Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 28 février 2019, n° 17/02728

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Sur la décision

Référence :
CA Pau, ch. soc., 28 févr. 2019, n° 17/02728
Juridiction : Cour d'appel de Pau
Numéro(s) : 17/02728
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

MC/CD

Numéro 19/0828

COUR D’APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 28/02/2019

Dossier : N° RG 17/02728 -

N° Portalis DBVV-V-B7B-GUEL

Nature affaire :

Demande d’indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

SCP Z-F C

C/

E Y

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 28 Février 2019, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 05 Novembre 2018, devant :

Madame X, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame LAUBIE, greffière.

Madame X, en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame THEATE, Présidente

Madame X, Conseiller

Madame E, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

SCP Z-F C

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

[…]

Représentée par la SCP DUALE-LIGNEY-MADAR-DANGUY, avocats au barreau de PAU et de la SELAS BARTHELEMY, avocats au barreau de TOULOUSE

INTIMÉ :

Monsieur E Y

[…]

[…]

[…]

Représenté par Maître RONCUCCI, avocat au barreau de PAU et la SCP CLAVERIE-BAGET ASSOCIÉS, avocats au barreau de TARBES,

sur appel de la décision

en date du 03 JUILLET 2017

rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE TARBES

RG numéro : F 16/00186

FAITS ET PROCÉDURE

La société Z-F C est un office notarial basé à La- Barthe-de-Neste.

Elle a embauché M. Y le 19 juin 2012 en qualité de négociateur immobilier selon un contrat de travail à durée indéterminée et à temps complet.

Après avoir été clerc de notaire, M. Y a obtenu le diplôme de négociateur en immobilier lors de

la session 2009/2010.

En sa qualité de négociateur immobilier, M. Y était, notamment, chargé de la préparation et de la gestion des mandats de vente (estimation des biens, visites'), de la négociation des ventes (rendez-vous avec les clients et acquéreurs, négociation du prix) et de la gestion locative (visites, état des lieux, suivi des dossiers').

En juin 2014, il a suivi une formation de perfectionnement à l’expertise immobilière sur le périmètre de l’immobilier d’habitation et en 2015, une formation pour débutant permettant de découvrir et maîtriser les normes et méthodes de valorisation des biens standards sur le marché de l’immobilier, des locaux commerciaux et tertiaires.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 décembre 2015, M. Y a été convoqué à un entretien préalable fixé au 23 décembre suivant, en vue d’un éventuel licenciement.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 décembre 2015, son licenciement pour insuffisance professionnelle lui est notifié.

Contestant son licenciement, M. Y a saisi, par requête réceptionnée le 18 octobre 2016, le conseil de prud’hommes de Tarbes aux fins de faire juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et d’obtenir la condamnation de son ancien employeur à lui payer une somme de 22'500 euros en réparation des préjudices subis ainsi qu’une indemnité de procédure de 2'500 euros.

L’affaire a été appelée devant le bureau de jugement du 12 décembre 2016.

Par un jugement contradictoire en date du 3 juillet 2017, auquel il conviendra de se reporter pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions initiales des parties et des moyens soulevés, le conseil de prud’hommes de Tarbes, section « activités diverses'» a dit que le licenciement de M. Y était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la SCP Z- F C à lui verser les sommes de 12'000 euros à titre de dommages et intérêts et de 1'000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration au greffe le 24 juillet 2017, la SCP Z-F C a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 4 juillet 2017.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions récapitulatives notifiées par RPVA le 2 février 2018, la SCP Z-F C conclut à l’infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, au rejet des prétentions de la partie adverse et à sa condamnation à lui payer une indemnité de 3'000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions enregistrées au greffe de la chambre sociale sous la date du 15 décembre 2017, M. Y conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a dit que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il sollicite une somme de 22'500 euros à titre de dommages et intérêts ainsi qu’une indemnité de procédure de 3'000 euros.

L’ordonnance de clôture a été rendue sous la date du 5 octobre 2018.

MOTIVATION

L’appel, interjeté dans les formes et les délais prévus par la loi, est recevable, en la forme.

Sur la cause réelle et sérieuse de licenciement

Aux termes des dispositions de l’article L. 1232-1 du code du travail «'Tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre.

Il est justifié par une cause réelle et sérieuse'».

L’article L. 1235-1 du même code précise que': «'En cas de litige, … le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles…

Si un doute persiste, il profite au salarié'».

En l’espèce, la lettre de licenciement notifiée à M. Y le 30 décembre 2015 est ainsi, motivée':

«''Vous occupez depuis le 19 juin 2012 un poste de négociateur immobilier au sein de notre étude.

A ce titre, le chiffre d’affaires que vous réalisez en son sein se répartit entre les activités de négociation immobilière, d’une part, et d’expertise, d’autre part.

Vous avez pris la suite de M. A qui occupait les mêmes fonctions jusqu’en décembre 2011';

Nous faisons aujourd’hui le constat qu’après 3 ans et demi à l’étude, vous faites preuve d’insuffisance professionnelle à votre poste.

Celle-ci se caractérise tout d’abord sur l’aspect quantitatif de votre activité.

Lorsqu’il occupait votre poste, M. A réalisait en':

• 2008': 75'340 euros HT de CA ;

• 2009': 57'627 euros HT de CA, l’année étant particulièrement délicate suite à la crise qui avait éclatée en septembre 2008 ;

• 2010': 78'127 euros HT de CA ;

• 2011': 78'944 euros HT de CA.

Vos chiffres d’affaires sont très nettement plus faibles, dans des proportions que nous ne pouvons expliquer':

• 2013': 13'642 euros HT de CA ;

• 2014': 11'426 euros HT de CA ;

• 2015': 10'709 euros HT de CA.

Ainsi, le chiffre d’affaires que génère votre activité pour l’étude est environ sept fois moindre que celui de votre prédécesseur.

Si les honoraires liés à l’expertise sont sensiblement identiques, ceux découlant de la négociation immobilière sont indigents.

Il est clair que vous ne savez manifestement pas vendre les biens qui sont confiés à l’étude, notamment parce que vous ne savez pas les évaluer.

1) dossier JOLY '

2) dossier BAZERQUE '

3) dossier BEGUE'

4) dossier LAY'

5) dossier POMIES'

Ces quelques exemples montrent à l’évidence que vos estimations ne sont pas faites sérieusement et ne peuvent permettre la vente des biens sur les bases que vous retenez ou leur prise en compte lors de l’établissement des actes par l’étude.

Ceci est d’autant plus regrettable que lors de l’entretien annuel de 2014, vous aviez formulé un certain nombre de points pour tenter de justifier la faiblesse de votre activité.

Bien que ne partageant pas votre point de vue, nous avons voulu vous donner un peu plus de temps et nous avons doté l’étude d’un logiciel dénommé EVALUANOT (logiciel permettant l’élaboration des expertises immobilières) en lieu et place de l’ancien SYNOTEX.

Lors de l’entretien individuel du 7 octobre 2015 au cours duquel nous avons fait le constat de votre carence, vous nous avez indiqué que vous n’aviez pas mis en place depuis plus d'1 an ce nouveau logiciel EVALUANOT aux motifs que vous n’aviez pas eu les codes d’accès et que depuis que vous les aviez obtenus, au mois de septembre 2015, vous n’aviez pas eu le temps d’utiliser ce nouvel outil.

Or, après vérification, l’historique est le suivant':

- 17/10/14': Validation de l’accès au logiciel le 17 octobre 2014 et envoi du mail avec les codes le même jour sur l’adresse mail de l’étude ;

- 14/04/15': Prise en main et présentation à la chambre des Notaires le 14 avril 2015 ;

- 06/05/2015': Relance de M. Y par mail ou téléphone et de fait renvoi des codes sur son adresse mail personnelle et celle de l’étude le 6 mai 2015 ;

- 29/09/2015': Relance de M. Y par mail et renvoi des codes le 29 septembre 2015.

Au 5 octobre 2015, aucun rapport n’avait été rédigé sur notre logiciel, 1 seul semble avoir été crée depuis.

Concrètement, alors que vous pouvez disposer d’outils performants sur lequel vous êtes formé, vous n’avez pas fait l’effort d’utiliser ces moyens bien que parallèlement, votre activité soit très faible.

Vous savez, par ailleurs, qu’à partir de l’année prochaine, lorsque les clients souhaiteront mettre en place un prêt hypothécaire, ils devront faire réaliser des expertises immobilières par un expert certifié REV TEGOVA.

Lors de l’entretien individuel, vous avez affirmé avoir soumis des expertises à un expert reconnu REV TEGOVA et membre de la commission en charge d’accorder les certifications et envoyé 3 rapports.

Nous ne disposons d’aucune trace de ces envois, pas plus que vous n’avez semble-t-il entamé de démarches pour être certifié.

En l’état de ces carences professionnelles qui ont des conséquences lourdes pour l’étude en termes d’image et de rentabilité, nous ne pouvons pas vous conserver dans notre effectif''».

A la lecture de cette lettre de licenciement parfaitement circonstanciée, il apparaît clairement que M. Y a été licencié pour insuffisance professionnelle. Il lui est reproché une double insuffisance':

— manque de rigueur et de compétence dans l’exercice de ses fonctions ;

— manque de résultat général au regard de ceux obtenus par son prédécesseur.

L’insuffisance professionnelle, qui n’est jamais une faute disciplinaire, peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsqu’elle repose sur des éléments précis, objectifs et imputables au salarié, ayant des répercussions sur la marche ou le fonctionnement de l’entreprise, constitués non par une violation des obligations résultant du contrat de travail mais par une mauvaise exécution par le salarié de ses obligations, caractérisée notamment par des erreurs, des omissions ou par un volume de travail insuffisant en raison, non pas d’un acte volontaire ou d’un manquement volontaire mais, par exemple, du fait de son insuffisance professionnelle dans les tâches accomplies, de son incompétence dans l’exécution de ses tâches ou de son inadaptation professionnelle à l’emploi exercé.

La société Z-F C expose qu’elle n’a cessé de mettre en garde M. Y sur la qualité de son travail qui n’était pas à la hauteur des attentes, de même que les résultats obtenus. Elle ajoute que cela ressort des deux entretiens annuels d’évaluation de juillet 2014 et de juin 2015.

Elle considère que les chiffres de comparaison avancés dans la lettre de licenciement et les écarts importants avec les résultats précédemment enregistrés par M. A, sur le même secteur, aux mêmes conditions ne trouvent aucune autre explication que le manque d’engagement, de rigueur et de compétence de M. Y. De même, d’ailleurs, Mme B, embauchée pour remplacer M. Y, et totalement dépourvue de compétence en matière immobilière a obtenu en quelques mois de meilleurs résultats.

Elle estime que les explications de M. Y pour justifier de la faiblesse de ses résultats sont inopérantes.

La société appelante relève, également, l’aspect qualitatif de l’insuffisance professionnelle de M. Y et cite, à cet effet, plusieurs dossiers dans lesquels M. Y aurait manqué de rigueur et de compétence.

Enfin, et concernant les moyens mis à la disposition du salarié, elle met en exergue la réticence du salarié à utiliser les moyens mis à sa disposition pour être plus performant.

De son côté, le salarié conteste les griefs formulés à son encontre.

Il rappelle que son contrat de travail ne mentionne aucun objectif quantitatif ni aucune obligation de résultat en matière de négociations immobilières.

Il soutient que M. A, son prédécesseur, qui a pris la direction de l’agence immobilière TSI à Lannemezan, a emporté avec lui ses réseaux et ses bases de données de sorte qu’il n’a trouvé, lui-même, aucun fichiers clients-acquéreurs ni de dossiers informatiques relatifs aux biens en vente, en location ou évalués, il n’a trouvé aucun registre des mandats mais seulement des dossiers manquants, inexistants ou incomplets. Il s’est lancé dans son activité sans aucune des bases dont il aurait dû bénéficier.

Si c’est vrai que lors de l’entretien 2014, il s’est vu reprocher un manque de vente sur l’année écoulée, il s’est expliqué par note du 10 juin 2014. De même, si au cours de l’entretien suivant de 2015, un défaut d’amélioration a été évoqué, il s’est, également expliqué sur les raisons expliquant le nombre de ventes réalisées par le service (conjoncture économique défavorable, faible part de marché des

notaires, accroissement de la concurrence, manque de biens immobiliers dits «'c’ur de cible », suppression du prêt taux zéro, difficultés spécifiques du marché local'). Il considère, par conséquent, qu’il ne peut se voir imputer une responsabilité dans la faible évolution sur chiffre des ventes d’immeuble.

Concernant le grief de ne pas vendre d’immeuble parce qu’il ne sait pas les évaluer, M. Y reprend les 5 dossiers mentionnés dans la lettre de licenciement pour fournir ses explications. Il fait valoir qu’il a établi entre le 2 janvier et le 12 décembre 2015, 126 rapports d’évaluation immobilière sans qu’il lui soit fait le moindre reproche'; que de nombreux biens ont été vendus à un prix corroborant l’évaluation faite et que les clients sont libres, pour des raisons qui leurs sont propres, de fixer des évaluations qui ne correspondant pas à celles proposées, sans que pour autant une erreur d’appréciation ait été commise.

Enfin, concernant le défaut de mise en place du logiciel EVALUANOT, il explique que c’est lors d’une réunion du 14 avril 2015 qu’il a appris que l’étude disposait de ce logiciel depuis octobre 2014. Il a demandé à plusieurs reprises que lui soient communiquées les identifiants d’accès à l’outil mais suite à sa première demande, il n’a été destinataire d’aucune réponse, réponse qui lui est parvenue, après rappel, dans ses spams.

Concernant la certification REV TEGOVA, il précise qu’elle n’est pas obligatoire pour exercer l’activité de négociateur immobilier dans une étude notariale, qu’il a effectué toute une série de démarches à titre personnel, qu’il a reçu de l’organisme compétent un avis favorable à son projet de candidature, après analyse de plusieurs rapports, mais que c’est son employeur qui s’est obstiné dans son refus pour une raison de coûts jugé trop important pour l’étude.

a) Sur l’aspect quantitatif de l’insuffisance professionnelle de M. Y

L’employeur verse en annexe 11 un récapitulatif des chiffres d’affaires de l’étude en négociations immobilières et expertises dont il résulte que le chiffre d’affaires généré au cours des trois années de présence de M. Y s’est établi comme suit':

— année 2013': 13'642 euros HT

— année 2014': 11'426 euros HT

— année 2015': 10'709 euros HT

M. Y conteste ces chiffres mais ne produit aucune pièce de nature à remettre en question leur bien-fondé.

Il n’est pas contesté, par contre, que ces chiffres sont nettement inférieurs à ceux réalisés par le prédécesseur de M. Y, M. A.

De même, ces chiffres sont inférieurs à ceux obtenus par Mme B, qui a été amenée à remplacer M. Y, et qui, sans aucune compétence préalable en matière immobilière, a réalisé sur 18 mois un chiffre d’affaires supérieur (47'089 euros) à celui réalisé par M. Y sur les trois années passées au service du cabinet notarial (35'000 euros).

Les mauvais résultats de M. Y sont, par ailleurs, confortés par les observations formulées par l’employeur lors des entretiens annuels d’évaluation. Ainsi, dans l’entretien d’évaluation du 8 juillet 2014, l’employeur note «'souhaitons une amélioration significative en négociation immobilière'»'; puis dans celui du 7 octobre 2015 « le constat est négatif, pas d’amélioration dans l’efficacité du travail de négociation malgré les moyens mis en place et les investissements faits ; pas de rendu à la hauteur du travail de votre prédécesseur M. A ; constat d’échec, aucune amélioration significative depuis l’entretien du 8 juillet 2014'».

Les résultats insuffisants quantitativement sont donc bien établis.

M. Y se prévaut d’un certain nombre d’explications face aux carences reprochées. Cependant, ses explications ne sont pas admissibles, d’une part, parce que certaines d’entre-elles sont injustifiées, d’autre part, parce que prédécesseur et successeur étaient livrés aux mêmes conditions de travail.

Ainsi, le fait que M. A, son prédécesseur serait parti en emportant avec lui ses réseaux et ses bases de données ne repose que sur les affirmations de M. Y. L’étude notariale rappelle, à juste titre, que les mandats confiés ne sont pas conclus au nom du négociateur immobilier mais au nom de l’étude de sorte qu’elle a conservé exactement le même nombre de mandats puisqu’elle a conservé les opérations patrimoniales auxquels les mandats étaient liés (mariage, décès, succession, donation'). Par conséquent, et lors de son embauche, M. Y n’était nullement dépourvu de fichiers exploitables dans le cadre de son activité.

M. Y invoque, également, la conjoncture économique, la faible part du marché des notaires dans la transaction immobilière, l’accroissement de la concurrence au cours de 20 dernières années, les moyens limités des experts face à la concurrence en raison de leurs obligations déontologiques, la concurrence accrue dans l’immobilier, les contraintes liées à l’exercice de l’activité de négociations immobilières au sein d’une étude notariale'

Or, il n’est pas sérieusement contestable que les mêmes conditions de concurrence, de réglementation se sont imposées aussi bien à son prédécesseur qu’à son successeur.

En ce qui concerne la conjoncture économique, aucune pièce justificative de la situation exacte du marché de l’immobilier pour la période des 3 années durant lesquelles M. Y a été au service de l’étude notariale n’est produite aux débats. La crise immobilière ne saurait être une explication suffisante pour expliquer que les résultats de M. Y ont subi une chute vertigineuse à compter de 2012 alors que si le marché connaissait une baisse cette année-là, une reprise de l’activité s’était fait ressentir dès l’année 2013.

Il s’avère, par conséquent, que sur ce point précis, les griefs formulés par l’étude notariale à l’encontre de son salarié sont fondés.

b) Sur l’aspect qualitatif de l’insuffisance professionnelle de M. Y

L’étude notariale évoque expressément 5 dossiers dans sa lettre de licenciement destinés à établir le manque de rigueur et de compétence de M. Y.

• dossier JOLY :

Il s’agit d’un dossier de succession dans lequel M. Y a émis un avis de valeur pour une maison comprise entre 70'000 et 80'000 euros. En réalité, cette estimation était largement surestimée et le prix de la maison a été revu à la baisse (45'000 euros) du fait de la présence de champignons dans la charpente. Or, les droits de succession avaient été réglés sur la base d’un montant de 75'000 euros, ce qui a obligé Maître C d’engager une procédure avec le centre des finances publiques afin d’obtenir un dégrèvement suite à la révision de l’évaluation du bien.

M. Y soutient que l’évaluation faite en mai 2013 était conforme à la valeur du bien et que la maison n’a été vendue que 2 ans plus tard alors qu’elle était restée inhabitée et non entretenue jusque-là.

En réalité, il résulte des pièces produites aux débats que seulement un an et deux mois se sont

écoulés entre l’évaluation faite par M. Y (30 mai 2013) et l’évaluation faite par l’agence immobilière (24 juillet 2014) de sorte qu’il n’apparaît pas sérieux de soutenir qu’une maison, même non habitée, pourrait subir une perte de valeur de plus de la moitié en seulement quelques mois.

La mauvaise qualité de la prestation de M. Y doit donc être retenue.

[…]

Dans ce dossier de succession, M. Y a évalué granges et parcelles agricoles à 2'500 euros le m², biens surévalués en l’absence de toute visite de la grange du fait de la présence d’un orvet (ou de serpents, selon les conclusions du salarié) sur le chemin.

M. Y explique qu’il prenait systématiquement contact avec la SAFER pour toute évaluation de terrain non constructible et il estime que le courrier que lui a adressé la SAFER le 18 avril 2016 montre que son évaluation n’était pas surestimée contrairement à ce qui est affirmé.

Cependant, ce courrier ne valide pas l’estimation faite par M. Y s’agissant d’un courrier évoquant des prix à l’hectare de terres labourables ou de prairies naturelles qui n’ont rien à voir avec l’estimation d’une grange.

Ce grief sera donc retenu.

[…]

Dans ce dossier, M. Y a procédé à l’évaluation à hauteur de 100'000 euros de parcelles qu’il jugeait constructibles. Or, il s’est avéré, que l’un des attributaires du partage a été informé par le maire que celui-ci ne délivrerait pas de certificat d’urbanisme sur le terrain'; ce terrain ne pouvait donc pas être revendu comme terrain constructibles par les attributaires.

M. Y ne conteste pas les faits mais fait valoir qu’il a procédé à l’évaluation du terrain en appliquant la méthode adéquate'; il s’est procuré le plan de zonage et le plan local d’urbanisme desquels il est ressorti un classement du terrain en zone AU c’est-à-dire en zone à urbaniser.

Il soutient qu’il aurait été dispensé de demander un certificat d’urbanisme pour l’évaluation des terrains en raison de frais d’envoi en recommandé jugés trop coûteux, délai de deux mois d’instruction incompatible avec le délai imposé pour la remise du rapport d’évaluation, durée de validité limitée du certificat d’urbanisme.

Outre le fait que cette dispense de solliciter un certificat d’urbanisme n’est pas établi et repose sur les seules allégations de M. Y, il apparaît peu probable qu’une étude notariale qui envoie régulièrement des courriers par la voie du recommandé avec accusé de réception ait demandé à son salarié d’effectuer des économies dans le cadre de l’évaluation d’un bien en vue d’une succession, évaluation susceptible d’engager sa crédibilité à l’égard des clients.

Ce dossier implique, par conséquent, la responsabilité de M. Y.

[…]

Il s’agit, en l’espèce, d’évaluer deux biens situés sur la même commune de Lortet dont l’un était habitable avec des dépendances et l’autre inhabitable. Or, malgré cette situation, M. Y a procédé à l’évaluation des biens de la même manière c’est-à-dire en faisant apparaître une valeur au mètre carré similaire pour les deux biens.

M. Y prétend que son évaluation correspondait au prix du marché et que l’examen des rapports

démontrerait le caractère sérieux de son évaluation.

Si la comparaison de l’évaluation de deux biens ne peut reposer, comme le fait l’employeur, sur la surface habitable, dans la mesure où l’immeuble situé lieu-dit «'Mouracas »' n’est précisément pas habitable, il n’est pas sérieusement contestable que l’évaluation de cet immeuble qui repose sur une masure dépourvue de toute valeur et sur un terrain de 7'508 m², classé toutefois en zone agricole (alors que le bien lieu-dit «'Gardiolle'» est classé en zone urbanisée) est surévalué par rapport au prix à retenir pour ce type d’immeuble.

Dès lors, le reproche formulé à l’encontre du salarié sera retenu.

[…]

Dans ce dossier, M. Y devait évaluer une maison de village avec un terrain non attenant et un abri de jardin. Or, en l’espèce, M. Y a fait signer les mandats de vente sans avoir procédé à une visite totale du bien, ce qui aurait pu engager la responsabilité de l’étude notariale, le client ayant la possibilité de faire annuler la vente une fois la signature acquise au motif d’une erreur sur la nature du bien acquis.

M. Y fait valoir que le propriétaire vendeur avait égaré la clé de l’abri de jardin et qu’il n’y a eu aucun problème à cet égard de la part de l’acquéreur.

Il n’en reste pas moins que M. Y n’aurait jamais dû accepter un mandat de vente sans avoir réalisé une visite totale du bien avec les futurs acquéreurs.

De l’ensemble de ces éléments, il résulte, en effet, qu’à plusieurs reprises M. Y s’est rendu coupable d’un manque de rigueur dans la gestion des dossiers. Les propos de l’employeur ne sont pas mensongers et le fait que M. Y ait, sur d’autres évaluations immobilières, parfaitement rempli ses fonctions, ne permet pas de le dédouanner de ses manquements précis.

c) Sur les moyens mis à disposition de M. Y

La SCP Z-F C reproche, enfin, à M. Y, au titre de l’insuffisance professionnelle, sa réticence à utiliser les outils mis à sa disposition pour être plus performant, et notamment le logiciel EVALUANOT permettant d’aider et d’affiner l’évaluation d’un bien immobilier mis à sa disposition depuis le mois d’octobre 2014.

M. Y prétend qu’il n’a pas été informé de l’existence de ce logiciel avant la réunion du 14 avril 2015 à laquelle il a participé de son propre chef, en prenant sur ses congés et alors qu’il sollicitait en mai 2015 les identifiants d’accès à cet outil informatique, il n’a été destinataire d’aucune réponse'; il souligne qu’après avoir réitéré sa demande, il n’a eu de réponse que le 29 septembre 2015 dans ses spams. Bien qu’ayant alors demandé une formation pour l’utilisation de ce logiciel, l’employeur a, sans explication aucune, refusé alors que tous les autres employés de l’étude ont bénéficié de plusieurs jours de formation. Il a donc dû se débrouiller seul.

Cependant, et dans son mail du 1er décembre 2015, M. D rappelle l’historique du déploiement de ce logiciel':

« – 17/10/2014': validation de l’accès au logiciel le 17 octobre 2014 et envoi du mail avec les codes le même jour sur l’adresse mail de l’étude ;

- 14/04/2015': prise en main et présentation à la chambre des notaires ;

- 06/05/2015': relance de M. Y par mail ou téléphone et de fait renvoi des codes sur son adresse mail perso et celle de l’étude ;

- 29/09/2015': relance de M. Y par mail et renvoi des codes.

Au 5 octobre 2015, aucun rapport n’avait été rédigé sur votre logiciel, 1 seul semble avoir été créé depuis mais je ne sais pas s’il l’a fini ou imprimé''».

A cet historique relatif aux différentes étapes du déploiement du logiciel EVALUANOT sont jointes toutes les pièces justificatives y afférentes (mails).

Il en résulte que les explications fournies par M. Y quant à la non-utilisation de ce logiciel, nonobstant les mails de rappel qu’il produit aux débats, sont insuffisantes pour justifier sa carence dans ce domaine.

Il en résulte que l’insuffisance professionnelle de M. Y est, également, caractérisée sur ce point.

Enfin, et concernant la certification REV TEGOVA, il convient de rappeler que celle-ci n’est nullement obligatoire pour exercer l’activité de négociateur immobilier dans une étude notariale et le fait que M. Y n’aurait pas poursuivi jusqu’au bout sa candidature ne saurait sérieusement lui être reproché dans la mesure où celle-ci reposait apparemment sur une initiative personnelle et non sur une demande formulée par l’employeur.

Au regard des développements ci-dessus, il convient de constater que le licenciement de M. Y pour insuffisance professionnelle est parfaitement justifié et qu’il repose sur une cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point et M. Y intégralement débouté de ses prétentions.

M. Y, qui succombe, sera condamné aux entiers dépens.

Il apparaît équitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Tarbes du 3 juillet 2017 en toutes ses dispositions,

Dit que le licenciement de M. Y pour insuffisance professionnelle repose sur une cause réelle et sérieuse,

Le déboute de l’intégralité de ses prétentions,

Le condamne aux dépens,

Dit n’y avoir lieu à paiement d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l’une ou de l’autre des parties.

Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 28 février 2019, n° 17/02728