Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 10 novembre 2021, n° 21/02118

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Chronologie de l’affaire

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www.lemondedudroit.fr · 22 septembre 2023
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 - ch. 3, 10 nov. 2021, n° 21/02118
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 21/02118
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 14 janvier 2021, N° 2020029677
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 3

ARRET DU 10 NOVEMBRE 2021

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/02118 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDBJL

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 Janvier 2021 -Président du TC de PARIS – RG n° 2020029677

APPELANT

M. C X

[…]

TX 78717 AUSTIN (ETATS-UNIS)

Représenté par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

INTIMEE

S.A. NATIXIS prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[…]

[…]

R e p r é s e n t é e p a r M e M a t t h i e u B O C C O N G I B O D d e l a S E L A R L L E X A V O U E PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée par Me Dimitri LECAT, avocat au Barreau de PARIS, toque : J007

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 13 Septembre 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Patrick BIROLLEAU, Premier Président de chambre

Mme Carole CHEGARAY, Conseillère

Mme E F, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme E F dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : M. Olivier POIX

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Patrick BIROLLEAU, Premier Président de chambre et par Olivier POIX, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*******

Le 7 août 2020, M. X a saisi le président du tribunal de commerce de Paris d’un référé probatoire sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile afin de voir enjoindre à la société Natixis de lui communiquer divers documents relatifs d’une part à une décision de l’Autorité de la concurrence du 18 décembre 2019 et d’autre part à une décision de l’Autorité des marchés financiers, confirmée par arrêt du Conseil d’Etat du 6 novembre 2019, prétendant au soutien de ses demandes que ces décisions laissent présumer des fautes des dirigeants lui permettant d’initier une action ut singuli et des actions en responsabilité civile à l’encontre de la société Natixis et de ses dirigeants.

Par ordonnance de référé du 15 janvier 2021, le tribunal de commerce de Paris a :

— débouté M. X de toutes ses demandes au motif qu’il ne justifiait pas de sa qualité d’actionnaire et qu’en conséquence les actions envisagées seraient déclarées irrecevables,

— condamné M. X à payer à la société Natixis la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par déclaration du 29 janvier 2021, M. X a interjeté appel de l’ensemble des chefs expressément énoncés de cette ordonnance.

Par conclusions du 22 juin 2021,M. X demande à la cour de :

vu l’article 145 du code de procédure civile

— infirmer l’ordonnance attaquée en toutes ses dispositions,

— juger recevable la demande de référé in futurum de M. C X,

d’une part (décision de l’Autorité de la concurrence)

— enjoindre à la SA Natixis dans les huit jours suivant la signification de la décision de justice à intervenir et le cas échéant sous astreinte de 50.000 euros par jour de retard une fois ce délai expiré, de fournir à l’huissier qui aura signifié cette décision :

1) tous les emails et courriers envoyés ou reçus par M. G A, M. H Y ou M. Pierre Z du 13 mai 2009 au 29 février 2020 contenant l’un des mots suivants : ' Autorité de la concurrence ', ' ADLC ' ' titre restaurant ' titre-restaurants ' ' titres -restaurants ' ' cartel ' ' entente ' ' échange d’informations ' ' edenred ' ' sodexo ' ' CRT ' ' Octoplus ' ou ' restoflash ' ' 15/0092F ' ou ' n°16/0097 ",

2) les rapports des inspections générales de Natixis et de BPCE portant sur les pratiques anticoncurrentielles de Natixis dans le secteur des titres restaurant,

3) la notification des griefs et le rapport des rapporteurs de l’Autorité de la concurrence dans le cadre de la procédure ayant donné lieu à sa décision n°19 -D -25 en ayant rendu illisibles les éléments relatifs aux autres parties et aux tiers auxquels Natixis n’a eu accès que dans le cadre de la procédure de l’Autorité,

4) tous les échanges avec les commissaires aux comptes relatifs au choix de ne passer aucune provision relative à l’amende à venir ou déjà imposée,

d’autre part (décision de l’AMF et du Conseil d’Etat)

— enjoindre à la SA Natixis dans les huit jours suivant la signification de la décision de justice à intervenir et, le cas échéant, sous astreinte de 50.000 euros par jour de retard une fois ce délai expiré, de fournir à l’huissier qui aura signifié cette décision :

1) tous les emails et courriers envoyés ou reçus par M. G A ou M. H Y (y compris en copie ) de 2009 à 202O inclus contenant l’expression : ' fonds à formule '

2) tous les emails ou courriers envoyés ou reçus par M. MIgon ou M. H Y (y compris en copie ) de 2009 à 2020 inclus contenant l’un des mots clés suivants: ' capital Locker ', ' FCP EAE 90', ' Edition limitée ', ' Eurogram', ' Pétillance', ' Capital euro ' ,' Capital sérenité ', ' FCP Version capital ', ' Playlist ', ' FCP EAE 100 ' , ' Fructi ', ' Kanji ', ' Scintillance ', ' Izies ' ' Fructizen ', ' Kozei ',' Objectif Eurosstep ', ' Seruciel ' et ' Objectif Bric ' ,

3) les rapports des inspections générales de Natixis et de BPCE portant sur le respect du code monétaire et financier par la société NAM en matière de fonds à formule,

4) la notification des griefs et le rapport des rapporteurs de l’Autorité des marchés financiers dans la procédure ayant donné lieu à sa décision Natixis Asset Management du 25 juillet 2017, en ayant rendu illisibles les éléments relatifs aux autres parties et aux tiers auxquels Natixis n’a eu accès que dans le cadre de la procédure de l’Autorité,

5) tous les échanges avec les commissaires aux comptes relatifs au choix (i) de ne pas classer la perte correspondant à l’amende infligée par l’Autorité des marchés financiers comme exceptionnelle au sens de la communication financière ou (ii) de ne passer aucune provision avant l’annonce de l’amende,

— débouter la société Natixis de l’intégralité de ses demandes, moyens, fins et prétentions,

— condamner la société Natixis à lui verser la somme de 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens de première instance et d’appel.

A titre liminaire, M. X déclare établir sa qualité d’actionnaire de la société Natixis puisqu’il détient des actions Natixis au porteur et des actions au nominatif et considère en conséquence et qu’il ne peut pas y avoir de débat sur ce point.

Il fait valoir que le litige prud’homal existant entre lui et son ancien employeur est totalement extérieur à son action présente qui a pour objet de pouvoir engager ultérieurement une action ut singuli pour sanctionner les manquements des dirigeants de la société Natixis.

Il déclare qu’en application de l’article 145 du code de procédure civile, il doit simplement démontrer que son action n’est pas manifestement vouée à l’échec et soutient que tel est le cas puisque par décision du 18 décembre 2019, l’Autorité de la concurrence a condamné solidairement la société Natixis et la société Natixis Intertitres à deux amendes pour cartel, que cette condamnation laisse supposer que des fautes de gestion des dirigeants ont été commises, ce qui établit que l’action de

l’actionnaire n’est pas manifestement vouée à l’échec.

Il soutient que les dirigeants se sont rendus coupables de délits d’initiés, qu’il est certain qu’il y a eu des présentations de comptes infidèles, des délits de faux, des abus de biens sociaux et des escroqueries pour obtenir des bonus indus.

Il se prévaut également de la condamnation prononcée par l’Autorité des marchés financiers, confirmée par le Conseil d’Etat à l’encontre de la société Natixis Asset Management le 26 juillet 2017 pour 4 manquements concernant les commissions de rachat (information inexacte et trompeuse donnée par les prospectus des fonds, violation de l’obligation d’agir dans le seul intérêt des porteurs de parts et imposition à ces derniers de charges indues, dépassement du taux maximum de frais de gestion et délivrance d’une information ne présentant pas un caractère exact, clair et non trompeur ) et conclut que cette condamnation révèle l’existence de délits et manquements commis par les dirigeants de Natixis.

Il soutient que la société Natixis ne peut lui opposer le secret des affaires pour s’opposer à la communication des documents demandés car le secret des affaires et le secret professionnel ne constituent pas un obstacle à l’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, que le secret des affaires suppose que les informations aient une valeur économique, ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisque les documents demandés se rapportent sur des faits anciens, de sorte que les informations économiques qui y sont contenues n’ont plus de valeur.

M. X considère que cette communication doit être assortie d’une astreinte élevée pour contraindre la société Natixis à exécuter la décision.

Par conclusions du 21 juillet 2021, la société Natixis SA demande à la cour de :

Vu les articles 145 et 134 du code de procédure civile, L 465-1 et L622-12-1 du code monétaire et financier, L 462-6, L463-6, L 225-37-2 et L 225-254 du code de commerce, 7 du règlement(UE) n°596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014, 322-1,322-2 et 322-8 du Plan comptable général,

Vu les normes IAS et 37,

— dire et juger que la demande de référé probatoire de M. X est dénuée de motif légitime en ce qu’elle ne constitue qu’un moyen de pression sur Natixis,

— dire et juger que la demande de référé probatoire de M. X est dénuée de motif légitime faute pour M. X d’apporter la preuve d’un conflit en germe plausible,

— dire et juger que la demande de référé probatoire de M. X est inutile pour administrer la preuve des faits qu’il allègue,

— dire et juger que la demande de référé probatoire de M. X est disproportionnée, insuffisamment déterminée et excède manifestement le cadre du litige envisagé,

— dire et juger que la demande d’astreinte est injustifiée,

— dire et juger que M. X est infondé en l’ensemble de ses demandes,

en conséquence

— confirmer l’ordonnance en toutes ses dispositions,

— rejeter les demandes de mesures probatoires de M. X,

— rejeter la demande d’astreinte,

y ajoutant,

— condamner M. X à payer à la société Natixis 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner M. X aux entiers dépens.

La société Natixis rappelle que le 6 novembre 2019, le Conseil d’Etat a rendu un arrêt ramenant de 35 millions à 20 millions d’euros la sanction prononcée le 25 juillet 2017 par la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers à l’encontre de la société Natixis Asset Management, une de ses filiales à la suite d’un contrôle portant sur le respect par celle-ci de ses obligations professionnelles à l’égard de la gestion de ses fonds à Formule et que le 18 décembre 2019, l’Autorité de la concurrence a sanctionné quatre émetteurs du secteur des titres de restaurant parmi lesquels la société Natixis Intertitres (NIT) une autre de ses filiales, sanction dont elle a, ainsi que la société NIT, interjeté appel, instance étant encore en cours.

La société Natixis déclare que la preuve de la qualité d’actionnaire de M. X en cause d’appel ne suffit pas à justifier pour autant sa demande de production forcée, laquelle demeure dénuée de motif légitime et porte sur des documents inutiles à la solution des litiges que celui-ci prétend qu’il pourrait intenter contre elle et ses dirigeants, que cette demande est de surcroît manifestement disproportionnée et vise à obtenir la communication de documents dont la confidentialité est juridiquement protégée.

Elle soutient que la présente procédure s’inscrit dans un contexte extrêmement conflictuel dans lequel M. X cherche à obtenir de son ancien employeur, une indemnité de départ d’un montant significatif puisque celui-ci a initié une procédure prud’homale à l’occasion de laquelle il réclame notamment 10 millions de dommages-intérêts, deux procédures de référé probatoire devant le conseil des prud’hommes de Paris et devant la présente juridiction et a déposé une plainte auprès du procureur de la République de Paris. Elle affirme que M. X détourne la procédure prévue par l’article 145 du code de procédure civile de son objet initial afin de servir ses intérêts pécuniaires personnels.

La société Natixis rappelle que la caractérisation du motif légitime exigé par l’article 145 du code de procédure civile suppose que soit établie l’existence d’éléments rendant plausible le bien fondé de l’action en justice et que la mesure sollicitée ait une utilité et fait valoir qu’en l’espèce l’action est dépourvue de toute légitimité puisque les demandes de M. X ne constituent qu’un moyen de pression à son encontre afin d’obtenir le versement d’une somme d’argent considérable de son ancien employeur et déclare que M. X ne peut pas valablement soutenir que l’article 145 du code de procédure civile est particulièrement utile pour permettre aux actionnaires de s’informer sur les fautes des dirigeants sociaux, le référé probatoire n’étant pas une mesure visant à s’informer mais une mesure d’instruction permettant de se ménager des preuves en présence de soupçons fondés. Elle soutient pareillement que M. X ne peut pas utilement soutenir que son seul but est de faire condamner les dirigeants de la société Natixis puisqu’il déclare envisager d’agir contre les dirigeants sociaux et/ou la société Natixis.

Elle avance que les actions au fond envisagées par M. X ne revêtent aucun caractère plausible puisque le retrait obligatoire suivant l’offre publique d’achat des titres initiée par la société BPCE aura obligatoirement pour effet de priver M. X de sa qualité d’actionnaire et donc de rendre irrecevables les éventuelles actions qu’il envisage d’initier en sa qualité d’actionnaire.

Pour elle, l’action envisagée par M. X pour fautes de gestion des dirigeants de la société Natixis est vouée à l’échec puisque les différents éléments évoqués et produits au débat par M. X pour tenter d’étayer sa thèse sont tous dénués de pertinence en ce qui concerne les dirigeants de la société Natixis, les faits allégués ne pouvant être imputés quant aux dirigeants des sociétés des filiales de Natixis, la condamnation solidaire de Natixis au paiement de la sanction à la charge de la filiale NIT ne pouvant emporter la moindre conséquence quant à l’engagement de la responsabilité civile des dirigeants de la société Natixis.

Par ailleurs, la société Natixis relève que M. X ne peut se prévaloir d’un article de presse daté du 28 avril 2015 qui aurait révélé des fautes de gestion prétendument commises par M. G A pour justifier son action pour faute de gestion puisque cette action est soumise à une prescription triennale et se trouve donc aujourd’hui prescrite.

S’agissant des prétendus délits d’initié et de complicité de délit d’initié pour cession d’actions en mai 2017 et 2018 par MM Y et Z, la société Natixis soutient qu’une action fondée sur ce motif n’a aucun caractère plausible puisqu’en application de l’article L 465-1 du code monétaire et financier, la caractérisation du délit d’initié suppose démontrée l’existence d’une information privilégiée, or le risque d’une condamnation de Natixis par l’ADLC ou l’AMF ne constituait pas une telle information privilégiée, l’information relative à l’existence d’une enquête de l’ADLC et d’un risque de condamnation de NIT était publique au moins à compter du 11 décembre 2015 et le risque de condamnation par la commission des sanctions de l’AMF a été rendu public dès le 21 mars 2017 par elle-même dans son rapport Pilier III.

Pour l’action envisagée par M. X au titre de délits de diffusion d’informations fausses ou trompeuses, de présentation de comptes infidèles et de faux, au motif que Natixis et ses dirigeants n’ont inscrit aucune provision au titre de l’amende de l’ADLC et de dommages intérêts à verser aux victimes ainsi qu’au titre de l’amende infligée à NAM par l’AMF, la société Natixis affirme qu’elle n’est pas plausible puisque les conditions posées par les principes comptables français applicables aux comptes sociaux et par les normes IAS IFRS applicables aux comptes consolidés des sociétés cotées, n’étaient pas réunies pour inscrire une provision et qu’elle a bien inscrit dans ses comptes consolidés une provision de 10 millions d’euros en 2016, portée à 35 millions d’euros au second trimestre 2017.

La société Natixis observe par ailleurs que M. X soutient à tort que ses comptes seraient infidèles faute de présenter l’amende infligée par l’AMF comme une perte exceptionnelle en faisant référence à la présentation des résultats de Natixis du troisième trimestre 2017, laquelle n’est pas pertinente puisque la provision avait été comptabilisée au second trimestre et avait donc été mentionnée dans le rapport financier de Natixis sur le premier semestre 2017.

Pour les infractions d’abus de biens sociaux et d’escroquerie alléguées par M. X pour justifier son éventuelle action ut singuli, la société Natixis conclut que M. X I à démontrer le caractère vraisemblable des faits qu’il invoque car le contrôle rigoureux exercé par les actionnaires sur l’octroi des rémunérations des dirigeants interdit toute allégation visant un quelconque abus de biens sociaux ou d’escroquerie.

La société Natixis en conclut que M. X n’étaye pas la vraisemblance ou la probabilité des faits sur lesquels il fonde ses demandes, que ses actions n’ayant aucun caractère plausible, il convient de rejeter les demandes formulées au visa des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile.

Elle poursuit en affirmant que M. X ne démontre pas, comme il doit le faire, le caractère utile et indispensable de la mesure demandée.

MOTIFS

L’article 145 du code de procédure civile dispose que's’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé'.

Le juge doit apprécier l’existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête, à la lumière des éléments de preuve produits à l’appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui.

L’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile suppose que soit constaté qu’il existe un procès en germe possible, non manifestement voué à l’échec au regard des moyens soulevés, sur la base d’un fondement juridique suffisamment déterminé, sans qu’il revienne au juge des référés de se prononcer sur le fond.

Néanmoins, pour que la mesure soit ordonnée, il appartient au requérant de fournir des éléments permettant de rendre crédibles les allégations ou accusations qu’il invoque, de simples affirmations ou supputations qu’aucun élément matériel et objectif ne viendrait rendre plausibles ne pouvant suffire.

Au soutien de sa requête visant à rechercher des éléments de preuve nécessaires à l’actionindividuelle et aux actions en responsabilité qu’il envisage d’engager, M. X qui justifie en cause d’appel de sa qualité d’actionnaire de la société Natixis, soutient que des dirigeants de la société Natixis ont commis des fautes de gestion ayant conduit aux amendes infligées par l’Autorité de la concurrence et l’Autorité des marchés financiers à la société Natixis et d’autres ayant consisté à percevoir des rémunérations de performance artificiellement gonflées par la commission de ces infractions, des abus de biens sociaux, des escroqueries, un délit d’initié. Il reproche également à la société Natixis et à ses dirigeants une présentation infidèle des comptes et ne pas avoir informé le marché des risques de sanctions consécutifs à l’enquête menée par l’Autorité de la concurrence

M. X soutient que l’article 145 du code de procédure civile lui est utile pour lui permettre en tant qu’actionnaire de s’informer sur les fautes des dirigeants sociaux indélicats ou malhonnêtes qui profitent de leurs fonctions au détriment des propriétaires de la société.

Toutefois il poursuit en indiquant que sa carrière dans le secteur de la finance a été brisée par MM A et B, anciens dirigeants de la société Natixis dont il était le salarié, que ' la seule façon pour lui de se venger de la destruction de sa carrière est de les faire condamner pour fautes de gestion et délits au détriment de la société (….) Qu’il souhaite se venger de ces deux individus et faire justice en les condamnant pour faute de gestion'.

La qualité d’actionnaire est nécessaire pour exercer l’action sociale ut singuli, cette qualité devant être conservée pendant toute la durée de l’instance. Or, la qualité d’actionnaire de la société Natixis de M. X n’est pas certaine dans le temps, la société Natixis affirmant sans être contredite en celà par M. X que la société BPCE a annoncé qu’elle procéderait au retrait obligatoire de toutes les actions Natixis le 21 juillet 2021, consécutivement à son acquisition par elle de 90% des titres de Natixis après son offre d’achat visant ces titres.

S’agissant de l’actionindividuelle envisagée par M. X pour fautes de gestion sur le fondement de la condamnation prononcée par l’Autorité de la concurrence, les faits visés et sanctionnés par celle-ci concernent la société Natixis Intertitres ( NIT ), filiale de la société Natixis dont M. X ne dit pas être l’actionnaire, et M. X ne précise pas le fondement juridique qui lui permettrait d’engager la responsabilité civile personnelle de la société Natixis du fait de sa condamnation au paiement de la sanction solidairement avec cette filiale pour une infraction au droit de la concurrence ni celle de ses dirigeants.

Si le communiqué de presse dont se prévaut M. X au soutien de son grief de fautes de gestion,

fait état de la saisine de l’Autorité de la concurrence par la société Octoplus pour des pratiques anticoncurrentielles dans le secteur des tickets restaurant, force est de relever qu’au point 246 de sa décision du 17 décembre 2019, l’Autorité de la concurrence souligne que les services d’instruction ont proposé le rejet des pratiques dénoncées par la société Octoplus pour défaut d’éléments suffisamment probants au sens du deuxième alinéa de l’article L 462-8 du code de commerce.

Au soutien du grief de délits d’initié et de complicité de délit d’initié, M. X invoque la cession par MM Y et Z de leurs actions Natixis en mai 2017 et 2018 et en novembre 2018 car selon lui, ils disposaient d’une information relative à un risque important dont le marché n’était pas averti, faisant référence à l’existence d’une enquête de l’Autorité de la concurrence. Le délit d’initié suppose une information privilégiée. Or, il ressort des pièces versées aux débats que l’information relative à l’enquête de l’Autorité de la concurrence était publique à compter du 11 décembre 2015 et que le risque de condamnation par l’Autorité des marchés financiers, de la société NIT à l’issue de cette enquête a été rendu public dès le 21 mars 2017 par la société Natixis dans son rapport sur les risques Pilier III de cette date.

S’agissant des délits de diffusion d’informations fausses ou trompeuses, de présentation de comptes infidèles et de faux au motif que les dirigeants sociaux de Natixis n’ont passé aucune provision au titre de la sanction (sanction de NAM )dans les comptes 2016 et n’ont même pas mentionné ce risque dans les documents de référence, il ressort du document de référence 2016 et du rapport financier semestriel de 2017 (page 135) que la société Natixis a inscrit dans ses comptes consolidés une provision de 10 millions d’euros en 2016 qui a été portée à 35 millions d’euros au second trimestre 2017, pour la sanction prononcée.

Pour le grief de comptes infidèles au motif qu’ils ne présentent pas l’amende infligée par l’Autorité des marchés financiers comme une perte exceptionnelle, M. X fait référence à la présentation des résultats de la société Natixis du troisième trimestre 2017. Or, cette provision apparaît comptabilisée au second trimestre et a été mentionnée dans le rapport financier de Natixis concernant le 1er semestre 2017. Par ailleurs, M. X ne justifie pas juridiquement l’obligation pour la société Natixis d’avoir à comptabiliser cette provision comme une perte exceptionnelle alors que le référentiel comptable IAS-IFRS applicable aux comptes consolidés des sociétés cotées comme l’est la société Natixis, ne contient pas cette notion.

Pour le défaut d’inscription d’une provision au titre de la sanction prononcée à l’encontre de la filiale NIT par l’Autorité de la concurrence, la société Natixis justifie avoir exercé un recours contre cette décision, recours en cours, ce dont ne disconvient pas M. X qui par ailleurs ne vise aucune disposition comptable spécifique qui obligerait la société Natixis à procéder à une telle provision alors même que le montant de son obligation est incertain compte tenu du recours exercé.

M. X affirme que son seul but est de faire condamner les dirigeants de la société Natixis. Pour autant il déclare envisager d’agir indistinctement ' contre les dirigeants sociaux et/ou la société Natixis pour ne pas avoir informé le marché des risques de sanction relatifs à l’enquête de l’Autorité de la concurrence et avoir ainsi facilité les délits d’initiés commis par des membres du comité de direction générale'.

Enfin, l’allégation d’abus de biens sociaux et d’escroquerie formulée par M. X à l’encontre des dirigeants de la société Natixis en raison du montant de leur rémunération n’est étayée par aucun élément, M. X se référant exclusivement aux informations relatives aux rémunérations des dirigeants figurant dans les documents de référence de la société Natixis de 2009 à 2019, étant relevé que celui-ci ne conteste pas l’affirmation de la société Natixis selon laquelle le versement de la part variable de la rémunération de ces dirigeants au titre de chaque exercice fait l’objet d’une approbation par l’assemblée générale des actionnaires.

Outre que l’existence de litiges au fond non manifestement voués à l’échec au regard des éléments

invoqués et des pièces versées aux débats n’est pas établie, la demande de communication de pièces de M. X qu’il avait déjà sollicité dans le cours de l’instance prud’homale qui l’oppose à son ancien employeur et dont il avait été débouté, ne tend pas en réalité à la recherche et à la conservation de preuves pour une future action individuelle ou pour une action en responsabilité civile contre les dirigeants de la société Natixis mais à obtenir des documents auxquels il n’aurait normalement pas accès pour se venger des dirigeants de la société Natixis, tentant ce faisant de détourner les dispositions de l’article 145 du code de procédure civile de leur objectif.

En l’absence de motif légitime, M. X sera débouté de sa demande de communication de pièces et l’ordonnance entreprise qui n’a pas fait droit à sa demande sera confirmée par substitution de motifs, sa qualité d’actionnaire étant établie en cause d’appel.

Le sort des dépens et de l’indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge.

L’appelant, qui succombe, supportera la charge des dépens d’appel et sera condamné à verser à la société Natixis la somme de 8.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour.

PAR CES MOTIFS

Confirme l’ordonnance entreprise,

Y ajoutant,

Condamne M. C X aux dépens d’appel,

Condamne M. C X à payer à la société Natixis la somme de 8. 000 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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