Cour d'appel de Poitiers, 2ème chambre, 23 novembre 2010, n° 10/01774

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Poitiers, 2e ch., 23 nov. 2010, n° 10/01774
Juridiction : Cour d'appel de Poitiers
Numéro(s) : 10/01774
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Poitiers, 13 avril 2010
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRET N°

R.G : 10/01774

XXX

MONSIEUR LE TRESORIER DE LOUDUN

C/

X

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

2e Chambre Civile

ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2010

Numéro d’inscription au répertoire général : 10/01774

Décision déférée à la Cour : Jugement au fond du 14 avril 2010 rendu par le Juge de l’Exécution du Tribunal de Grande Instance de POITIERS.

APPELANT :

MONSIEUR LE TRESORIER DE LOUDUN

XXX

XXX

XXX

comptable chargé du recouvrement domicilié en cette qualité audit siège

représenté par la SCP TAPON-MICHOT, avoués à la Cour

INTIME :

Monsieur Y X

né le XXX à XXX

XXX

XXX

XXX

représenté par la SCP MUSEREAU-MAZAUDON-PROVOST-CUIF, avoués à la Cour

assisté de Maître François CARRE, avocat au X de POITIERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 910 alinéa 1, 785 et 786 du Code Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 12 Octobre 2010, en audience publique, devant

Monsieur Thierry RALINCOURT, Conseiller.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean CHAPRON, Président

Monsieur Guillaume DU ROSTU, Conseiller

Monsieur Thierry RALINCOURT, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Mme Brigitte VANSTEENDAM,

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— Signé par Monsieur Jean CHAPRON, Président, et par Mme Brigitte VANSTEENDAM, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******************

Vu le jugement du Juge de l’Exécution du Tribunal de Grande Instance de Poitiers en date du 14/04/2010 qui a :

— dit nuls et de nul effet :

> le commandement de payer en date du 1/07/2009 (référence 38842435) délivré à l’initiative de la Trésorerie de Loudun aux Etablissements X,

> l’opposition à tiers détenteur délivrée à la caisse régionale de CREDIT AGRICOLE mutuel de Touraine et Poitou, dénoncée par acte du 10/09/2009 aux Etablissements X,

— rejeté tous autres chefs de demande,

— condamné la Trésorerie de Loudun aux dépens ;

Vu l’appel interjeté le 27/04/2010 par le Trésorier de Loudun,

Vu les dernières conclusions du Trésorier de Loudun du 18/05/2010, demandant à la Cour, en réformation du jugement entrepris, de :

— rejeter toutes demandes de Y X,

— le condamner au paiement d’une indemnité de 1.000 € par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

Vu les dernières conclusions de Y X du 4/10/2010, demandant à la Cour de :

— confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

— en conséquence, rejeter toutes demandes de la Trésorerie de Loudun,

— la condamner au paiement d’une indemnité de 3.000 € par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

O O O

La Communauté de Communes du Pays Loudunais a émis le 11/03/2009 un titre exécutoire d’un montant de 11.735,75 € à l’encontre de « X Ets ».

La Trésorerie de Loudun a fait délivrer le 1/07/2009 à « X Ets » un commandement de payer ladite somme de 11.735,75 € en principal.

Elle a notifié le 10/09/2009 à « X Ets » une opposition à tiers détenteur pratiquée entre les mains de la banque du débiteur saisi, la caisse régionale de CREDIT AGRICOLE mutuel de Touraine et Poitou.

Y X a saisi le Juge de l’Exécution de Poitiers le 20/11/2009 d’une contestation de la validité de cette opposition.

O O O

1 – sur le moyen tiré par Y X de l’absence de lettre de rappel.

Ce dernier fait valoir à l’appui de sa contestation :

— qu’en droit, l’envoi d’une lettre de rappel au débiteur constituerait une exigence déterminante et substantielle de la procédure de recouvrement des créances des collectivités territoriales, l’article 1617-5 du Code Général des Collectivités Territoriales n’étant qu’une application littérale du Livre des Procédures Fiscales au recouvrement des produits locaux ;

— qu’en fait, dès lors que le comptable du trésor ne justifierait pas de l’envoi à l’intimé d’une telle lettre de rappel, il ne justifierait pas du caractère exigible de la créance dont il poursuit le recouvrement.

Le Trésorier de Loudun fait valoir en réplique :

— que l’article L 1617-5 5° du Code Général des Collectivités Territoriales n’imposerait pas l’envoi préalable d’une lettre de rappel ou d’un commandement de payer au redevable ;

— que l’opposition à tiers détenteur n’entraînerait aucuns frais supplémentaires pour le redevable, de sorte que les dispositions de l’article L 255 du Livre des Procédures Fiscales seraient inapplicables en l’occurrence ;

— qu’aucune disposition légale ou réglementaire ne subordonnerait la procédure de l’opposition à tiers détenteur à l’envoi préalable d’une lettre de rappel ou d’un commandement de payer au redevable.

L’opposition à tiers détenteur litigieuse est régie par l’article L 1617-5 du Code Général des Collectivités Territoriales, en ce qu’elle tend à l’exécution forcée d’un titre de recettes individuel ou collectif émis par une collectivité territoriale ou un établissement public local, en vertu du § 1° dudit article.

Elle n’est pas régie par les dispositions du Livre des Procédures Fiscales qui, pour sa part, régit la voie d’exécution distincte de l’avis à tiers détenteur en ses articles L 162 et suivants, laquelle tend au recouvrement de créances fiscales de nature différente.

Le § 4° alinéa 1er dudit article L 1617-5, invoqué par Y X, dispose :

Le titre de recettes individuel ou un extrait du titre de recettes collectif est adressé aux redevables sous pli simple. Lorsque le redevable n’a pas effectué le versement qui lui était demandé à la date limite du paiement, le comptable chargé du recouvrement doit lui envoyer une lettre de rappel avant la notification du premier acte de poursuite devant donner lieu à des frais.

L’opposition à tiers détenteur n’étant subordonnée par aucun texte, et notamment pas par l’article L 1617-5 précité, à la délivrance préalable d’un commandement de payer (générateur de frais), et n’étant pas au nombre des actes de poursuite devant donner lieu, par elle-même, à des frais, il s’en déduit qu’en l’occurrence, d’une part, le Trésorier de Loudun n’était pas tenu d’envoyer à Y X une lettre de rappel avant de procéder à l’opposition à tiers détenteur en date du 10/09/2009, et que, d’autre part et corrélativement, l’exigibilité de la créance de La Communauté de Communes du Pays Loudunais n’a pas été juridiquement conditionnée par l’envoi d’une telle lettre de rappel.

Le premier moyen tiré par Y X du défaut d’envoi d’une lettre de rappel doit être écarté comme inopérant, en infirmation du jugement entrepris.

2 – sur la contestation de la validité du commandement du 1/07/2009.

Le Trésorier de Loudun fait valoir que la contestation par Y X du commandement qui lui a été délivré le 1/07/2009 serait irrecevable comme tardive, dès lors :

— qu’en vertu de l’article L 1617-5 § 2° du code précité, le délai de contestation de deux mois courrait à compter de la notification de l’acte ;

— qu’en l’occurrence le délai de contestation aurait expiré le 2/09/2009, alors que Y X n’a saisi le Juge de l’Exécution que le 20/11/2009.

Y X fait valoir en réplique :

— que le commandement litigieux ne comporterait qu’une information générale sur la possibilité, pour le destinataire de l’acte, de le contester soit devant le Juge de l’Exécution soit devant le juge administratif, sans préciser laquelle de ces deux juridictions était matériellement compétente en l’occurrence, ni préciser la juridiction territorialement compétente ;

— que ledit commandement ne satisferait donc pas aux exigences de l’article 680 du Code de Procédure Civile.

2.1 – sur le moyen tiré par Y X de l’irrégularité du commandement.

Le commandement litigieux énonce :

« Toute contestation doit être portée devant le Juge de l’Exécution territorialement compétent dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent acte pour toute contestation relative aux produits des collectivités et établissements publics locaux (article L 1617-5 2° du code général des collectivités territoriales et article L 6145-9 du code de la santé publique), à l’exception de la contestation des créances de nature administrative qui doivent être portées devant le juge administratif ».

Y X invoque, de manière inopérante, une non-conformité de cette mention aux exigences de l’article 680 du Code de Procédure Civile, dès lors que ce texte, régissant exclusivement la notification des jugements, est inapplicable à la notification d’un commandement.

Y X soutient à tort que la mention précitée serait imprécise quant à la désignation de la juridiction matériellement compétente, alors qu’elle opère une distinction expresse entre la nature des contestations susceptibles d’être élevées à l’encontre du commandement, et précise la juridiction matériellement compétente pour chacune d’elles.

Y X soutient, de manière également inopérante, que l’absence d’indication de la juridiction territorialement compétente vicierait la notification du commandement, alors que cette absence de précision est insusceptible d’exposer le destinataire de l’acte à un risque de prescription de sa contestation, puisqu’en vertu de l’article 2241 du Code Civil, la demande en justice portée devant une juridiction incompétente interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

2.2 – sur la fin de non recevoir soulevée par le Trésorier de Loudun.

L’article L 1617-5 § 2° du Code général des collectivités territoriales dispose :

L’action dont dispose le débiteur d’une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d’un acte de poursuite.

L’action dont dispose le débiteur de la créance visée à l’alinéa précédent pour contester directement devant le juge de l’exécution mentionné aux articles L 213-5 et L 213-6 du Code de l’Organisation Judiciaire la régularité formelle de l’acte de poursuite diligenté à son encontre se prescrit dans le délai de deux mois suivant la notification de l’acte contesté.

Il résulte du jugement entrepris que Y X a fait valoir, à l’appui de sa contestation :

— que le commandement de payer du 1/07/2009 ne comportait pas la mention du titre exécutoire fondant la voie d’exécution pratiquée, ni un décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts ;

— que ne figuraient pas de manière explicite les voies de recours offertes.

Il s’en déduit que la contestation élevée par Y X a visé la régularité formelle dudit commandement et non la créance cause de cet acte, de sorte que, régie par l’alinéa 2 précité de l’article L 1617-5 § 2° du Code général des collectivités territoriales, elle devait être formée, à peine de prescription, dans un délai de deux mois à compter de la notification du commandement contesté.

Au demeurant, l’indication de ce délai de contestation figure expressément dans la mention précitée du commandement.

En conséquence, le Trésorier de Loudun fait exactement valoir que la contestation par Y X, formée par acte du 20/11/2009, de la régularité formelle du commandement qui lui a été délivré le 1/07/2009 est irrecevable comme prescrite.

3 – sur la contestation de la validité de l’opposition à tiers détenteur.

Y X fait valoir à l’appui de sa contestation :

— que, dans ladite opposition, le titre exécutoire ne serait pas identifiable ; que le décompte des sommes dues ne serait pas précisé, les pénalités de retard éventuellement encourues n’étant pas mentionnées ;

— que l’opposition aurait été diligentée à l’encontre de « X Ets », dénomination qui n’existerait pas, dès lors Y X exercerait son activité de manière directe sous son nom propre ;

— que la désignation du tiers détenteur et du compte saisi serait excessivement succincte et ne permettrait pas l’identification du compte sur lequel porte l’opposition.

3.1 – La notification de l’opposition à tiers détenteur indique, sous la rubrique « nature de la dette » : « 2009 T 607-1 ».

Le Trésorier de Loudun a produit le titre exécutoire sur le fondement duquel il a diligenté l’opposition litigieuse, titre dont Y X n’a pas dénié la réception.

Ce titre comporte en bas de page les références suivantes :

« collectivité : Communauté communes pays LC

« exercice : 2009

« numéro du titre : 607

« somme due – nom débiteur : 11.735,75 X Ets ».

La référence du titre exécutoire, mentionnée dans la notification de l’opposition à tiers détenteur, a rendu ce titre identifiable pour le débiteur.

3.2 – La notification de l’opposition à tiers détenteur indique, sous la rubrique « détail de sommes dues – montant » :

« total : 11.735,75

« frais (commandement saisie) : 352,00 ».

La somme principale est exactement conforme à celle figurant sur le titre exécutoire précédemment adressé à Y X.

Le montant du coût du commandement est exactement conforme à celui qui figurant sur l’acte du 1/07/2009.

L’absence de mention de pénalités de retard n’est aucunement de nature à vicier l’opposition, et a seulement pour effet d’exclure de son assiette toute somme de cette nature.

3.3 – Y X fait vainement grief à l’opposition à tiers détenteur d’avoir été diligentée à l’encontre de « X Ets », alors que cette dénomination s’applique indiscutablement à lui puisqu’il l’utilise lui-même, ainsi que le démontre son propre timbre humide, apposé notamment sur une lettre de candidature à un marché public en date du 19/11/2009 (pièce n° 5 de l’appelant), et ainsi libellé : « Ets X Y Travaux Publics (…) ».

3.4 – Y X fait vainement grief à la notification de l’opposition à tiers détenteur de désigner ce dernier comme suit : « CRCATOUPOI », alors que l’intéressé, titulaire d’un compte ouvert à la caisse régionale de CREDIT AGRICOLE mutuel de Touraine et Poitou, ne pouvait se méprendre sur la signification de ces sigle et abréviation.

Enfin, Y X fait vainement grief à l’opposition à tiers détenteur de ne pas comporter l’identification du compte sur lequel porte l’opposition, alors qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’impose une telle obligation au comptable du trésor exerçant une telle voie d’exécution, l’article L 1617-5 § 5° du code général des collectivités territoriales disposant seulement :

Le recouvrement par les comptables directs du Trésor des titres rendus exécutoires dans les conditions prévues au présent article peut être assuré par voie d’opposition à tiers détenteur adressée aux personnes physiques ou morales qui détiennent des fonds pour le compte de redevables, qui ont une dette envers lui ou qui lui versent une rémunération.

4 – sur les dépens et les frais de procédure.

Dès lors que les contestations élevées par Y X sont écartées, ce dernier, succombant, supportera les dépens de première instance et d’appel.

La demande indemnitaire du Trésorier de Loudun fondée sur l’article 700 du Code de Procédure Civile sera accueillie dans son principe et son montant.

PAR CES MOTIFS :

la Cour,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement du Juge de l’Exécution du Tribunal de Grande Instance de Poitiers en date du 14/04/2010.

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable la contestation par Y X du commandement de payer que lui a fait délivrer la Trésorerie de Loudun le 1/07/2009.

Rejette toutes contestations par Y X de l’opposition à tiers détenteur diligentée à son encontre par la Trésorerie de Loudun et dénoncée le 10/09/2009.

Condamne Y X à payer au Trésorier de Loudun une indemnité de 1.000 € (mille euros) par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamne Y X aux dépens de première instance et d’appel.

Dit qu’il sera fait application des dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.

*******************

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

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