Cour d'appel de Paris, Pôle 1 chambre 10, 21 septembre 2023, n° 22/14161

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 ch. 10, 21 sept. 2023, n° 22/14161
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 22/14161
Importance : Inédit
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 3 octobre 2023
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Sur les parties

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 10

ARRÊT DU 21 SEPTEMBRE 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général

N° RG 22/14161 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGHYT

Décision déférée à la cour

Jugement du 12 juillet 2022-Juge de l’exécution de Créteil-RG n° 22/03333

APPELANTS

Monsieur [N] [V]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Madame [Z] [H]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentés par Me Paul-Emile BOUTMY, avocat au barreau de PARIS, toque : C1312

INTIMEE

S.A. HOIST FINANCE AB

Chez la SCP CAMBRON ET ASSOCIES

Huissiers de justice[Adresse 1]

[Localité 2]

n’a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 28 juin 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre

Madame Catherine LEFORT, conseiller

Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Catherine LEFORT, conseiller, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT

— réputé contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par jugement en date du 1er avril 1993, le tribunal d’instance d’Antibes a condamné solidairement M. [N] [V] et Mme [Z] [H] à payer à la société Citifinancement la somme de 104.359,22 francs, soit 15.909,46 euros.

Le 9 avril 2018, la société Hoist Finance, venant aux droits de City Banque, a fait délivrer à M. [V] un commandement de payer aux fins de saisie-vente en exécution de ce jugement, puis le 30 janvier 2020, un itératif commandement.

La société Hoist Finance a ensuite saisi le véhicule de M. [V] immatriculé DJ 357 GM, par un procès-verbal d’indisponibilité du certificat d’immatriculation en date du 12 février 2020 dénoncé le 3 mars 2020, un procès-verbal d’immobilisation en date du 6 avril 2022 et un procès-verbal d’enlèvement du 14 avril 2022.

Le 6 avril 2022, la société Hoist Finance a fait délivrer à M. [V] et à Mme [H] un commandement de payer aux fins de saisie-vente.

Par acte d’huissier en date du 28 avril 2022, M. [V] et Mme [H] ont fait assigner la société Hoist Finance devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Créteil aux fins de restitution du véhicule saisi sous astreinte, estimant que cette dernière ne justifiait pas de sa qualité de créancier, que la créance était prescrite et que les actes d’exécution étaient nuls. Puis ils ont invoqué la prescription des intérêts et sollicité des délais de paiement.

Par jugement en date du 12 juillet 2022, le juge de l’exécution a :

débouté M. [V] et Mme [H] de leurs demandes d’annulation des commandements de payer aux fins de saisie-vente des 9 avril 2018 et 30 janvier 2020, de la dénonciation du procès-verbal d’indisponibilité du certificat d’immatriculation du 3 mars 2020 et du certificat d’indisponibilité, et du commandement de payer du 6 avril 2022, et de la demande de restitution du véhicule,

Avant-dire droit,

ordonné la réouverture des débats pour présentation d’un décompte conforme.

Pour statuer ainsi, le juge de l’exécution a retenu notamment que la société Hoist Finance justifiait de la cession de créance et de sa qualité de créancier de M. [V] et de Mme [H] ; que ces derniers ne justifiaient pas du grief causé par l’irrégularité affectant le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 9 avril 2018 relative à la mention du domicile du créancier erronée ; que ce commandement jugé régulier avait valablement interrompu la prescription décennale du titre exécutoire ; mais qu’il convenait de faire application de la prescription biennale des intérêts, lesquels étaient donc prescrits depuis le 1er avril 1995, de sorte que le décompte était inexact.

Par déclaration du 25 juillet 2022, M. [V] et Mme [H] ont fait appel de ce jugement.

Par ordonnance du 3 novembre 3022, le magistrat désigné par le premier président a prononcé la caducité de la déclaration d’appel. Mais par arrêt en date du 13 avril 2023, la cour d’appel, statuant sur déféré, a infirmé l’ordonnance de caducité et a dit n’y avoir lieu de prononcer la caducité.

Par conclusions du 7 juin 2023, M. [V] et Mme [H] demandent à la cour de :

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il les a déboutés de leurs demandes d’annulation des commandements de payer aux fins de saisie-vente des 9 avril 2018 et 30 janvier 2020, de la dénonciation du procès-verbal d’indisponibilité du certificat d’immatriculation du 3 mars 2030 et du certificat d’indisponibilité, et du commandement de payer du 6 avril 2022, et de la demande de restitution du véhicule,

Statuant à nouveau,

— annuler et ordonner la mainlevée du commandement de payer aux fins de saisie-vente du 9 avril 2018,

En conséquence, vu la prescription du jugement du 1er avril 1993,

— annuler et ordonner la mainlevée de tous les actes d’exécution suivants,

— ordonner la restitution du véhicule DJ 357 GM sous astreinte de 1.000 euros par jour à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,

— déclarer la société Hoist Finance irrecevable en l’intégralité de ses demandes,

— débouter la société Hoist Finance de l’intégralité de ses demandes,

— condamner la société Hoist Finance à lui payer la somme de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en première instance,

— condamner la société Hoist Finance à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel,

— condamner la société Hoist Finance aux entiers dépens.

Ils expliquent qu’en application de l’article 26 II de la loi du 17 juin 2008, la prescription du titre exécutoire était acquise le 19 juin 2018, et que le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 9 avril 2018 n’a pu interrompre la prescription car il n’est pas valable. Ils invoquent d’une part, l’irrégularité de la signification à étude de ce commandement, en ce que l’huissier n’a pas mentionné les diligences effectuées pour tenter de lui signifier l’acte à personne ni les raisons ayant rendu impossible la signification à personne, d’autre part, l’irrégularité du décompte figurant au commandement, en ce que le montant du principal est faux, de même que le calcul des intérêts qui ne respecte pas la prescription biennale, ce qui constitue une pratique commerciale déloyale, sanctionnée pénalement et qui lui cause grief.

Bien qu’ayant reçu signification de la déclaration d’appel et des conclusions d’appelant, par acte d’huissier du 20 septembre 2022 délivré à personne morale, la société Hoist Finance AB n’a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité du commandement du 9 avril 2018

1) Sur la validité de l’acte au regard de l’article 655 du code de procédure civile

L’article 655 du code de procédure civile dispose :

« Si la signification à personne s’avère impossible, l’acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence.

L’huissier de justice doit relater dans l’acte les diligences qu’il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l’impossibilité d’une telle signification.

La copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire.

La copie ne peut être laissée qu’à condition que la personne présente l’accepte et déclare ses nom, prénoms et qualité.

L’huissier de justice doit laisser, dans tous ces cas, au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage daté l’avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l’acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise. »

En l’espèce, la feuille de signification du commandement mentionne : « Ayant vérifié que le destinataire habite bien à l’adresse indiquée, la copie destinée à Monsieur [V] [N] a été remise par clerc assermenté le 09/04/18 selon les conditions suivantes :

Le destinataire étant absent lors de notre passage, n’ayant rencontré aucune personne présente acceptant la copie et n’ayant pu avoir aucune indication sur le lieu où rencontrer le destinataire de l’acte, circonstances rendant impossible la signification à personne ou à domicile, la copie du présent acte a été déposée en notre Etude.

Détail des vérifications :

Boîte aux lettres : oui.»

Il en résulte que l’huissier s’est rendu au domicile de M. [V] ([Adresse 4]) qui était absent. Les circonstances décrites suffisent, contrairement à ce que soutiennent M. [V] et Mme [H], à caractériser l’impossibilité de signifier l’acte à personne. La signification du commandement est donc régulière.

2) Sur la validité de l’acte au regard de l’irrégularité du décompte

Aux termes de l’article R.221-1, 1° du code des procédures civiles d’exécution, le commandement de payer aux fins de saisie-vente contient, à peine de nullité, la mention du titre exécutoire en vertu duquel les poursuites sont exercées, avec le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l’indication du taux des intérêts.

Il est de jurisprudence constante que seule l’absence de décompte conforme aux dispositions de l’article R.221-1, 1° précité est susceptible d’entraîner la nullité de l’acte, et que l’erreur sur le montant de la créance n’affecte pas la validité de l’acte mais en affecte seulement la portée, le juge de l’exécution devant alors rectifier le montant réellement dû.

En l’espèce, le commandement de payer du 9 avril 2018 comporte un décompte mentionnant :

Principal : 15.909,46 E

Frais déjà exposés : 48,39 E

Intérêts à ce jour (à 5,90% l’an) : 7.281,11 E

Débours : 51,48 E

Droit proportionnel complémentaire : 19,50 E

Frais de procédure en cours : 219,47 E

Total : 23.529,41 E.

Ce décompte, distinguant le principal, les frais et les intérêts et mentionnant le taux d’intérêt, est conforme aux dispositions de l’article R.221-1 précitées, de sorte qu’aucune nullité n’est encourue, même si M. [V] a des contestations à faire valoir sur les montants réclamés.

C’est en vain que M. [V] et Mme [H] invoquent la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation, fondée sur la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, qui qualifie de pratiques commerciales déloyales le fait pour un professionnel du recouvrement de ne pas respecter la prescription biennale des intérêts, dès lors que l’attitude du créancier n’a pas d’incidence sur la validité de l’acte. D’ailleurs, les appelants se prévalent eux-mêmes de décisions de juges de l’exécution ayant accordé, sur ce fondement, des dommages-intérêts, mais ils ne sauraient en déduire une quelconque irrégularité formelle du commandement.

Dès lors, le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation du commandement du 9 avril 2018.

Sur la prescription du titre exécutoire et la mainlevée des mesures d’exécution

Il résulte de l’article L.111-4 du code des procédures civiles d’exécution que l’exécution des décisions de justice ne peut être poursuivie que pendant dix ans.

Ces dispositions étant issues de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription civile, qui a réduit l’ancien délai de trente ans, ce nouveau délai de dix ans court à compter du 19 juin 2008, date d’entrée en vigueur de la loi, en application de l’article 26 II de cette loi.

Le délai de prescription expirait normalement le 19 juin 2018.

Selon l’article 2244 du code civil, le délai de prescription est interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d’exécution ou un acte d’exécution forcée. Il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que le commandement de payer aux fins de saisie-vente, qui, sans être un acte d’exécution forcée, engage la mesure d’exécution forcée, interrompt la prescription de la créance qu’il tend à recouvrer.

Le commandement du 9 avril 2018 étant valable, comme il a été jugé supra, il a interrompu la prescription du jugement du 1er avril 1993 en faisant courir, à compter de sa date, un nouveau délai de dix ans.

Par conséquent, l’exécution du jugement n’est pas prescrite.

Les demandes d’annulation et de mainlevée des actes d’exécution et de restitution du véhicule saisi n’étant fondées que sur la prescription, c’est à bon droit que le juge de l’exécution les a rejetées. Le jugement sera donc confirmé.

S’agissant des intérêts, le jugement a appliqué la prescription biennale et a sollicité un nouveau décompte, ce qui n’est pas contesté devant la cour, la société Hoist Finance n’ayant pas constitué avocat.

Sur les demandes accessoires

Succombant en leur appel, M. [V] et Mme [H] seront condamnés aux dépens d’appel et déboutés de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile, étant précisé que le premier juge ne s’est pas dessaisi de la demande au titre des frais irrépétibles de première instance qu’il a réservée comme les dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 12 juillet 2022 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Créteil,

Y ajoutant,

DEBOUTE M. [N] [V] et Mme [Z] [H] de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [N] [V] et Mme [Z] [H] aux entiers dépens d’appel.

Le greffier, Le président,

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