Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 28 janvier 2022, n° 18/11415

  • Comités·
  • Maladie professionnelle·
  • Avis·
  • Reconnaissance·
  • Travail·
  • Accident de trajet·
  • Employeur·
  • Sécurité sociale·
  • Harcèlement·
  • Psychiatrie

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 13, 28 janv. 2022, n° 18/11415
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/11415
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale d'Évry, 10 septembre 2018, N° 16-00416
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 13

ARRÊT DU 28 janvier 2022

(n° , 6 pages)


Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 18/11415 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6RGL


Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Septembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d’EVRY RG n° 16-00416

APPELANT

Monsieur G Y

né le […] à […]

[…]

[…]

comparant en personne, assisté de Me Amélie FAIRON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0650

INTIMEE

CPAM DE L’ESSONNE

[…]

[…]

représentée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS, toque D1901

COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Octobre 2021, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Lionel LAFON, Conseiller, chargé du rapport.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre, Monsieur Lionel LAFON, Conseiller

Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller

Greffier : Madame Alicia CAILLIAU, lors des débats

ARRET :
- CONTRADICTOIRE


- prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le vendredi 03 décembre 2021, prorogé au vendredi 28 janvier 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.


-signé par Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et par Madame Alice BLOYET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


La cour statue sur l’appel régulièrement interjeté par M. G Y d’un jugement rendu le 11 septembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale d’Evry dans un litige l’opposant à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Essonne, ci-après 'la caisse'.

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS DES PARTIES :


Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard.


Il suffit de rappeler que M. G K Y, employé par la société Inter Service Pompe, a formé le 24 janvier 2014 une déclaration de maladie professionnelle, pour 'syndrome dépressif (suivi par psy)', constaté pour la première fois le 3 décembre 2013.


Etait joint à cette déclaration un certificat médical initial du docteur X en date du 3 décembre 2013 qui faisait état d’un 'syndrome anxio dépressif avec anxiété majeure et suivi régulier par le psychiatre suite à des problèmes au travail'. Ce certificat prescrivait des soins sans arrêt de travail jusqu’au 30 juin 2014.


L’affection ainsi décrite n’étant répertoriée dans aucun tableau de maladie professionnelle, la caisse a transmis le dossier à son service médical afin qu’il donne son avis sur l’incapacité permanente partielle prévisible de l’assuré, sur le fondement de l’article L.461-1 4ème alinéa du code de la sécurité sociale. Le service médical ayant considéré que le taux d’incapacité prévisible de M. Y était d’au moins 25%, la caisse a saisi le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles d’Ile de France et procédé à une enquête administrative.


Le 5 novembre 2015 ce comité a rejeté l’origine professionnelle de la maladie caractérisée directement causée par le travail habituel de M. Y, au motif que 'l’analyse de l’ensemble des éléments médicaux et notamment le compte rendu hospitalier du 23 octobre 2012 ne permettent pas de retenir un lien direct et essentiel entre le travail habituel et la maladie déclarée par certificat médical du 3 décembre 2013".


La caisse a donc notifié par lettre datée du 17 novembre 2015 à M. Y un refus de prise en charge de sa maladie au titre de la législation professionnelle.

M. Y a saisi la commission de recours amiable, qui a rejeté son recours par décision du 15 janvier 2016, puis le tribunal des affaires de sécurité sociale d’Evry le 24 mars 2016.


Par jugement avant dire droit du 15 juin 2017 ce tribunal a ordonné la transmission du dossier au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région Champagne Ardennes. Le 23 avril 2018 ce second comité a rendu un avis défavorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée par M. Y, ainsi motivé :

'Monsieur G Y a rédigé le 24/01/2014 une demande de reconnaissance de maladie professionnelle au titre de l’alinéa 4 de l’article L.461-1 du code de la sécurité sociale (épisodes dépressifs), appuyée par un certificat médical établi le 03/12/2013.


L’intéressé a travaillé comme responsable d’exploitation depuis 1991.


L’ensemble des données contenues dans son dossier conduit à l’émergence d’un faisceau d’éléments témoignant de facteurs non directement liés à l’organisation de l’entreprise, ne permettant pas aux membres du CRRMP d’établir un lien direct et essentiel entre la maladie présentée et l’activité professionnelle exercée'.


Par jugement en date du 11 septembre 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale d’Evry a déclaré recevable mais mal fondé le recours de M. Y et l’en a débouté.


Ce jugement a été notifié à M. Y le 13 septembre 2018, qui en a relevé appel le 11 octobre 2018.


A l’audience du 11 octobre 2021, M. Y fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions par lesquelles il demande à la cour d’infirmer le jugement déféré,


- à titre principal, de reconnaître le caractère professionnel de la maladie par lui déclarée le 24 janvier 2014,


- à titre subsidiaire, d’ordonner la transmission de son dossier à un troisième comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, afin qu’il donne son avis sur l’existence d’un lien de causalité entre l’affection dont il souffre et son travail habituel au sein de la société Inter Service Gestion, avec transmission au comité des éléments qu’il produit devant la cour,


- à condamner la caisse à lui verser la somme de 2 400 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.


Il soutient en substance que le juge n’est pas lié par l’avis du comité, qu’il établit par ses productions le lien direct et essentiel entre sa pathologie et son travail, et il souligne que la cour statuant en matière de contentieux du travail a condamné son employeur.


La caisse fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions par lesquelles elle demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré.


Elle souligne que les deux comités ont rendu des avis identiques, que la saisine pour avis d’un troisième comité n’est pas nécessaire et qu’en tout état de cause l’insuffisance de motivation d’un avis du comité ne saurait entraîner la prise en charge d’emblée de la maladie au titre de la législation professionnelle.


Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d’autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.

SUR CE,


En application de l’alinéa 2 de l’article L.461-1 du code de la sécurité sociale applicable 'Est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.'


En application de l’alinéa 3 de cet article 'Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu’elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime.'


En application de l’alinéa 4 de cet article 'Peut être également reconnue d’origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d’un taux évalué dans les conditions mentionnées à l’article L 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.' Ce pourcentage est de 25%.


Le dernier alinéa de cet article précise: 'Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l’origine professionnelle de la maladie après avis motivé d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L’avis du comité s’impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l’article L 315-1".


En application de l’article R 142-24-2 du même code, 'lorsque le différend porte sur la reconnaissance de l’origine professionnelle d’une maladie dans les conditions prévues aux troisièmes et quatrièmes alinéas de l’article L 461-1, le tribunal recueille préalablement l’avis d’un comité régional autre que celui qui a déjà été saisi par la caisse en application du cinquième alinéa de l’article L 461-1.'


- Sur la demande principale :

M. Y conteste l’avis du second comité au motif qu’il n’a pas eu connaissance du dossier de son employeur, ni de celui de la caisse, mais aucune règle n’impose que ces pièces soient transmises à l’assuré, et le comité n’a pas l’obligation de procéder à son audition.


Il considère que cet avis n’est pas suffisamment motivé, mais les deux comités se sont bien référés, pour émettre leurs avis, à la notion de 'lien direct et essentiel’ entre la maladie déclarée et le travail habituel du salarié, en conformité avec les exigences de l’article L.461-1 alinéa 4 susvisé.


Le second comité a bien intégré dans son avis une motivation qui si elle est succincte comporte bien une analyse précise de la question qui lui était posée, et cet avis ne peut pas être qualifié d’avis non motivé.

M. Y soutient qu’il rapporte la preuve que son syndrome anxio-dépressif constaté le 3 décembre 2013 a été essentiellement et directement causé par son travail habituel, et il invoque en ce sens l’arrêt de la cour de Paris qui a condamné son employeur à lui verser diverses sommes.


Mais cette décision n’a pas retenu l’existence d’un harcèlement moral qui serait de nature à plonger le salarié dans un état dépressif.


Il ressort de l’enquête administrative diligentée par la caisse, lors de l’audition de M Y, que celui-ci expose avoir été embauché par la société en 1991 en tant que chauffeur, puis respondable exploitation. Il effectuait énormément d’heures supplémentaires – ce que confirme l’arrêt précité qui a alloué à ce titre au salarié des sommes importantes – pour aller livrer des camions de béton sur les chantiers le matin très tôt.


M Y indique que le gérant de la société, au fil des années, lui a retiré sa secrétaire, que son bureau a été forcé, qu’il n’a plus eu de place réservée au parking, qu’on ne le faisait plus participer aux réunions de la direction, qu’il s’est senti dévalorisé. Il indique avoir eu plusieurs accidents de trajet. L’employeur lui aurait retiré sa voiture de fonction et l’aurait menacé de mort.
L’audition de l’employeur par l’agent assermenté de la caisse apporte des éléments différents, car celui-ci indique qu’il est très surpris de la démarche du salarié, et émet les plus vives réserves sur ce dossier de maladie professionnelle pour dépression due à un harcèlement moral.


L’employeur indique que le salarié a été placé en arrêt maladie le 15 janvier 2013 et n’a jamais repris le travail, puis a été déclaré inapte par la médecine du travail le 14 janvier 2014. Il explique que cette inaptitude a pour cause plusieurs accidents de trajet dont le dernier en date du 16 novembre 2011, et précise qu’il n’est pas fait cas de dépression ni de harcèlement dans la fiche de visite du médecin du travail. L’employeur ajoute que M. Z n’a jamais été responsable d’exploitation mais seulement visiteur de chantiers, qu’il n’a jamais eu de secrétaire, qu’il occupait un bureau avec deux collègues dont la porte toujours ouverte n’a jamais été forcée, qu’il n’a jamais eu de voiture de fonction, qu’il n’a jamais été cadre et n’a jamais assisté aux réunions de direction. L’employeur nie enfin l’avoir menacé de mort ou rabaissé devant ses collègues.

M. Y indique dans ses écritures que l’accident de trajet du 16 novembre 2011 l’a conduit à être hospitalisé en psychiatrie, et sur ce point son analyse rejoint celle de l’employeur qui attribue son état de santé psychique au dernier accident de trajet. La fiche de visite du 17 décembre 2013, soit deux semaines après la constatation médicale de la maladie, indique 'suite de plusieurs AT et en dernier lieu de l’AT du 16 novembre 2011, inaptitude définitive au poste'.

M. Y produit un certificat médical du docteur A du 25 septembre 2013 qui fait également état d’une dépression et d’une 'blessure narcissique insupportable sur le plan psychiatrique', et ce même praticien certifie à la date du 28 février 2013 que le salarié a été admis en service de soins psychiatriques du 20 septembre 2012 au 23 octobre 2012.

M. Y produit des attestations de M. L M C, de M. B, de M. C, de M. I J, de M D, de M. E, de M. F, de M. D N qui sont des personnes avec qui il a travaillé, et qui décrivent les difficultés que M. Y a rencontrées dans son travail.


Mais ces attestations présentent un caractère très général et la cour d’appel de Paris qui les a examinées a rejeté, par arrêt en date du 2 juillet 2019, la demande d’indemnisation de M. Y fondée sur un harcèlement moral de la part de son employeur.


Le compte rendu d’hospitalisation du 23 octobre 2012, cité dans les motifs de son avis par le premier comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, indique que M. Y a été hospitalisé en service de psychiatrie du 20 septembre 2012 au 23 octobre 2012, le motif d’hospitalisation étant constitué par des douleurs chroniques.


Il est fait mention au titre de sa biographie qu’il est alors en arrêt de travail depuis quatre mois, que sa mère est décédée en juillet 2012, qu’il a un frère de 32 ans atteint de SEP.


Il est fait mention au titre des antédédents médico-chirurgicaux et facteurs de risques qu’il a subi 16 interventions sur un kyste, qu’il a eu une fracture de la tête humérale 10 ans auparavant, a repris une consommation de tabac depuis juillet 2012.


Il est fait mention au titre des antécédents psychiatriques d’un suivi depuis trois mois par le docteur A, qu’il s’agit de sa première hospitalisation en psychiatrie et qu’il a eu '4 accidents de travail suite à 4 accidents de voiture dont le dernier remonte à avril 2012.'


Le compte-rendu conclut à un 'syndrome anxio-dépressif réactionnel.'


Il résulte de tous ces éléments que les problèmes de santé psychiques ont commencé avant la date de première constatation de la maladie alléguée comme professionnelle par le salarié, et il apparaît bien un ensemble de facteurs ayant entraîné cette maladie, sans qu’il soit possible de considérer qu’elle aurait pour cause essentielle et directe un harcèlement de la part de l’employeur, qui est très contesté et non établi judiciairement, ou des 'problèmes au travail’ selon les termes du certificat médical initial du 3 décembre 2013.


La demande de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de M. Y doit donc être rejetée.


- Sur la demande subsidiaire :


A titre subsidiaire, M. Y considère qu’il convient de transmettre le dossier à un troisième comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.


Mais en l’état du second avis, émis par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Nancy, qui est conforme au premier avis rendu par le comité d’Ile de France, et des éléments versés aux débats et analysés plus haut, il n’existe pas d’incohérence ou d’incertitude qui justifierait la désignation pour avis d’un troisième comité.


Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de débouter M. Y de l’ensemble de ses demandes.

M. Y qui succombe sera condamné aux dépens d’appel, en application de l’article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

DEBOUTE M. G Y de l’ensemble de ses demandes ;

CONDAMNE M. G Y aux dépens.

La greffière, La présidente,
Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 28 janvier 2022, n° 18/11415