Cour d'appel de Paris , Pôle 5, 2e ch.

  • Mission inventive dans le cadre du contrat de travail·
  • Convention collective de la métallurgie·
  • Proposition de conciliation de la cnis·
  • Dépôt ou délivrance d'un brevet·
  • Fiches de description de poste·
  • Rémunération supplémentaire·
  • Déclaration de l'invention·
  • Convention collective·
  • Invention de mission·
  • Invention de salarié

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Les trois inventions revendiquées par l¿ancien salarié doivent être qualifiées d’inventions de mission, et non d’inventions hors mission attribuables. Son contrat de travail prévoyait expressément que les fonctions de technicien maintenance production qui lui étaient attribuées comportaient une mission inventive permanente. Son activité, telle que décrite dans sa fiche de poste, de « technicien fiabiliste », impliquait un travail d’observation, d’analyse et de recherche aux fins de concevoir et mettre en œuvre des solutions visant à améliorer le fonctionnement des moyens de production et à réduire, voire supprimer, les pannes et autres dysfonctionnements, ce qui laisse place à un apport inventif. Par ailleurs, le demandeur a qualifié lui-même les inventions d¿inventions de mission dans sa déclaration d¿invention adressée à son employeur, et ne produit aucun élément de nature à contredire ou mettre en doute ses propres déclarations. Enfin, il a déclaré les trois inventions suite à la notification de son licenciement économique, soit entre deux et huit ans après leur réalisation, ce qui apparaît tardif au regard des stipulations de son contrat de travail l¿invitant à déclarer toutes les inventions dont il serait l¿auteur. Il résulte du rapport technique confié à un ingénieur par la CNIS que seule l¿invention concernant un convoyeur pendulaire téléscopique composé d’un bras et d’un dispositif à contrepoids, et visant à gagner du temps dans la mise en œuvre d’un procédé en automatisant le transport d’une pièce entre deux postes, est brevetable. L¿auteur du rapport relève qu’au terme de ses recherches d’antériorités dans le domaine concerné, il lui est apparu que les documents traitant du même problème technique présentaient des solutions qui ne sont pas équivalentes à celles présentées par l¿ancien salarié dans sa déclaration d’invention, notamment la glissière du bras. Si cette invention, qui n¿a fait l¿objet d¿aucun dépôt de brevet, justifie une rémunération complémentaire, il n’est produit aucun élément de nature à justifier de son intérêt économique et, le cas échéant, de l’exploitation commerciale qui en est faite. La rémunération supplémentaire due au demandeur doit être fixée, en l’absence d’une disposition spéciale prévue à cet effet dans la convention collective de la métallurgie du Rhône, selon les stipulations de son contrat de travail, qui lui allouent la somme de 152 euros au titre de la rémunération supplémentaire.

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 2, 2 avr. 2021, n° 19/03350
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/03350
Publication : PIBD 2021, 1161, IIIB-2
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 20 décembre 2018, N° 17/07463
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, 21 décembre 2018, 2017/07463
Domaine propriété intellectuelle : BREVET
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Référence INPI : B20210023
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Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS ARRÊT DU 02 avril 2021

Pôle 5 – Chambre 2 Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 19/03350 –  n° Portalis 35L7-V-B7D-B7JOD

Décision déférée à la Cour : jugement du 21 décembre 2018 – Tribunal de grande instance de PARIS – 3e chambre 3e section – RG n°17/07463

APPELANT

M. Oualid H Représenté par Me Elodie AZOULAY-CADOCH, avocate au barreau de PARIS, toque A 0985 Assisté de Me Christopher REINHARD plaidant pour le Cabinet ROUMEAS, avocat au barreau de LYON, case 414

INTIMEE

S.A.S. JTEKT AUTOMOTIVE LYON, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé ZI du Broteau BP 1 69540 IRIGNY Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque L 0044 Assistée de Me Louise BRET plaidant pour la SELARL CORNET – VINCENT – SEGUREL et substituant Me Luc-Marie AUGAGNEUR, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 février 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Brigitte CHOKRON, Présidente, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport

Mme Brigitte CHOKRON a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Brigitte CHOKRON, Présidente Mme Laurence LEHMANN, Conseillère Mme Agnès MARCADE, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Carole T

ARRET : Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Brigitte CHOKRON, Présidente, et par Mme Carole T, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire rendu le 21 décembre 2018 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :

— dit que M. Oualid H est l’auteur d’une invention de mission, ayant pour objet un convoyeur pendulaire télescopique fonctionnant par déséquilibre de masse (invention déclarée n°1),

— condamné la société JTEKT à payer à M. Oualid H la somme de 152 euros, à titre de rémunération supplémentaire,

— dit non brevetables les innovations n°2 et 3 déclarées par M. Oualid H,

— condamné la société JTEKT à payer à M. Oualid H la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens dont distraction,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Vu l’appel de ce jugement interjeté par M. H suivant déclaration d’appel remise au greffe de la cour le 6 juin 2019.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 28 janvier 2020 par M. H, appelant, qui demande à la cour, d’infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de :

— dire et juger que M. H est l’auteur de trois inventions hors mission attribuable,

— constater que la société JTEKT a choisi de s’attribuer la propriété de ces inventions,

— constater que la société JTEKT aurait dû verser à M. H un juste prix conformément aux règles prescrites par l’article L611-7 du code de la propriété intellectuelle,

— condamner la société JTEKT à verser à M. H pour chacune de ces inventions le juste prix augmenté des intérêts au taux légal à compter de la saisine de la CNIS, Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI


- condamner la société JTEKT à verser à M. H la somme de 10.000 euros à titre de provision,

— ordonner avant- dire- droit une expertise judiciaire aux frais avancés de la société JTEKT en nommant à cet effet tel expert qui lui plaira au besoin assisté de tout sachant qu’il estimera utile de consulter, avec la mission ci- après :

* rechercher et se faire communiquer tous éléments relatifs aux perspectives d’exploitation des inventions concernées,

* définir l’utilité industrielle et commerciale prévisible de chaque invention,

*proposer le juste prix dû à M. H pour chaque invention,

A titre subsidiaire,

— dire et juger que M. H est l’auteur de trois inventions de mission,

— constater que la société JTEKT aurait dû verser à M. H un juste prix conformément aux règles prescrites par l’article L611-7 du code de la propriété intellectuelle,

condamner la société JTEKT à verser à M. H pour chacune de ces inventions le juste prix augmenté des intérêts au taux légal à compter de la saisine de la CNIS,

— condamner la société JTEKT à verser à M. H la somme de 10.000 euros à titre de provision,

— ordonner avant- dire- droit une expertise judiciaire aux frais avancés de la société JTEKT en nommant à cet effet tel expert qui lui plaira au besoin assisté de tout sachant qu’il estimera utile de consulter, avec la mission ci- après :

— rechercher et se faire communiquer tous éléments relatif aux perspectives d’exploitation des inventions concernées,

— définir l’utilité industrielle et commerciale prévisible de chaque invention,

— proposer le juste prix dû à M. H pour chaque invention,

En tout état de cause,

— condamner la société JTEKT à verser à M. H la somme de 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens dont distraction. Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 21 janvier 2020 par la société JTEKT Automotive Lyon (SAS), la société JTEKT, intimée, qui demande à la cour, de :

A titre principal,

— débouter M. H de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

— confirmer le jugement en ce qu’il a dit non brevetables les innovations n°2 et n°3 déclarées par M. H,

— constater que les inventions sont des inventions de missions, propriété de la société JTEKT,

— dire et juger que M. H n’est pas fondé à solliciter une rémunération supplémentaire au titre des inventions,

— infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société JTEKT à payer à M. H la somme de 152 euros, à titre de rémunération supplémentaire,

A titre subsidiaire,

— constater l’intérêt commercial extrêmement limité voir quasi inexistant des inventions pour la société JTEKT et la contribution personnelle non significative de M. H,

— fixer la rémunération supplémentaire de M. H à un montant qui ne saurait excéder la somme de 152 euros conformément au montant figurant dans son contrat de travail,

À titre plus subsidiaire,

— donner acte à la société JTEKT de ce qu’elle forme toutes protestations et réserves d’usage sur la mesure d’expertise sollicitée,

— dire et juger que l’expertise se fera aux frais avancés de M. H,

En tout état de cause,

— condamner M. H à régler à la société JTEKT la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens dont distraction conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Vu l’ordonnance de clôture du 30 janvier 2021,

SUR CE, LA COUR : Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, au jugement entrepris et aux écritures précédemment visées des parties.

Il suffit de rappeler que M. H, suivant contrat de travail à durée indéterminée du 8 janvier 2001, a été engagé par la société SMI, aux droits de laquelle se trouve la société JTEKT, au poste de technicien de maintenance production, niveau 4, échelon 3, coefficient 285 de la convention collective de la métallurgie du Rhône.

Ayant exercé diverses fonctions dont notamment celle d’assurer la fiabilité des lignes de production, il indique avoir développé différentes solutions innovantes.

Licencié pour motif économique le 23 septembre 2015, il a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon qui, selon jugement du 5 septembre 2017, a déclaré nul et de nul effet le licenciement.

Le 29 septembre 2015, M. H a adressé à la société JTEKT une déclaration d’invention de salarié portant sur trois innovations :

— un convoyeur pendulaire télescopique fonctionnant par déséquilibre de masse (invention n°1),

— un système mécanique à commande pneumatique servant à réduire le temps de chargement et déchargement aux postes de travail (invention n°2),

— un dispositif d’amélioration de l’ergonomie d’un poste de travail et d’amélioration du rendement opérationnel et de suppression du risque de TMS (invention n°3).

La société JTEKT lui a répondu le 26 novembre 2015 que les inventions revendiquées n’étaient pas susceptibles de faire l’objet de demandes de brevet, qu’elles étaient anciennes (2007, 2010 et 2013) et que les procédures en vigueur dans l’entreprise n’avaient pas été respectées.

La Commission nationale des inventions de salariés (CNIS) saisie le 13 janvier 2016 a demandé à M. A, ingénieur, d’établir un rapport technique. Au vu de ce rapport déposé le 22 mars 2016 elle formulait le 24 février 2017, en l’absence d’accord des parties, une proposition de conciliation à hauteur d’une rémunération supplémentaire de 4.000 euros que M. H n’a pas estimée satisfactoire.

Suivant acte d’huissier de justice du 2 mai 2017, M. H a fait assigner la société JTEKT devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir fixer le juste prix de ses inventions hors mission et, avant- Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

dire-droit, ordonner une mesure d’expertise judiciaire et le paiement d’une provision.

Le jugement déféré a retenu la brevetabilité de la seule invention n°1 et alloué de ce chef à M. H la somme de 152 euros au titre de la rémunération supplémentaire prévue au contrat de travail. M. H maintient devant la cour l’intégralité de ses demandes tandis que la société JTEKT conteste lui devoir la moindre somme aucune des inventions revendiquées n’étant, selon elle, brevetable. Le débat se présente ainsi dans les mêmes termes que devant le tribunal.

Sur la qualification des inventions revendiquées,

A l’appui de son appel, M. H fait valoir, en premier lieu, que les trois inventions dont il est l’auteur doivent être qualifiées d’inventions hors mission car son contrat de travail, nonobstant les stipulations de pure forme qui y sont énoncées, ne comporte, contrairement à ce que prétend la société JTEKT, aucune activité inventive permanente. Il ajoute qu’en toute hypothèse, les stipulations contractuelles assignant au salarié une mission inventive permanente ne sont pas en tant que telles déterminantes car l’invention, pour être qualifiée d’invention de mission, doit avoir été réalisée par le salarié dans le cadre de ses fonctions effectives. Il expose à cet égard que la fiche descriptive du poste de technicien fiabiliste, éditée par la société JTEKT, confirme que les fonctions qu’il exerçait ne comprenaient en réalité aucune mission inventive et que les améliorations qui lui étaient demandées dans son domaine d’activité, à savoir la maintenance des moyens de production, visant à éradiquer les pannes et les aléas, n’impliquaient aucune recherche de solutions innovantes.

Selon les dispositions d’ordre public de l’article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle, 'Si l’inventeur est un salarié, le droit au titre de propriété industrielle, à défaut de stipulation contractuelle plus favorable au salarié, est défini selon les dispositions ci-après :

1. Les inventions faites par le salarié dans l’exécution soit d’un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, soit d’études et de recherches qui lui sont explicitement confiées, appartiennent à l’employeur. Les conditions dans lesquelles le salarié, auteur d’une telle invention, bénéficie d’une rémunération supplémentaire sont déterminées par les conventions collectives, les accords d’entreprise et les contrats individuels de travail'. (…)

2. Toutes les autres inventions appartiennent au salarié. Toutefois, lorsqu’une invention est faite par un salarié soit dans le cours de l’exécution de ses fonctions, soit dans le domaine des activités de l’entreprise, soit par la connaissance ou l’utilisation des techniques ou de moyens spécifiques à l’entreprise, ou de données procurées par elle, l’employeur a le droit, dans des conditions et délais fixés par Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

décret en Conseil d’Etat, de se faire attribuer la propriété ou la jouissance de tout ou partie des droits attachés au brevet protégeant l’invention de son salarié.

Le salarié doit en obtenir un juste prix (…)'.

En l’espèce, force est de constater que le contrat de travail auquel M. H a consenti prévoit expressément que 'les fonctions qui lui sont attribuées comportent une mission inventive permanente’ et que 'toutes les inventions, élaborées dans le cadre de ses fonctions seront la propriété de l’entreprise’ outre que 'toutes les inventions élaborées soit au cours de l’exercice de ses fonctions, soit en dehors de celles- ci mais par utilisation de connaissances, de techniques, de moyens ou de données fournies par l’entreprise ou entrant dans le domaine d’activités de l’entreprise, permettront à cette dernière de se faire attribuer des droits sur ces inventions'.

M. H allègue que les stipulations précitées de son contrat de travail seraient de pure forme et que ses fonctions qui étaient celles d’un simple technicien attaché à a maintenance et non pas d’un ingénieur ne comporteraient aucune mission inventive.

Or, il est relevé que M. H, engagé en qualité de technicien maintenance production coefficient 285, avait atteint à la date de son licenciement le coefficient 335 et percevait une rémunération mensuelle de 3.148,75 euros pour une durée de travail fixée à 160,2 heures par mois. Ses fonctions sont décrites dans la fiche de poste de 'technicien fiabiliste’ dont il se prévaut pour contester qu’une mission inventive lui a été impartie (sa pièce n°14). Ce document précise que 'dans le cadre de la maintenance des moyens de production, le fiabiliste s’attache à réduire durablement les temps et le nombre d’arrêts pour panne machine. Il s’appuie, pour remplir sa mission, sur des enregistrements existants et des observations sur le terrain (…) Ses analyses et observations conduisent à des remises en état de référence des équipements, des améliorations visant à éradiquer une panne ou des aléas (…). Il partage ses analyses avec les services production, méthodes et qualités'. Il est ajouté que le technicien fiabiliste 'dispose d’une large autonomie dans l’organisation de son travail et dans ses décisions'. Dans la rubrique 'savoir-être’ de la description du poste il est précisé que les fonctions de technicien fiabiliste exigent des qualités d’autonomie ainsi qu’ un 'esprit d’analyse et de synthèse (…) curieux et inventif'.

Ainsi, l’activité de M. H au service de son employeur impliquait un travail d’observation, d’analyse et de recherche aux fins de concevoir et mettre en oeuvre des solutions visant à améliorer la sûreté du fonctionnement des moyens de production et à réduire voire supprimer les pannes et autres inconvénients susceptibles d’affecter ce fonctionnement. Contrairement à ce que soutient M. H, l’amélioration destinée à maintenir l’aptitude d’un moyen de production Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

à accomplir sa fonction et, en définitive à assurer son bon fonctionnement, laisse place à un apport inventif consistant à remédier aux aléas qui empêchent d’obtenir de ce moyen de production le résultat requis. M. H ne saurait le contester au regard d’une fiche de poste qui attend de lui qu’il recherche des améliorations dans le fonctionnement des moyens de production et qu’il fasse preuve, dans l’exercice de son activité, d’un 'esprit curieux et inventif'.

Par ailleurs, force est d’observer que M. H, dans sa déclaration d’invention adressée par lettre recommandée du 29 septembre 2015 à son employeur, indique lui-même, pour chacune des trois inventions revendiquées, qu’il s’agit d’une invention réalisée 'dans l’exécution de mon contrat de travail lequel comporte une mission inventive correspondant à mes fonctions effectives'. S’il soutient que la cour n’est pas liée par les informations qu’il a mentionnées dans sa déclaration d’invention, il ne produit aucun élément de nature à contredire ou à mettre en doute ses propres déclarations.

Enfin, il n’est pas sans intérêt de relever que les trois inventions déclarées par le salarié le 29 septembre 2015 suite à la notification qui lui a été faite le 23 septembre 2015 de son licenciement économique, ont été réalisées, selon ses propres indications, en 2007, 2010 et 2013. Les diligences de M. H aux fins de voir son employeur reconnaître ses inventions apparaissent ainsi bien tardives au regard des stipulations du contrat de travail qui engagent le salarié 'pour toute la durée du présent contrat à déclarer à l’entreprise toutes les inventions dont il serait l’auteur ou le co-auteur, en communiquant tous renseignements, dessins ou documents en sa possession relatifs à l’invention réalisée par lui ou avec son concours'.

Dans ces conditions, les inventions revendiquées par M. H et portant respectivement sur un convoyeur pendulaire télescopique fonctionnant par déséquilibre de masse (invention n°1), un système mécanique à commande pneumatique servant à réduire le temps de chargement et déchargement aux postes de travail (invention n°2) et un dispositif d’amélioration de l’ergonomie d’un poste de travail afin de supprimer le risque de TMS (invention n°3), doivent être qualifiées d’inventions de mission.

Sur la brevetabilité des inventions revendiquées,

M. H prétend, en second lieu, que les trois inventions sont brevetables. Il fait valoir essentiellement que si la proposition de conciliation de la CNIS a tenu compte du rapport technique de M. A, elle n’a pas pris en considération les études complémentaires effectuées sur les inventions n°2 et n°3 par un cabinet spécialisé ( ses pièces 11 et 12) et concluant à la brevetabilité de ces inventions.

La société JTEKT soutient quant à elle que l’invention n°1, contrairement à ce que la CNIS a retenu, n’est pas nouvelle car elle Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

est comprise en son entier dans le principe de balancier du Karakuri qui permet de déplacer une pièce d’un poste de travail à un autre sans accompagnement humain et sans actionneur. Elle précise que ce principe dont M. H a appris les bases lors d’un stage de formation au Japon en janvier 2011, est de longue date, divulgué et mis en oeuvre dans ses usines.

Force est de constater que pas plus devant la cour que devant le tribunal la société JTEKT ne justifie avoir envoyé M. H au Japon pour participer à un stage de formation sur le principe ou la technique du Karakuri dont la consistance n’est pas explicitée par les extraits internet qu’elle produit aux débats en pièce 6. Cette seule pièce est, en toute hypothèse, insuffisante à établir que l’invention n°1 de M. H ne serait pas nouvelle et brevetable ainsi que l’a estimé M. A.

En effet, selon le rapport technique remis par M. A à la CNIS le 22 mars 2016, l’invention n°1 concernant un convoyeur pendulaire téléscopique composé d’un bras et d’un dispositif à contrepoids et visant à gagner du temps dans la mise en oeuvre d’un procédé en automatisant le transport d’une pièce entre deux postes 'semble pouvoir être nouvelle et inventive et donc brevetable'. M. A relève à cet égard qu’au terme de ses recherches d’antériorités dans le domaine concerné il lui est apparu que les documents traitant du même problème technique, à savoir, transporter une pièce entre deux postes de travail à l’aide d’un contrepoids, présentent des solutions qui ne sont pas équivalentes à celles présentées par M. H dans sa déclaration d’invention. Certaines caractéristiques de l’invention revendiquée ne se retrouvent pas, selon lui, dans ces documents, notamment la glissière du bras. Il semblerait donc, conclut-il, que ces documents ne reflètent que l’état de l’art antérieur à la présente invention.

La société JTEKT ne produisant aucun élément de nature à combattre les conclusions du rapport technique de M. A, la cour, à l’instar du tribunal, retiendra que l’invention n°1 revendiquée par M. H est brevetable.

Concernant l’invention n°2 relative à un système mécanique à commande pneumatique servant à réduire le temps de chargement et déchargement aux postes de travail, M. A observe qu’un tel système, sans autre caractéristique technique, est largement connu de l’art antérieur, que la déclaration d’invention du salarié ne contient aucune caractéristique technique permettant de définir la solution technique et la portée éventuelle de l’invention et qu’il est, dans ces conditions, difficile de juger de la brevetabilité de l’invention.

Enfin, concernant l’invention n°3, portant, selon la déclaration d’invention, sur un dispositif d’amélioration de l’ergonomie d’un poste de travail, d’amélioration du rendement opérationnel, de suppression du risque de TMS, de réduction des coûts de maintenance des Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

convoyeurs, elle décrit l’utilisation d’un raccord rapide sans vissage sur un système hydraulique pour le branchement d’un tuyau au système, dont le but est, par rapport au système de raccord rapide avec une molette de vissage, de gagner du temps sur la mise en place du raccord et d’éviter les problèmes musculaires au niveau du poignet lors de torsions pour serrer la molette de vissage. M. A relève que la déclaration d’invention, telle que rédigée, contient peu de caractéristiques techniques permettant de définir la solution technique et la portée éventuelle de l’invention. Il précise que les recherches d’antériorités établissent l’existence de documents traitant du même problème technique, à savoir, accoupler rapidement et sans risque un système hydraulique et un tuyau sous pression et exposant des solutions qui, avec le peu d’informations techniques à sa disposition dans la déclaration d’invention, ont les mêmes caractéristiques techniques. Il conclut que l’invention telle que présentée ne semble pas pouvoir être nouvelle et n’est donc pas brevetable.

M. H fait vainement grief à la CNIS de n’avoir tenu compte que du rapport technique de M. A sans prendre en considération la seconde version de déclaration d’invention (ses pièces n° 11 et n°12) établie, pour chacune de ses inventions n°2 et n°3, au vu des études complémentaires qu’il a fait réaliser par un cabinet spécialisé postérieurement au dépôt du rapport de M. A le 22 mars 2016.

Force est en effet de constater que M. H, par l’intermédiaire de son avocat, a fait parvenir à la CNIS, par envoi du 20 octobre 2016, les deux documents précités lesquels ont été également remis en copie à la société JTEKT ainsi que le précise l’avocat dans le courrier joint à cet envoi. En outre, le mémoire adressé par la société JTEKT à la CNIS le 9 février 2017 comprenait en annexe des pièces au nombre desquelles figurait la nouvelle rédaction de ses déclarations d’invention relatives aux inventions n°2 et n°3.

Il est dès lors établi que la CNIS a pris en considération, dans l’appréciation qu’elle a faite de la brevetabilité des inventions n°2 et n°3 et la proposition de conciliation qu’elle a émise le 3 avril 2017, à l’issue de sa séance du 24 février 2017, les déclarations d’invention relatives aux inventions n°2 et n°3, dans leur dernière rédaction, telles que produites par M. H en pièces n°11 et n°12. Il est à cet égard relevé que la CNIS a précisé émettre sa proposition 'en l’état des documents produits devant la commission', qui incluaient, ainsi qu’il résulte de observations qui précèdent, les deux documents invoqués par M. H.

Il est patent que la CNIS, suivant l’avis de M. A, a conclu que les inventions n°2 et n°3 n’étaient pas brevetables et que seule l’invention n°1, invention de mission, justifiait une rémunération complémentaire.

M. H se garde d’expliciter la portée de ses pièces n°11 et n°12 et ne tente pas de démontrer que la CNIS en aurait fait une analyse erronée. Pas davantage il n’exploite ces pièces pour se livrer à une critique du Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

rapport de M. A en ce qu’il aurait conclu à tort que les inventions n°2 et n°3 ne seraient pas brevetables.

En définitive, aucun élément n’est apporté de nature à contredire ces conclusions de M. A qui seront en conséquence approuvées.

Sur la rémunération complémentaire,

Par application des disposition légales ci-dessus rappelées, une rémunération complémentaire doit être allouée à M. H pour son invention de mission n°1.

Il est patent que cette invention, qui date de 2007, n’a donné lieu à aucun dépôt de demande de brevet mais il résulte des développements qui précèdent qu’elle doit être regardée comme brevetable. Il n’est produit cependant le moindre élément de nature à justifier de l’intérêt économique de l’invention et, le cas échéant, de l’exploitation commerciale qui en est faite.

En l’état des éléments d’appréciation soumis à la cour et sans qu’il y ait lieu de faire droit à la mesure d’expertise demandée par M. H pour pallier sa carence dans l’administration de la preuve, la rémunération supplémentaire doit être fixée, en l’absence d’une disposition spéciale prévue à cet effet dans la convention collective de la métallurgie du Rhône, selon les stipulations du contrat de travail qui allouent au salarié la somme de 1.000 francs au titre de la rémunération supplémentaire qui lui sera versée à l’occasion du dépôt du brevet.

Le jugement déféré est ainsi confirmé en ce qu’il a fixé à 152 euros la rémunération supplémentaire à payer par la société JTEKT à M. H, ce qui conduit à le confirmer également sur l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de première instance.

L’équité ne commande pas de faire droit aux demandes des parties formées au titre des frais irrépétibles d’appel.

Succombant à l’appel, M. H en supportera les dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS : Confirme le jugement entrepris,

Ajoutant,

Déboute les parties de leur demande au titre des frais irrépétibles d’appel,

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

Condamne M. H aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

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