Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 6, 19 novembre 2021, n° 21/08241

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 4 - ch. 6, 19 nov. 2021, n° 21/08241
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 21/08241
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 6

ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2021

(n° /2021, 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/08241 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDSNE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Février 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MEAUX – RG n° 20/02843

APPELANTE

S.C.I. SCCV 23 AVENUE DU GENERAL DE GAULLE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Assistée de Me Xavier BRUN, de la société BRUN CESSAC Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : E1452

Représentée par Me Thierry SERRA de la SELARL SERRA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E0280

INTIMEE

S.A.S. SOCIÉTÉ D’ARMATURES SPÉCIALES

[…]

[…]

Assistée et représentée par Me Jacques MAZALTOV, avocat au barreau de PARIS, toque : E1021

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Septembre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Valérie GUILLAUDIER, Conseillère faisant fonction de Président et Mme Valérie GEORGET, Conseillère, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Valérie GUILLAUDIER, Conseillère faisant fonction de Président

Valérie GEORGET, Conseillère

Marie-Ange SENTUCQ, Présidente de chambre

Greffière lors des débats : Mme Suzanne HAKOUN

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Valérie GUILLAUDIER, Conseillère faisant fonction de Président et par Suzanne HAKOUN, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Faits et procédure

La société civile de construction-vente 23 général de Gaulle (la SCCV 23 général de Gaulle) a entrepris la construction d’un immeuble à usage de logements collectifs.

Les lots 'installation de chantier’ et 'gros-oeuvre’ ont été confiés à la société MJ Staff.

Par contrat du 14 novembre 2018, la société MJ Staff a sous-traité à la société d’Armatures spéciales la fourniture des armatures coupées et/ou façonnées et assemblées.

Par jugement du 23 janvier 2020, le tribunal de commerce de Paris a placé la société MJ Staff en liquidation judiciaire.

Par acte du 30 juillet 2020, la société d’Armatures spéciales a assigné la SCCV 23 général de Gaulle devant le tribunal judiciaire de Meaux aux fins de la voir condamner au paiement de la somme de 12 175 euros avec intérêts portés à 11 % par application de l’article L. 441-6 du code de commerce à compter de la mise en demeure du 9 août 2019.

La SCCV 23 général de Gaulle n’a pas constitué avocat devant le tribunal.

Par jugement réputé contradictoire du 16 février 2021, le tribunal judiciaire de Meaux a :

— condamné la SCCV 23 général de Gaulle à payer à la société d’Armatures spéciales la somme de 12 175 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision ;

— condamné la SCCV 23 général de Gaulle à payer à la société d’Armatures spéciales la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné la SCCV 23 général de Gaulle aux dépens.

Le 28 avril 2021, la SCCV 23 général de Gaulle a interjeté appel de ce jugement.

Le 12 mai 2021, le président de la chambre a notifié par RPVA un avis de fixation à bref délai et un calendrier pour la clôture et la plaidoirie.

L’acte d’appel et l’avis de fixation ont été signifiés à la société d’Armatures spéciales par acte du 19 mai 2021.

Par conclusions déposées par RPVA le 27 mai 2021, la société d’Armatures spéciales demande à la cour de :

— confirmer le jugement ;

— condamner la SCCV 23 général de Gaulle à lui payer la somme de 12 175 euros correspondant aux sommes lui restant dues avec intérêts portés à 11 % conformément à l’article L. 441-6 du code de commerce à compter de la mise en demeure du 9 août 2019 ;

— condamner la SCCV 23 général de Gaulle au paiement d’une somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner la SCCV 23 général de Gaulle aux dépens de première instance et d’appel ;

Par conclusions déposées par RPVA le 11 juin 2021, la SCCV 23 général de Gaulle demande à la cour d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

— débouter la société d’Armatures spéciales de toutes ses demandes de condamnations provisionnelles à l’encontre de la SCCV 23 général de Gaulle ;

— la condamner à régler à la SCCV 23 général de Gaulle :

• la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et matériel du fait de l’introduction de sa procédure manifestement injustifiée et abusive ;

• la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— la condamner en tous les dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais de mainlevée de la procédure de saisie exécution qu’elle a diligentée.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 1er juillet 2021.

Motifs

Sur l’incident aux fins de révocation de l’ordonnance de clôture

Par conclusions déposées par RPVA le 8 juillet 2021, la société d’Armatures spéciales a sollicité la révocation de l’ordonnance de clôture du 1er juillet 2021 et la réouverture des débats.

Elle fait valoir que l’appelante a conclu pour la première fois le 11 juin 2021 et communiqué ses pièces le 17 juin 2021 alors que l’ordonnance de clôture a été prononcée le 1er juillet 2021 pour une audience de plaidoirie fixée au 16 septembre 2021.

Par conclusions déposées par RPVA le 8 septembre 2021, la société 23 général de Gaulle s’oppose à la révocation de l’ordonnance de clôture, la société d’Armatures spéciales ne faisant état d’aucune cause grave ou circonstance exceptionnelle qui justifierait sa demande.


Aux termes de l’article 803 du code de procédure civile, l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue.

La société d’Armatures spéciales, avisée du calendrier de procédure par acte du 19 mai 2021 puis par

notification par RPVA le 27 mai 2021 et du dépôt des conclusions de l’appelante le 11 juin 2021, qui n’a pas sollicité le report de la date de l’ordonnance de clôture, n’allègue d’aucune cause grave qui se serait révélée après cette ordonnance.

La demande de révocation de l’ordonnance de clôture sera donc rejetée.

En conséquence, la cour statuera au vu des conclusions et pièces notifiées avant l’ordonnance de clôture.

Sur le fond des demandes

Sur la demande de dommages-intérêts formée par la société d’Armatures spéciales

Le tribunal a retenu qu’ayant eu connaissance, par lettre recommandée du 9 août 2019, de la présence sur le chantier de la société d’Armatures spéciales – sous-traitante – qui n’avait pas été acceptée et agréée, le maître de l’ouvrage – la société 23 général de Gaulle – devait, en application de l’article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, mettre l’entrepreneur principal en demeure de s’acquitter de ses obligations.

La société 23 général de Gaulle soutient, à l’appui de son appel, qu’elle n’a pas commis de faute dès lors qu’il n’est pas démontré qu’elle n’a pas répondu à la lettre adressée par la société d’Armatures spéciales le 9 août 2019.

Elle ajoute, qu’en tout état de cause, une réponse à cette lettre n’aurait pas permis à la société d’Armatures spéciales d’obtenir paiement de sa créance dès lors que, postérieurement au 9 mai 2019, l’entreprise principale, la société MJ Staff, n’a perçu aucune somme au titre de l’exécution de son marché. Elle expose que la société MJ Staff ayant progressivement abandonné le chantier, elle a passé commande à une autre entreprise pour achever les travaux.

La société d’Armatures spéciales réplique, se fondant sur les dispositions de l’article 14-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 et de l’article 1240 du code civil, que la société 23 général de Gaulle, qui n’a mis en demeure la société MJ Staff ni de la déclarer en qualité de sous-traitante ni de déléguer le maître de l’ouvrage ou de remettre une caution, lui a causé un préjudice puisque la société MJ Staff ne l’a pas payée et est désormais en liquidation judiciaire.


La loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, dans un objectif de protection des sous-traitants, édicte plusieurs obligations à la charge du maître de l’ouvrage et de l’entrepreneur principal.

L’article 3 impose à l’entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, de faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l’ouvrage.

Par application de l’article 14, à peine de nullité du sous-traité, les paiements de toutes les sommes dues par l’entrepreneur au sous-traitant, en application de ce sous-traité, sont garantis par une caution personnelle et solidaire obtenue par l’entrepreneur d’un établissement qualifié, agréé dans des conditions fixées par décret. Cependant, la caution n’aura pas lieu d’être fournie si l’entrepreneur délègue le maître de l’ouvrage au sous-traitant dans les termes de l’article 1338 du code civil, à concurrence du montant des prestations exécutées par le sous-traitant.

L’article 14-1 ajoute pour les contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics que :

— le maître de l’ouvrage doit, s’il a connaissance de la présence sur le chantier d’un sous-traitant n’ayant pas fait l’objet des obligations définies à l’article 3 ou à l’article 6, ainsi que celles définies à l’article 5, mettre l’entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s’acquitter de ces obligations. Ces dispositions s’appliquent aux marchés publics et privés ;

— si le sous-traitant accepté, et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l’ouvrage dans les conditions définies par décret en Conseil d’Etat, ne bénéficie pas de la délégation de paiement, le maître de l’ouvrage doit exiger de l’entrepreneur principal qu’il justifie avoir fourni la caution.

Ces dispositions sont d’ordre public.

Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l’espèce, la société d’Armatures spéciales établit avoir adressé le 9 août 2019 une lettre recommandée avec accusé de réception (pièce 3), au maître de l’ouvrage, la SCCV 23 général de Gaulle, aux termes de laquelle elle indiquait intervenir sur le chantier en qualité de sous-traitante de la société MJ Staff et être débitrice de la somme de 12 176, 01 euros. Elle demandait, notamment, à la SCCV 23 général de Gaulle de :

• mettre en demeure la société MJ Staff de déclarer son intervention en qualité de sous-traitant ;

• retenir la somme de 12 176, 01 euros de ses paiements à la société MJ Staff,

• mettre en demeure la société MJ Staff de lui remettre une caution bancaire ou de la déléguer à son profit.

La SCCV 23 général de Gaulle a eu connaissance de la présence de la société Armatures spéciales le 13 août 2019, date de réception de la lettre recommandée précitée (pièce 3 de la société Armatures spéciales).

Il ressort des pièces versées aux débats que le maître de l’ouvrage a négligé, d’une part, de répondre à ce courrier, d’autre part, conformément à ses obligations légales, de mettre en demeure la société MJ Staff de présenter la société d’Armatures spéciales à son acceptation et à son agrément.

Le tribunal a donc retenu à bon droit qu’était démontrée la faute commise par le maître de l’ouvrage, qui s’est abstenu de mettre en demeure la société MJ Staff de respecter les obligations définies à l’article 3 de la loi du 31 décembre 1975.

La SCCV 23 général de Gaulle conteste l’existence d’un lien de causalité entre cette faute et le préjudice allégué par la société Armatures spéciales.

Si les pièces produites par la SCCV 23 général de Gaulle, mettent en exergue que la société MJ Staff a progressivement cessé de travailler sur le chantier à compter du mois de septembre 2019, elles ne démontrent pas que le maître de l’ouvrage était délivré de toute obligation de paiement envers l’entreprise principale lorsqu’elle a été informée de la présence de la société d’Armatures spéciales.

La SCCV 23 général de Gaulle, qui soutient que la société MJ Staff n’a perçu aucun règlement de sa part après le 9 mai 2019, produit uniquement les situations adressées par cette société de novembre 2018 à avril 2019.

La cour observe que la SCCV 23 général de Gaulle n’aurait réglé à l’entreprise principale que la somme de 410 860, 93 euros TTC alors que le montant du marché conclu s’élevait à 480 000 euros TTC, soit un solde de 69 139, 07 euros.

Les seuls devis, établis entre le 9 septembre 2019 et le 9 décembre 2019 (pièces 4, 5, 6 et 7 – SCCV 23 général de Gaulle), par la société Arco ne sont pas suffisants pour prouver que le maître de l’ouvrage a ,d’une part, effectivement payé cette société pour réaliser ces travaux, d’autre part, que la société Arco a achevé les travaux commandés à la société MJ Staff. Ces devis sont, en outre, postérieurs à la lettre envoyée par la société d’Armatures spéciales pour signaler sa présence sur le chantier au maître de l’ouvrage.

Par ailleurs, la société MJ Staff a été placée en liquidation judiciaire plus de cinq mois après que le sous-traitant a informé le maître de l’ouvrage de sa présence.

En conclusion, il n’est pas établi qu’à la date de réception de la lettre du 9 août 2019 adressée par la société Armatures spéciales, la demande de paiement du solde restant dû au sous-traitant était vouée à l’échec tant au regard de l’action directe que de la possibilité, dans l’hypothèse d’une acceptation et d’un agrément, d’avoir recours à une des garanties de paiement prévues par l’article 14 de la loi du 31 décembre 1975.

Le lien de causalité entre la faute commise par la SCCV 23 général de Gaulle et le préjudice subi par la société d’Armatures spéciales, qui n’a pas été réglée de sa facture, est en conséquence démontré.

Le jugement qui a condamné la SCCV 23 général de Gaulle à payer à la société d’Armatures spéciales la somme de 12 175, 00 euros avec intérêts au taux légal à compter de sa signification sera donc confirmé.

Se fondant sur les dispositions de l’article L. 441-6 du code de procédure civile, la société d’Armatures spéciales, demande d’appliquer à cette condamnation les intérêts au taux de 11 % à compter de la mise en demeure du 9 août 2019.

Le tribunal a retenu à bon droit que les pénalités de retard prévues par ce texte, dans sa version alors applicable, ne pouvaient pas être appliquées au maître d’ouvrage débiteur de la réparation d’un préjudice.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par la SCCV 23, général de Gaulle

La demande en paiement de dommages et intérêts formée par la société d’Armatures spéciales étant accueillie, sera rejetée celle formée par la SCCV 23, général de Gaulle pour préjudice moral et matériel.

Sur les autres demandes

Les chefs du jugement relatifs aux dépens et à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile seront confirmés.

La société SCCV 23 général de Gaulle, qui succombe, sera condamnée aux dépens d’appel.

L’équité commande de faire droit à la demande de l’intimée présentée en appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; l’appelante sera condamnée à lui verser à ce titre la somme de 2 500 euros.

La demande de la SCCV 23 général de Gaulle, fondée sur l’article 700 du code de procédure civile, sera rejetée.

Par ces motifs

Rejette la demande de la société d’Armatures spéciales tendant à la révocation de l’ordonnance de clôture et à la réouverture des débats ;

Confirme le jugement ;

Y ajoutant,

Rejette la demande en paiement de dommages et intérêts formée par la SCCV 23, général de Gaulle ;

Condamne la SCCV 23 général de Gaulle aux dépens ;

Condamne la SCCV 23 général de Gaulle à payer à la société d’Armatures spéciales la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de la SCCV 23 général de Gaulle sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La Greffière La Conseillère faisant fonction de Président

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