Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 5 décembre 2019, n° 18/00845

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Poitiers, ch. soc., 5 déc. 2019, n° 18/00845
Juridiction : Cour d'appel de Poitiers
Numéro(s) : 18/00845
Sur renvoi de : Cour de cassation, 20 décembre 2017
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

JR/LR

ARRÊT N° 671

N° RG 18/00845

N° Portalis DBV5-V-B7C-FNC2

EURL PISCINES 16

C/

URSSAF CENTRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 05 DÉCEMBRE 2019

Suivant déclaration de saisine du 26 Février 2018 après arrêt de la Cour de Cassation du 21 Décembre 2017 cassant et annulant l’arrêt rendu le 07 Juillet 2016 par la Cour d’Appel de BORDEAUX sur appel d’un jugement du 15 Juin 2015 rendu par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la CHARENTE

DEMANDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION :

EURL PISCINES 16

Le Jonco

Carrefour de l’Oisellerie

[…]

ayant pour avocat postulant Me Florent BACLE de la SCP DROUINEAU – BACLE- LE LAIN – BARROUX – VERGER, avocat au barreau de POITIERS

ayant pour avocat plaidant Me BENETEAU avocat au barreau de la CHARENTE

DÉFENDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION :

URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE

[…]

[…]

représentée par Madame X Y chargée d’études juridiques munie d’un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 23 Octobre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean ROVINSKI, Président

Madame Catherine KAMIANECKI, Conseiller

Madame Valérie COLLET, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT

ARRÊT :

—  CONTRADICTOIRE

— Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— Signé par Monsieur Jean ROVINSKI, Président, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Piscines 16 développe depuis sa création la commercialisation de piscines sous l’enseigne Desjoyaux. Elle disposait, en dehors de son point de vente de la Couronne près d’Angoulème, d’un autre site dans la banlieue de Tours. La société Piscines 16 a sous-traité à différentes entreprises une partie de son activité en matière de maçonnerie pour son établissement secondaire de Tours et elle a été confrontée à la défaillance de certaines d’entre elles dont la société TPA ayant son siège dans le Loiret et qui a fait l’objet d’un procès-verbal de travail dissimulé.

L’URSSAF CENTRE a entendu faire jouer contre la société Piscines 16 la solidarité financière des donneurs d’ordre avec leurs sous-traitants, à défaut pour celle-ci de pouvoir justifier de documents écrits prouvant qu’elle se serait préoccupée que son sous-traitant était à jour de ses obligations sociales.

La société Piscines 16, en suite de la lettre d’observations qui lui a été adressée le 18 juin 2012 par l’URSSAF DU LOIRET aux droits de laquelle vient l’URSSAF CENTRE-VAL DE LOIRE et par courrier recommandé du 19 février 2013, la mettant en demeure de lui payer la somme de 80862€ au titre de cotisations dues pour les années 2008, 2009 et 2010 pour des faits de travail dissimulé, a contesté le redressement opéré en saisissant la commission de recours amiable de l’URSSAF du Loiret par courrier recommandé du 28 février 2013.

Par décision du 13 mai 2013, la commission de recours amiable a refusé de faire droit au recours de la société Piscines 16, laquelle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale.

Par jugement du 15 juin 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Charente :

— a rejeté les moyens tirés de la nullité de la lettre d’observations

— a déclaré régulière et fondée la mise en oeuvre de la solidarité financière à l’encontre de la société

Piscines 16

— a rejeté les moyens tirés de la prescription

— a confirmé la décision de la commission de recours amiable

— a condamné la société Piscines 16 à payer à l’URSSAF CENTRE la somme de 80862€ au titre de la solidarité financière

— a débouté la société Piscines 16 de sa demande d’indemnité pour frais irrépétibles

— a rappelé que la procédure devant le tribunal des affaires de sécurité sociale était gratuite et sans frais et ne donnait pas lieu au recouvrement de dépens.

Par arrêt du 7 juillet 2016 de la cour d’appel de Bordeaux, le jugement a été confirmé en toutes ses dispositions, la société Piscines 16 condamnée au paiement de la somme de 500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 21 décembre 2017, la Cour de cassation a cassé en toutes ses dispositions l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux et renvoyé pour être fait droit devant la cour d’appel de Poitiers, condamnant l’URSSAF CENTRE-VAL DE LOIRE aux dépens et à payer à la société Piscines 16 la somme de 3000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Piscines 16 a saisi la cour d’appel de renvoi et demande l’infirmation du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de la Charente du 15 juin 2015 et, statuant à nouveau :

— l’annulation de la lettre d’observations du 18 juin 2012 pour défaut de qualité de son signataire et le rejet des demandes de l’URSSAF CENTRE-VAL DE LOIRE

— l’annulation de l’audition de M. Z A, son gérant et la partie subséquente de l’enquête préliminaire pour défaut d’avis à M. le procureur de la République de la Charente, tiré de l’article 18 du code de procédure pénale et l’annulation par conséquent de la procédure de redressement et le rejet des demandes de l’URSSAF CENTRE-VAL DE LOIRE

— l’annulation de la lettre d’observations du 18 juin 2012, faute pour elle de connaître les modalités du redressement projeté et d’y répondre utilement, notamment par l’absence de tout visa sur le mode de calcul retenu ou à la re-qualification de l’activité de la société TPA sous-traitante et tous les actes subséquents

— la condamnation de l’URSSAF CENTRE-VAL DE LOIRE à lui rembourser les sommes indûment perçues avec intérêts légaux à compter du jour de leur versement

— le rejet des demandes de l’URSSAF CENTRE-VAL DE LOIRE de ses demandes ;

subsidiairement ;

— qu’elle soit déclarée recevable en sa contestation du redressement opéré, nonobstant le caractère définitif de la créance de l’URSSAF CENTRE-VAL DE LOIRE dans la liquidation judiciaire de la société TPA

— qu’il soit jugé que l’URSSAF CENTRE-VAL DE LOIRE ne justifie pas des motifs de re-qualification de l’activité de la société TPA et que soit cantonnée la base du redressement à la somme de 43285,43€ ;

en tout état de cause ;

— la condamnation de l’URSSAF CENTRE-VAL DE LOIRE à lui payer la somme de 4500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’URSSAF CENTRE-VAL DE LOIRE-VAL DE LOIRE demande :

— la confirmation du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Charente

— la confirmation du redressement contesté

— le rejet des demandes de la société Piscines 16

— la condamnation de la société Piscines 16 à lui payer la somme de 2000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

Sur la forme et l’absence de constat d’un travail dissimulé par un agent assermenté de l’URSSAF :

La société Piscines 16 fait valoir :

— que la lettre d’observations du 18 juin 2012 est entachée de nullité au visa de l’article R133-8 du code de la sécurité sociale, en ce que son gérant a été entendu par un enquêteur de la Gendarmerie nationale qui lui a expliqué avoir aussi auditionné celui de la société TPA sous-traitante en sorte qu’à son égard, le constat du travail dissimulé n’a pas été réalisé par un inspecteur assermenté de l’URSSAF ; qu’il résulte des dispositions de l’article R133-8 du code de la sécurité sociale que tout redressement consécutif au constat d’un délit de travail dissimulé qui ne résulte pas d’un contrôle effectué en application de l’article L243-7 du même code, c’est-à-dire par un agent assermenté de l’URSSAF, est portée à la connaissance de l’employeur par un document daté et signé par le directeur de l’organisme de recouvrement ; qu’en l’espèce, la lettre d’observation n’est signée que du seul inspecteur du recouvrement qui n’a pas qualité à agir et que l’URSSAF persiste à ne pas justifier de l’existence d’un procès-verbal de contrôle établi par l’un de ses inspecteurs, en sorte que rien n’indique au dossier que le constat du travail dissimulé aurait été fait par ses soins pour l’exonérer du formalisme précité ; que le procès-verbal de contrôle

de l’URSSAF est seul versé aux débats, lequel ne peut pas se substituer au procès-verbal de constat du travail dissimulé, en sorte qu’il doit être constaté que ce dernier ne résulte pas d’un agent assermenté de l’URSSAF, faute de toute production en ce sens ;

— que la Cour de cassation, au visa des articles L8221-1 et L8222-2 du code du travail, pour casser l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux, a rappelé que la mise en oeuvre de la solidarité à laquelle est tenue le donneur d’ordre en application du second de ces textes est subordonnée à l’établissement d’un procès-verbal pour délit de travail dissimulé à l’encontre du co-contractant et que pour rejeter son recours, l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux retient que la lettre d’observations signée par un inspecteur assermenté faisant suite à un procès-verbal de redressement du chef de travail dissimulé établi par ce même inspecteur était régulière, sans vérifier si la société sous-traitante avait fait l’objet d’un procès-verbal pour délit de travail dissimulé ; que la lettre d’observations de l’URSSAF devait être impérativement signée du directeur de l’organisme et non d’un simple inspecteur, en application de l’article R133-8 du code de la sécurité sociale, en sorte que l’irrégularité formelle est acquise qui lui fait grief, en ce que l’inspecteur du recouvrement a dévoilé, en publiant le procès-verbal de contrôle de la société TPA, qu’il avait redressé, non en fonction du secteur d’activité de la société TPA mais d’un autre secteur invoqué de manière discrétionnaire, ce que le directeur compétent

rationae materiae, n’aurait pas fait ;

— qu’en tout état de cause, la lettre de mise en demeure était insuffisamment renseignée et lui cause grief en ce que l’inspecteur de recouvrement a dissimulé de manière effective le mode de calcul retenu pour le redressement et n’a pas mis en capacité la société TPA et les organes de la procédure collective de connaître avec exactitude le mode de calcul des cotisations retenues pour déterminer les moyens de le contester ; que par ce procédé, que le directeur de l’organisme n’aurait pas repris à son compte, est constitutif d’une déloyauté à son égard dès lors que l’absence de qualité à agir du signataire de la mise en demeure n’avait pour objet que de couvrir une irrégularité substantielle constituée par l’inspecteur de recouvrement dès les premiers actes du redressement ;

— qu’il est établi que le procès-verbal du constat du travail dissimulé a été dressé par la Gendarmerie, en sorte que ce sont bien les officiers de police judiciaire qui ont réalisé le constat de travail dissimulé sans pour autant qu’il ne soit versé aux débats ; que ce constat de travail dissimulé dressé chez son sous-traitant a été établi, non pas par l’inspecteur de l’URSSAF qui aurait eu qualité pour signer seul la lettre d’observations, mais dans le cadre d’un contrôle effectué hors l’application de l’article L243-7 du code de la sécurité sociale, seul le directeur de l’organisme ayant compétence alors pour signer la lettre d’observations ;

— que l’invocation des dispositions de l’article R243-59 du code de la sécurité sociale dans la lettre d’observations est sans effet, ce texte ne faisant qu’alléger le formalisme de l’expédition pour l’inspecteur, dans l’hypothèse de la mise en jeu de la solidarité financière mais sans que ce ne soit réservé à ce seul dispositif;

— qu’il est ainsi avéré qu’il ressort du procès-verbal de contrôle de la société TPA établi le 25 août 2010 par un inspecteur de l’URSSAF, que le constat du travail dissimulé n’avait pas été établi par un agent de l’URSSAF et que le redressement consécutif au contrat de travail dissimulé devait être porté à la connaissance de l’intéressé par un document signé et daté par le directeur de l’organisme de recouvrement, ce dont il résulte que la lettre d’observations n’est pas valable et que toute la procédure subséquente doit être invalidée.

L’URSSAF CENTRE-VAL DE LOIRE rétorque que suite au constat d’infraction relative au travail dissimulé, elle a effectué un redressement à l’encontre de la société TPA à laquelle elle a notifié le 16 juillet 2010 une lettre d’observations, le contrôle portant sur les années 2008 à 2010 ; qu’un procès-verbal de synthèse a été établi le 19 octobre 2010 par un officier de police judiciaire sous le n°01625/2009 ; que la société TPA n’ayant pas réglé le montant des cotisations réclamées, elle a engagé la procédure de la solidarité financière à l’encontre de la société Piscines 16 dont la société TPA était la

sous-traitante ; qu’elle a adressé une lettre d’observations à la société Piscines 16 le 18 juin 2012 lui réclamant la somme de 80862€ au titre de la solidarité financière, mise en demeure adressée quant à elle le 29 février 2013 pour paiement de cette même somme ; que l’article L243-7 du code de la sécurité sociale dispose que le contrôle de l’application des dispositions de ce code est confié aux organismes chargées du recouvrement des cotisations sociales, précisant que les agents chargés du contrôle sont assermentés et agréés mais qu’il est prévu une dérogation à ce principe lorsque le contrôle n’a pas été réalisé par ces agents ; que l’article R133-8 du code de la sécurité sociale dispose que le document transmis à l’employeur par l’URSSAF, indiquant les redressements envisagés, doit être signé par son directeur ; qu’il est invoqué le fait que la lettre d’observations du 18 juin 2012 n’est signée que par l’inspecteur, alors même que le redressement ne relèverait pas d’un contrôle effectué au titre de l’article L243-7 du code de la sécurité sociale ; que le contrôle de l’application des dispositions du code de la sécurité sociale, tel qu’il est défini à l’article L243-7 précité, a été réalisé ici par un inspecteur de l’URSSAF de TOURAINE qui était assermenté et agréé et pouvait en conséquence signer les documents notifiés à l’employeur et notamment la lettre d’observations litigieuse ; que ladite lettre d’observations vise expressément l’article R243-59 du code de la sécurité

sociale en invitant l’employeur à faire valoir ses observations durant la période contradictoire de 30 jours, article qui n’est applicable que suite à un contrôle effectué en application de l’article L243-7 du code de la sécurité sociale ; que la société Piscines 16 invoque elle-même l’article R243-59 du code de la sécurité sociale dans sa contestation, en sorte qu’elle reconnaît implicitement que le contrôle a bien été effectué en application des dispositions de l’article L243-7 du même code ; que la Cour de cassation a décidé qu’il résultait des dispositions alors applicables des articles L324-14 du code du travail et R243-59 du code de la sécurité sociale que dans la mise en oeuvre de la solidarité financière consécutive au constat d’un travail dissimulé, l’URSSAF a pour seule obligation, avant la décision de redressement, d’exécuter les formalités assurant le respect du principe de la contradiction par l’envoi de la lettre d’observations, sans être tenue de joindre à celle-ci le procès-verbal constatant le délit, dont le juge peut toujours ordonner la production pour lever le doute invoqué par le donneur d’ordre poursuivi, ni de soumettre le donneur d’ordre au contrôle réglementaire aménagé pour le sous-traitant, auteur principal (Cass 2e civ 13 octobre 2011 n°1019386 et 13 février 2014 URSSAF ILE DE FRANCE / société ATH Renato Bene) ; qu’il est ainsi reconnu que l’inspecteur de l’URSSAF est bien compétent pour être signataire de la lettre d’observations adressée au donneur d’ordre dans le cadre de la procédure prévue par l’article R243-59 du code de la sécurité sociale, ce dont il résulte qu’ici, la lettre d’observations et la mise en demeure de payer le montant des cotisations dues sont valables.

§

Il résulte de l’article L243-7 du code de la sécurité sociale que le contrôle de l’application des dispositions du présent code notamment par les employeurs et par toute personne qui verse des cotisations ou contributions auprès des organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général est confié à ces organismes. Les agents chargés du contrôle habilités en cas d’infraction auxdites dispositions des procès-verbaux faisant foi jusqu’à preuve du contraire, sont assermentés et agréés dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale. Les unions de recouvrement transmettent ces procès-verbaux aux fins de poursuites au procureur de la République s’il s’agit d’infractions pénalement sanctionnées.

Il résulte de l’article R243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur antérieurement au décret n°2013-1107 du 3 décembre 2013, que tout contrôle effectué en application de l’article L243-7 est précédé de l’envoi par l’organisme chargé du recouvrement des cotisations d’un avis adressé par l’employeur ou au travailleur indépendant par lettre recommandée avec accusé de réception et qu’à l’issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l’employeur ou au travailleur indépendant un document daté

et signé par eux mentionnant l’objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de fin du contrôle. Ce document mentionne, s’il y a lieu, les observations formulées au cours du contrôle, assorties de l’indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés. Le cas échéant, il mentionne les motifs qui conduisent à ne pas retenir la bonne foi de l’employeur ou du travailleur indépendant. Ce constat d’absence de bonne foi est contresigné par le directeur de l’organisme chargé du recouvrement. Il indique également au cotisant qu’il dispose d’un délai de trente jours pour répondre par lettre recommandée avec accusé de réception à ces observations et qu’il a, pour ce faire, la faculté de se faire assister d’un conseil de son choix.

En application de l’article R133-8 du code de la sécurité sociale modifié par le décret n°2013-1107 du 3 décembre 2013 ( son article 1er) et abrogé par le décret n°2017-1409 du 25 septembre 2017 (son article 2), lorsqu’il ne résulte pas d’un contrôle effectué en application de l’article L243-7 du code de la sécurité sociale ou de l’article L724-7 du code rural et de la pêche maritime, tout redressement consécutif au constat d’un délit de travail dissimulé est porté à la connaissance de l’employeur ou du travailleur indépendant par un document daté et signé par le directeur de l’organisme de recouvrement, transmis par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception. Ce document rappelle les références du procès-verbal pour travail dissimulé établi par

un des agents mentionnés à l’article L8271-7 du code du travail et précise la nature, le mode de calcul et le montant des redressements envisagés. Il informe l’employeur ou le travailleur indépendant qu’il a la faculté de présenter ses observations dans un délai de trente jours et de se faire assister par une personne ou un conseil de son choix. A l’expiration de ce délai et, en cas d’observations de l’employeur ou du travailleur indépendant, après lui avoir confirmé le montant des sommes à recouvrer, le directeur de l’organisme de recouvrement met en recouvrement les sommes dues selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations de sécurité sociale.

En application des dispositions de l’article L8222-1 du code du travail, dans sa version applicable en l’espèce, toute personne vérifie lors de la conclusion d’un contrat dont l’objet porte sur une obligation d’un montant minimum (fixé à 3000€ par l’article R8221-1) en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce et périodiquement jusqu’à la fin de l’exécution du contrat, que son cocontractant s’acquitte des formalités mentionnées aux articles L8221-3 et L8221-5 du code du travail.

L’article L8271-1 du code du travail dispose que les infractions constitutives de travail illégal mentionnées à l’article L8211-1 sont recherchées et constatées par les agents de contrôle mentionnés à l’article L8271-1-2 dans la limite de leurs compétences respectives en matière de travail illégal et l’article L8271-2 de ce code dispose que les agents de contrôle mentionnés à l’article L8271-1-2 se communiquent réciproquement tous renseignements et documents utiles à l’accomplissement de leur mission de lutte contre le travail illégal.

L’article L8271-7 du code du travail, en vigueur à la date des faits, dispose que les infractions aux interdictions de travail dissimulé prévues à l’article L8221-1 sont recherchées par :

1° les inspecteurs du travail et les contrôleurs du travail

2° les inspecteurs et les contrôleurs du travail maritime

3° les officiers et les agents de police judiciaire

4° les agents des impôts et des douanes

5° les agents des organismes de sécurité sociale et des caisses de mutualité sociale agricole agréées à cet effet et assermentés

6° les officiers et les agents assermentés des affaires maritimes

7° les fonctionnaires des corps techniques de l’aviation civile commissionnés à cet effet et assermentés

8° les fonctionnaires ou agents de l’Etat chargés du contrôle des transports terrestres.

La mise en oeuvre de la solidarité à laquelle est tenue le donneur d’ordre en application de l’article L8222-2 du code du travail est subordonnée à l’établissement d’un procès-verbal pour délit de travail dissimulé à l’encontre du co-contractant.

Le procès-verbal de contrôle a été établi et signé par M. Neveu, inspecteur de l’URSSAF Touraine le 25 août 2010, dans lequel il précise que 'dans le cadre des dispositions de l’article L8271-3 du code du travail, les services de gendarmerie de Tours et Chambray les Tours nous ont communiqués des éléments relatifs à du travail dissimulé..' ce dont il résulte que la société sous-traitante TPA a fait l’objet d’un procès-verbal pour délit de travail dissimulé qui n’a pas été établi par un agent assermenté de l’URSSAF mais par les services de gendarmerie (pièce 11 de l’URSSAF).

Ce faisant, les dispositions de l’article L243-7 du code de la sécurité sociale étant ici sans portée, et en application des dispositions précitées de l’article R133-8 de ce même code, la lettre d’observations de l’URSSAF devait être impérativement signée du directeur de l’organisme et non d’un inspecteur de cet organisme, M. Neveu, en sorte que l’irrégularité formelle est établie.

Cette irrégularité fait grief à la société Piscines 16, dès lors que le visa exigé en ce cas du directeur de l’organisme constitue une garantie substantielle pour le cotisant et par ricochet son garant solidaire, l’inspecteur dudit organisme n’ayant pas qualité pour signer et en ce que, comme le fait valoir la société précitée, l’inspecteur du recouvrement a dévoilé dans le procès-verbal de contrôle de la société TPA, qu’il avait redressé, non en fonction du secteur d’activité de la société TPA mais d’un autre secteur invoqué de manière discrétionnaire, ce que le directeur compétent rationae materiae, n’aurait pas fait.

C’est en vain que l’URSSAF invoque le bénéfice des dispositions de l’article R243-59 du code de la sécurité sociale applicable seulement en cas d’un contrôle effectué en application de l’article L243-7 du même code et la circonstance indifférente qu’elle n’était pas tenue, dans la mise en oeuvre de la solidarité financière consécutive au constat du travail dissimulé, de joindre à la lettre d’observations le procès-verbal constatant le délit.

Pour cette seule raison et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens des parties, il y a lieu d’annuler la lettre d’observations établie par l’URSSAF TOURAINE du 18 juin 2012 concernant la mise en oeuvre de la solidarité financière prévue aux articles L8221-1 et suivants du code du travail et la procédure subséquente.

Il y a lieu en conséquence d’infirmer le jugement et d’ordonner à l’URSSAF CENTRE-VAL DE LOIRE de rembourser à la société Piscines 16 les sommes indûment perçues avec intérêts légaux à compter du jour de leur versement et jusqu’à parfaite restitution .

L’URSSAF CENTRE-VAL DE LOIRE doit être condamnée aux dépens et à payer à la société Piscines 16 la somme de 1500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de la Charente du 15 juin 2015 et, statuant à nouveau ;

Annule la lettre d’observations du 18 juin 2012

Rejette les demandes de l’URSSAF CENTRE-VAL DE LOIRE

Condamne l’URSSAF CENTRE-VAL DE LOIRE à rembourser à la société Piscines 16 les sommes indûment perçues avec intérêts légaux à compter du jour de leur versement et jusqu’à parfaite restitution

Condamne l’URSSAF CENTRE-VAL DE LOIRE aux dépens à payer à la société Piscines 16 la somme de 1500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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