Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 13, 1er février 2022, n° 20/00709

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 4 - ch. 13, 1er févr. 2022, n° 20/00709
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 20/00709
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 17 novembre 2019, N° 19/027474
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 13

ARRÊT DU 01 FÉVRIER 2022

(n° , 6 pages)


Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00709 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBIA6


Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 novembre 2019 -Tribunal de Grande Instance de Paris – RG n° 19/027474

APPELANT

Monsieur Y X

Né le […] à Paris

[…]

[…]


Représenté et assisté de Me Laurent THIRION, avocat au barreau de MELUN, toque : M 92

INTIMÉE

LA VILLE DE PARIS

[…]

[…]


Représentée et assistée de Me Colin MAURICE de la SARL CM & L AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1844

LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D’APPEL DE PARIS

[…]

[…]


Représenté par Madame Sylvie SCHLANGER, ayant émis un avis écrit en date du 11 octobre 2021

COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 novembre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme C COCHET, Première présidente de chambre entendue en son rapport et Mme Estelle MOREAU, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme C COCHET, Première présidente de chambre

Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre

Mme Estelle MOREAU, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Sarah-Lisa GILBERT

ARRÊT :


- Contradictoire


- par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.


- signé par C COCHET, Première présidente de chambre et par Sarah-Lisa GILBERT, Greffière présente lors de la mise à disposition.

* * * * *

M. Y X est l’unique titulaire d’un caveau au cimetière du Montparnasse à Paris 14e, sous concession perpétuelle numéro 64 PA 1897.


Souhaitant réaliser des travaux d’agrandissement de ce caveau, M. X a sollicité une autorisation d’exhumation qui lui a été refusée pour deux des corps qui l’occupent, sa demande spécifique relative à ces deux dépouilles ayant été rejetée le 8 novembre 2017 par la mairie de Paris au visa des dispositions de l’article R 2213-40 du code des collectivités territoriales, motif pris de ce qu’il ne serait pas le plus proche parent des défunts concernés.


Par acte du 6 février 2019, M. X a donc fait assigner la mairie de Paris devant le tribunal de grande instance – aujourd’hui tribunal judiciaire – de cette même ville, aux fins de lui voir ordonner de l’autoriser à procéder à l’exhumation de ces deux corps qui sont pour l’un, celui de D E, pour l’autre celui de A B.


Par jugement du 18 novembre 2019, le tribunal saisi a débouté M. Y X de sa demande, laissant à la charge de chacune des parties les dépens par elle exposés et rejetant la demande formée par la mairie de Paris à l’encontre de M. X au titre de l’article 700 du code de procédure civile.


Par déclaration du 26 décembre 2019, M. Y X a interjeté appel de cette décision.


Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 25 mars 2020, M. Y X demande à la cour


-d’infirmer la décision rendue,


-d’ordonner à la Mairie de Paris de l’autoriser à procéder à I’exhumation des dépouilles de D E et de A B,


-de la condamner aux entiers dépens.


Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 1er novembre 2021, la Ville de Paris, demande à la cour
-de statuer ce que de droit sur la recevabilité de l’appel de M. Y X


Et, à titre principal,


-d’infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a déclaré M. X mal fondé en ses demandes


Et, statuant de nouveau,


-de juger M. Y X irrecevable en ses demandes, faute d’avoir la qualité pour agir


A titre subsidiaire,


-de confirmer les dispositions du jugement dont appel en ce que le tribunal l’a débouté de ses demandes, fins et prétentions ;


En tout état de cause,


-de le condamner au paiement de la somme de 900 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la Ville de Paris, ainsi qu’aux entiers dépens.


L’ avis du ministère public notifié par Rpva le 11 octobre 2021, rappelant la compétence du juge judiciaire pour apprécier la qualité de plus proche parent du défunt, indique adhérer à la position de la mairie de Paris et tend en conséquence à la confirmation du jugement dont appel.


SUR CE

Sur la qualité pour agir de M. X


Pour la première fois en appel, la mairie de Paris conteste la qualité pour agir de M. X, soutenant que la demande d’exhumation devant être formulée, selon les dispositions de l’article R 2213-40 du code des collectivités territoriales, par le plus proche parent de la personne défunte, M. X qui ne démontre pas avoir cette qualité vis à vis ni de D E ni de A B, n’est pas recevable à contester le refus d’exhumation qui lui a été opposé par la Mairie de Paris, pas plus qu’il ne l’était à saisir le tribunal à cet effet, en sorte que les premiers juges auraient dû dire sa demande non pas mal fondée, mais irrecevable.


Cependant la saisine du tribunal par M. X n’a pas pour objet de contester la décision de refus d’exhumation de la mairie de Paris, ce qui relèverait de la compétence du juge administratif, mais de faire reconnaître par le juge judiciaire, seul compétent à cette fin ainsi que le rappelle le ministère public, la qualité pour faire procéder à l’exhumation qui lui est contestée.

M. X, qui s’est vu refuser cette demande par la mairie, a intérêt et qualité à faire reconnaître par le juge sa qualité, définie à l’article R2213-4 du code des collectivités territoriales, pour faire procéder à l’exhumation sollicitée et l’examen de cette qualité qui relève du fond du litige, ne peut fonder une fin de non recevoir : la demande de la mairie de Paris tendant à voir dire M. X irrecevable à agir est donc rejetée.

Sur la demande


Le tribunal a d’abord rappelé


- qu’aux termes de l’article R 2213-40 du code des collectivités territoriales, toute demande d’exhumation devait être faite par le plus proche parent de la personne défunte au maire de la commune du lieu d’exhumation
- qu’en cas de refus de la mairie, l’exhumation ne pouvait avoir lieu que sur autorisation judiciaire,


- que sur le fond, la demande ne pouvait être accueillie que si le défunt n’avait pas exprimé de volonté contraire et s’il n’en résultait aucune atteinte due aux restes des personnes décédées.


Puis constatant


- que M. X, n’ayant ni avec D E ni avec A B de lien de parenté que ce soit par filiation ou par alliance, ne pouvait être considéré comme le plus proche parent au sens du texte ci dessus visé, la notion quoique non définie exigeant ce rapport de filiation ou d’alliance,


- et qu’au surplus, même en retenant une interprétation extensive de la notion de parent, M. X ne pouvait être considéré comme le plus proche d’entre eux en la survivance d’une de ses tantes, de sa soeur et de trois cousins qui, aussi proches que lui des défunts, auraient dû être associés à la demande,

il a rejeté la demande de M. X, en précisant que le constat de l’impossibilité de réaliser le réaménagement du caveau du fait de ce refus était inopérant à faire échec à l’application des dispositions du code général des collectivités territoriales.

M. Y X soutient


- qu’en l’absence de descendance et de toute autre famille des personnes concernées, il est bien le plus proche parent de D E et A B, inhumés dans le caveau depuis 105 ans, pour le premier, depuis 1961, pour la seconde, chacun aux côtés d’un membre de la famille dont ils étaient l’un et l’autre le compagnon ;


- qu’il ne s’agit que d’une exhumation temporaire et de très courte durée, les restes des personnes concernées devant être réinhumés à la même place une fois les travaux terminés, sans aucune opération de réduction des corps ;


- que le tribunal, dans la décision dont appel, a reconnu les dispositions de l’instruction générale relative à l’état civil du 11 mai 1999 en ce qu’elle permet aux tribunaux d’apprécier l’opportunité des demandes dans des cas sinon extrêmes du moins insolubles, en sorte qu’il est possible pour les juridictions de développer une notion extensive de la notion de parent ;


- qu’il produit une attestation sur l’honneur de ce qu’il n’existe aucun parent venant au même degré de parenté que lui, et qu’à supposer que ce soit le cas aucun ne serait susceptible de s’opposer à l’exhumation demandée, précisant encore qu’il s’engage à garantir juridiquement et financièrement la mairie de Paris de toute action qui pourrait être engagée contre elle de ce fait ;


- que ce contexte permet de constater qu’il se trouve dans la situation permettant que sa demande d’exhumation soit accueillie.


La mairie de Paris demande la confirmation de la décision dont appel, dès lors


- que M. Y X n’a aucun lien de parenté avec les défunts dont il demande l’exhumation, sa qualité d’ayant droit de la concession, qui lui permet d’entretenir la sépulture et d’effectuer des opérations funéraires, étant étrangère à celle de plus proche parent du défunt, qui n’est pas nécessairement le titulaire ou l’un des ayants droit de la concession ;


- que contrairement à ce qu’il soutient, le refus d’exhumation ne le contraint nullement à abandonner la sépulture, où à défaut d’inhumer des cercueils peuvent encore être inhumées des urnes, alors qu’en outre la concession, même complètement occupée, peut parfaitement continuer d’être entretenue et être renouvelée quand elle n’est pas perpétuelle ;


- que prétendre que le maire ne pourrait pas refuser une exhumation lorsque la concession ne peut plus accueillir de cercueil revient à lui dénier l’exercice du contrôle de la régularité d’une telle demande, qui pourtant lui incombe.


Le ministère public, faisant sienne l’argumentation développée par la Mairie de Paris, demande la confirmation du jugement, considérant


- que la nécessité d’un lien d’alliance ou de parenté pour pouvoir retenir la qualification de 'proche parent', ressort tant de l’interprétation littérale du terme que de l’instruction générale relative à l’état civil du 11 mai 1999, en son paragraphe 426-7, qui mentionne 'à titre indicatif et sous réserve de l’appréciation des tribunaux, en cas de conflit l’ordre suivant peut être retenu pour la détermination du plus proche parent : le conjoint non séparé ( veuf, veuve), les enfants du défunt, les parents ( père et mère) , les frères et soeurs ;


- que de toute façon M. Y X n’est pas le plus proche parent des défunts, sa tante C X, encore en vie, étant d’un degré de parenté plus proche et à ce titre seule habilitée à solliciter l’exhumation dont s’agit.


L’article R 2213-40 du code général des collectivités territoriales prévoit que 'Toute demande d’exhumation est faite par le plus proche parent de la personne défunte. Celui-ci justifie de son état civil, de son domicile et de la qualité en vertu de laquelle il formule sa demande.

L’autorisation d’exhumer un corps est délivrée par le maire de la commune où doit avoir lieu l’exhumation.

L’exhumation est faite en présence d’un parent ou d’un mandataire de la famille. Si le parent ou le mandataire dûment avisé n’est pas présent à l’heure indiquée, l’opération n’a pas lieu'.


En lui notifiant le 8 novembre 2007 le rejet de sa demande d’exhumation de D E et A B, le chef du service des cimetières de la ville de Paris lui a rappelé les dispositions du texte ci dessus, lui précisant que 'la notion de 'parent’ s’entend au sens de l’état civil et non en fonction d’autres liens (affectifs, légataires universels) qui uniraient le demandeur au défunt', pour conclure comme suit :

' En conséquence, je suis dans l’impossibilité d’instruire votre demande. La requête doit être formée par le plus proche parent des défunts F E et G B.

S’il s’avère que ces derniers n’ont plus de famille susceptible de faire cette demande, je vous invite à vous rapprocher du juge civil, qui seul à a la compétence pour statuer en l’absence du plus proche parent'.


Après avoir constaté que seule une autorisation judiciaire pouvait permettre de passer outre ce refus, et que la demande ne pouvait être accueillie que si le défunt n’avait pas exprimé de volonté contraire et s’il n’en résultait aucune atteinte due aux restes des personnes décédées, c’est à tort qu’au lieu de rechercher si ces conditions étaient réunies, les premiers juges se sont considérés tenus dans leur appréciation par l’exigence du lien de parenté ou d’alliance au sens de l’état civil qui faisait défaut à M. X à l’égard tant de D E que de A B.


En effet, en dépit de l’affirmation en ce sens du jugement dont appel, cette exigence ne résulte nullement du paragraphe 426-7 de l’instruction générale relative à l’état civil du 11 mai 1999 auquel il se réfère. Si ce texte propose un ordre pour la détermination du plus proche parent – le conjoint non séparé, les enfants du défunt, les père et mère, les frères et soeurs -, c’est en cas de cas de conflit entre parents, alors qu’en l’espèce il ne s’agit pas de conflit mais d’absence, et il inclut même dans ce cas une marge certaine de flexibilité, puisqu’il précise aussitôt que cet ordre est donné 'à titre indicatif et sous réserve de l’appréciation des tribunaux'.


L’exigence de l’existence d’un lien de parenté au sens strict ne s’imposait donc pas au tribunal, et on ne voit d’ailleurs pas bien quel serait l’objet utile de sa saisine si son pouvoir d’appréciation devait se trouver contraint par les mêmes limites que celles qui interdisent au maire de donner son accord.


Ainsi que l’a très clairement exprimé le courrier informant M. X du rejet de sa demande, l’absence d’un plus proche parent au sens de l’état-civil bloquant pour la mairie toute possibilité de prendre en considération la demande, l’intervention du juge judiciaire a pour objet de déterminer s’il peut exister une autre solution, c’est à dire si une personne qui n’est parente ni par filiation ni par alliance peut être tenue pour un 'proche parent’ au sens et pour les fins de l’article R 2213-40 du code général des collectivités territoriales. Toute autre interprétation rendrait le recours au juge complètement inutile, tout en privant en outre définitivement tout titulaire d’une concession contenant des dépouilles 'non familiales’sans descendance connue de la possibilité d’y opérer des remaniements, quelle que puisse en être la légitimité.


En l’occurrence, au regard des intentions de M. X, il n’apparaît pas qu’une volonté contraire quelconque se soit exprimée, faute d’existence d’un parent vivant de D E ou de A B par rapport à l’exhumation souhaitée , prévue pour n’être que très temporaire, sans déplacement ni réduction, en sorte qu’aucune atteinte aux restes ainsi brièvement déplacés ne risque d’advenir.


En l’absence de toute parenté biologique ou d’alliance avec les défunts constatée à l’état civil, la tante de M. X ne saurait être considérée comme le parent le plus proche sur le seul fondement de son ancienneté par rapport à M. X alors qu’elle n’a pas donné de signe d’intérêt pour cette situation, au contraire de la proximité et de l’intérêt dont témoigne M. X vis à vis de son histoire familiale.


Dès lors que l’appelant, seul titulaire de la concession, souhaite y réaliser des travaux funéraires dans l’intention de pouvoir ouvrir le caveau à d’autres membres de la famille, à laquelle les deux dépouilles concernées sont liées de fait ainsi que leur présence même dans ce tombeau l’établit, la cour retient qu’il doit être considéré comme 'le plus proche parent’ aux fins de mise en oeuvre de l’article R 2213-40 du code des collectivités territoriales et qu’il convient en conséquence de l’autoriser à faire procéder à l’exhumation demandée, par infirmation du jugement dont appel.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens


L’objet même de la demande et l’équité justifient que chacune des parties conserve la charge des dépens qu’elle a exposés.


Il n’y a pas lieu de faire application au profit de l’une ou l’autre des parties des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS


La cour


Infirme le jugement dont appel, sauf en ce qu’il a ordonné le partage des dépens et rejeté la demande de la ville de Paris au titre de l’article 700 du code de procédure civile


Statuant à nouveau,


Dit M. X recevable en sa demande
Dit qu’au sens et pour l’application de l’article 2213-40 du code général des collectivités territoriales, M. X a la qualité de 'plus proche parent’ de D E et de A B.


Autorise l’exhumation temporaire à la demande de M. Y X des dépouilles de ces deux personnes aux fins de réalisation des travaux funéraires projetés sur le caveau sous concession perpétuelle numéro 64 PA 1897 au cimetière du Montparnasse à Paris 14e.


Dit que chacune des parties supportera la charge des dépens qu’elle a exposés en appel.


Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
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