions litigieuses ayant été signées antérieurement au 1er octobre 2016, elles relèvent des anciens articles du code civil avant l’intervention de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. Il ressort des pièces versées aux débats que, le 21 août 2014, la société DIDA a souscrit :

— un bon de commande (n° 3184) auprès de la société ENERGY concernant des panels 36 watts de 14 unités led chacun et un appareil 'controlbox', le document comportant au titre du mode de règlement, la mention 'Location Prêteur : LOCAM, le loyer mensuel se fait en 60 mensualités de 150 euros’ [pièce appelante n° 1],

— un contrat (n° 1134946, n° d’ordre 231586) de location du même matériel auprès de la société LOCAM, moyennant 60 loyers mensuels d’un montant de 150 euros HT (soit 180 euros TTC) chacun [pièce intimée n° 2].

Au soutien de ses demandes d’annulation tant du bon de commande que du contrat de location, la société DIDA fait d’abord valoir que son consentement aurait été vicié en ce que :

— d’une part, la société ENERGY s’est présentée faussement comme étant partenaire d’EDF et a fait figurer le logo de cette dernière sur sa plaquette publicitaire, tout en affirmant que ladite plaquette lui a été présentée avant la signature du bon de commande,

— d’autre part, en précisant que la fourniture d’électricité est son premier poste de dépenses, que son consentement a été donné en raison de l’économie d’énergie vantée par la société ENERGY.

S’il est admissible d’estimer que la plaquette commerciale lui a nécessairement été présentée avant la signature du bon de commande afin de la décider à passer commande, il convient néanmoins de relever que :

— dans le cadre dédié à préciser le nom du fournisseur d’électricité du client, le bon de commande comporte les sigles des différents fournisseurs d’électricité, soit ceux de EDF, Gaz de France, Poweo et direct énergie, de sorte que la société DIDA n’a pas pu se méprendre et raisonnablement croire que la société ENERGY agissait avec EDF en particulier,

— la plaquette publicitaire [pièce appelante n° 2] comporte en première page, les mentions 'EDF’ et 'autre’ dont aucune n’est cochée, de sorte que la société DIDA n’a pas pu davantage se méprendre sur la prétendue existence d’un partenariat de la société ENERGY avec EDF,

— la société DIDA ne rapporte pas la démonstration, qui lui incombe, qu’un partenariat avec EDF constituait une cause déterminante de son consentement, dès lors qu’il n’est pas prétendu que le bon fonctionnement du matériel proposé dépendait de la personne du fournisseur d’énergie, d’autant qu’il se déduit de la mention sur le bon de commande du nom des principaux fournisseurs opérant actuellement en France, que la personne du fournisseur d’énergie électrique était indifférente.

En affirmant que sur une année, elle n’a pas réalisé les économies promises d’électricité, la société DIDA demande aussi l’annulation des contrats.

Cependant, s’agissant d’un mensonge allégué qui se serait ultérieurement révélé, il convient aussi d’examiner la demande de nullité en raison de la manoeuvre dolosive ayant consisté à prétendre que le matériel proposé permettait d’effectuer des économies substantielles de consommation électrique.

La société DIDA affirme [ses conclusions page 2] que, tant dans 'le discours du représentant commercial’ de la société ENERGY, que dans le dépliant remis le jour même, 'il était question d’une baisse d’au moins 30 % de la consommation d’électricité', étant observé que la commande portait notamment sur la fourniture de panels 36 watts de 14 unités led chacun.

Pour sa part, la société LOCAM, faisant une analyse des documents existant entre les sociétés DIDA et ENERGY et versés aux débats, estime quant à elle, que :

— les 'led’ avaient pour objet la réduction de la consommation électrique des seuls points lumineux,

— la 'controlbox’ était destinée à la télé-surveillance énergétique, l’ensemble des données mesurées étant stockées sur les serveurs de la société ENERGY, consultables depuis tout type de terminal (smartphone, tablette, ordinateur),

Elle en déduit que la société DIDA ne démontre pas que sa consommation n’aurait pas diminué dès lors qu’elle ne prouve pas que sur la période objet des relevés de consommation, les autres sources de consommation électrique (four, réfrigérateurs, congélateurs) étaient restés les mêmes sans progresser.

Mais il convient de relever que, si la société DIDA ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, des propos du représentant commercial de la société ENERGY l’assurant d’une économie d’énergie d’au moins 30 %, il apparaît cependant en page 4 (consacrée aux led) de la plaquette commerciale, qu’il y est notamment indiqué 'jusqu’à 80 % d’économies d’énergies ! S’il n’y avait qu’un argument en faveur des LED, ce serait celui-ci!'. Le matériel ayant été installé le 21 août 2014 et l’analyse des graphiques sur l’évolution des consommations, figurant sur les factures d’électricité (EDF) des 25 janvier 2015 et 26 janvier 2016 versées aux débats [pièce intimée n° 3] permet de constater que de septembre 2014 à janvier 2016, les consommations électriques ont été :

— soit sensiblement les mêmes (septembre 2014 : 4146 et septembre 2015 : 4221),

— soit légèrement inférieures (novembre 2014 : 5018 et novembre 2015 : 4534),

— soit même légèrement supérieures (janvier 2015 : 4751 et janvier 2016 : 5467).

Il s’en déduit qu’en tout état de cause, il n’y a jamais eu jusqu’à 80 % d’économie, l’écart par rapport à ce qu’annonce la plaquette publicitaire étant d’une importance telle, que c’est à juste titre que la société DIDA soutient que son consentement au bon de commande du 21 août 2014 a été vicié par le mensonge des affirmations d’économies figurant sur le dépliant commercial.

Il y a lieu aussi de relever que le bon de commande vise expressément, au titre du mode de règlement, une location financière avec la société LOCAM et qu’il s’en déduit que cette dernière a acheté le matériel objet de la facture du 23 septembre 2014, d’un montant de 7.356,95 euros TTC, en exécution de la commande préalablement passée le même jour par la société DIDA auprès de la société ENERGY.

Dès lors, l’annulation du bon de commande du 21 août 2014 entre les société DIDA et ENERGY, emporte caducité à la même date du contrat de location entre les sociétés DIDA et LOCAM, justifiant la demande de restitution des loyers versés depuis l’origine, étant surabondamment observé que la société DIDA victime d’un dol, n’est pas à l’origine de l’anéantissement de l’ensemble contractuel 'bon de commande/contrat de location’ et que la société LOCAM n’a pas formulé de prétentions à l’encontre de la société ENERGY.

La matérialité du décompte des sommes dont la société DIDA demande la restitution n’a pas été contestée par la société LOCAM et la société DIDA n’a pas sollicité d’intérêts de retard.

Par ailleurs, pour le surplus, compte tenu du sens de la décision ci-après, il n’ya pas lieu d’examiner si la société DIDA est en mesure de bénéficier des dispositions du code de la consommation, ni davantage d’analyser les demandes d’annulation fondées sur un éventuel défaut de respect de ses prescriptions. En outre, succombant en appel, la société LOCAM ne peut pas prospérer dans sa demande d’indemnisation de ses frais irrépétibles mais il serait, en revanche inéquitable, de laisser à la charge de la société DIDA, la charge définitive de ceux qu’elle a exposés depuis l’origine de l’instance ;

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

Annule le bon de commande souscrit le 21 août 2014 par l’eurl DIDA auprès de la sarl ENERGY CONTROL SOLUTION ;

Dit qu’en conséquence la location du même jour entre l’eurl DIDA et la S.A. LOCATION AUTOMOBILES MATÉRIELS -LOCAM- est caduque à la même date ;

Condamne la S.A. LOCATION AUTOMOBILES MATÉRIELS -LOCAM- aux dépens de première instance et d’appel ;

Admet Maître Mickaël RUBINSOHN, avocat postulant, au bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile ;

Condamne la S.A. LOCATION AUTOMOBILES MATÉRIELS -LOCAM- à payer à l’eurl DIDA la somme de 10.800 euros, au titre des loyers déjà perçus et la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 13 novembre 2020, n° 18/04931