Cour d'appel de Pau, 2ème ch - section 1, 12 janvier 2021, n° 19/02263

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Sur la décision

Référence :
CA Pau, 2e ch - sect. 1, 12 janv. 2021, n° 19/02263
Juridiction : Cour d'appel de Pau
Numéro(s) : 19/02263
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

VS/CS

Numéro 21/167

COUR D’APPEL DE PAU

2e CH – Section 1

ARRET DU 12/01/2021

Dossier : N° RG 19/02263 – N° Portalis DBVV-V-B7D-HJUK

Nature affaire :

Appel sur des décisions relatives au plan de cession

Affaire :

X-H Z

C/

X-J K

SAS BOBION ET A

SAS K BTK LTDT

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 12 janvier 2021, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 10 novembre 2020, devant :

B C, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame SAYOUS, Greffière présente à l’appel des causes,

B C, en application des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de D E et

en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame B C, Président

Monsieur D E, Conseiller

Monsieur Marc MAGNON, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur X-H Z

né le […] à Pau

de nationalité Française

[…]

[…]

Représenté par Me Olivia MARIOL de la SCP LONGIN/MARIOL, avocat au barreau de PAU

Assisté de Me X-François BLANCO, avocat au barreau de Pau

INTIMES :

Monsieur X-J K

de nationalité Française

[…]

[…]

SAS BOBION ET A

[…], […]

[…]

[…]

SAS K BTK LTDT

[…]

[…]

Représentés par Me Isabel SIMOES de la SELARL LEXEO CONSEIL, avocat au barreau de PAU sur appel de la décision

en date du 11 JUIN 2019

rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE PAU

Exposé des faits et procédure :

La société Bobion et A possède un capital social fixé à la somme de 648.000 euros divisé en 25920 actions, chacune de 25 euros de valeur nominale.

Selon le pacte d’associés en date du 1er septembre 2009, les 25920 actions sont réparties comme suit :

— SAS K Btk ltdt 24.753 actions (95,49%)

— X J K 1 actionnaire

— X H Z 1.166 actions (4,49%)

En décembre 2015, F Z, qui était également salarié de la société Bobion et A, a fait part de son souhait de quitter l’entreprise, demandant la conclusion d’une convention de rupture conventionnelle et le rachat de ses actions suivant les conditions de l’article 6.2 du pacte d’associés.

F Z a refusé une proposition d’accord.

Il a été licencié pour faute grave le 22 mai 2016 et a saisi le conseil des prud’hommes.

Le 8 septembre 2016, il a été embauché par un concurrent direct, la société Eiffage energie thermie sud ouest.

Par ordonnance de référé du 28 mars 2017, le président du tribunal de commerce de Pau a désigné Madame Y comme expert judiciaire pour évaluer la valeur des actions détenues par F Z.

Par ordonnance de référé du 20 février 2018, le président du tribunal de commerce de Pau a ordonné l’exécution forcée du pacte d’associés, la cession des actions de F Z et le paiement de la part invariable de la valeur de ses actions soit la somme de 337.382 euros.

Le 27 février 2018, F Z a signé l’ordre de mouvement et perçu la somme de 337.382 euros correspondante.

F Z a relevé appel de l’ordonnance de référé du 20 février 2018.

Par arrêt du 10 janvier 2019, la cour d’appel a confirmé l’ordonnance de référé et validé la cession des actions. Un pourvoi est en cours d’examen.

Le 31 juillet 2018, l’expert déposait son rapport.

Par acte d’huissier de justice du 21 septembre 2018, la société Bobion et A, X J K et la société K BTK ltdt ont fait assigner X H Z devant le tribunal de commerce de Pau sur la valeur des titres et le montant des sommes restant dues à F Z.

A l’audience, F Z a demandé à surseoir à statuer dans l’attente de l’issue du pourvoi en cassation formé le 5 février 2019 et de la plainte pénale pour abus de biens sociaux, faux et usage qu’il a déposée le 11 février 2019.

Par jugement du 11 juin 2019, le tribunal de commerce de Pau a :

— rappelé que la cession des titres de F Z est intervenue le 27 février 2018

— débouté F Z de sa demande de sursis dans l’attente de l’issue du pourvoi en cassation formé le 5 février 2019 et de l’issue de la plainte pénale déposée le 11 février 2019

— dit que la valeur globale de la société Bobion et A s’élevait à la somme de 12.554.772,64 euros

— dit qu’une décote cumulée de 30% doit être appliquée à la valeur brute des titres de F Z

— fixé à la somme de 395.334,63 euros la valeur des titres de F Z

— rappelé que la somme de 337.382 euros a déjà été versée à Monsieur Z le 27 février 2018

— jugé que la valeur des titres restant due s’élevait à la somme de 57.952,63 euros et devait être versée par la société K BTK ltdt à F Z

— jugé que les frais de l’expertise judiciaire seraient supportés pour moitié par F Z et condamné F Z à verser à la société Bobion et A la somme globale de 4.264,82 euros en remboursement de sa part relative aux frais d’expertise

— condamné F Z à payer à la société Bobion et A la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile (cpc)

— débouté les parties du surplus de leurs demandes

— condamné F Z aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 5 juillet 2019, X H Z a relevé appel du jugement.

La clôture est intervenue le 7 octobre 2020.

Prétentions et moyens des parties':

Vu les conclusions notifiées le 23 mars 2020 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de X H Z demandant de :

— Réformer le jugement du 11 juin 2019 dans toutes ses dispositions

— Entendre la Cour surseoir à statuer d’une part dans l’attente de l’issue du pourvoi en cassation à rencontre de l’arrêt de la Cour d’appel du 10 janvier 2019 et, d’autre part dans l’attente de l’issue de la procédure pénale engagée par X-H Z selon plainte du 11 février 2019.

— Entendre, à défaut, fixer à la somme de 1.497.784 euros la valeur des parts du concluant

— Entendre condamner la SAS K BTK LTDT à verser au concluant la somme de 150.000 euros au titre de la garantie de revenus prévue par l’article 7 du pacte d’associés du 1er septembre 2009

— Entendre condamner solidairement, les demanderesses à régler au concluant une indemnité de 5000 euros par application de l’article 700 du cpc et aux dépens en ce compris les frais d’expertise

— Entendre, subsidiairement fixer la valeur des parts du concluant à la somme de 851.588 euros

— Entendre très subsidiairement ordonner une nouvelle expertise pour tenir compte des reprises relevées par le cabinet SMS de l’impact des méthodes frauduleuses décrites dans l’expertise et la plainte pénale du 11 février 2019, de l’exercice 2017

— Entendre débouter les intimées principales de leurs appels incidents et de toutes leurs demandes.

Vu les conclusions notifiées 24 décembre 2019 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de X J K, la SAS Bobion et A et la SAS K BTK Ltdt demandant, au visa des articles 1188 et 1219 du code civil, de :

— sur appel incident

— infirmer le jugement en ce qu’il a :

— dit qu’une décompte cumulée de 30% doit être appliquée à la valeur brute des titres de F Z

— fixé à 395.334,63 euros la valeur des titres de F Z

— jugé que la valeur des titres restant dus s’élève à 57.952,63 euros et devra être versée par la société SAS K BTK ltdt à F Z

et, statuant à nouveau,

— dire qu’une décompte cumulée de 40% doit être appliquée à la valeur brute des titres de F Z

— fixer à 338.858,26 euros la valeur des titres de F Z

— juger que la valeur des titres restants dus s’élève à 1.476,26 euros

— constater que la somme de 52.660,49 euros a été adressée à F Z par acte d’huissier du 3 juillet 2019 en application du jugement

— ordonner la compensation entre les sommes versées par la SAS K BTK ltdt et les sommes qui lui restait devoir à l’issue de la procédure et condamner F Z à verser le différentiel

— Sur l’appel principal:

— débouter l’appelant de ses demandes

— en tout état de cause : condamner F Z à 3.000 euros en application de l’article 700 du cpc et aux dépens de première instance et d’appel.

Motifs de la décision :

— sur la demande de sursis à statuer :

F Z sollicite un sursis à statuer dans l’attente du pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Pau du 10 janvier 2019 et de la procédure pénale qu’il a lui-même initiée sur plainte du 11 février 2019. Il expose qu’une décision de référé n’a pas autorité de la chose jugée s’agissant du pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel du 10 janvier 2019 et que sa plainte pénale est fondée sur les constatations de l’expertise ordonnée pour évaluer ses titres.

Eu égard à l’objet du litige qui porte sur l’évaluation des titres de F Z dans la SAS Bobion et A et l’application du pacte d’associés du 1er septembre 2009, le sursis à statuer sollicité doit être rejeté dans la mesure où l’arrêt de la cour d’appel de Pau frappé d’un pourvoi est exécutoire, peu important qu’il n’est pas acquis autorité de la chose jugée, alors que les parties ont eu recours à l’expertise judiciaire pour évaluer les titres de F Z et que, selon le pacte d’associés du 1er septembre 2009, en cas de recours à l’expertise, le prix était payable dans les 8 jours de sa fixation par l’expert (article 6).

De même, le dépôt de plainte pour abus de biens sociaux ou faux en écritures privées fondée sur des éléments recueillis dans le rapport d’expertise, aux fins d’évaluation des titres de F Z, ne peut justifier la demande de sursis à statuer alors que les éléments relevés dans le cadre de la plainte ont été retraités et pris en considération par l’expert dans l’évaluation des dits titres pour écarter toute dévaluation des titres ainsi évalués.

— sur la date de cession des titres :

En cause d’appel, F Z ne développe pas de moyen précis pour contester la date retenue par l’arrêt de la cour d’appel de Pau du 10 janvier 2019 alors que la cession des titres a été enregistrée le 27 février 2018. Seule l’issue du pourvoi contre l’arrêt du 10 janvier 2019 pourrait le remettre en question dans le cas d’une cassation de l’arrêt mais cette date de cession effective ne peut remettre en question l’évaluation des titres qui est fixée par le rapport de l’expert désigné conformément aux dispositions de l’article 1843-4 du code civil et du pacte d’associés du 1er septembre 2009.

— sur la fixation de la valeur des actions de F Z :

L’action diligentée par la SAS Bobion et A dans le présent litige, porte sur l’affirmation de la date de cession des actions telle que l’a fixée le juge des référés et partant la cour d’appel par arrêt confirmatif, et surtout sur l’évaluation des titres de F Z établie par l’expert désigné, en cherchant à lui appliquer des décotes.

De son coté, F G, appelant, demande de ne pas appliquer de décote sur l’évaluation de l’expert et propose surtout une autre évaluation que celle de l’expertise de Madame Y.

A l’examen des statuts de la société et notamment de son article 12 repris par le pacte d’associés du 1er septembre 2009, la désignation de l’expert sur le prix des titres devait se faire dans le cadre de l’article 1843-4 du code civil conformément à la volonté des parties.

En application des articles 1843-4 et 1869 du code civil dans leur version applicable au cas d’espèce, dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d’un associé, ou le

rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d’accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible .

Madame Y a été désignée par le président du tribunal de commerce de Pau le 28 mars 2017. La seule mission précisée par le pacte d’associés du 1er septembre 2009 en son article 6 sur le prix était la suivante : «'l’expert aura pour mission de déterminer la valeur de la société et le prix, sans décote de minorité'».

L’évaluation à laquelle procède l’expert s’impose, sauf erreur grossière, aux parties comme au juge.

Saisie par assignation en fixation du prix des titres après rapport de l’expert désigné, la cour d’appel, avant de condamner à payer la somme fixée par un expert, au motif que les parties ayant choisi de s’en remettre à un tiers pour fixer le prix de cession des titres, doit rechercher si les griefs allégués à l’encontre des opérations d’expertise constituent ou non des erreurs grossières.

Le tiers estimateur détermine seul les critères appropriés pour fixer la valeur des droits sociaux en cause, sans que le juge puisse lui indiquer la méthode à suivre.

Sur les griefs allégués par les parties à l’encontre du rapport d’expertise, il convient donc de rechercher si ces griefs constituent des erreurs grossières de l’expert désigné pour évaluer le prix recherché.

La SAS Bobion & A, X-J K et la SAS K BTK Ltdt, parties intimées en appel, demandent que la cour valide l’estimation retenue par le tribunal de commerce soit une évaluation de la société SAS Bobion & A à 13.949.747,37 euros pour les 25920 actions en retenant qu’il s’agit d’une société distribuant des dividendes et qu’il convient d’appliquer la fourchette basse à la valeur globale de la société et en considérant que X-J K est l’homme clé de la société, assurant à lui seul plus de 70% du chiffre commercial grâce à son réseau personnel.

Elles entendent obtenir que la cour retienne par conséquent une valeur de la société à 12.554.772, 64 euros soit une valeur des titres de F Z de 564.763,76 euros après application de diverses décotes.

Elles sollicitent également l’application d’une décote de minorité de 40%.

Sur les décotes sollicitées, il convient de relever que l’erreur grossière de l’expert n’est pas établie.

En effet, dans son rapport daté du 31 juillet 2018, après avoir répondu aux dires des parties, Madame Y, expert, a estimé, avec une fourchette de plus ou moins 10% pour une entreprise non cotée, que la valeur moyenne de la société était de 15.758.385 euros s’agissant d’une société qui ne pratiquait plus de politique systématique de distribution de dividendes dès 2015, et ce, sans décote de minorité conformément à la mission découlant du pacte d’associés.

L’expert a toutefois fait également une estimation de la valeur des titres de F Z avec décote de minorité de 20%.

Mais elle a expliqué les conditions d’application d’une décote de minorité et a précisé «'dans notre cas, un accord impose le fait que M. Z vende ses titres à l’actionnaire principal.

Aussi, ce dernier ne va pas «'souffrir'» de la situation de minoritaire que procurent ces titres, puisqu’il sera majoritaire. Dans ce cas, la décote de minorité n’est donc pas justifiée'».

Les parties intimées développent leur argumentation sur l’application des décotes de minorité dans le cadre d’une évaluation judiciaire classique des titres et non dans le cadre de l’article 1843-4 du code civil mais ne précise pas en quoi l’expert a fait une appréciation gravement erronée ; or, dans le cadre de l’article 1843-4 du code civil l’appréciation de la valeur est celle de l’expert sauf erreur grossière de sa part.

La cour ne retiendra donc pas l’erreur grossière sur le défaut d’application de la décote de minorité dès lors qu’en effet, l’associé majoritaire en acquérant les titres de F Z n’aura pas d’effet négatif lié à la minorité des dits titres.

De même, les diverses décotes accordées par le tribunal de commerce à la demande de la SAS Bobion & A, décotes pour non liquidité et décote pour clause d’agrément, n’ont pas été soumises à l’expert et n’ont pas fait l’objet d’un quelconque dire ; elles ne peuvent, dès lors, être retenues par la juridiction comme relevant d’une erreur grossière de l’expert.

Sur la valorisation de la société, l’expert judiciaire avait en effet, dans un premier temps, considéré que la SAS Bobion et A était une société à distribution de dividendes puis, à l’issue d’une réunion avec les parties tenue le 26 juillet 2018 et pour répondre à un dire de F Z, a reconsidéré sa position en constatant que les représentants de la société lui répondaient que pour 2017, il n’y avait pas eu de dividendes et que ce n’était pas automatique.

Le seul fait qu’il y ait eu des distributions de dividendes plusieurs années de suite depuis 1998 ne suffit pas à établir que l’expert a commis une erreur grossière dans l’évaluation de la société en retenant qu’en 2017 ce n’est pas une société à distribution de dividendes alors que les distributions n’ont en effet pas eu lieu en 2016.

De même, le seul fait d’affirmer que X J K assure plus de 70% de l’activité commerciale ne suffit pas à justifier que la formule basse de l’expert doive être nécessairement retenue.

De son coté, F Z prône la méthode de calcul de la valeur de rendement retenue par le cabinet SMS qui aboutit à une valeur globale de la société à 32.731.406 euros soit une valeur des titres de F Z de 1.361.622 euros.

Il rappelle que la société est une société qui ne distribue pas de dividendes, selon lui depuis 2015, et que l’expert devait pouvoir intégrer les comptes de l’exercice 2017 qui n’ont été déposés au greffe du tribunal de commerce que le 30 juillet 2018 alors que le rapport d’expertise a été déposé le 31 juillet 2018.

Enfin, il s’oppose à la décote de minorité puisque la mission de l’expert dans le pacte d’associés en son article 6.2 précisait que l’évaluation de la société était faite sans décote de minorité.

La cour rappelle que, dans le cadre des dispositions de l’article 1843-4 du code civil, il n’appartient pas au juge de dire quelle méthode d’évaluation de la société doit être retenue.

Par ailleurs, la cour constate que, dans ses conclusions, F Z ne décrit aucune erreur grossière de l’expert, madame Y, dans son rapport. Il se borne à produire une autre étude, celle du cabinet SMS dont les travaux ont été vérifiés par le cabinet d’Audit et de conseils BDAC, et à critiquer l’analyse de ses adversaires.

Or, le pacte d’associés du 1er septembre 2009 stipulait qu’en cas de désaccord, les parties demanderaient au tribunal la désignation d’un expert ; l’évaluation de cet expert doit donc être la fixation du prix et non celle du cabinet SMS.

De plus, l’étude du cabinet SMS s’intitule «'dossier d’évaluation selon la méthode de la rentabilité Bobion & A'». En fin d’étude, il a retraité la valorisation à partir du modèle de l’expert en intégrant les chiffres de l’exercice 2017 et en rectifiant quelques anomalies de report, sans autre précision, sauf à évoquer l’omission du CICE et en intégrant les résultats de la nouvelle société de Bordeaux en 2017.

La cour relève que cette étude du cabinet SMS ne comporte aucune critique de l’expertise de madame Y sauf quelques anomalies de report qui ne sont guère explicites, qu’elle n’est ni signée par son auteur ni datée et qu’elle évoque l’omission du CICE alors qu’en page 20 du rapport, madame Y a traité et intégré les fonds CICE. De même, elle a retraité notamment les fonds provenant de la sous-traitance de l’établissement de Bordeaux avant 2017.

Madame Y a expliqué la méthode retenue qui résulte d’une combinaison de plusieurs méthodes dès lors qu’il s’agit d’une société non cotée.

Elle a ainsi privilégié la valeur mathématique (VM = la valeur des fonds qu’il serait nécessaire d’investir pour reconstituer le patrimoine de la société dans son état actuel), la valeur de rendement (VR = la valeur globale de la société fondée sur les seuls bénéfices distribués à partir de ses moyens actuels), la valeur de rentabilité de MBA (VRMBA= marge brute d’autofinancement), la valeur de productivité (VP = capacité à générer des bénéfices),

la valeur de rentabilité du chiffre d’affaires (VRCA = excédent brut d’exploitation à partir d’un chiffre d’affaires moyen) et la valeur fondée sur le good will ( VG = la capacité éventuelle de la société à dégager un bénéfice supérieur à celui qui correspondrait à une rémunération normale des capitaux engagés).

Pour une société ne distribuant pas de dividendes elle a utilisé la formule suivante combinant l’ensemble des méthodes :

[(VM+VP+2VRCA/4+VG]/2 .

Enfin, Madame Y, ne pouvait prendre en considération les chiffres de l’exercice 2017 alors qu’elle avait été saisie le 28 mars 2017 et que le rapport devait être déposé le 24 octobre 2017.

Force est de constater que F Z n’établit aucune erreur grossière du travail de l’expert de nature à remettre en cause son évaluation.

La cour en déduit qu’à défaut d’établir des erreurs grossières dans le travail de l’expert, les parties ne peuvent demander de remettre en cause l’évaluation de la société faite par l’expert désigné selon leur volonté dans le pacte d’associés.

Il n’y a donc pas lieu d’ordonner une nouvelle expertise.

Il convient de rappeler que la valorisation de la société Bobion & A devait se faire sans décote de minorité selon le pacte d’associé et selon les critères retenus par l’expert.

La valeur de la société est donc celle retenue par l’expert, Madame Y, comme valeur moyenne sans décote de minorité soit 15.758.385 euros et la valeur des titres de F Z

pour 1166 actions est donc de 708.884 euros.

Le jugement doit être infirmé de ce chef.

— sur la demande de condamnation de la Sas K BTK ltdt à 150.000 euros en application de l’article 7 du pacte d’associés du 1er septembre 2009 :

L 'article 7 intitulé «'garantie de revenus'» stipule que «' la SAS K BTK Ltdt s’oblige à garantir à M. X H Z, en sus de la rémunération résultant de son contrat de travail un revenu annuel complémentaire de 50.000 euros net et avant impôts et prélèvements à la charge personnelle de M. X H Z qui lui sera versé ou bien sous forme de prime ou bien sous forme de dividende au choix de l’actionnaire majoritaire, dès lors que le résultat net annuel après impôt de la société sera supérieur ou égal à 800.000 euros'»

Les parties intimées font observer qu’au titre de l’année 2015, alors que F Z était encore salarié de la société Bobion & A, la société lui a versé plus de 50.000 euros de revenus annuels complémentaires à son salaire en primes et dividendes. Et en revanche, l’ayant licencié à compter du 22 mars 2016, elles considèrent qu’il ne pouvait prétendre à l’application de l’article 7 ni en 2016 ni en 2017 et ce d’autant plus qu’il a été embauché par un concurrent dès septembre 2016.

F Z ne répond pas aux parties intimées sur l’interprétation de la clause ni sur le versement des sommes versées en 2015.

Or, la clause de l’article 7 doit s’interpréter strictement et selon l’article 1162 ancien du code civil, elle doit s’interpréter dans le doute en faveur de celui qui a contracté l’obligation.

Cette rémunération complémentaire est donc bien liée au statut de salarié de l’associé signataire du pacte d’associé et doit être allouée en fonction de la contribution du salarié associé à la richesse de l’entreprise par son activité personnelle.

Elle n’est donc pas due pour l’année 2017.

En revanche, elle est due pour l’année 2016 dont le résultat net de la société après retraitement par l’expert a été de 1.260.206 euros, mais a proportion de la durée de travail effectif de F Z sur l’année 2016 soit du 1er janvier au 23 mars 2016 =31+28+23 =82 jours. La garantie pour 2016 sera donc de 50.000 euros x 82/365 =11.232,87 euros. La SAS K BTK Ttdt versera la somme de 11.232,87 euros à F Z au titre de l’article 7 pour 2016.

Le jugement doit être infirmé de ce chef.

— sur la compensation des créances réciproques :

Eu égard à l’issue du litige, cette demande des parties intimées est sans objet du fait du montant des condamnations qui incombent à la SAS K BTK Ltdt en définitive.

En effet, la SAS K BTK Ltdt dit avoir exécuté le jugement de première instance à concurrence de 52.660,49 euros. Il conviendra de prononcer la condamnation en deniers et quittances et les parties feront le décompte des sommes restant à verser.

— sur les demandes accessoires :

Eu égard à la spécificité du litige, les parties se partageront par moitié la charge des dépens

de première instance et d’appel et conserveront la charge de leurs frais irrépétibles.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a jugé que les frais de l’expertise judiciaire seraient supportés pour moitié par F Z et condamné F Z à verser à la société Bobion et A la somme globale de 4.264,82 euros en remboursement de sa part relative aux frais d’expertise.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Rejette la demande de sursis à statuer en appel,

Infirme le jugement, mais seulement en ce qu’il a :

— dit que la valeur globale de la société Bobion et A s’élevait à la somme de 12.554.772,64 euros

— dit qu’une décote cumulée de 30% doit être appliquée à la valeur brute des titres de F Z

— fixé à la somme de 395.334,63 euros la valeur des titres de F Z

— rappelé que la somme de 337.382 euros a déjà été versée à Monsieur Z le 27 février 2018

— jugé que la valeur des titres restant due s’élevait à la somme de 57.952,63 euros et devait être versée par la société K BTK ltdt à F Z

— condamné F Z à payer à la société Bobion et A la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

— débouté les parties du surplus de leurs demandes

— condamné F Z aux entiers dépens.

Et, statuant à nouveau,

— déboute la société Bobion et A, X J K et la société K BTK ltdt de leurs demandes concernant la valorisation de la société Bobion & A et notamment pour l’application de décotes sur la valeur de la société telle qu’elle a été appréciée par l’expert Madame Y

— déboute X H Z de ses demandes concernant la valorisation de la société Bobion & A

— dit que la valorisation faite par l’expert désigné Madame Y est la seule à retenir en application du pacte d’associés du 1er septembre 2009

— condamne par conséquent la SAS K BTK Ltdt à verser à X H Z la somme de 708.884 euros pour la cession de ses 1166 actions en deniers et quittances

— rappelle que F Z a déjà perçu la somme de 337.382 euros au titre de la part

invariable de la valeur de ses actions, condamnation ordonnée en référé le 20 février 2018

— condamne la SAS K BTK Ltdt à verser la somme de 11.232,87 euros à F Z au titre de l’article 7 uniquement pour l’année 2016 et déboute F Z de ses demandes pour 2015, somme déjà versée, et pour 2017, somme non due.

— confirme le jugement pour le surplus

— fait masse des dépens de première instance et d’appel en ce compris les frais d’expertise

— condamne X H Z d’une part, la société Bobion et A, X J K et la société K BTK ltdt d’autre part, chacun pour moitié de la masse des dépens ainsi réalisée.

— dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile pour les fais irrépétibles en première instance et en appel.,

Le présent arrêt a été signé par Madame C, Président, et par Madame SAYOUS, greffier suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Pau, 2ème ch - section 1, 12 janvier 2021, n° 19/02263