Cour d'appel de Pau, 5 mai 2015, n° 15/01745

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Pau, 5 mai 2015, n° 15/01745
Juridiction : Cour d'appel de Pau
Numéro(s) : 15/01745
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Tarbes, 9 septembre 2013

Texte intégral

PC/AM

Numéro 15/1745

COUR D’APPEL DE PAU

1re Chambre

ARRET DU 05/05/2015

Dossier : 13/03765

Nature affaire :

Demande en réparation des dommages causés par une nuisance de l’environnement

Affaire :

A-B Y

C/

XXX

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 05 mai 2015, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 18 novembre 2014, devant :

Madame PONS, Président

Monsieur CASTAGNE, Conseiller, magistrat chargé du rapport conformément à l’article 785 du code de procédure civile

Madame NICOLAS, Conseiller

assistés de Madame VICENTE, Greffier, présente à l’appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

Madame A-B Y

née le XXX à XXX

de nationalité française

XXX

XXX

représentée et assistée de la SCP MAUVEZIN – SOULIE, avocats au barreau de TARBES

INTIMEE :

XXX

XXX

58200 COSNE-COURS-SUR-LOIRE

représentée par Maître Jean-Jacques FELLONNEAU, avocat au barreau de TARBES

assistée de Maître Arnaud CABANES, avocat au barreau de PARIS

sur appel de la décision

en date du 10 SEPTEMBRE 2013

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TARBES

Mme A-B Y est propriétaire à Tarbes d’une maison d’habitation implantée à proximité d’une usine de forgeage de métaux par presses exploitée par la SAS Vam Drilling (aux droits de laquelle se trouve désormais la SAS Vallourec Drilling Products France (ci-après Vallourec) qui génère des nuisances sonores, vibratoires et olfactives dont elle se plaint depuis plusieurs années.

Au terme d’une expertise judiciaire ordonnée en janvier 2009, M. Z a déposé, le 28 mars 2011, un rapport dans lequel il conclut que la situation vibratoire est liée au fonctionnement d’une presse, que la gêne est avérée, tant en diurne qu’en nocturne, qu’elle peut varier selon la référence de la pièce fabriquée, quand bien même la réglementation en matière de vibrations est respectée.

Relevant quelques dépassements des tolérances sonores, l’expert a préconisé l’interdiction de la fabrication de références générant des amplitudes supérieures à 0,30mm/s durant les périodes de repos entre 22 h et 8 h, en précisant que la norme fixe le seuil de gêne nocturne à 0,14.

Par jugement du 10 septembre 2013, le tribunal de grande instance de Tarbes a :

— dit que seuls les bruits qui ne respectent pas les dispositions réglementaires en matière de nuisances sonores constituent un trouble anormal de voisinage pour Mme Y,

— condamné la SAS Vam Drilling à payer à Mme Y la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts au titre de son préjudice de jouissance, augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement, avec capitalisation dans les conditions prévues par l’article 1154 du code civil et la somme de 1 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, en ce compris les frais d’expertise.

Mme Y a interjeté appel de cette décision, selon déclaration transmise au greffe de la Cour le 22 octobre 2013.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du magistrat de la mise en état en date du 1er octobre 2014.

Dans ses dernières conclusions déposées le 19 mars 2014, Mme Y demande à la Cour, réformant le jugement entrepris :

— de déclarer la SAS Vallourec responsable des préjudices par elle subis sur le fondement principal de la théorie des troubles anormaux de voisinage et sur le fondement subsidiaire des articles 1382 et 1383 du code civil,

— d’interdire à la SAS Vallourec de fabriquer toutes les références générant des amplitudes supérieures à 0,30 mm/s pendant les périodes de repos, soit de 22 h à 8 h, sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai d’un mois suivant la notification de l’arrêt à intervenir,

— de condamner la SAS Vallourec à lui payer les sommes de :

> 3 219,40 € pour les travaux de reprise des dégâts imputables aux nuisances,

> 48 596,25 € au titre de la perte de valeur de l’immeuble,

> 10 000 € au titre du préjudice de jouissance,

> 5 000 € pour le préjudice moral,

augmentées des intérêts au taux légal depuis le 27 novembre 2008 avec capitalisation des intérêts selon les modalités prévues par l’article 1154 du code civil,

— de débouter la SAS Vallourec de l’ensemble de ses demandes,

— de condamner la SAS Vallourec à lui payer la somme de 5 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens en ce compris les frais d’expertise judiciaire et les frais d’établissement de divers procès-verbaux de constat d’huissier de justice.

Elle soutient en substance :

— que l’expertise judiciaire a caractérisé les nuisances vibratoires et sonores générées par les installations de la SAS Vallourec,

— que l’intimée ne peut se prévaloir de la conformité réglementaire de ses installations, alors même que la conformité réglementaire n’implique pas l’absence de gêne pour le voisinage, au demeurant constatée par l’expert judiciaire qui relève que les préconisations de la norme ISO 2631-2 sont systématiquement dépassées et que la situation de gêne est constamment avérée,

— qu’il est par ailleurs établi que la situation vibratoire est liée au fonctionnement de la presse et que l’importance des vibrations dépend de la nature de la pièce en cours de fabrication,

— qu’il n’est nullement établi que l’activité industrielle à l’origine des nuisances, soit le fonctionnement de la presse mise en cause par l’expert judiciaire, a été antérieure à la construction de sa maison,

— qu’elle a subi divers préjudices, tant matériels (désordres causés à son habitation par les nuisances vibratoires au long cours imputables à l’intimée et consistant en un affaissement du toit de la cave et un décollement de l’escalier d’accès à l’étage) qu’économiques (perte de valeur de sa propriété) que moraux (préjudice de jouissance et préjudice moral).

Dans ses dernières conclusions déposées le 23 septembre 2014, la SAS Vallourec, formant appel incident, demande à la Cour, réformant partiellement le jugement entrepris en ce qu’il a retenu l’existence de nuisances sonores ouvrant droit à indemnisation et le confirmant pour le surplus, de débouter Mme Y de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 7 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Elle soutient pour l’essentiel :

— s’agissant des prétendues nuisances sonores :

> que l’expertise judiciaire n’a pas confirmé la persistance de la gêne sonore invoquée par Mme Y, l’expert estimant que les problèmes qui ont pu exister ont été globalement réglés par la mise en oeuvre, courant 2007, d’un écran antibruit et relevant l’absence d’événement sonore de nature à générer une situation de gêne,

> que le bruit de ventilation identifié le 5 octobre 2009 constitue un événement acoustique exceptionnel sans doute dû, selon l’expert, à l’oubli de l’extinction d’un système de ventilation ou d’un autre équipement,

> qu’une seule occurrence d’un bruit apparu entre 5 h et 6 h du matin, pour un dépassement minime de la norme, insuffisamment énergétique pour constituer à lui seul une gêne ne peut être constitutive d’un trouble anormal de voisinage ouvrant droit à indemnisation,

> qu’en définitive, au regard du caractère exceptionnel des événements sonores relevés par l’expert judiciaire, qui ne peuvent être qualifiés de 'gêne’ et de la conformité du site aux normes applicables en matière de limitation des nuisances sonores, aucun trouble anormal de voisinage n’est caractérisé,

— s’agissant des nuisances vibratoires :

> qu’il n’est justifié de la survenance d’aucune nuisance vibratoire depuis avril 2011 et que si une telle gêne persistait, il n’est pas établi qu’elle constituerait un trouble anormal de voisinage pouvant ouvrir droit à réparation à Mme Y qui ne justifie pas du bien-fondé et du quantum des préjudices allégués,

> que la présence, plus que centenaire, sur le site d’une activité de forgeage de métaux par presses est antérieure à l’acquisition par Mme Y de sa maison d’habitation,

— que la demande d’interdiction de fabrication de références générant des amplitudes vibratoires supérieures à 0,30 mm/s de 22 h à 8 h est disproportionnée compte tenu tant de la rareté des événements vibratoires susceptibles de constituer une gêne que de ses conséquences sur l’exploitation du site,

— que Mme Y ne justifie ni de l’existence, ni de l’étendue ni de l’imputabilité à l’intimée des préjudices dont elle sollicite réparation.

MOTIFS

I – Sur l’existence même d’un droit à indemnisation :

Le premier juge a exactement rappelé que le droit de propriété est limité par l’obligation du propriétaire de ne causer à la propriété d’autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux du voisinage et que le bénéfice de l’antériorité prévu par l’article L. 112-16 du code de la construction et de l’habitation n’est reconnu à l’égard de l’exploitant d’une installation industrielle génératrice de nuisances que pour autant qu’il respecte les prescriptions qui lui sont imposées.

Il y a lieu en l’espèce de constater que Mme Y ne formule aucune demande au titre de nuisances olfactives qui n’ont par ailleurs pas été objectivées dans le cadre de l’expertise judiciaire.

S’agissant des nuisances sonores et vibratoires dénoncées par Mme Y, l’expert judiciaire a relevé de manière générale :

— qu’à partir des comptes-rendus des réunions qui ont eu lieu en 2006 et 2008 et des témoignages recueillis lors des opérations d’expertise, il apparaît que la situation a évolué dans le bon sens et que les améliorations ont été importantes et sont sans doute liées aux investissements engagés par la société,

— que les événements acoustiques et/ou vibratoires qui ont eu lieu fin août 2008 sont à l’origine de l’instance,

— que sur les comptes-rendus de réunion, il apparaît que les périodes de gêne sont surtout déclarées en période nocturne, au petit matin et accessoirement en fin de journée, ce qui s’explique par le fait qu’un grand bruit en période nocturne (de 22 h à 7 h selon l’arrêté du 23 janvier 1997 relatif à la limitation des bruits émis par les installations classées), même tout à fait ponctuel, est de nature à réveiller le voisinage alors que son impact en période diurne serait moindre, voire inexistant,

— que les derniers événements acoustiques et/ou vibratoires remontent au 6 et 7 avril 2009 et durant le pont de l’Ascension, l’occurrence étant de deux périodes sur une durée de neuf mois,

— qu’en raison de la mise en place d’un écran acoustique absorbant en limite d’emprise de l’établissement, de la politique d’analyse des comportements et des habitudes, du traitement des sources de bruit, il apparaît que la plupart des problèmes habituels sont réglés, ne subsistant que le 'grand boum’ réveillant les voisins et semblant précéder les périodes de vibrations.

Après avoir, sur la base des normes applicables (arrêté du 23 janvier 1997 relatif à la limitation des bruits émis dans l’environnement par les installations classées et norme NF 31-010 intitulée 'caractérisation et mesurage des bruits de l’environnement') procédé à des mesures de bruit, sur une période comprise entre le 25 septembre 2009 et le 7 octobre 2009 et selon une méthodologie ne faisant l’objet d’aucune critique, l’expert judiciaire indique :

— qu’il a noté le 5 octobre 2009 un bruit de fonctionnement de ventilation de 22 h 15 à 02 h 37 révélant une émergence de 7,6 dBa alors que l’émergence admise est de 3 dBa, créant une situation de gêne avérée mais liée à un événement fortuit et exceptionnel lié à l’oubli d’extinction d’un équipement,

— qu’a également pu être caractérisé un dépassement de 0,3 dBa des tolérances d’émergence du bruit généré par le démarrage des installations dont il indique cependant qu’il paraît insuffisamment énergétique pour constituer, à lui seul, une gêne.

S’agissant des nuisances vibratoires dénoncées par Mme Y et générées par le fonctionnement de la presse à métal, les investigations expertales ont été réalisées sur la base de deux réglementations distinctes, dont l’applicabilité même n’est pas contestée et consistant :

— d’une part, dans la circulaire du 26 juillet 1986 relative aux vibrations mécaniques émises dans l’environnement par les installations classées pour la protection de l’environnement et concernant les effets des vibrations par rapport aux structures des constructions voisines,

— d’autre part, dans la norme internationale ISO 2361-2, relative à l’estimation de l’exposition des individus à des vibrations globales du corps et plus particulièrement (partie 2) à des vibrations continues et induites par les chocs dans les bâtiments.

Si, au terme de ses investigations, l’expert judiciaire conclut qu’en termes d’incidence sur la structure même de la maison de Mme Y, toutes les valeurs mesurées sont largement inférieures aux valeurs limite définies par la circulaire du 23 juillet 1986 en sorte qu’aucun trouble actuel ne peut être objectivé de ce chef, il indique qu’il n’en est pas de même en termes d’exposition des personnes à des vibrations globales du corps, telle que définie et réglementée par la norme ISO 2631-2 qui prévoit que les valeurs des amplitudes de vibrations (vitesse efficace en m/s) créant une situation de gêne sont, pour des locaux à usage de résidence, de 0,20 à 0,40 mm/s en diurne et de 0,14 mm/s en nocturne.

L’expert judiciaire indique que la comparaison des mesures et des relevés de production de Vallourec met en évidence des adéquations entre les quantités produites et les périodes d’agitation vibratoire, la durée journalière d’activité, la durée des périodes d’arrêt suivant incidents ou changements de production, les références des pièces fabriquées en indiquant que certaines fabrications, parfaitement identifiées génèrent plus de vibrations.

Ayant exclu catégoriquement, après étude approfondie, toutes les causes alternatives invoquées par l’intimée (secousses sismiques, circulation automobile, travaux), M. Z précise :

— que l’apparition de vibrations est inhérente au fonctionnement de la presse en production, – que l’amplitude des niveaux vibratoires est fonction de la référence de la pièce fabriquée,

— que selon les fiches récapitulatives des mesures, hors les journées sans mesure, les préconisations de la norme ISO 2631-2 sont systématiquement dépassées et la situation de gêne constamment avérée,

— que si la norme prévoit une fourchette de valeurs et non une valeur unique, il paraît que le seuil de 0,40 mm/s serait pertinent si les dépassements n’étaient qu’occasionnels ce qui n’est pas le cas puisque certaines périodes durent plusieurs heures, y compris en période nocturne, ce qui justifie l’utilisation du seuil bas de 0,20 mm/s.

Il conclut :

— que la gêne vibratoire, proche du seuil de perception, est avérée tant en diurne qu’en nocturne,

— que son importance peut varier dans de grandes proportions suivant la référence de la pièce fabriquée,

— que cette gêne est soumise à des facteurs aggravants tels que la durée cumulée d’apparition, l’apparition de gêne en période nocturne (la perception étant accrue en position allongée) et l’existence de phénomènes associés comme le bruit au démarrage matinal des installations,

— que l’importance de la gêne, tant en période diurne qu’en période nocturne, peut varier dans de grandes proportions suivant la référence de la pièce fabriquée,

— que l’affaissement du plafond de la cave et l’aggravation du décollement de l’escalier d’accès à l’étage paraissent liés à la constance de la situation vibratoire et à des effets induits.

Constatant que la fabrication de certaines pièces (notamment la référence FB VX 38 5 29/16 12) peut générer des vibrations de 1,10 mm/s créant, en cas de fabrication nocturne, un situation pouvant être qualifiée d’insupportable, il préconise d’interdire la fabrication de toutes les références générant des amplitudes supérieures à 0,30 mm/s durant les périodes de repos, de 22 h à 8 h, en rappelant que la norme ISO 2631-2 fixe le seuil de gêne nocturne à 0,14 mm/s.

Sauf à dénaturer les conclusions expertales, il ne peut être considéré comme le soutient la SAS Vallourec – qui conclut à la confirmation du jugement entrepris sur ce point – que, bien que la gêne existe, en vertu du principe d’antériorité, les dommages résultant des vibrations n’entraînent pas de droit à réparation dès lors que les dispositions réglementaires en vigueur sont respectées.

En effet, il résulte des opérations expertales ci-dessus résumées que si les exigences de la circulaire du 26 juillet 1986 en termes d’effets des vibrations par rapport aux structures des constructions voisines sont respectées, il n’en est pas de même de celles imposées par la norme ISO 2631-2 en termes de seuil maximum de gêne aux personnes.

L’expert a répondu aux arguments techniques soulevés par la SAS Vallourec :

— d’une part, en excluant les causes alternatives de nuisances par elle invoquées,

— d’autre part, en écartant les résultats des mesures produites par la SAS Vallourec en indiquant que, réalisées pendant quelques minutes pendant le fonctionnement normal des installations, elles montrent qu’en limite de l’emprise de l’établissement, les niveaux mesurés sont très inférieurs aux seuils réglementaires qui sont exclusivement destinés à préserver la sécurité des constructions alors, qu’au contraire, le seuil de perception des vibrations est particulièrement bas (0,15 à 0,20 mm/s) et en rappelant que la non-opposition de la DRIRE est sans incidence puisque cet organisme ne contrôle pas les mesures mais valide la situation par rapport à la réglementation des installations classées (circulaire du 23 juillet 1986) qui ne concerne que la protection des constructions,

— par ailleurs, en écartant les conclusions d’un rapport privé établi par le cabinet X à la requête de la société Vallourec (faisant état de mesures entrant dans les tolérances de la norme ISO 2631-2) en relevant que les mesures effectuées par cet organisme ont été opérées sur la voie publique en limite de l’établissement, lors de la réalisation d’une seule référence, sur des emplacements non représentatifs de la perception tactile des vibrations par les riverains dans leurs habitations alors que les mesures expertales ont été réalisées dans les chambres des habitations en conformité avec la norme qui prévoit que les mesures doivent être effectuées sur une surface structurelle supportant le sujet humain au point de pénétration des vibrations dans celui-ci.

Compte tenu de ces éléments, il y a lieu de considérer, réformant le jugement entrepris :

— qu’est caractérisée l’existence d’un trouble anormal de voisinage consistant dans une gêne, excédant les tolérances admises par la norme ISO 2631-2 en termes d’exposition des personnes à des vibrations globales du corps dans des locaux à usage résidentiel, en relation directe de causalité avec le fonctionnement de la presse à métal de l’usine de la SAS Vallourec,

— que, par contre, n’est pas caractérisée l’existence d’un trouble anormal du voisinage du chef de nuisances sonores, les phénomènes acoustiques 'anormaux’ relevés pendant les opérations d’expertise judiciaire étant qualifiés par l’expert lui-même d’exceptionnels et fortuits et ne pouvant constituer une nuisance constitutive d’un trouble anormal de voisinage qui suppose une répétition minimale de la gêne,

— que cependant en ce qu’elles révèlent une négligence de l’entreprise puisque résultant selon les constatations expertales de l’oubli d’extinction d’un système de ventilation ou d’un autre équipement, les nuisances acoustiques s’étant produites le 5 octobre 2009, sont de nature à engager la responsabilité de la SAS Vallourec à l’égard de Mme Y sur le fondement de l’article 1383 du code civil.

II – Sur la détermination et l’évaluation des préjudices indemnisables :

1 – Sur la cessation et/ou la réduction du trouble anormal de voisinage constitué par la gêne résultant de l’amplitude excessive des vibrations provoquées par le fonctionnement de la presse à métaux :

Dès lors que la SAS Vallourec ne peut se prévaloir du privilège d’antériorité prévu par l’article L. 112-16 du code de la construction et de l’habitation, il y a lieu de considérer que Mme Y est fondée à exiger la cessation ou la réduction du trouble anormal de voisinage dont elle est victime et spécialement, comme préconisé par l’expert judiciaire, l’interdiction pour la SAS Vallourec de produire toutes les références générant des amplitudes vibratoires supérieures à 0,30 mm/s durant les périodes de repos, de 22 h à 8 h, étant considéré :

— que cette prohibition n’implique pas l’arrêt absolu de toute production nocturne ni, a fortiori et indirectement, la fermeture de l’établissement,

— que les juridictions judiciaires ont compétence pour se prononcer tant sur les dommages-intérêts à allouer aux tiers lésés par le fonctionnement d’un établissement classé que sur les mesures propres à faire cesser le préjudice qu’il pourrait causer pour l’avenir, à condition que ces mesures ne contrarient pas les prescriptions édictées par l’administration dans l’intérêt de la sûreté et de la salubrité publiques.

2 – Sur la demande en remboursement de travaux de confortement :

Mme Y sollicite de ce chef l’octroi d’une somme de 3 219,40 € correspondant à des travaux confortatifs de plafond de la cave et de l’escalier intérieur d’accès à l’étage.

Elle sera déboutée de ce chef de demande dès lors :

— d’une part, que les opérations d’expertise judiciaire ont établi qu’en termes d’incidence sur la structure même de la maison de Mme Y, toutes les valeurs mesurées sont 'largement’ inférieures aux valeurs limite définies par la circulaire du 23 juillet 1986 sur la sécurité des immeubles avoisinants,

— qu’il n’est produit aucun élément objectivement vérifiable établissant un lien direct de causalité entre les vibrations produites par la presse à métaux et les désordres affectant le plafond de la cave et l’escalier intérieur de l’immeuble dont l’expert indique qu’ils ne sont pas directement provoqués par les vibrations mais peuvent être aggravés par celles-ci.

3 – Sur la demande d’indemnisation pour perte de valeur vénale de l’immeuble :

L’existence même d’un préjudice économique résultant des nuisances vibratoires affectant la propriété de Mme Y, ne peut être considérée comme purement hypothétique au seul motif, retenu par le premier juge, que l’appelante n’a jamais cherché à vendre son bien et qu’au moment où elle décidera de vendre, d’autres facteurs pourront intervenir dans la détermination du prix de vente.

En effet, les nuisances vibratoires sont établies et les mesures réductrices ci-dessus ordonnées, à la requête même de Mme Y, ne les supprimeront pas totalement, en sorte qu’elles constituent un élément de moins-value actuel, certain et incontestable.

Mme Y sollicite de ce chef l’octroi d’une indemnité de 48 596,25 €, sur la base d’un taux de dépréciation immobilière de 37,50 % estimé par une agence immobilière relativement à une propriété voisine de la sienne subissant les mêmes nuisances causées par l’activité de la société intimée, taux qu’elle entend voir appliquer à la valeur vénale de sa propriété estimée, courant avril 2011, à 129 590 €.

Outre le fait que l’avis de valeur concernant la propriété voisine n’a pas été versé aux débats, ce qui ne permet pas de vérifier la pertinence même du taux de décote invoqué par l’appelante, il convient de considérer que l’indemnisation ne peut concerner que les incidences des nuisances vibratoires, à l’exclusion de tout autre élément, spécialement la proximité même de sa propriété par rapport à l’établissement exploité par la SAS Vallourec et doit tenir compte des mesures correctives ordonnées par ailleurs.

En considération de ces éléments, la moins-value résultant des nuisances anormales subies par la propriété de Mme Y sera évaluée à la somme de 15 000 €.

4 – Sur la demande d’indemnisation de trouble de jouissance :

Le trouble de jouissance subi par Mme Y tant du fait des nuisances vibratoires que des troubles acoustiques survenus le 5 octobre 2009, sera, en considération de l’ampleur et de la durée des troubles, réparé par l’octroi d’une indemnité de 5 000 €.

5 – Sur la demande d’indemnisation de préjudice moral :

A défaut de justification d’un préjudice particulier, distinct du trouble de jouissance par elle subi, Mme Y sera déboutée de ce chef de demande indemnitaire.

III – Sur les demandes accessoires :

L’équité commande de condamner la SAS Vallourec à payer à Mme Y, en application de l’article 700 du code de procédure civile, la somme globale de 3 000 € au titre des frais irrépétibles par elle exposés tant en première instance qu’en cause d’appel.

La SAS Vallourec sera condamnée aux entiers dépens d’appel et de première instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Tarbes en date du 10 septembre 2013,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme Y de ses demandes en remboursement de travaux confortatifs et d’indemnisation de préjudice moral,

Réformant la décision déférée pour le surplus :

Interdit à la SAS Vallourec Drilling Products France de produire toutes les références générant des amplitudes vibratoires supérieures à 0,30 mm/s durant les périodes de repos, de 22 h à 8 h, sous astreinte de 150 € (cent cinquante euros) par infraction constatée,

Condamne la SAS Vallourec Drilling Products France à payer à Mme Y les sommes de :

—  15 000 € (quinze mille euros) au titre de la perte de valeur vénale de sa propriété imputable aux nuisances générées par son activité industrielle,

—  5 000 € (cinq mille euros) en réparation de son trouble de jouissance,

augmentées des intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt, avec capitalisation dans les conditions prévues par l’article 1154 du code civil,

Condamne la SAS Vallourec Drilling Products France à payer à Mme Y, en application de l’article 700 du code de procédure civile, la somme globale de 3 000 € (trois mille euros) au titre des frais irrépétibles par elle exposés tant en première instance qu’en cause d’appel,

Condamne la SAS Vallourec Drilling Products France aux entiers dépens d’appel et de première instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire.

Le présent arrêt a été signé par Mme Pons, Président, et par Mme Vicente, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Sandra VICENTE Françoise PONS

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