Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 14 avril 2021, n° 19/10724

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 4, 14 avr. 2021, n° 19/10724
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/10724
Décision précédente : Tribunal de commerce de Rennes, 25 mars 2019, N° 2018F00239
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRET DU 14 AVRIL 2021

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/10724 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAAGK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mars 2019 -Tribunal de Commerce de Rennes – RG n° 2018F00239

APPELANTE

A AUTO 3000

Prise en la personne des responsables légaux

immatriculée au registre du commerce et des sociétés de BREST,

sous le numéro 438 776 429

[…]

[…]

Représentée par Me Marine VERGER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0443

INTIMEE

SASU X Y Z

Prise en la personne des responsables légaux

immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lille, sous le numéro 452 772 643

[…]

59390 Lys-Lez-Lannoy

Représentée par Me Jean-françois PUGET de la SELARL CVS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0098

Représentée par Me Marine GUILLODO, SELARL CORNET VINCENT SEGUREL, avocat au barreau de Rennes, substituant Me Pierre LAMIDON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été

débattue le 23 Février 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, Pôle 5 chambre 4, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre

Dominique GILLES, Conseiller

Sophie DEPELLEY, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Méghann BENEBIG

ARRET :

— Contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente et par Mme Sihème MASKAR Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La société AUTO 3000 vend de pièces détachées pour automobile et fournit des prestations de réparation automobile et de pose des pièces détachées.

La société X Y Z (ci-après « JVP»), venue aux droits de la société Ouest Diffusion Materiel ('ODM'), est une société spécialisée dans le secteur d’activité du commerce de gros d’équipements automobiles.

La société Auto 3000 a commencé à développer son réseau de franchisés en 2012.

Le 18 novembre 2013, les sociétés Auto 3000 et ODM, aux droits de laquelle vient la société JVP, ont signé un contrat d’approvisionnement à tarifs préférentiels par lequel la société ODM s’engageait à faire bénéficier les membres du 'Réseau Auto 3000"des mêmes tarifs, conditions de livraison et conditions de garantie que celles dont bénéficiait Auto 3000. Le contrat a été conclu pour une durée de 3 ans, renouvelable tacitement pour trois nouvelles années, à l’issue de son terme, sauf dénonciation notifiée par l’une des parties, six mois au moins avant l’échéance.

Fin 2015, par courrier non daté reçu le 11 décembre 2015, la société JVP notifiait à AUTO 3000 qu’elle ne souhaitait pas reconduire leurs accords et qu’à défaut de révision des accords individuels et de groupe avant la fin de l’année, les conditions standards allaient s’appliquer à leurs relations à compter du 1er janvier 2016.

Par courrier du 11 décembre 2015, la société Auto 3000 faisait savoir qu’elle contestait cette menace de rupture brutale des relations commerciales.

Les relations commerciales entre la société JVP et Auto 3000 se sont finalement poursuivies.

En décembre 2016, la société JVP a été rachetée par le groupe Alliance Automotive.

A compter du 2 octobre 2017, le montant des remises accordées sur l’ensemble des produits en application des accords entre les deux sociétés, a été réduit.

JPV n’a pas répondu à la demande d’explications de la société Auto 3000, par lettre du 9 octobre 2017.

Par lettre du 10 novembre 2017, réitérée le 29 novembre suivant, la société Auto 3000 a fait savoir à JVP qu’elle contestait la modification unilatérale des relations commerciales opérée et qu’elle lui reprochait une rupture brutale de leurs relations, demandant réparation de son préjudice.

Par lettre du 22 décembre 2017, la société JVP a fait savoir qu’elle contestait la rupture invoquée et les dommages-intérêts sollicités.

C’est dans ces conditions que par acte du 11 juin 2018, la société Auto 3000 a assigné la société JVP devant le tribunal de commerce de Rennes, sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales établies.

Par jugement du 26 mars 2019, le tribunal de commerce de Rennes a :

Condamné la société X Y Z A à verser à la société Auto 3000 la somme de 5 579.92 euros assortie des intérêts légaux à compter de la date de mise en demeure du 11 novembre 2017 au titre de la rupture brutale de la relation commerciale et débouté Auto 3000 du surplus de sa demande;

Débouté la société Auto 3000 de sa demande au titre de la distorsion de concurrence;

Débouté la société Auto 3000 de sa demande au titre de l’atteinte à l’image;

Condamné la société X Y Z A à verser la somme de 1 euro assortie des intérêts légaux à compter de la date de mise en demeure du 11 novembre 2017 au titre de la privation d’accès au logiciel Atelier.doc et débouté Auto 3000 du surplus de sa demande;

Condamné la société X Y Z A à verser à Auto 3000 la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et débouté Auto 3000 du surplus de sa demande.

Prononcé l’exécution provisoire du jugement.

Condamné X Y Z A aux entiers dépens.

Par déclaration du 21 mai 2019, la société Auto 3000 a interjeté appel de ce jugement.

Par des dernières conclusions déposées et notifiées le 18 mai 2020, la société Auto 3000 prie la cour de :

Vu l’article L. 442-6-5.1°ancien du Code de commerce et l’article 1240 du Code Civil

Confirmer le jugement en ce qu’il a constaté l’existence de la relation commerciale entre JVP et Auto 3000 et sa rupture brutale par la société JVP;

Infirmer le jugement dans son appréciation de la durée et du caractère établi de la relation commerciale;

Infirmer le jugement dans son appréciation du préjudice subi par la société Auto 3000 au titre de la rupture brutale;

Confirmer le jugement en ce qu’il a constaté que JVP avait commis une faute en interrompant l’accès au logiciel Atelier.doc;

Infirmer le jugement en son appréciation du préjudice découlant de l’interruption d’Atelier.doc;

Infirmer le jugement en ce qu’il a débouté Auto 3000 de ses demandes relatives à la distorsion de concurrence et à l’atteinte à l’image vis -à -vis des autres membres du réseau;

Confirmer la condamnation à l’article 700 du CPC et aux dépens pour la procédure de première instance et condamner JVP à une indemnité de 5000 euros et aux dépens pour la procédure d’appel.

En conséquence,

Condamner X Y Z A, venue aux droits de JVP à verser la somme de 110.130 euros, assortie des intérêts à compter de la mise en demeure du 11 novembre 2017, à titre de dommages intérêts, correspondant au préavis non accordé à Auto 3000;

Condamner X Y Z A, venue aux droits de JVP à verser la somme de 50.000 euros , assortie des intérêts à compter de la mise en demeure du 11 novembre 2017, à titre de dommages intérêts pour distorsion de concurrence ;

Condamner X Y Z A, venue aux droits de JVP à verser la somme de 15.000 euros assortie des intérêts à compter de la mise en demeure du 11 novembre 2017, au titre de la privation d’accès au logiciel Atelier.doc;

Condamner X Y Z A à verser la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du CPC.

Condamner X Y Z A aux entiers dépens de l’instance.

Par des dernières conclusions déposées et notifiées le 7 novembre 2019, la société X Y Z (JVD) demande à la cour de :

Vu l’article L. (ancien) 442-6 I. 5° du Code de commerce

Il est demandé à la Cour d’appel de Paris de :

1. Sur la prétendue rupture brutale des relations commerciales établies

A titre principal :

Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a considéré que la modification tarifaire décidée par la société J.V.P. s’analysait en une rupture brutale des relations commerciales établies avec la société AUTO 3000,

Statuant à nouveau

Rejeter l’ensemble des demandes de la société Auto 3000

A titre subsidiaire, si la Cour devait confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a considéré que la modification tarifaire devait être qualifiée de fautive :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a fixé le préavis a une durée de 3,8 mois

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a considéré que le préjudice subi correspond à la seule diminution de la marge annuelle résultant de la modification tarifaire

Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a fixé le préjudice indemnisable à 5579,92 euros

Statuant à nouveau

Fixer le préjudice indemnisable à 2120 euros

2. Sur la prétendue « distorsion de concurrence »

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande de la société Auto 3000

3. Sur la prétendue atteinte à l’image

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande de la société Auto 3000

4. Sur l’interruption de l’accès au logiciel Atelier doc

Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société J.V.P. au versement de la somme de 1 euro symbolique,

En toute hypothèse

Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société J.V.P. au versement de la somme de 3000 euros à la société Auto 3000 ainsi qu’aux dépens,

Statuant à nouveau,

Condamner la société Auto 3000 à la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamner la société Auto 3000 aux entiers dépens de 1re instance et d’appel.

SUR CE

LA COUR

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies

L’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019 applicable au litige, dispose qu’engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels

Sur l’existence de relations commerciales établies

La société Auto 3000 soutient que sa relation commerciale avec la société ODM aux droits de laquelle vient la société JVP a débuté en 2002 (sa pièce 9) et perduré durant 15 ans; que le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu’il a retenu une durée de 3,8 années, soit à compter de 2014, après la signature du contrat le 18 novembre 2013, alors qu’un contrat n’est pas nécessaire pour constater l’existence d’une relation commerciale établie.

Elle ajoute que ses relations avec la société ODM n’ont pas été interrompues entre 2006 et 2010, et produit une facture de 2007 à l’appui de ses dires (sa pièce 29), soutenant qu’une relation commerciale stable et établie n’est pas une relation uniforme, et que le volume d’achat directement réalisé auprès de JVP depuis janvier 2010 a progressé ensuite tous les ans (sa pièce 31).

A titre subsidiaire, elle dit que la relation commerciale est établie de janvier 2010 à octobre 2017, soit pendant 7 ans.

La société JVP soutient qu’il appartient à la partie qui se prétend victime d’une rupture brutale de la relation commerciale établie de le prouver, estimant que la société Auto 3000 ne rapporte pas la preuve que la relation commerciale aurait duré quinze ans, et ajoutant que si de 2002 à 2012, il y a pu avoir quelques ventes directes et sporadiques entre les parties, ces ventes n’établissent pas l’existence d’une relation régulière, significative et stable telle qu’exigée par la jurisprudence. Elle dit que c’est à bon droit que le tribunal a retenu une relation commerciale de 3,8 années.

Sur ce , la Cour retient que le principe de relations commerciales établies entre les parties n’est pas contesté, seule la durée de ces relations étant discutée.

Une relation commerciale « établie » présente un caractère « suivi, stable et habituel » et permet raisonnablement d’anticiper pour l’avenir une certaine continuité du flux d’affaires entre les partenaires commerciaux, ce qui implique, notamment qu’elle ne soit pas entachée par des incidents susceptibles de remettre en cause sa stabilité, voire sa régularité.

Sur ce point, c’est par des motifs justes et pertinents que la cour adopte que le tribunal a retenu que la stabilité de la relation n’était établie qu’à la suite de la conclusion du contrat d’approvisionnement du 18 novembre 2013, les relations antérieures sporadiques entre les parties ne pouvant être prises en compte.

Sur la rupture brutale partielle des relations commerciales établies

La société JVP soutient qu’il existe en droit français un principe de liberté tarifaire qui autorise un fournisseur à fixer et à modifier librement le prix de vente de ses produits et que ce n’est que par exception qu’une modification des tarifs décidée par le fournisseur, par le biais d’une diminution des remises accordées à son partenaire, peut s’analyser en une rupture partielle des relations commerciales établies.

Elle considère que l’octroi d’un préavis écrit, exigé par l’article L. 442-6 I. 5° du Code de commerce, n’était pas nécessaire en l’espèce dans la mesure où la modification des conditions tarifaires accordées à la société Auto 3000 ne pouvait pas s’analyser en une rupture partielle et brutale de la relation commerciale établie, et que cette modification ne présentait pas un caractère substantiel, faisant valoir que la société Auto 3000 continuait de bénéficier de conditions préférentielles et de remises importantes de la part de la société JVP (pièce adverse 14).

La société Auto 3000 rétorque que la société JVP a imposé une modification unilatérale et substantielle de ses tarifs, sans préavis et a fortiori sans préavis écrit, ayant conduit à une chute brusque des commandes et donc des remises accordées à Auto 3000, ce qui constitue une rupture brutale de relation commerciale au sens de l’article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, soutenant que la réduction des remises devant lui être accordée à hauteur de 20 % constitue une rupture substantielle ( ses pièces 14 à 16).

Elle ajoute que la relation commerciale et sa rupture doivent être appréciées au regard des particularités du marché et de la position de la victime de la rupture sur ce marché et que si ces éléments sont pris en considération, il est incontestable, en l’espèce, que la rupture doit être considérée comme totale.

Elle fait valoir qu’elle a cessé toutes commandes auprès de JVP du fait qu’elle ne pouvait plus passer de telles commandes à la suite de la décision unilatérale de JVP de modifier ses tarifs et que dans la mesure où les marges réalisées sur les pièces techniques vendues par JVP étaient devenues trop faibles voire inexistantes, elle ne pouvait plus s’approvisionner chez le fournisseur (ses pièces 31 et 33).

Sur ce, le tribunal doit être approuvé d’avoir retenu, par des motifs adoptés et non utilement

contestés en cause d’appel, que la baisse des remises accordées à sa cliente par JVC de l’ordre de 20% constituait une modification substantielle imposée à Auto 3000 au regard de l’économie du contrat et ainsi une rupture brutale de leurs relations commerciales établies à compter du mois de novembre 2017, mais aussi que cette rupture brutale n’était que partielle puisque rien n’empêchait Auto 3000 de poursuivre ses relations commerciales avec son fournisseur aux nouveaux tarifs, certes moins intéressants mais à des conditions néanmoins préférentielles ainsi qu’il résulte des pièces 13,14 et 15 de l’appelante.

Cependant, une durée des relations commerciales établies de 4 années (novembre 2015 à novembre 2017) doit être retenue au lieu de celle de 3,8 ans retenus par le premier juge.

Sur le préjudice subi du fait de la rupture brutale partielle des relations commerciales

La société Auto 3000 soutient qu’elle se trouvait en situation de dépendance économique vis à vis de JVP puisque la part de son chiffre d’affaires réalisée en 2016 avec les produits JVP est de 33% et que la part de ses achats chez JVP sont de 44,2% sur les pièces techniques ( sa pièce 31) de sorte que la place de cette société dans son activité était manifestement prépondérante. Elle consière que le fait qu’elle ait pu s’approvisionner auprès d’un autre fournisseur n’écarte pas son état de dépendance économique vis-à- vis de la société JVP puisque les remises négociées de longue date avec cette dernière lui permettaient d’assurer le schéma économique particulier mis en place consistant à offrir à ses clients des tarifs forfaitaires pour chaque type de réparation, qui ne sont possibles qu’avec des coûts réduits.

Elle estime que la baisse des remises de 20 % n’a pas entraîné une baisse de marge équivalente mais l’arrêt des commandes avec la société JVP et la perte totale des marges afférentes à l’achat des produits chez ce fournisseur de sorte que c’est la totalité de la marge réalisée sur le préavis adéquat qui doit être considérée comme perdue du fait de la rupture brutale. Elle ajoute que sa marge brute sur les pièces achetées à JVP est attestée par son expert comptable à un taux de 65 % (Ses pièces 25, 26 et 31). Elle demande la réformation du jugement sur ce point et la condamnation de la société JVP à lui verser la somme de 110.130 euros.

La société JVP soutient que la part de chiffre d’achats réalisée par la société Auto 3000 sur les trois années précédant la rupture alléguée (2014, 2015 et 2016) était en moyenne 11 %,( sa pièce 7) et que la part d’achats par la société Auto 3000 auprès d’elle par rapport à ses achats totaux sur la gamme des pièces dites techniques exclusivement s’élevait à une moyenne de 30% au titre de ces trois années (pièce adverse 31) ce qui ne caractérise pas un état de dépendance économique.

Elle fait état de l’existence sur le marché de la pièce de rechange indépendante d’une multiplicité de fournisseurs et donc de solutions d’approvisionnement alternatives pour la société Auto 3000 si les nouvelles conditions tarifaires de la société JVP ne lui convenaient pas.

Elle demande de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a considéré que le préjudice subi correspondait à la seule diminution de la marge annuelle résultant de la modification tarifaire et non de l’intégralité de la marge brute dégagée par la société Auto 3000 au titre de ses achats.

Sur ce, le délai de préavis doit s’entendre du temps nécessaire à l’entreprise délaissée pour préparer le redéploiement de son activité ou de trouver un autre partenaire ou une solution de remplacement. Les principaux critères à prendre en compte sont la dépendance économique, l’ancienneté des relations, le volume d’affaires et la progression du chiffre d’affaires, les investissements spécifiques effectués et non amortis, les relations d’exclusivité et la spécificité des produits et services en cause, sans qu’il y ait lieu de tenir compte de circonstances postérieures à la rupture.

En l’espèce, il s’agit d’une rupture partielle et le tribunal a justement retenu l’abence de dépendance économique de la société Auto 3000 vis-à-vis de JVC pusiqu’en effet, la part d’achats par la société

Auto 3000 auprès de JVC par rapport à ses achats totaux sur la gamme des pièces dites techniques s’élevait à une moyenne de 30% au titre de des années 2014,2015 et 2016 selon la pièce 31 de l’appelante, ce qui ne caractérise pas une situation de dépendance économique alors qu’il existe de nombreux autres fournisseurs.

Dès lors, un préavis de 3,8 mois pour une relation commerciale établie de 4 ans doit être retenu.

Le tribunal a retenu sur la base d’une marge de 20% et une marge brute de 88 104€ sur 12 mois selon l’attestation de son expert-comptable et l’extrait du logiciel de comptabilité produit (pièces 26 et 31 de l’appelante), que la société JVP devait indemniser la société Auto 3000 à hauteur de la somme de 5 579,92 euros au titre de la brutalité de la ruprure partielle intervenue.

Mais, ainsi que le fait valoir notamment la société JVP, le calcul de la marge brute doit s’effectuer sur les trois dernières années et ainsi sur un chiffre d’achats moyen de 33 480 euros (années 2014, 2015 et 2016) au lieu de 47 441 euros pour l’année 2016, soit une différence de 6 696 euros.

La Cour dispose d’éléments suffisants pour ramener le montant du préjudice subi par la société Auto 3000 du chef de la brutaité de la rupture à la somme de 5 155,84 euros. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du jugement.

Le jugement est en conséquence infirmé de ce chef.

Sur le préjudice lié à l’interruption de l’accès à Atelier.doc

La société Auto 3000 invoque l’interruption de l’accès au logiciel Atelier.doc par la faute de JVP, fait valoir qu’il ressort d’un mail du gestionnaire du logiciel du 28 novembre suivant, que l’abonnement a été annulé par JVP depuis le 23 octobre 2017 et que le rétablissement n’est intervenu que quelques jours après le 1er décembre (ses pièces 17, 19 et 24).

Elle fait état d’un préjudice subi de 15 000 euros dans la mesure où cette interruption a entraîné une désorganisation de l’activité, des délais de traitement plus longs et en conséquence, une dégradation de son image auprès des clients.

La société JVP rétorque qu’elle avait demandé à la société ETAI (prestataire informatique en charge de la gestion du logiciel Atelier.doc) la suspension d’un abonnement secondaire non utilisé et souscrit par un client dénommé « Benoit Catherine » qui lui était inconnu, et que c’est par erreur que le gestionnaire a suspendu l’ensemble des accès attribués à la société Auto 3000.

Elle affirme qu’il a été remédié à cette situation en moins de sept jours et que la demande d’indemnisation formulée par la société Auto 3000 à ce titre est manifestement disproportionnée et n’est justifiée par aucun élément de preuve.

Sur ce, la Cour retient qu’il est établi que l’accès au logiciel Atelier.doc par Auto 3000 a été suspendue à compter du 23 octobre 2017 jusqu’au 1er décembre suivant du fait de l’intervention même involontaire de la société JVP ; qu’il en est résulté une désorganisation de la société et des délais de traitement plus longs, éléments préjudiciables à l’image de la société.

La somme de 2 500 euros lui sera allouée à ce titre, à la charge de la société JVP avec intérêts à compter du jugement.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur le préjudice lié à la distorsion de concurrence

La société Auto 3000 soutient que sa dépendance économique vis-à-vis de la société JVP a été démontrée et que et le préjudice dont il est demandé réparation au titre de la distorsion de concurrence est distinct de celui résultant de la rupture brutale de relation commerciale.

Selon elle, il ressort du mail interne de la directrice opérationnelle du groupe Alliance Automotive, que la rupture survenue a non seulement été brutale mais qu’elle a eu également pour objet et pour effet d’apporter un avantage concurrentiel à l’un de ses adhérents, à savoir Précisium, qui fait partie du groupe Alliance Automotive, et que cette collusion entre Précisium et JVP a eu pour effet additionnel de distordre la concurrence au profit du concurrent d’Auto 3000 (sa pièce 21).

La société Auto 3000 affirme que la perte de marge et la perte de positionnement sur le marché au bénéfice d’un concurrent sont deux préjudices distincts qui doivent être réparés séparément sur la base de fondements différents et que la responsabilité au titre de la distorsion de concurrence relève de l’article 1240 du Code Civil.

Elle demande que la société JVP soit condamnée à lui verser la somme de 50.000 euros à ce titre.

La société JVP rétorque que la société Precisium n’est pas un « adhérent du groupe Alliance Automotive » et estime que la société Auto 3000 ne démontre pas en quoi la modification tarifaire en tant que telle serait fautive. Elle estime que la demande formulée par la société Auto 3000 est contraire aux principes d’indemnisation fixés par le droit français, celle-ci ne démontrant pas la réalité de son préjudice et sollicitant une indemnisation purement forfaitaire.

Sur ce, le tribunal doit être approuvé en ce qu’il a rejeté ette demande. En effet, ainsi que le fait valoir la société JVP, la société Auto 3000 ne démontre pas en quoi la modification tarifaire en tant que telle serait fautive et ne précise pas davantage quels seraient les effets anticoncurrentiels concrets de ladite modification tarifaire par l’affirmation que ses effets seraient « constitués à l’évidence par une perte de compétitivité et une perte de parts de marché vis-à-vis d’un concurrent. »

Sur le préjudice d’atteinte à l’image d’auto 3000 vis-à vis du réseau

La société Auto 3000 soutient qu’elle avait obtenu que les conditions préférentielles négociées avec la société JVP s’appliquent également à ses franchisés aux termes du contrat du 18 novembre 2013, et que la rupture brutale a été également imposée à ses franchisés, notamment au site d’Avranches qui a de fait subi de la même façon une perte de marge. La société appelante affirme que cela a nécessairement eu un impact négatif sur son image au sein de son réseau de franchisés et qu’à ce titre, la société JVP devra réparer son préjudice subi évalué à 10.000 euros.

La société JVP estime que la société Auto 3000 n’apporte aucun élément probant de son préjudice d’image et que sa demande est forfaitaire et ne saurait prospérer dans la mesure où elle serait contraire aux règles d’indemnisation fixées par la jurisprudence. Elle ajoute que la société Auto 3000 ne peut valablement s’appuyer sur un préjudice (la perte de marge) prétendument subi par son franchisé, lequel est un tiers à l’instance, pour obtenir l’indemnisation du préjudice personnel qu’elle allègue et que le préjudice d’image invoqué n’est pas distinct de la prétendue brutalité de la rupture.

Sur ce, la Cour considère que l’appelante ne justifie pas d’un préjudice direct distinct de celui réparé au titre de la brutalité de la rupture.

Sa demande au titre d’un préjudice d’image est rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Le sens de l’arrêt conduit à partager les dépens par moitié entre les parties et à dire n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre d’entre elles. Le

jugement étant en revanche confirmé en ce qu’il a mis les dépens de première instance à la charge de la société JVP et en ce qu’il a mis à la charge de cette dernière une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a :

— Condamné la société X Y Z A à verser à la société Auto 3000 la somme de 5 579.92 euros assortie des intérêts légaux à compter de la date de mise en demeure du 11 novembre 2017 au titre de la rupture brutale de la relation commerciale;

— Condamné la société X Y Z A à verser la somme de 1 euro assortie des intérêts légaux à compter de la date de mise en demeure du 11 novembre 2017 au titre de la privation d’accès au logiciel Atelier.doc ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société X Y Z A à verser à la société Auto 3000 la somme de 5 155,84 euros assortie des intérêts légaux à compter du jugement au titre de la rupture brutale de la relation commerciale ;

Condamne la société X Y Z A à verser la somme de 2 500 euros assortie des intérêts légaux à compter du jugement au titre de la privation d’accès au logiciel Atelier.doc ;

Dit n’y avoir lieu en cause d’appel à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Partage les dépens d’appel par moitié entre les parties ;

Rejette toute autre demande.

La Greffière, La Présidente,

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 14 avril 2021, n° 19/10724