Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 28 janvier 2022, n° 20/09967

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Chronologie de l’affaire

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Audrey Lebois · L'ESSENTIEL Droit de la propriété intellectuelle · 1er juin 2022
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 2, 28 janv. 2022, n° 20/09967
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 20/09967
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Paris, 18 juin 2020, N° 19/03722
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRÊT DU 28 JANVIER 2022

(n° 011/2022, 6 pages)


Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 20/09967 – n° Portalis 35L7-V-B7E-CCCNI


Décision déférée à la Cour : jugement du 19 juin 2020 – Tribunal judiciaire de PARIS – RG n°19/03722

APPELANT

M. C A

né le […] à Tunis


Chez M. E F

1675 Broadway

20th Floor

[…]


ETATS-UNIS D’AMERIQUE


Représenté par Me V GUIZARD de la SELARL GUIZARD & ASSOCIES, avocat au H de PARIS, toque L 0020


Assisté de Me Stéphane LOISY, avocat au H de PARIS, toque A 723

INTIMEE

S.A.R.L. CITYPROD, prise en la personne de son gérant M. G H domicilié en cette qualité au siège social situé

[…]

[…]

[…]


Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro


Représentée par Me Stéphane FERTIER de la SELARL JRF & ASSOCIES, avocat au H de PARIS, toque L 0075
Assistée de Me Asim SINGH plaidant pour la SELAS CPC & ASSOCIES, avocat au H de PARIS, toque P 567

INTERVENANTES VOLONTAIRES

Mme I J veuve X

née le […] à Toulouse

demeurant […]

[…]


Représentée par Me C HAZAN, avocat au H de PARIS, toque P 539

Société R Z T, prise en la personne de sa dirigeante Mme K Z, domiciliée cette qualité au siège social situé

[…]

[…]


ROYAUME-UNI


Représentée par Me V GUIZARD de la SELARL GUIZARD & ASSOCIES, avocat au H de PARIS, toque L 0020


Assisté de Me Stéphane LOISY, avocat au H de PARIS, toque A 723

COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 novembre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Agnès MARCADE, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport

Mme Agnès MARCADE a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Brigitte CHOKRON, Présidente

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Agnès MARCADE, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :


Contradictoire


Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile


Signé par Mme Brigitte CHOKRON, Présidente, et par Mme Véronique COUVET, Greffière, à qui la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.


Vu le jugement contradictoire rendu le 19 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Paris ;


Vu l’appel interjeté le 18 juillet 2020 par M. C A ;


Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 15 octobre 2020 par M. C A, appelant ;


Vu les uniques conclusions notifiées le 30 juin 2021 et remises au greffe le 6 juillet 2021 par Mme I J veuve X, intervenante volontaire ;


Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 3 novembre 2021 par la société R Z T, intervenante volontaire ;


Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 8 novembre 2021 par la société Cityprod, intimée ;


Vu l’ordonnance de clôture du 18 novembre 2021.

SUR CE, LA COUR,


Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

M. C A se présente comme l’auteur de l’intégralité du livret et des chansons de la comédie musicale intitulée 'Les Misérables’ dont la musique a été composée par M. U-V B.


La société Cityprod est une société de production française, qui produit depuis 2017, un concert musical intitulé 'Les Misérables en concert'.


Par acte en date du 15 mars 2019, M. C A, soutenant que cette production porte atteinte à son droit moral, a fait assigner la société Cityprod en contrefaçon de droits d’auteur.


Le jugement dont appel a :


- dit que la comédie musicale « Les Misérables » est une oeuvre de collaboration ;


- déclaré M. C A irrecevable en son action ;


- débouté la société Cityprod de sa demande en paiement de dommages et intérêts ;


- condamné M. C A à payer la société Cityprod la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;


- condamné M. C A aux dépens ;


- dit n’y avoir lieu de prononcer l’exécution provisoire.

M. C A a relevé appel dudit jugement le 18 juillet 2020.

Mme I J veuve X et la société R Z T sont intervenues volontairement à la présente instance, la première se présentant comme ayant droit de M. N-O et la seconde affirmant être en charge de la gestion des oeuvres M. Z, tous deux co-auteurs avec M. C A des paroles des chansons de ladite comédie musicale « Les misérables ».


Par ses dernières conclusions, M. C A demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau de :


- condamner la société Cityprod à lui payer :


- 800.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qu’il subit ainsi que de la contrefaçon de son 'uvre dont s’est rendue responsable la société Cityprod;


- 10 000 euros conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ; – débouter la société Cityprod de sa fin de non-recevoir ainsi que de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive ;


- ordonner la cessation de toute représentation du spectacle musical intitulé « Les misérables en concert » produit par la société Cityprod à compter du prononcé du jugement rendu ;


- condamner la société Cityprod aux entiers dépens qui pourront être recouvrés par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.


Par ses uniques conclusions, Mme I J veuve X demande à la cour de la recevoir en son intervention volontaire à titre accessoire et de débouter toute partie de toute demande qui pourrait être formée à son égard, y compris au titre de l’article 700 du code de procédure civile.


Par ses dernières conclusions, la société R Z T demande à la cour de la recevoir en son intervention volontaire à titre accessoire et de débouter toute partie de toute demande qui pourrait être formée à son égard , y compris au titre de l’article 700 du code de procédure civile.


Par ses dernières conclusions, la société Cityprod, intimée, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;


En y ajoutant


- constater que l’appel de M. A était voué à l’échec et animé par une intention de nuire à la société Cityprod, ce qui lui a causé un préjudice financier et moral important ;


- condamner M. A à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts ;


En tout état de cause


- condamner M. A aux dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile et à lui verser la somme de 25 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.


A titre liminaire, l’intervention volontaire de Mme I J veuve X et de la société R Z T sera constatée au dispositif.


- Sur la recevabilité à agir de M. A


Selon l’article L. 113-3 du code de la propriété intellectuelle, l’oeuvre de collaboration est la propriété commune des co-auteurs qui doivent exercer leur droit d’un commun accord.
Si le coauteur d’une oeuvre de collaboration peut agir seul pour la défense de son droit moral c’est à la condition que sa contribution puisse être individualisée. Dans le cas contraire, il doit, à peine d’irrecevabilité, mettre en cause les autres auteurs de l’oeuvre ou de la partie de l’oeuvre à laquelle il a contribué.

M. A critique le jugement entrepris qui l’a déclaré irrecevable à agir sur le fondement de son droit moral d’auteur faute d’avoir mis en cause les co-auteurs de la comédie musicale 'Les Misérables’ qualifiée par le premier juge d’oeuvre de collaboration, en faisant valoir qu’il est l’auteur principal du livret de l’oeuvre litigieuse, les intervenants volontaires s’étant contentés de réaliser un travail de recherches, pour M. Z, ou de traduction sur des points précis, pour M. N O. Il expose avoir intégralement réécrit la version des « Misérables » de 1991, soutient qu’il en est l’auteur exclusif ainsi que l’indique la présence de son seul nom sur l’ensemble des exploitations de l’oeuvre. Il reconnaît que M. B est le compositeur de la musique de la comédie musicale et inidique que ce dernier a initié une procédure parallèle justifiée par des griefs distincts des siens.

M. A ne discute pas que la comédie musicale 'Les Misérables’ est une oeuvre de collaboration mais soutient qu’en sa qualité d’auteur des textes, sa contribution est individualisable par rapport à celle de M. U-V B, compositeur de la musique.


Il fait par ailleurs observer que le défaut de mise en cause de Mme I J veuve X et de la société R Z T, critiquée par le jugement, a été régularisé par leur intervention volontaire à la procédure d’appel.


En l’espèce, M. A invoque à l’appui de l’atteinte à son droit moral d’auteur, la dénaturation de la comédie musicale 'Les Misérables’ par le spectacle 'Les misérables en concert’ produit par la société Cityprod, ce second spectacle ne respectant pas la mise en scène de l’oeuve première.


Il fait précisément valoir que 'la mise en scène du spectacle musical produit par la société Cityprod est à bien des égards différente de la version originale produite par la société Cameron Mackintosh en ce qu’elle ajoute des lumières et se différencie de la version d’origine par une entrée et une sortie des artistes qui n’est pas conforme à la création d’origine des 'Misérables’ telle que produite par la société Cameron Mackintosh ltd et dont M. A est l’auteur des textes’ , que le spectacle musical intitulé 'les Misérables en concert’ ajoute la présence d’un narrateur, un acteur déguisé en P Q, personnage qui ne figure pas dans la version originale, que les costumes créés dans la version de Cityprod sont très clairement différents des costumes originels, et considère qu’il résulte de l’ensemble de ces modifications dont la société Cityprod est à l’origine, une atteinte à son droit moral, cette société proposant au public une création artistique dénaturée et modifiée par plusieurs éléments scéniques, ce sans son accord.


Force est de constater que l’atteinte alléguée par M. A ne porte pas sur les textes de la comédie musicale, sur lesquels il revendique une contribution individualisable, mais sur la comédie musicale dans son ensemble et en particulier sa mise en scène ainsi qu’il a été ci-dessus précisé dans l’exposé de ses griefs.


Dès lors, il ne peut qu’être déclaré irrecevable, faute de mise en cause de l’ensemble des co-auteurs de l’oeuvre de collaboration, à agir au fondement d’une atteinte portée à son droit moral d’auteur.


Les interventions volontaires accessoires en cause d’appel de Mme I J veuve X qui se présente comme l’ayant droit de M. N O et de la société R Z T qui se présente comme ayant droit de M. R Z, ne sont pas suffisantes à régulariser la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir. La recevabilité de l’intervention volontaire de la société R Z T n’est en outre pas sérieusement contestée par la société Cityprod au seul motif qu’une personne morale ne peut être titulaire du droit moral, la société R Z qui est en charge de la gestion et l’administration des oeuvres de l’auteur, exerçant le droit moral de M. R Z, décédé.


En outre, l’introduction par M. B d’une procédure séparée contre la société Cityprod, est inopérante à régulariser la procédure faute de mise en cause de celui-ci dans la présente instance.


Le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a dit M. C A irrecevable en son action.


- Sur la demande de la société Cityprod au titre de la procédure abusive


La société Cityprod forme une demande incidente pour procédure abusive mais n’apporte pas la preuve d’une quelconque intention de nuire ou légèreté blâmable de la part de M. A qui a pu légitimement se méprendre sur l’étendue de ses droits, ni l’existence d’un préjudice autre que celui subi du fait des frais exposés pour sa défense. Le jugement mérite également confirmation en ce qu’il a rejeté la demande à ce titre de la société Cityprod.


- Sur les autres demandes


Le sens de l’arrêt conduit à confirmer les dispositions du jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles.


Partie perdante, M. A est condamné aux dépens d’appel et à payer à la société Cityprod, en application de l’article 700 du code de procédure civile, une indemnité complémentaire qui sera, en équité, fixée à la somme de 5.000 euros.

PAR CES MOTIFS


La Cour,


Constate l’intervention volontaire de Mme I J veuve X et de la société R Z T,


Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,


Condamne M. C A à payer à la société Cityprod la somme de 5.000 euros en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,


Condamne M. C A aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.


La Greffière La Présidente
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