Cour d'appel de Paris, Pôle 6 chambre 10, 22 juin 2023, n° 21/01878

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Chronologie de l’affaire

Commentaire1

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rocheblave.com · 12 octobre 2023

L'antisémitisme au travail n'est pas une opinion mais une faute justifiant un licenciement Pour la Cour d'appel de Paris, « il est impossible de tolérer des propos antisémites au motif qu'il s'agissait de traits d'humour « à ne pas prendre au premier degré » alors que les personnes qui étaient présentes lors de ces saillies verbales en ont été affectées » [1] Pour la Cour d'appel de Toulouse, « des propos antisémites dépassent le cadre normal de la liberté d'expression, et ne peuvent être tolérés. » [2] Pour la Cour d'appel de Versailles, « les propos à connotation antisémite ne …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 ch. 10, 22 juin 2023, n° 21/01878
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 21/01878
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Évry, 14 décembre 2020, N° 19/00787
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 30 juin 2023
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Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 10

ARRET DU 22 JUIN 2023

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/01878 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDHFG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Décembre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’EVRY – RG n° 19/00787

APPELANTE

S.A.S. NEXITY LAMY Prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-Luc HAUGER, avocat au barreau de LILLE, toque : 0250

INTIME

Monsieur [A] [J]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Bruno REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre

Monsieur Nicolas TRUC, Président de la chambre

Madame Carine SONNOIS, Présidente de la chambre

Greffier : lors des débats : Mme Sonia BERKANE

ARRET :

— contradictoire

— mis à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente et par Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

M. [A] [J] a été engagé par la société Century 21, suivant contrat à durée indéterminée en date du 4 septembre 2000, en qualité de Management Consultant Junior.

A la suite de nombreuses réorganisations au sein du groupe, il a été muté, le 16 janvier 2016, au sein de la société par actions simplifiée (SAS) Nexity Lamy en tant que Responsable animation et développement du réseau.

Le 1er janvier 2019, le salarié a été nommé Responsable de l’animation des ventes au sein de la Direction du Développement et la Performance Commerciale (DDPC).

Dans le dernier état des relations contractuelles régies par la convention collective de l’Immobilier, le salarié percevait une rémunération mensuelle brute de 6 268,42 euros.

Le 11 juin 2019, M. [A] [J] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 24 juin suivant. Cette convocation était assortie d’une mise à pied à titre conservatoire

Le 3 juillet 2019, le salarié s’est vu notifier un licenciement pour faute grave, libellé dans les termes suivants :

« Nous vous rappelons, au préalable, que vous avez été engagé au sein du Groupe, le 4 septembre 2000 et que depuis le ler janvier 2019, nous vous avons confié les missions de Responsable de l’Animation des Ventes au sein de la Direction du Développement et de la Performance Commerciale (DDPC), Direction du siège nouvellement créée en janvier 2019 avec la nouvelle organisation des agences du réseau Nexity Lamy.

Vous savez parfaitement que nous comptions sur vous pour porter les enjeux stratégiques de cette nouvelle Direction auprès des agences du réseau en ce que vous étiez le plus expérimenté au sein de cette Direction et que cette nouvelle fonction, indispensable au bon fonctionnement de la DPPDC, vous permettait d’accompagner le réseau d’agences dans le déploiement des différentes offres commerciales sur l’ensemble des métiers de l’Administration de Biens (…)

Vous avez accepté ces nouvelles fonctions sans émettre aucune réserve et avez signé l’avenant à votre contrat de travail.

Or, contre toute attente, vous avez rapidement fait part de votre déception quant au contenu du poste et c’est la raison pour laquelle vous avez demandé à échanger avec les services de la Direction des Ressources Humaines les 17 avril et 21 mai derniers. Vous souhaitiez notamment vous orienter vers d’autres fonctions en interne. il vous a été proposé plusieurs postes (Formateur interne, Animateur Réseau Transaction et Chef de projet Organisation) mais ces derniers ne correspondaient pas à vos souhaits selon vos dires.

Dans le prolongement, vous avez été reçu le 28 mai 2019 par [JE] [UC], Directeur Général Délégué du Pôle, qui vous a proposé de reprendre l’animation et le pilotage de quatre agences parisiennes entièrement dédiées à la vente. Une fois de plus, vous avez refusé cette proposition au motif qu’elle ne correspondait pas à vos souhaits.

A la suite de cela, vous vous êtes permis de menacer, à plusieurs reprises, votre hiérarchie de « pourrir l’ambiance » et de « mettre le bazar » si vous n’arrivez pas à obtenir un accord financier de sortie « équitable », ce que nous avons refusé. C’est à partir de ce moment-là que nous avons constaté une accélération et une aggravation d’une attitude de votre part outrancière et déplacée à l’égard de vos collègues de travail et de votre hiérarchie, notamment à l’égard de votre responsable hiérarchique et Directeur de la DDPC, [C] [K].

C’est dans ce contexte que nous avons reçu des plaintes de collaborateurs de la DDPC, au sein de laquelle vous exercez vos missions, corroborant les faits. Il ressort de l’ensemble des plaintes

reçues :

— un comportement sexiste, insultant et humiliant de votre part (1),

— des propos à connotation raciale tenus en présence de ces derniers (2),

— une volonté délibérée de votre part de ne pas exécuter vos missions (3).

1. Des propos sexistes, insu1tants et humiliants tenus à 1'égard de vos collègues et de votre hiérarchie

Nous sommes effarés de constater que vous avez récemment tenu des propos à la fois dégradants, insultants et humiliants concernant vos collègues ou votre hiérarchie et ce devant témoins.

1.1 Propos sexistes

Le 6 juin dernier, vous avez tenu des propos sexistes à l’égard de votre collègue [F] [L], Chargée de Développement Commercial Gérance, lorsque vous avez été informé qu’elle ne pouvait pas être présente à la journée d’animation, cette dernière souffrant de migraines fréquentes. Vous avez affirmé :

« On connaît les bonnes femmes et leurs migraines du soir quand elles retrouvent leurs maris!"

Malheureusement ce n’est pas la première fois que nous relevons de tels faits à votre égard car il ressort également des plaintes que vous racontez régulièrement des blagues sexistes à vos collègues femmes afin de les mettre mal à l’aise – surtout que le personnel de notre société est en majorité féminin, ce qui est parfaitement inacceptable.

Vous n’êtes pas sans savoir que votre comportement constitue un délit qui est puni pénalement et qui n’a aucunement sa place au sein de notre société.

1.2 Propos insultants et humiliants

Depuis la fin du mois de mai 2019, vous avez à de nombreuses reprises adopté un langage

totalement inapproprié, allant jusqu’à insulter vos collègues de travail.

A titre d’ illustration, vous avez qualifié votre collègue [U] [T], Responsable de la Performance Commerciale Gérance (région Nord), de « gogole » , de « débile », de « nulle », de « bête », d’une « incompétence professionnelle », tout en indiquant que l’organisation du déploiement de la fin de la défiscalisation réalisée par cette dernière était « merdique ».

De même, vous avez qualifié votre collègue, [H] [V], Responsable de la Performance Commerciale Gérance (région Sud), de « touto » de [C] [K]"

Aussi, vous avez qualifié votre collègue, [W] [VI], Assistante de [C] [K], de "sbire de [C] [Z]".

Cette liste cl’exemples n’est hélas pas exhaustive.

De par votre attitude, vous avez créé une atmosphère de travail malsaine qui a mis très mal à l’aise vos collègues de travail. Cette situation a détérioré de manière significative la relation de travail avec ces salariés, ces derniers n’hésitant pas à indiquer qu’ils sont usés moralement et à la limite d’aller consulter leur médecin traitant pour se faire arrêter.

Plus grave encore, vous avez également insulté votre responsable, [C] [K], en la traitant à plusieurs reprises de « nulle » en présence de vos collègues de la DDPC. Vous faîtes preuve d’un manque total de respect à l’égard de votre hiérarchie, qui est parfaitement incompatible avec les missions confiées.

En outre, nous constatons que vous adoptez le même comportement à l’égard de vos collègues des autres Directions puisque vous n’hésitez pas à utiliser des propos dégradants et dévalorisants à leur égard :

— [Y] [LR], Responsable Expérience Client, est qualifié par vos soins « d’autiste » de « trisomíque » et de « gogole »,

— [D] [R], Responsable Marketing Digital, est quant à elle traitée de « langue de pute de Nexity »

— Concernant la Direction des Ressources Humaines, vous avez indiqué : « Si tu n’as besoin de rien, tu peux les solliciter »,

— [N] [P], Directeur Commercial, et [WO] [M], votre ancien responsable, sont aussi traités de « nuls »,

— [EF] [G], Directrice d’agence, est également qualifiée « d’incompétente »,

— [E] [O], Animateur Méthodes Commerciales, est un « ringard » selon vos dires.

De manière plus générale, nous regrettons que vous critiquiez ouvertement l’organisation de la Direction dont vous faîtes partie (« c’est du grand n’importe quoi » « rien n’est organisé ») et que vous qualifiiez la société avec laquelle vous êtes lié par un contrat de travail comme étant « de la merde »

Votre attitude inconvenante et grossière donne une mauvaise image de la DDPC auprès des autres Directions du siège et des agences et il est très difficile pour nous d’excuser votre comportement puisque nous ne la cautionnons pas.

2. Des propos racistes tenus en présence de vos collègues de trayail

Dans le prolongement, nous avons malheureusement relevé votre propension à tenir des propos racistes en public. Nous allons citer quelques exemples :

« Le juif se marie avec une bonne juive (…) et leurs restaurants cacher sont en plus dégueulasses »

« Ce sont des extrémistes (concernant la communauté juive) »

« Ce sont des bougnouls (concernant la communauté mahrébine) »

Une fois encore, votre comportement a choqué vos collègues qui ne sont pas habitués à entendre des propos aussi durs, ce qui a créé une ambiance délétère au sein de la DDPC.

3. Refus d’exécuter vos missions

Nous vous rappelons qu’en votre qualité de Responsable de l’Animation des Ventes, vous devez travailler régulièrement avec vos deux autres collègues Responsables de l’Animation des Ventes, [X] [B] et [S] [I], afin de construire ensemble les kits d’actions commerciales syndic et gérance qui seront déployées au sein des agences du réseau Nexity Lamy. Depuis le début de l’activité de la DDPC, soit depuis le ler janvier 2019, une dizaine de kits ont ainsi été construits.

Au-delà du fait que vous avez laissé vos deux collègues préparer ces kits – pour mieux les critiquer ensuite – sauf à ajouter quelques smileys ou retouches de forme au dernier moment (notamment le kit du Road Show avec les filiales du Pôle Immobilier Résidentiel / Kit déploiement entremise / Kit déploiement assistance Immeuble / Kit des fins de défiscalisation), vous n’avez pas non plus participé à la réunion skype du 5 juin 2019 au matin pour finaliser le kit d’actions commerciales syndic. Vous vous êtes contenté de prévenir vos collègues en prétextant « que vous aviez autre chose à faire » puis vous êtes parti déjeuner à l’extérieur avec d’autres collègues, ce qui est parfaitement inadmissible.

Il était également prévu une seconde réunion skype le même jour (le 5 juin 2019) pour préparer la journée d’animation du lendemain et nous avons eu la stupéfaction de constater que vous avez prétexté un motif d’ordre personnel – aller chercher votre voiture au garage à 15h30- pour ne pas y participer. Vous n’êtes d’ailleurs pas revenu sur votre lieu de travail pour rejoindre vos collègues et vous avez donc vaqué à des occupations d’ordre personnel une bonne partie de 1'après-midi. Une telle situation est totalement intolérable.

De surcroît, lorsque vous daignez enfin participer à une réunion d’animation dédiée aux équipes de développeurs le 6 juin dernier – réunion que vous êtes censé animer-, vous passez toute la réunion à ne rien dire et à pianoter sur votre téléphone portable personnel et sur votre ordinateur, ce que nous ne pouvons admettre plus avant.

Votre laxisme récurrent et votre démotivation au cours de ces dernières semaines ne sont pas acceptables d’un salarié détenant une forte ancienneté (19 ans) au sein du Groupe et de surcroit cadre C3 qui est censé agir avec exemplarité auprès de ses collègues.

Au-delà du fait que vous avez de manière surprenante nié la majorité des griefs reprochés lors de l’entretien préalable, vous avez indiqué que certains propos « étaient sortis de leur contexte » et avaient une connotation uniquement « comique ». A titre anecdotique, lorsque nous avons cité une phrase prononcée par vos soins « j’aimerais mieux avoir un chat qu »un fils pédé« , vous avez souri. Vous conviendrez que les propos que vous avez tenus sont totalement choquants et inacceptables d’autant que ce type d’attitude contribue à entretenir une situation de blocage avec vos collègues de travail dont vous êtes à l »origine et dont vous n’avez jamais pris conscience (…)

C’est dans ce contexte que nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave. Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise, s’avère impossible".

Le 16 octobre 2019, M. [A] [J] a saisi le conseil de prud’hommes d’Évry-Courcouronnes pour contester son licenciement et solliciter des dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et licenciement vexatoire.

Le 15 décembre 2020, le conseil de prud’hommes d’Évry-Courcouronnes, dans sa section Encadrement, a statué comme suit :

— requalifie le licenciement pour faute grave en licenciement pour faute simple

— fixe la moyenne du salaire mensuel servant de base au calcul de l’indemnité conventionnelle de M. [A] [J] à 9 251 euros

— condamne la société Nexity Lamy à verser à M. [A] [J] les sommes suivantes :

* 6 784,12 euros à titre de rappel de salaire pour mise à pied conservatoire

* 678,41 euros au titre des congés payés afférents

* 27 753 euros à titre d’indemnité de préavis

* 2 775,30 euros au titre des congés payés afférents

* 50 325,44 euros à titre d’indemnité légale de licenciement

Avec intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2019, date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation

—  2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Avec intérêts au taux légal à compter de ce jour

— ordonner l’exécution provisoire sur le tout en application de l’article 515 du code de procédure civile

— déboute la société défenderesse de sa demande reconventionnelle

— condamne la société Nexity Lamy aux entiers dépens afférents aux actes et procédures de la présente instance à la charge de la société Nexity Lamy, y compris ceux dus au titre d’une éventuelle exécution par voie légale en application des articles 10 et 11 des décrets du 12 décembre 1996 et du 08 mars 2001 relatif à la tarification des actes d’huissiers de justice.

Par déclaration du 25 janvier 2021, la SAS Nexity Lamy a relevé appel du jugement de première instance dont elle a reçu notification à une date non déterminable.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 14 septembre 2021, aux termes desquelles la SAS Nexity Lamy demande à la cour d’appel de :

— infirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Évry-Courcouronnes du 15 décembre 2020 en ce qu’il a requalifié son licenciement pour faute grave en licenciement pour faute simple, fixé le salaire mensuel moyen à 9 251 euros, et condamné la société Nexity Lamy au paiement d’un rappel de salaire pour mise à pied conservatoire et les congés payés afférents, d’une indemnité de préavis et les congés payés afférents, d’une indemnité légale de licenciement et d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

— dire le licenciement de Monsieur [A] [J] fondé sur une faute grave

— débouter Monsieur [A] [J] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions

— condamner Monsieur [A] [J] à payer à la société Nexity Lamy la somme de 5.00 euros en application de l’article 700 de code de procédure civile

— condamner Monsieur [A] [J] aux entiers frais et dépens de l’instance, en ce compris les frais de signification et, le cas échéant, d’exécution de l’arrêt à intervenir,

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 28 juin 2021, aux termes desquelles

M. [A] [J] demande à la cour d’appel de :

— déclarer la société Nexity Lamy mal fondée en son appel du jugement rendu le 15 décembre 2020 par le conseil de prud’hommes de Paris et l’en débouter, ainsi que de toutes ses demandes, fins et conclusions

— confirmer le jugement entre pris en ce qu’il a :

«  – fixé le salaire mensuel moyen à 9 251 euros,

— condamné la société Nexity Lamy au paiement d’un rappel de salaire pour mise à pied conservatoire et des congés payés afférents, à hauteur de 6 784,12 euros et 678,41 euros

— condamné la société Nexity Lamy au paiement d’une indemnité de préavis et des congés payés afférents, à hauteur de 27 753 euros et 2 775,30 euros

— condamné la société Nexity Lamy au paiement d’une indemnité légale de licenciement à hauteur de 50 325,44 euros

— condamné la société Nexity Lamy au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de 2 500 euros

— ordonné l’application d’un intérêt au taux légal à compter du 13/11/2019"

— déclarer Monsieur [J] recevable et bien fondé en son appel incident

Y faisant droit

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a requalifié le licenciement pour faute grave de Monsieur [A] [J] en licenciement pour faute simple et débouté Monsieur [J] du surplus de ses demandes

Et statuant à nouveau

— déclarer le licenciement prononcé comme étant un licenciement sans cause réelle et sérieuse

— condamner en conséquence la société SAS Nexity Lamy à verser à Monsieur [J] la somme de 138 765 euros, correspondant à 15 mois de salaire, en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

— condamner la société SAS Nexity Lamy à verser à Monsieur [J] la somme de 27 753 euros, correspondant à 3 mois de salaire, pour procédure brutale et vexatoire

— condamner la société SAS Nexity Lamy à verser à Monsieur [J] la somme de 27 753 euros, correspondant à 3 mois de salaire, pour application déloyale du contrat de travail

Y ajoutant

— condamner la société SAS Nexity Lamy à verser à Monsieur [J] la somme supplémentaire de 4 000 euros, correspondant à ses frais d’avocat en application de l’article 700 du code de procédure civile

— condamner la société Nexity Lamy aux entiers frais et dépens de l’instance, en ce compris les frais de signification et, le cas échéant, d’exécution de l’arrêt à intervenir.

Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 8 mars 2023.

MOTIFS DE LA DECISION :

1/ Sur l’exécution déloyale du contrat de travail

M. [A] [J] explique, qu’en janvier 2019, lors d’une réorganisation de l’entreprise, il s’est trouvé rétrogradé sur un poste de Responsable de l’animation des ventes, qu’il a accepté en pensant que cette situation serait temporaire bien qu’elle ne corresponde ni à son expérience, ni aux compétences acquises au cours de ses 19 années d’ancienneté. Le 17 avril 2019, constatant qu’aucun nouveau poste ne lui était proposé, il a alerté le service des Ressources Humaines sur sa situation et il lui a été répondu qu’une mobilité interne serait envisageable, à compter du mois de mai 2019, au sein de la filière transaction. Alors qu’il recherchait lui-même un reclassement dans le groupe, il a découvert que la responsable des Ressources Humaines, en qui il avait placé toute sa confiance pour qu’elle lui trouve un nouveau poste conforme à ses compétences, préparait, en réalité, un dossier pour le licencier pour faute grave.

Le salarié intimé considère, donc, que l’employeur a failli à l’exécution loyale du contrat de travail et il sollicite une somme de 27 753 euros, représentant trois mois de salaire, en réparation du préjudice subi.

L’employeur se défend d’avoir imposé une rétrogradation au salarié en janvier 2019 et rapporte, qu’à cette date, il a été proposé au salarié un changement de fonction, sans incidence sur sa rémunération fixe et variable et sur sa classification, qu’il a accepté en régularisant, sans la moindre observation, l’avenant qui a été soumis à sa signature. Lorsque le salarié a exprimé, quelques mois plus tard, une insatisfaction par rapport à ses nouvelles fonctions, il a été reçu par la Directrice Adjointe des Ressources Humaines, qui lui a communiqué des informations sur les postes en cours de recrutement sur le Pôle Service Immobiliers aux Particuliers, l’a invité à consulter sur l’intranet l’ensemble des postes en cours de recrutement dans chacune des composantes du groupe Nexity et lui a recommandé de prendre connaissance des fiches de poste de tous les métiers du groupe afin de déterminer les emplois qui pourraient l’intéresser pour pouvoir l’accompagner au mieux dans un processus de mobilité. Cependant, le salarié a indiqué qu’aucun poste au sein du groupe ne l’intéressait. Le 28 mai 2019, M. [A] [J] a été reçu pour se voir proposer de reprendre l’animation et le pilotage de quatre agences parisiennes entièrement dédiées à la vente, ce qu’il a refusé en considérant que cette proposition était « vexatoire et humiliante » et qu’elle l’amènerait à travailler sous la responsabilité de M. [N] [P], qu’il considérait comme « un nul », « pas méchant » mais « has been » (pièce 9).

M. [A] [J] a, alors, exprimé son souhait de parvenir à une rupture conventionnelle avec un « accord équitable » sur le plan financier, ce que l’employeur a refusé en lui indiquant qu’il ne souhaitait pas mettre fin à son contrat de travail.

La société appelante ajoute qu’elle soupçonne le salarié intimé d’avoir voulu rejoindre une agence immobilière créée, en mars 2019, par un de ses anciens collègues de chez Century 21, agence dans laquelle il a immédiatement été engagé à la suite de son licenciement.

En l’état de ces éléments, la cour retient que le salarié, qui ne s’explique pas sur ses attributions et le contenu de ses missions, ne justifie en aucune manière que le poste qu’il a accepté, sans réserve en janvier 2019, constituait une rétrogradation dans ses fonctions alors même qu’il est établi que M. [A] [J] a conservé sa rémunération fixe et variable et sa classification en termes d’emploi. Il n’est pas davantage démontré que ce poste aurait été proposé au salarié, à titre temporaire, avec la promesse d’une prochaine affectation. En revanche, il est justifié par l’employeur des démarches qui ont été entreprises pour rechercher un autre emploi pour le salarié lorsque celui-ci a signalé au service des Ressources Humaines son insatisfaction quant à ses fonctions.

Dans ces circonstances, le salarié sera débouté de sa demande de dommages-intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail sur laquelle les premiers juges n’ont pas statuée.

2/ Sur le licenciement pour faute grave

L’employeur qui prend l’initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige. Il incombe à l’employeur d’alléguer des faits précis sur lesquels il fonde le licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il appartient à l’employeur d’en apporter la preuve.

L’employeur explique, qu’alors que M. [A] [J] avait toujours donné satisfaction dans ses fonctions et qu’il ne s’était jamais signalé par des problèmes de comportement à l’égard de ses collègues et/ou de sa hiérarchie, le salarié a complètement changé d’atttitude à compter de sa nouvelle affectation en janvier 2019, puis du refus de l’employeur de signer la rupture conventionnelle qu’il proposait. Il aurait d’ailleurs déclaré à cette occasion, qu’il ne lui « restait plus d’autre choix que de pourrir l’ambiance et la situation » (pièce 9). Par la suite, il a effectivement adopté un comportement particulièrement négatif dans l’exercice de ses fonctions, dénigrant ses collègues et sa hiérarchie, en les insultant parfois au passage et en décrédibilisant les actions menées par la direction et ses représentants.

Aux termes de la lettre de licenciement, il est reproché au salarié :

— des comportements et propos inadaptés tenus devant des collaborateurs de la société, et en particulier des propos sexistes, insultants, dénigrants, humiliants ou encore racistes. Au soutien de ces allégations, l’employeur verse au débat le témoignage de Mme [U] [T], Responsable Performance Commerciale Gérance, qui rapporte que lors d’un déjeuner en date du 6 juin 2019, M. [A] [J] « a parlé de juifs d’une manière inacceptable » (pièce 22). Lors de ses interventions en agence le salarié faisait, aussi, régulièrement allusion à sa « banquière autiste et à la vendeuse de triso », propos qui mettaient très « mal à l’aise » tout son auditoire. Cette salariée cite d’autres propos inadaptés tenus publiquement par le salarié dans l’entreprise, notamment pour critiquer des cadres de la Direction et des fonctions supports : « si tu n’as besoin de rien, appelle les RH ».

M. [X] [B], Responsable de l’animation des ventes, confirme le comportement et les propos inappropriés de l’intimé (pièce 23) qui n’hésitait pas à qualifier de « merdiques » les présentations et méthodes d’animation de ses collègues. Il ajoute que M. [A] [J] se plaisait à dénigrer régulièrement ses collègues et notamment Mme [T], dont il disait qu’elle était « nulle » et sa supérieure Mme [K], qualifiée de « vraiment nulle ». Le 6 juin 2019, le salarié intimé a, également, tenu des propos sexistes à l’encontre de

Mme [L] en se moquant de ses migraines.

M. [JE] [UC], Directeur Général Délégué Services Immobiliers aux Particuliers signale, pour sa part, que lorsqu’il a reçu le salarié, le 28 mai 2019, pour évoquer sa mobilité interne, M. [A] [J] n’a eu de cesse de dénigrer ses précédents responsables responsables, qualifiés de « nuls », tout comme Mme [T] décrite comme « nulle, bête et sans aucun charisme », Mme [G] « gentille mais incompétente et pas à sa place »,

M. [P] (Directeur national des Ventes) « nul » « pas méchant mais has been »,

M. [E] [O] (formateur interne de la société) « un ringard aux méthodes éculées totalement ridicule » (pièce 9).

Mme [V], Responsable Performance Commerciale (pièce 24) rapporte, elle-aussi, le comportement négatif du salarié à l’occasion d’une journée de formation, en date du 30 avril 2019, où il a incité les autres participants à dénoncer les points négatifs de leur activité en indiquant à plusieurs reprises que « l’organisation mise en place était du grand n’importe quoi ». Le salarié a, également, critiqué le déploiement du dispositif de fin de défiscalisation en indiquant que « tout était nul et à refaire » alors que cette action était validée par la Direction et sa hiérarchie.

— d’avoir refusé d’exécuter des missions relevant de ses fonctions et de sa responsabilité. Il est, notamment, reproché au salarié de s’être abstenu de participer à la création d’équipes d’actions commerciales, laissant ses collègues s’en occuper pour, ensuite, les critiquer. Il est relevé que le salarié était absent à plusieurs réunions de travail, sous divers prétextes et que, lors d’une réunion, il a passé son temps à vaquer à des occupations personnelles sans intervenir activement comme il lui appartenait de faire dans le cadre de sa mission d’animation (pièces 13, 23, 16).

M. [A] [J] soutient, pour sa part, que le licenciement est intervenu dans un contexte où la relation de travail était dégradée en raison de la rétrogradation fonctionnelle qui lui avait été imposée par l’employeur. Déjà moralement affecté par ce qu’il qualifie de ''placardisation", il a appris à la faveur d’échanges de mails, dont il a été rendu destinataire par erreur, que l’employeur préparait son licenciement pour faute grave pour l’évincer définitivement de la société.

M. [A] [J] rappelle qu’en 19 années d’ancienneté chez Nexity, il n’avait jamais fait l’objet d’aucune sanction disciplinaire, ni même de remarques et que si l’employeur estimait que son comportement et certains de ses propos étaient inadaptés, il lui appartenait de le mettre en garde avant de le sanctionner par un licenciement pour faute grave. Alors que l’employeur lui prête des propos racistes et sexistes et qu’il dénonce son comportement mysogine à l’égard de ses collègues féminines, il constate qu’aucune enquête interne n’a été confiée au CHSCT.

Le salarié intimé prétend, qu’en réalité, l’employeur a construit un dossier à charge pour le sortir des effectifs de la société alors que la société appelante cherchait à réduire ses effectifs dans le cadre de réorganisations rendues nécessaires par le rachat d’autres sociétés. Contrairement à ce qu’affirme la société appelante, M. [A] [J] avance que c’est la société intimée qui lui a proposé de signer une rupture conventionnelle et que c’est son refus qui a conduit à la mise en oeuve de son licenciement pour faute grave.

Concernant les griefs formés à son encontre, le salarié relève que les attestations versées aux débats concernant les propos insultants ou dénigrants qu’il aurait tenus émanent de salariés placés sous un lien de subordination avec l’employeur et qu’elles manquent donc, de ce fait, de toute objectivité. De surcroît, le salarié invoque sa liberté d’expression qui lui permet d’émettre des critiques à l’encontre de sa hiérarchie, y compris au sein de l’entreprise. S’agissant des propos à caractère raciste ou sexiste, que le salarié ne conteste pas avoir tenus, il les qualifie de « traits d’humour maladroit, certes mais certainement pas à prendre au premier degré ». D’ailleurs, l’intimé verse lui-même aux débats de nombreux témoignages, notamment de femmes, le décrivant comme une personne respectueuse à l’égard de toutes et tous (Pièces 23 à 26, 43, 44, 43). Le salarié produit, aussi, des attestations de collègues de confession israélite ou musulmane précisant, qu’à aucun moment, il n’a tenu le moindre propos déplacé eu égard à la religion ou aux origines ethniques de ses collègues (pièces 24,26).

Concernant le reproche qui lui est fait d’avoir refusé d’exécuter des missions relevant de ses fonctions et de sa responsabilité, le salarié réplique que l’entreprise ne peut pas lui reprocher d’avoir manqué d’investissement dans son activité alors qu’elle l’a rétrogradé sur un poste correspondant aux missions qu’il exécutait à son entrée dans l’entreprise 15 ans plus tôt.

Mais, la cour retient qu’il n’est pas contesté par le salarié qu’il a tenu des propos à caractère sexiste et antisémite, ainsi qu’en attestent les témoignages produits par l’employeur qui ne manquent donc pas d’objectivité sur ces questions. Il est impossible de tolérer de telles remarques au motif qu’il s’agissait de traits d’humour « à ne pas prendre au premier degré » alors que les personnes qui étaient présentes lors de ces saillies verbales en ont été affectées. Il en est de même des propos à caractère insultant et dénigrant que le salarié a tenus, publiquement et à plusieurs occasions, à l’encontre de ses collègues et de la Direction, qui ne peuvent être excusés par le désappointement de M. [A] [J] à la suite de son changement d’affectation en janvier 2019. Il convient de rappeler, à cet égard, que le salarié avait consenti à ce nouvel emploi et qu’après qu’il eut exprimé sa déception par rapport à ses nouvelles fonctions, une démarche a été engagée par le service des Ressources Humaines pour une recherche de mobilité interne. Le comportement négatif du salarié lors des formations et des réunions avec ses collègues, de même que son désengagement professionnel ont créé un climat délétère qui ne permettait pas un maintien de la relation contractuelle y compris pendant la durée du préavis, c’est donc à tort que les premiers juges ont dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et qu’ils ont alloué au salarié des indemnités de rupture. Le licenciement pour faute grave sera dit fondé et M. [A] [J] sera débouté de l’ensemble de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail.

3/ Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire

Le salarié prétend que son licenciement, qui est intervenu après 19 ans de carrière sans la moindre sanction disciplinaire, l’a profondément déstabilisé et il demande une somme de 27 753 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire.

Cependant, à défaut pour l’intimé de mettre en évidence un comportement abusif de l’employeur dans la mise en oeuvre de son licenciement et de justifier d’un préjudice en lien avec la brutalité dénoncée, le salarié sera débouté de sa demande de ce chef, sur laquelle les premiers juges n’ont pas statué.

4/ Sur les autres demandes

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [A] [J], partie succombante, supportera les dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit le licenciement de M. [A] [J] pour faute grave fondé,

Déboute M. [A] [J] de l’ensemble de ses demandes,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [A] [J] aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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Cour d'appel de Paris, Pôle 6 chambre 10, 22 juin 2023, n° 21/01878