Cour d'appel de Pau, 2ème ch - section 1, 23 novembre 2017, n° 15/02858

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Pau, 2e ch - sect. 1, 23 nov. 2017, n° 15/02858
Juridiction : Cour d'appel de Pau
Numéro(s) : 15/02858
Décision précédente : Tribunal de commerce de Tarbes, 19 juillet 2015
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

AJ/MC

Numéro 17/4494

COUR D’APPEL DE PAU

2e CH – Section 1

ARRET DU 23/11/2017

Dossier : 15/02858

Nature affaire :

Demande en cessation de concurrence déloyale ou illicite et/ou en dommages et intérêts

Affaire :

SAS APR

C/

SAS DERICHEBOURG PROPRETE

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 23 Novembre 2017

, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions

prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 11 Septembre 2017, devant :

Madame MORILLON, Conseiller faisant fonction de Président

Monsieur DARRACQ, Conseiller

Madame JANSON, Vice-président placé par ordonnance en date du 6 décembre 2016, chargé du rapport

assistés de Madame SAYOUS, Greffier, présent à l’appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi. dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

SAS APR

[…]

[…]

Représentée par Me Olivier ROUVIERE, avocat au barreau de PAU

INTIMEE :

SAS DERICHEBOURG PROPRETE

[…]

[…]

Représentée par Me Antoine PAULIAN, avocat au barreau de PAU

Assistée par Me Laurent NOUGAROLIS, avocat au barreau de TOULOUSE

sur appel de la décision

en date du 20 JUILLET 2015

rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE TARBES

EXPOSE DU LITIGE

Faits et procédure

La SAS APR et la SAS DERICHEBOURG PROPRETE sont des sociétés spécialisées dans le nettoyage de locaux et bâtiments professionnels.

La SAS DERICHEBOURG PROPRETE a postulé en septembre 2013 sur un appel d’offres diligenté par la société PROMOLOGIS, en vue de l’attribution du nettoyage de ses locaux administratifs de l’agence Pyrénées-Bigorre (65) ; elle a été retenue comme prestataire par décision du 29 octobre 2013, en remplacement de la SAS APR.

La SAS APR a par ailleurs reçu le 2 janvier 2014 un courrier de la société Y, l’informant de sa décision de résilier son contrat d’entretien et de nettoyage de ses locaux situés à Tarbes, au profit de la SAS DERICHEBOURG PROPRETE.

Considérant que la perte de ces deux marchés était en lien avec le recrutement par la SAS DERICHEBOURG PROPRETE de l’une de ses anciennes salariées au mépris d’une clause de non-concurrence, la SAS APR a assigné la SAS DERICHEBOURG PROPRETE en concurrence déloyale par acte du 31 mars 2014 devant le tribunal de commerce de Tarbes, sollicitant sa condamnation à lui payer la somme de 374'062,60 € à titre de dommages et intérêts.

Par jugement du 20 juillet 2015, le tribunal a :

« - déclaré recevable l’action engagée par la SAS APR à l’encontre de la SAS DERICHEBOURG PROPRETE,

— dit qu’il n’y a pas d’action de concurrence déloyale de la part de la SAS DERICHEBOURG PROPRETE à l’égard de la SAS APR dans la mise en oeuvre des marchés PROMOLOGIS et Y,

— rejeté les demandes de la SAS APR au titre d’une action de concurrence comme infondée,

— dit la SAS DERICHEBOURG PROPRETE mal fondée dans sa demande reconventionnelle d’indemnisation de préjudice au titre d’un abus de droit,

— condamné la SAS APR aux entiers dépens, ainsi qu’au paiement de la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. »

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 31 juillet 2015, la SAS APR a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du magistrat de la mise en état du 16 août 2017, la clôture de l’instruction de l’affaire a été déclarée.

Prétentions et moyens des parties

Selon dernières conclusions du 16 octobre 2015, la SAS APR demande à la cour de :

Vu l’article 1382 du code civil,

— réformer la décision entreprise,

— dire recevable et bien fondée la SAS APR en l’intégralité de ses demandes,

— dire qu’il y a eu acte de concurrence déloyale de la part de la SAS DERICHEBOURG PROPRETE,

— condamner en conséquence la SAS DERICHEBOURG PROPRETE à lui payer la somme de 374'062,60 € à titre de dommages et intérêts,

— la condamner aux entiers dépens, ainsi qu’au paiement de la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

* * *

L’appelante expose que Mme X, qui travaillait pour la SAS APR depuis le 3 décembre 2012 en tant que chargée de clientèle sur le département des Hautes-Pyrénées, et dont le portefeuille était constitué de deux clients importants, les sociétés PROMOLOGIS et Y, a présenté sa démission le 29 novembre 2013, puis a été embauchée par la SAS DERICHEBOURG PROPRETE à compter du 2 janvier 2014 pour y exercer les fonctions de responsable de secteur dans le même département.

Elle relève qu’il est surprenant que la SAS DERICHEBOURG PROPRETE ait pu récupérer le marché avec la société PROMOLOGIS, dès lors que la SAS DERICHEBOURG PROPRETE n’a jamais été implantée dans le département 65 ; que par ailleurs l’obtention de ce marché a été obtenue par un prix de prestations défiant toute concurrence (plus de 20 % moins cher), ce qui pourrait s’expliquer par le fait que la SAS DERICHEBOURG

PROPRETE ait obtenu des informations confidentielles.

Elle ajoute que la concomitance entre la résiliation du contrat par la société Y et l’embauche de Mme X par la SAS DERICHEBOURG PROPRETE est également pour le moins curieuse.

Elle affirme que Mme X a continué à échanger des mails avec la société PROMOLOGIS courant 2014 alors qu’elle travaillait pour la SAS DERICHEBOURG PROPRETE, ce qui démontre que la salariée a été embauchée par cette société pour gérer le marché sur le département 65, et ce en violation manifeste de la clause de non-concurrence dont son nouvel employeur avait connaissance.

Elle précise que la SAS DERICHEBOURG PROPRETE a mis fin à la période d’essai de Mme X à compter du 23 mai 2014, ce qui établit que la salariée est la première victime des manoeuvres de concurrence déloyale de la société.

Elle soutient que l’embauche de Mme X au mépris de sa clause de non-concurrence est déloyale, et constitue une faute au sens de l’article 1382 du code civil ; que par ailleurs la perte du marché Y de Tarbes laisse présumer que Mme X a été employée dans le but également de détourner la clientèle de la SAS APR, ce qui constitue également une manoeuvre constitutive de concurrence déloyale.

Elle chiffre son préjudice matériel et économique à la somme de 274'062,60 €, au titre de la perte de marge brute générée par la perte des deux contrats. Elle sollicite en outre la somme de 100'000 € au titre de son préjudice moral.

* * *

Selon dernières conclusions du 15 décembre 2015, la SAS DERICHEBOURG PROPRETE demande à la cour de :

Vu les articles 1382 du code civil 32-1 du code de procédure civile,

— confirmer la décision entreprise,

En conséquence,

— juger que la SAS APR ne rapporte pas la démonstration d’actes de concurrence déloyale à l’encontre de la SAS DERICHEBOURG PROPRETE,

— juger que les circonstances invoquées par la SAS APR ne constituent pas des actes de concurrence loyale,

— juger que la SAS APR n’apporte aucune justification des préjudices qu’elle entend imputer à la SAS DERICHEBOURG PROPRETE,

— débouter par conséquent la SAS APR de l’intégralité de ses demandes,

— jugée en outre que l’action diligentée par la SAS APR à l’encontre de la SAS DERICHEBOURG PROPRETE caractérise un abus du droit d’ester en justice,

— condamner un conventionnellement la SAS APR à lui payer la somme de 10'000 € sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile,

— condamner la SAS APR aux entiers dépens, ainsi qu’au paiement de la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

* * *

L’intimée fait valoir qu’elle a obtenu les marchés des sociétés PROMOLOGIS et Y dans des conditions de licéité non contestables, qui relèvent de l’exercice loyal de la liberté du commerce et de la concurrence.

Elle affirme que l’embauche de Mme X n’a aucun lien avec l’obtention de ces marchés et précise que le secteur géographique d’affectation de la salariée a été limité aux départements 64,40 et 32, afin de tenir compte de la clause de non-concurrence.

Elle soutient que Mme X a souhaité elle-même qu’il soit mis fin à sa période d’essai, compte tenu des pressions dont elle faisait l’objet par la SAS APR, qui l’a assignée devant le conseil de prud’hommes.

Elle relève que la SAS APR échoue à caractériser l’existence d’agissements dommageables fautifs susceptibles d’être qualifiés d’actes de concurrence déloyale, tels que des actes de dénigrement, de désorganisation, ou de confusion par imitation.

Elle souligne que le fait de procéder à l’embauche d’un salarié lié par une clause de non-concurrence n’est pas constitutif en soi d’un acte de concurrence loyale ; que d’autres indices doivent être mis en évidence pour caractériser une faute.

Elle affirme qu’en tout état de cause la clause de non-concurrence liant Mme X à la SAS APR n’a jamais été violée.

Elle souligne que les éléments versés aux débats par la SAS APR sont insuffisants à démontrer l’existence d’un préjudice.

Elle considère enfin que l’action engagée par la SAS APR à son encontre est constitutive d’un abus de droit ; qu’en effet, non seulement elle ne repose sur aucun fondement, mais qu’en outre elle a conduit à la rupture du contrat de travail de Mme X, sous la pression de la SAS APR dans des conditions s’apparentant à du chantage.

MOTIVATION

La SAS APR reproche pour l’essentiel à la SAS DERICHEBOURG PROPRETE d’avoir détourné deux de ses principaux clients sur le département des Hautes-Pyrénées et d’avoir embauché Mme X en violation de la clause de non-concurrence qui la liait à son ancien employeur.

Il convient de rappeler que la concurrence déloyale ne peut pas se déduire de simples présomptions.

Pour ce qui est du marché de la société PROMOLOGIS, la SAS DERICHEBOURG PROPRETE a répondu à un appel d’offres. Au terme de la procédure, la commission d’appel d’offres a considéré que sa proposition était la meilleure et a par conséquent retenu sa candidature, par décision du 29 octobre 2013.

Postérieurement à cette décision, Mme X a informé la SAS APR de son intention de démissionner, par courrier du 29 novembre 2013.

Dès lors que la SAS DERICHEBOURG PROPRETE a obtenu le marché avant même que la salariée n’ait fait part de son intention de quitter la société, il ne peut pas être considéré que la perte de ce client aurait pour origine le débauchage de Mme X, contrairement à ce qu’insinue l’appelante.

Par ailleurs, il n’est aucunement établi que la SAS DERICHEBOURG PROPRETE aurait bénéficié d’informations confidentielles de la part de la salariée.

S’agissant du marché de la société Y, la seule concomitance de la date d’embauche de Mme X par la SAS DERICHEBOURG PROPRETE avec la date de résiliation du contrat est insuffisante à démontrer l’existence d’un lien entre ces deux événements, en l’absence de tout autre élément.

L’appelante ne rapporte donc pas la preuve de ce que la SAS DERICHEBOURG PROPRETE aurait détourné ses deux principaux clients par des moyens déloyaux.

La SAS APR reproche encore à la SAS DERICHEBOURG PROPRETE d’avoir embauché Mme X pour y exercer des fonctions de responsable de secteur dans le département des Hautes-Pyrénées, au mépris de la clause de non-concurrence figurant dans son contrat, dont elle avait connaissance.

Le salarié qui ne respecte pas la clause de non-concurrence figurant dans son contrat de travail engage sa responsabilité contractuelle à l’égard de son ex-employeur. Le tiers, qui en connaissance de cause, aide le débiteur de non-concurrence à méconnaître son obligation se rend coupable de tierce complicité à la violation d’une obligation contractuelle et peut s’il est concurrent du créancier, être poursuivi pour concurrence déloyale.

Il n’est pas contesté que le contrat de travail liant Mme X à la SAS APR comportait une clause de non-concurrence lui interdisant d’exercer une activité concurrente dans le secteur géographique des Hautes-Pyrénées.

S’il est avéré que la promesse d’embauche en date du 29 novembre 2013 établie par la SAS DERICHEBOURG PROPRETE prévoyait que la salariée exercerait son activité au sein des départements 65, 64, et 40, cependant le contrat de travail du 2 janvier 2014 effectivement signé entre Mme X et son nouvel employeur a finalement fixé son secteur géographique d’intervention aux départements 32, 64, et 40.

Il ressort de divers mails échangés entre Mme X et des salariés de la société PROMOLOGIS entre janvier et mars 2014, que celle-ci a continué à avoir des contacts avec cette société, dont le siège est situé dans le département des Hautes-Pyrénées.

La salariée a donc bien violé la clause de non-concurrence, en dépit des stipulations figurant dans son contrat de travail, excluant le département 65.

Cependant, aucun élément ne permet d’affirmer que Mme X a agi sous l’impulsion ou avec l’accord de son nouvel employeur.

Par ailleurs, il n’est aucunement établi que la poursuite des relations entre la salariée et la société PROMOLOGIS durant quelques mois aurait eu des conséquences préjudiciables pour la SAS APR, qui avait d’ores et déjà perdu le marché.

En définitive, il n’est donc pas démontré que l’embauche de Mme X par la SAS DERICHEBOURG PROPRETE aurait eu pour objet de concurrencer de manière déloyale la SAS APR sur son secteur d’activité.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté la SAS APR de sa demande de dommages et intérêts.

L’abus de procédure n’étant pas caractérisé, le jugement sera également confirmé de ce chef.

* * *

L’appelante qui succombe sera condamnée aux dépens, en application de l’article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant,

Vu l’article 700 du code de procédure civile, dit n’y avoir lieu à condamnation de ce chef,

Condamne la SAS APR aux dépens d’appel.

Arrêt signé par Madame MORILLON, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame Catherine SAYOUS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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