Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 7 décembre 2016, n° 15/04904

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Poitiers, ch. soc., 7 déc. 2016, n° 15/04904
Juridiction : Cour d'appel de Poitiers
Numéro(s) : 15/04904
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Poitiers, 23 novembre 2015
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

XXX

ARRET N° 1248

R.G : 15/04904

SA AUCHAN

C/

X

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS Chambre Sociale ARRÊT DU 07 DECEMBRE 2016 Numéro d’inscription au répertoire général : 15/04904

Décision déférée à la Cour : Jugement au fond du 24 novembre 2015 rendu par le Conseil de Prud’hommes de POITIERS.

APPELANTE :

SA AUCHAN

XXX

XXX

XXX

Représentée par Me Jean-Jacques PAGOT, avocat au barreau de POITIERS

INTIMÉ :

Monsieur B X

né le XXX à POITIERS

XXX

XXX

Comparant,

Assisté de Me Sylvie MARTIN de la SELARL MARTIN MENARD, avocat au barreau de POITIERS COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 26 octobre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Eric VEYSSIERE, Président

Madame Catherine KAMIANECKI, Conseiller

Monsieur Jean-Michel AUGUSTIN, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Mme Patricia RIVIÈRE

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— Signé par Monsieur Eric VEYSSIERE, Président, et par Mme Patricia RIVIERE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. X a été engagé par la société Développement commerce poitevin (Dcp) exploitant un hypermarché Carrefour, sur le site de Chasseneuil du Poitou, en qualité d’employé libre service aux termes d’un contrat à durée déterminée du 9 août 1985, poursuivi en contrat à durée indéterminée et relevant de la convention collective de la distribution.

Après changement d’enseigne, l’employeur est devenu la Sa Auchan.

M. X est reconnu travailleur handicapé avec un taux inférieur à 50 % depuis 2009.

En 2014 M. X occupait les fonctions d’hôte de caisse essence, classification 2B.

Par courrier du 21 juillet 2014 la Sa Auchan a convoqué M. X à un entretien préalable fixé le 29 juillet 2014 et lui a, par courrier séparé, notifié sa mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er août 2014 la Sa Auchan a licencié M. X pour faute grave.

Le 11 septembre 2014 M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Poitiers pour contester son licenciement avec toutes conséquences de droit.

Par jugement du 24 novembre 2015, le conseil de prud’hommes de Poitiers a notamment :

* dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

* condamné la Sa Auchan à payer à M. X, après avoir retenu dans ses motifs un salaire de référence de 1 650,17 euros brut , les sommes de : – 476,67 euros au titre de la mise à pied conservatoire et de 47,66 euros au titre des congés payés y afférents (brut),

—  5 183,91 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis (brut),

—  518,39 euros au titre des congés payés sur préavis (brut),

—  15 551,48 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement (net),

—  31 103 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* ordonné à la Sa Auchan de remettre à M. X ses bulletins de salaire, son certificat de travail et l’attestation Pôle emploi rectifiés,

* ordonné en application de l’article L 1235-4 du code du travail le remboursement par la Sa Auchan aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à M. X, du jour de son licenciement au jour du jugement, dans la limite de 3 mois d’indemnités de chômage,

* débouté les parties du surplus de leurs prétentions,

* condamné la Sa Auchan aux entiers dépens.

Vu l’appel régulièrement interjeté par la Sa Auchan ;

Vu les conclusions déposées le 19 avril 2016 et développées oralement à l’audience de plaidoiries par lesquelles l’appelante demande notamment à la cour d’infirmer la décision déférée, de dire le licenciement fondé sur une faute grave, de débouter M. X de l’ensemble de ses demandes et de le condamner à lui payer une somme de 1 000 euros au titre de l’ article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions déposées le 26 janvier 2016 et développées oralement à l’audience de plaidoiries par lesquelles M. X sollicite notamment la confirmation de la décision déférée sauf en ce qu’elle a statué sur l’indemnisation du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour devant condamner de ce chef la Sa Auchan à lui payer une somme de 62 206,92 euros et y ajouter pour les frais irrépétibles engagés en cause d’appel, une somme de 2 000 euros ;

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, de moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées et oralement reprises. La cour ajoute qu’une médiation a été proposée par la cour aux parties, que la Sa Auchan l’a acceptée le 17 mars 2016 'pour prendre en compte l’aspect humain sans transiger sur le principe’ mais que M. X l’a refusée le 25 mars 2016.

L’instance audiencée le 30 mai 2016 a été renvoyée à l’audience du 26 octobre 2016, M. X souhaitant qu’elle soit examinée par une composition collégiale.

SUR CE

Sur le licenciement

La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié, rendant impossible son maintien dans l’entreprise pendant la durée du préavis, et l’employeur, débiteur de l’indemnité de préavis et de l’indemnité de licenciement, doit démontrer la gravité de la faute reprochée. Les premiers juges ont intégralement repris l’énoncé de la lettre de licenciement la cour se référant expressément à la décision déférée de ce chef, en rappelant seulement que M. X a été licencié pour, le 19 juillet 2014, alors qu’il se trouvait dans la cabine de station essence et allait être remplacé par Mme Y, présente avec lui dans le local, et qu’il était confronté à un client énervé, M. Z, auteur d’un doigt d’honneur, avoir réagi en faisant lui aussi un doigt d’honneur, par deux fois, puis avoir insulté l’intéressé, et, après être sorti de la cabine, avoir tenté de le gifler, puis l’avoir giflé et avoir donné un coup de pied dans la portière arrière gauche de sa voiture.

La Sa Auchan a considéré que M. X avait méconnu le règlement intérieur, interdisant d’adopter avec la clientèle un comportement de nature à nuire à l’image de marque de l’entreprise et imposant de respecter les règles de bienséance, courtoisie et politesse avec la clientèle et, en cas de litige, d’orienter les clients vers la personne habilitée et compétente.

La Sa Auchan se prévaut d’un enregistrement vidéo des faits, retranscrit par huissier de justice, des photos extraites de cet enregistrement, de la dénonciation immédiate des faits par M. Z, par téléphone et par lettre, de l’attestation de Mme Y et de la notification du règlement intérieur à M. X.

Le caractère licite de l’enregistrement vidéo n’est pas contesté.

Le constat de Me Canet, huissier de justice, s’il confirme que M. X a, à deux reprises, levé son majeur de main droite en direction de la vitre de la cabine dans laquelle il se trouvait, puis qu’il est sorti de la cabine, et s’est présenté devant la voiture d’un client, ne mentionne pas qu’une gifle a été donnée par M. X au client concerné, mais vise seulement 'des gestes confus', et ajoute que M. X a ensuite fait un geste du bras pour montrer une direction, d’ailleurs suivie par le client en cause en redémarrant son véhicule, puis que M. X a 'envoyé un coup de pied en direction du véhicule en cours de démarrage', l’ huissier de justice ajoutant qu’il est 'difficile de distinguer si le pied a touché la portière dudit véhicule'.

Les photographies communiquées ne démontrent pas plus la réalité des griefs reprochés.

L’attestation de Mme Y, présente lors des faits, mais salariée de l’entreprise, ce lien de subordination fragilisant l’impartialité de son témoignage, révèle seulement que M. X et le client ont 'échangé des insultes', dont les termes ne sont pas cités, qu’ensuite 'chacun se touchait les mains', que M. X 'a touché la joue du client’ et lui a dit en revenant 'avoir mis un coup de pied dans la voiture du client', ce qui ne suffit pas pour combattre la teneur du constat de Me Canet, déjà discutée.

Il s’en déduit que la matérialité des faits les plus graves visés dans la lettre de licenciement, à savoir la gifle et le coup de pied, n’est pas sérieusement établie.

Les attestations produites par chacune des parties, prises dans leur ensemble, confirment que M. Z adoptait de manière récurrente une attitude agitée et qu’il effrayait les autres salariés de la Sa Auchan, Mme Y elle même précisant qu’elle a eu peur et a verrouillé la porte de la cabine une fois M. X sorti. La lettre adressée le 19 juillet 2014 par M. Z au directeur de la Sa Auchan ne contredit pas cette appréciation et permet suffisamment de retenir une provocation volontaire de la part du client à l’encontre de M. X.

Si le règlement intérieur de l’entreprise impose aux salariés de traiter avec courtoisie les clients, et si M. X a suivi une formation en gestion du stress, il ne se déduit pas du doigt d’honneur adressé par le salarié à M. Z, qui avait en premier exécuté le même geste, une cause sérieuse de licenciement.

En outre M. X bénéficiait d’une ancienneté de 31 ans et avait reçu de son employer la médaille d’honneur du travail le 13 décembre 2007, peu important ainsi qu’il ait fait l’objet d’un avertissement le 12 juillet 2006, donc 8 ans avant les faits, et d’un simple rappel des règles de procédure le 25 mai 2009.

En conséquence la cour dira le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et confirmera la décision déférée par substitution de motifs, les premiers juges ayant à tort dit la sanction disproportionnée pour en déduire que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement

La Sa Auchan ne critique pas la décision déférée sur le quantum des condamnations prononcées au titre de la mise à pied, de l’indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents à celles-ci, de l’indemnité de licenciement et la cour confirmera la décision déférée de ces chefs, les montants retenus étant conformes au salaire de référence, soit 1 650,17 euros brut.

L’indemnisation du licenciement intervenu sans cause réelle et sérieuse doit s’apprécier au visa de l’article L 1235-3 du code du travail.

En l’espèce la cour s’estime suffisamment informée pour fixer cette indemnité à la somme de 50 000 euros compte tenu de l’ancienneté, de l’âge du salarié né en 1956, de sa situation de travailleur handicapé, et de l’absence de retour à l’emploi.

En conséquence la cour réformera la décision déférée en ce sens.

La cour confirmera la décision déférée en ce qu’elle a ordonné la remise par l’employeur des documents prévus par l’article L 1234-19 du code du travail et fait application de l’article L 1235-4 du code du travail.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La Sa Auchan qui succombe sera condamnée aux entiers dépens.

L’issue de l’appel, l’équité et les circonstances économiques commandent de faire droit à l’indemnité prévue par l’article 700 du code de procédure civile .

PAR CES MOTIFS LA COUR,

Confirme la décision déférée sauf en ce qu’elle a statué sur l’indemnisation du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et statuant à nouveau de ce chef :

Condamne la Sa Auchan à payer à M. X la somme de 50 000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Y ajoutant :

Condamne la Sa Auchan à payer à M. X une somme complémentaire de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;

Condamne la Sa Auchan aux dépens d’appel. LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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