Cour d'appel de Paris, 3 novembre 2020, 18/086087

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, c5, 3 nov. 2020, n° 18/08608
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/086087
Importance : Inédit
Sur renvoi de : Cour de cassation, 30 janvier 2018, N° 11/16937
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000042510005
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires délivrées aux parties le REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 5

ARRÊT DU 03 NOVEMBRE 2020

(no /2020, 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : No RG 18/08608 – No Portalis 35L7-V-B7C-B5S3A

Décision déférée à la Cour : sur renvoi après arrêt de la Cour de Cassation en date du 31 janvier 2018 – Pourvoi no V 16-21.955, emportant cassation et annulation en toutes ses dispositions d’un arrêt de la Cour d’appel de PARIS du 07 juin 2016 – Pôle 2 chambre 5 – RG no 13/22999, sur appel d’un jugement du Tribunal de Grande Instance de PARIS du 17 octobre 2013 – RG no 11/16937

APPELANTS

Madame T… P… épouse F…, fille et ayant droit de Mme E… P…, décédée

née le […] à MONTPELLIER (34)

Demeurant […]

[…]

et

Monsieur K… H…

né le […] à BORDEAUX (33)

Demeurant […]

[…]

et

Monsieur A… M…, veuf et ayant droit de Mme D… P…, décédée elle-même ayant droit de Mme E… P…

né le […] à MONTESQUIEU LES ALBERES (66)

Demeurant […]

[…]

et

Madame U… M…, fille et ayant droit de Mme D… P…, décédée

née le […] à MONTMORENCY (95)

[…]

[…]

Ayant pour avocat constitué Me Kalinka BUREAU DOBKINE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0548

INTIMÉS

Monsieur C… W…

né le […] à MAZAMET (81)

Demeurant […]

[…]

Représenté et assisté de Me Charlotte DA CRUZ, avocat au barreau de PARIS, toque : D0827

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2018/036087 du 12/11/2018 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

Madame G… W…

née le […] à MAZAMET (81)

Demeurant […]

[…]

Représentée et assistée de Me Charlotte DA CRUZ, avocat au barreau de PARIS, toque : D0827

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/03697 du 13/12/2018 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

SA CNP ASSURANCES

ayant son siège social […]

[…]

Ayant pour avocat constitué Me François COUILBAULT de la SELARL CABINET COUILBAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1412

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 01 Septembre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre

Mme Laurence CHAINTRON, Conseillère

M. Julien SENEL, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Laure POUPET

ARRÊT :

— Contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Mme Vanessa ALCINDOR, Greffière présente lors de la mise à disposition.

*******

EXPOSE DU LITIGE :

M. C… O…, né le […] , a souscrit deux contrats d’assurance-vie auprès de la société Ecureuil Vie, (aux droits de laquelle se trouve la société CNP Assurances) par l’intermédiaire de la Caisse d’Epargne :

— le 20 juin 1990, un contrat PEP Ecureuil Prévoyance no […].

— le 27 juin 2001, un contrat Initiatives Transmission no […].

Par avenants du 11 mai 2006, il a désigné les bénéficiaires de chacun de ses contrats ainsi qu’il suit : « Melle G… W… à concurrence de 10%, M. C… W… à concurrence de 10%, Mme E… P… à concurrence de 40%, M. K… S… à concurrence de 40 %, à défaut mes héritiers ».

Par avenants du 19 mai 2006, M. O… a procédé à une nouvelle modification de la clause bénéficiaire, au profit des quatre mêmes personnes mais par parts égales.

Par courrier du 22 mai 2006 adressé à l’assureur, soit trois jours après cette nouvelle modification, M. K… S… et Mme E… P… ont chacun déclaré accepter leur désignation. Le 20 juin 2006, l’assureur leur en a accusé réception.

Par courriers identiques du 20 juin 2006, la Caisse d’Epargne a informé M. O… de l’acceptation de M. S… et de Mme P… lui indiquant qu’à l’avenir, pour modifier les contrats, leur accord était nécessaire.

C… O… est décédé le […].

La Caisse d’Epargne ayant informé M. S… qu’il était bénéficiaire des contrats à concurrence de 25%, ce dernier a contesté cette répartition au motif que la clause bénéficiaire régularisée le 11 mai 2006, acceptée le 22 mai suivant, le désignait bénéficiaire à concurrence de 40 %.

C’est dans ces conditions que le 24 octobre 2011, M. S… a assigné la CNP Assurances devant le tribunal de grande instance de Paris afin d’obtenir le paiement des capitaux décès conformément aux termes de l’avenant du 11 mai 2006.

Par jugement du 17 octobre 2013, auquel il convient de se reporter pour l’exposé de la procédure initiale et des prétentions des parties, ce tribunal l’a notamment débouté de ses demandes ainsi que Mmes T… et D… P…, venant aux droits de E… P… décédée en cours de procédure, et l’a condamné à payer aux consorts W… la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

M. S… a régulièrement relevé appel du jugement par déclaration du 3 mars 2014.

Par arrêt du 7 juin 2016, auquel il convient de se reporter pour l’exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour d’appel de Paris a infirmé le jugement déféré et statuant à nouveau et y ajoutant, a :

— condamné la CNP Assurances à payer, en application des avenants du 11 mai 2006, les capitaux des deux contrats PEP Ecureuil Prévoyance […] et Initiatives Transmission […], après accomplissement par chacun des bénéficiaires des formalités fiscales prévues par les articles 806 III et 757 B du code général des impôts, à Melle G… W… à raison de 10%, à M. C… W… à raison de 10%, à Mme T… P… et aux consorts U… et A… M… à raison de 40% et à M. K… S… à raison de 40%,

— condamné in solidum les consorts W… à payer la somme de 2 000 euros à M. S…, une somme identique à Mme T… P… et aux consorts U… et A… M… et la somme de 1 500 euros à la CNP Assurances,

— débouté les consorts W… de leurs demandes et les a condamné in solidum aux dépens de première instance et d’appel, recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

M. C… W… et Mme G… W… se sont pourvus en cassation.

Par arrêt du 31 janvier 2018, la première chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 7 juin 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Paris, aux motifs que « lorsque l’écriture et la signature d’un acte sous seing privé sont déniées ou méconnues, il appartient au juge de vérifier l’acte contesté en enjoignant aux parties de produire tous documents utiles à comparer à l’écrit contesté et au besoin en ordonnant une expertise », a remis en conséquence la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyés devant la cour d’appel de Paris autrement composée. Elle a également condamné M. S…, Mme T… P…, M. A… M…, et Mme U… M…, ès qualités, aux dépens, et au visa de l’article 700 du code de procédure civile, les a condamnés in solidum à payer à M. C… W… et Mme G… W… la somme globale de 3 000 euros et a rejeté la demande de M. S….

Le 25 avril 2018 la cour d’appel de Paris a été saisie par Mme T… P…, M. K… S…, M. A… M… et Mme U… M….

Par arrêt du 2 avril 2019, la cour d’appel de Paris, autrement composée, a notamment :

— ordonné une mesure d’expertise et commis pour y procéder Mme B… V…, avec la mission suivante :

* se faire communiquer tous documents utiles, prioritairement en original et recueillir tous les éléments qui lui apparaîtront nécessaires,

* convoquer et entendre les parties assistées le cas échéant de leurs conseils et recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations ou de la tenue des réunions d’expertise,

* se faire remettre toutes les pièces utiles à l’accomplissement de sa mission,

* se faire communiquer les avenants du 19 mai 2006 des contrats du 20 juin 1990 […] et du 27 juin 2001 No […],

* procéder à l’analyse comparative de l’écriture et de la signature attribuées à C… O… qui se trouvent apposées sur les avenants du 19 mai 2006, et cela notamment au regard des avenants du 11 mai 2006 dont l’auteur n’est pas contesté,

* émettre un avis sur l’identité du signataire et du rédacteur de la mention « lu et approuvé » et autres mentions éventuelles apposées sur les avenants du 19 mai 2006 en indiquant si C… O… peut en être l’auteur et, si oui, avec quel degré de certitude et/ou de probabilité,

* de façon générale donner à la cour toutes les informations lui permettant de statuer sur les prétentions respectives des parties ;

* mettre en temps utile au terme de ses opérations, les parties en mesure de faire valoir leurs observations qui seront annexées et auxquelles il répondra dans son rapport définitif.

L’expert a déposé son rapport le 18 novembre 2019 et ses conclusions sont les suivantes :

« - C… O… est l’auteur des mentions manuscrites » Lu et Approuvé« apposées sur les deux »Avenants " du 19 mai 2006, portés à notre examen.

— C… O… est l’auteur des signatures figurant en son nom sur les deux « Avenants » du 19 mai 2006, portés à notre examen.

— En d’autres termes, les avenants du 19 mai 2006 des contrats du 20 juin 1990 et du 27 juin 2001 portent la signature et l’écriture (mentions Lu et approuvé) émanant de C… O…".

Aux termes de leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 19 juin 2020 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, M. K… S…, Mme T… P…, M. A… M… et Mme U… M… demandent à la cour, de :

— déclarer leur appel recevable et bien fondé,

Avant-dire droit, ordonner une procédure de vérification d’écritures et, au besoin, une expertise graphologique afin de s’assurer de l’authenticité de la signature apposée sur les actes du 19 mai 2006 et attribuée à C… O…,

A titre subsidiaire, et en toute hypothèse, infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 17 octobre 2013 par le tribunal de grande instance de Paris,

Statuant à nouveau,

— constater que les avenants du 19 mai 2006 ne sont pas valables faute de certitude sur l’identité du signataire,

— constater que les avenants du 11 mai 2006 ont bien été acceptés par M. S… le 22 mai 2006, et par Mme P…,

— dire et juger que la date du 22 mai 2006 présente un caractère certain prouvé par des éléments extrinsèques aux actes eux mêmes,

— constater que les actes du 19 mai 2006 n’ont pas date certaine et sont donc inopposables à M. S… et consorts,

En conséquence, au visa de l’article L132-9 du code des assurances,

— dire et juger que M. S… a la qualité de bénéficiaire à raison de 40% au titre des contrats […] et […],

— dire et juger que Mme T… P… épouse F…, M. A… M… et Mme U… M… épouse J… ont la qualité de bénéficiaires à raison de 40% au titre des contrats […] et […],

— condamner la CNP Assurances, venant aux droits de la société Ecureuil Vie, à leur payer au titre des contrats […] et […], les sommes qui leur sont dues en application des avenants du 11 mai 2006, et selon la valeur des contrats arrêtée au jour du décès d’C… O…,

— condamner in solidum la CNP Assurances, M. C… W… et Mme G… W… à leur payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 19 juin 2020, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société CNP Assurances demande à la cour, de :

— confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris rendu le 17 octobre 2013 en ce qu’il a débouté M. S… de l’ensemble de ses demandes,

— constater que la modification bénéficiaire du 19 mai 2006 est antérieure à l’acceptation des contrats par M. S… intervenue le 22 mai 2006,

— juger qu’C… O… pouvait donc modifier la désignation bénéficiaire de ses contrats le 19 mai 2006,

— en conséquence, juger que M. S… n’est pas fondé à solliciter le paiement des capitaux décès des contrats « PEP Ecureuil Prévoyance » et « Initiatives Transmission » selon les termes de l’avenant du 11 mai 2006 lequel a été révoqué le 19 mai 2006 et le débouter de l’ensemble de ses demandes,

— rejeter les demandes des consorts W… tendant à la condamnation de la CNP ASSURANCES à leur verser des dommages et intérêts,

— condamner toute partie perdante à verser à la société CNP Assurances venant aux droits de la compagnie d’assurance vie Ecureuil Vie une indemnité de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner toute partie perdante aux dépens.

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 30 janvier 2020, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, M. C… W… et Mme G… W… demandent à la cour, de :

— les dire recevables et bien fondés en l’ensemble de leurs moyens, fins et conclusions,

— confirmer le jugement en ce qu’il a jugé les avenants du 19 mai 2006 authentiques et applicables et débouté M. S… de l’ensemble de ses demandes,

— infirmer le jugement en ce qu’il les a débouté de leurs demandes reconventionnelles,

Et en conséquence :

— dire que les contrats « PEP Ecureuil Prévoyance » […] du 20 juin 1990 et « Initiatives Transmission » […] du 27 juin 2001 doivent s’appliquer à parts égales entre chacun des bénéficiaires désignés,

— condamner M. S… à verser à M. C… W… et à Mme G… W… chacun la somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

— condamner M. S… à verser à M. C… W… la somme de 1.300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la CNP Assurances à verser à M. C… W… et à Mme G… W… chacun la somme de 2.500 euros au titre des dommages et intérêts pour manquement à son obligation d’information,

— condamner solidairement M. S… aux entiers dépens de première instance et d’appel.

La clôture est intervenue le 22 juin 2020.

MOTIVATION :

Sur les demandes des consorts S… P… M…

Les appelants sollicitent l’infirmation du jugement faisant valoir que :

* M. S… et Mme E… P… ont chacun accepté la clause bénéficiaire contenue dans les avenants du 11 mai 2006, seuls valides, à l’exclusion de ceux postérieurs du 19 mai 2006,

* ils contestent les conclusions du rapport d’expertise ajoutant que le juge n’est pas lié par les conclusions du technicien, et arguant du fait qu’il existe un doute sur les conditions de régularisation des avenants du 19 mai 2006 qui ne présentent pas date certaine ainsi que sur l’authenticité de la signature de C… O…,

*en effet, une expertise privée du « cabinet BC Graphologues » du 6 juin 2014 a mis en évidence des différences notables entre les signatures des deux actes, les signatures du 19 mai présentant plus d’aisance, de lisibilité et de précision ; de même, le pré rapport de l’expert a également relevé des « différences légères » entre les signatures et écritures attribuées à C… O… « expliquées par le côté malaisé, inégal du geste ou encore la main âgée du signataire »,

* les avenants du 11 mai 2006 portent mention du numéro de carte d’identité du signataire dont l’identité a été vérifiée par sa conseillère habituelle, Mme L…, ce qui n’a pas été le cas lors de la modification du 19 mai 2006,

* les courriers d’acceptation du 20 juin 2006, qui ont date certaine les cachets de l’administration postale faisant foi, visaient, sans ambiguïté, les avenants du 11 mai 2006 tandis que les avenants du 19 mai 2006 sont en contradiction avec ces courriers, n’ont pas date certaine et ne sont corroborés par aucun élément objectif et extrinsèque à l’acte,

* en application de l’article L. 132-9 du code des assurances, la répartition opérée au profit de M S… et de Mme P… selon avenants du 11 mai 2006 est donc devenue irrévocable à compter de leur acceptation intervenue le 22 mai 2006.

La CNP Assurances sollicite la confirmation du jugement faisant valoir que le 19 mai 2006, M S… n’ayant pas encore accepté le bénéfice des contrats, conformément aux articles L.132-8 et L.132-9 du code des assurances, C… O… conservait sa faculté de modifier la désignation des bénéficiaires de ses contrats, sans restriction et sans avoir à solliciter leur accord.

Les consorts W… sollicitent la confirmation du jugement faisant valoir que :

* le 19 mai 2006, C… O… était libre de procéder à une nouvelle modification des avenants dans la mesure où aucune acceptation des clauses bénéficiaires n’était intervenue à cette date ; en effet, l’acceptation dont M. S… se prévaut est intervenue le 22 mai 2006, postérieurement aux avenants du 19 mai 2006 qui ont pris effet le jour même,

* le fait pour l’assureur d’avoir confirmé le 20 juin 2006 la réception de l’acceptation du 22 mai 2006, n’a pas d’effet sur la date à laquelle les avenants du 19 mai 2006 ont été régularisés, leur date étant certaine ; l’acceptation postérieure des consorts P… S… ne pouvait concerner que la dernière clause bénéficiaire applicable à cette date, et non celle du 11 mai 2006 qui avait été révoquée,

* ils se fondent sur le rapport de l’expert qui conclut que les avenants du 19 mai 2006 portent la signature et l’écriture émanant d’C… O… tandis que ceux du 11 mai 2006 présentent des différences entre eux (calligraphie de la lettre B), les mentions « lu et approuvé » y figurant n’étant manifestement pas écrites de la main du souscripteur,

* l’absence de références de la carte d’identité d’C… O… ne remet pas en cause l’authenticité des avenants du 19 mai 2006, recueillis par un responsable de la Caisse d’Epargne, M. Y… N… ; ils ont un caractère certain et M. S… ne rapporte pas la preuve de leur défaut d’authenticité, alors que la charge de cette preuve lui incombe.

SUR CE,

Vu l’article L 132-8 du code des assurances, dans sa version applicable aux faits de l’espèce, antérieure à la loi no 2007-1775 du 17 décembre 2007 qui dispose :

« En l’absence de désignation d’un bénéficiaire dans la police ou à défaut d’acceptation par le bénéficiaire, le contractant a le droit de désigner un bénéficiaire ou de substituer un bénéficiaire à un autre. Cette désignation ou cette substitution ne peut être opérée, à peine de nullité, qu’avec l’accord de l’assuré, lorsque celui-ci n’est pas le contractant. Cette désignation ou cette substitution peut être réalisée soit par voie d’avenant au contrat, soit en remplissant les formalités édictées par l’article 1690 du code civil, soit par voie testamentaire ».

Vu l’article L.132-9 du même code dans sa version applicable aux faits de l’espèce, antérieure à la loi no 2007-1775 du 17 décembre 2007, qui précise que « La stipulation en vertu de laquelle le bénéfice est attribué à un bénéficiaire déterminé devient irrévocable par l’acceptation expresse ou tacite du bénéficiaire ».

Ainsi la rédaction de la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie est un acte unilatéral auquel l’assureur n’est pas partie.

En l’espèce, les clauses bénéficiaires ont été modifiées à huit jours d’intervalle, par voie d’avenants aux contrats en date du 11 mai puis du 19 mai 2006.

Il résulte des débats que l’acceptation de la clause bénéficiaire contenue dans l’avenant du 11 mai 2006 par M. K… S… et Mme E… P… est intervenue le 22 mai 2006, postérieurement à la modification de la clause bénéficiaire effectuée par C… O… par nouvel avenant du 19 mai 2006.

Il est indiqué sur l’avenant, dont la date est certaine dès lors qu’il a été recueilli par un responsable de la Caisse d’Epargne, M. Y… N…, peu important l’absence de mention de la carte d’identité d’C… O…, que la modification prend effet à compter du 19 mai 2006.

A la date du 19 mai 2006, C… O… était bien libre de modifier la rédaction de la clause bénéficiaire de ses contrats d’assurance vie par avenant, en application des dispositions de l’article L 132-9 du code des assurances, aucune acceptation n’étant jusqu’à cette date intervenue.

Le fait que la Caisse d’Epargne, tenu à un devoir de confidentialité à l’égard des tiers aux contrats d’assurances, et qui au surplus n’est pas l’assureur, a accusé réception le 20 juin 2006 des courriers d’acceptation du 22 mai 2006, sans d’ailleurs viser une clause bénéficiaire spécifique, n’est pas de nature à remettre en cause la validité de l’avenant du 19 mai 2006, acte unilatéral émanant de M. O…. Il ne résulte par ailleurs pas des éléments produits aux débats que ces avenants auraient été antidatés.

L’expert judiciaire a effectué un travail sérieux, complet et détaillé et a répondu précisément tant à sa mission qu’aux observations des parties. Il a relevé, d’une part, que l’examen intrinsèque des écrits et signatures portées sur les avenants du 11 mai 2006 a permis de mettre en évidence des discordances entre l’écriture des mentions manuscrites et celle des signatures, les mentions manuscrites « Lu et approuvé » n’émanant pas du même auteur, les écartant comme documents de comparaison, et d’autre part, a procédé à différentes confrontations des mentions et signatures des avenants du 19 mai 2006 avec les écrits de comparaison communiqués par les parties (contrat initiative Transmission du 27 juin 2001 ; courrier rédigé de la main d’C… O… le 11 décembre 2006 ; testament d’C… O… daté du 13 juin 1990) qui ont révélé des points d’accord de sorte qu’il a mis en évidence des « points de similitude significatifs », les différences légères s’expliquant par « le côté malaisé, inégal du geste et la main âgée ». Il a conclu avec certitude que les avenants contestés portent bien la signature et l’écriture d’C… O….

De son côté, l’analyse graphologique du 6 juin 2014, produite aux débats par les appelants, indique que « les conclusions souffrent de ne pouvoir être confrontées avec des documents originaux » et ne présente pas un caractère de fiabilité suffisant permettant de remettre en cause les conclusions de l’expertise judiciaire.

Ainsi, aucun élément probant ne permettant de remettre en cause la validité et l’authenticité des avenants du 19 mai 2006, les appelants seront déboutés de toutes leurs demandes, tant au titre du paiement des capitaux décès conformément aux termes de l’avenant du 11 mai 2006 que de leurs demandes de dommages-intérêts.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts des consorts W… dirigée à l’encontre de M S…

Les consorts W… sollicitent l’infirmation du jugement sur ce point et la condamnation de M. S… à leur payer chacun la somme de 2 500 euros pour procédure abusive.

M. S… s’y oppose et sollicite la confirmation du jugement.

Il n’est justifié d’aucune faute de M. S… dans l’exercice de son action, celui-ci ayant pu légitimement se méprendre sur l’étendue exacte de ses droits. Les consorts W… seront en conséquence déboutés de cette demande et le jugement sera confirmé.

Sur la demande de dommages et intérêts des consorts W… dirigée à l’encontre de la société CNP Assurances

Les consorts W… sollicitent l’infirmation du jugement et la condamnation de la CNP Assurances au paiement à chacun d’une somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts faisant valoir qu’elle a manqué à son obligation d’information en ne les ayant pas informés avec diligence des motifs du retard pris dans le règlement des capitaux décès des assurances vie d’C… O… et de l’existence d’une procédure judiciaire en cours, alors qu’ils se sont libérés de leurs obligations fiscales et sont dans l’attente du versements des fonds depuis maintenant dix ans.

La CNP Assurances s’y oppose et sollicite la confirmation du jugement.

Les consorts W… ne démontrant aucune faute commise par la CNP Assurances dans le cadre de la gestion du dossier, le retard pris dans le paiement des contrats d’assurance vie résultant exclusivement de la procédure engagée entre les bénéficiaires et pendante depuis plusieurs années, ils seront déboutés de cette demande et le jugement sera confirmé.

Sur les autres demandes

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné M. S… à payer aux consorts W… une indemnité de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.

En cause d’appel, M. S… sera condamné à payer à M. C… W… une indemnité de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il ne sera en revanche pas fait droit aux demandes de la CNP Assurances sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

y ajoutant :

CONDAMNE M. K… S… à payer à M. C… W… une indemnité de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE la CNP Assurances de sa demande au titre des frais irrépétibles,

CONDAMNE M. K… S… aux entiers dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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Cour d'appel de Paris, 3 novembre 2020, 18/086087