Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 19 novembre 2020, n° 19/02636

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Poitiers, ch. soc., 19 nov. 2020, n° 19/02636
Juridiction : Cour d'appel de Poitiers
Numéro(s) : 19/02636
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Poitiers, 7 juillet 2019
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

JMA/LR

ARRÊT N°502

N° RG 19/02636

N° Portalis DBV5-V-B7D-FZ6Y

Z

C/

[…]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2020

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 juillet 2019 rendu par le Conseil de Prud’hommes de POITIERS

APPELANTE :

Madame Y Z

née le […] à […]

[…]

[…]

ayant pour avocat postulant et plaidant Me Philippe GAND de la SCP GAND-PASCOT, avocat au barreau de POITIERS

INTIMÉE :

[…]

N° SIRET : 420 384 513

[…]

[…]

ayant pour avocat postulant Me Gabriel WAGNER de la SCP GALLET-ALLERIT-WAGNER, avocat au barreau de POITIERS

ayant pour avocat plaidant Me Hervé POQUILLON, avocat au barreau de MONTPELLIER

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 05 Octobre 2020, en audience publique, devant:

Monsieur D-E F,

Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Anne-Sophie de BRIER, Conseiller

Monsieur D-E F, Magistrat honoraire

exerçant des fonctions juridictionnelles

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT

ARRÊT :

—  CONTRADICTOIRE

— Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société Clavis est spécialisée dans l’organisation de formations destinées aux professionnels du secteur médical.

Après avoir employé Mme Y Z dans le cadre de deux contrats de travail à durée déterminée ayant couvert la période du 13 janvier 2014 au 12 juillet 2015, la société Clavis l’a embauchée, suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à effet du 3 septembre 2015, en qualité de formatrice.

Le 17 octobre 2017, la société Clavis a notifié à Mme Y Z son licenciement pour inaptitude.

Le 20 mars 2018, Mme Y Z a saisi le conseil de prud’hommes de Poitiers aux fins de voir condamner la société Clavis à lui payer les sommes suivantes:

—  20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et violation des dispositions de l’article L 3123-6 du code du travail;

—  2 876,25 euros bruts pour retenue de salaire opérée indûment sur son salaire du mois d’octobre

2017 outre celle de 287,62 euros bruts au titre des congés payés y afférents;

—  3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’affaire a été plaidée à l’audience du bureau de jugement du conseil de prud’hommes de Poitiers du 22 février 2019 puis a été renvoyée devant ce conseil en sa formation de départage siégeant en son audience du 6 mai 2019.

Par jugement en date du 8 juillet 2019, le conseil de prud’hommes de Poitiers, dans sa formation de départage, a:

— débouté Mme Y Z de sa demande d’indemnisation pour exécution déloyale de son contrat de travail à temps partiel;

— condamné la société Clavis à payer à Mme Y Z les sommes suivantes:

—  2 876,25 euros bruts pour retenue de salaire outre celle de 287,62 euros bruts au titre des congés payés y afférents;

— dit que les sommes attribuées à la salariée produiront intérêts à compter de la date de réception par la société Clavis de sa convocation devant le bureau de conciliation en ce qui concerne le rappel de salaire;

— rejeté les demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

— débouté les parties de leurs plus amples demandes;

— laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Le 26 juillet 2019, Mme Y Z a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions dites n°2, reçues au greffe le 17 août 2020, Mme Y Z demande à la cour:

— d’infirmer le jugement déféré sur les chefs de décision objet de l’appel;

— de condamner la société Clavis à lui payer les sommes suivantes:

—  20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et violation des dispositions de l’article L 3123-6 du code du travail;

—  4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel;

— de confirmer pour le surplus ce jugement en ce qu’il a condamné la société Clavis à lui payer les sommes suivantes:

—  2 876,25 euros bruts pour retenue de salaire opérée indûment sur son salaire du mois d’octobre 2017 outre celle de 287,62 euros bruts au titre des congés payés y afférents;

— de débouter la société Clavis de l’ensemble de ses demandes;

— de condamner la société Clavis aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Par conclusions reçues au greffe le 23 janvier 2020, la société Clavis sollicite de la cour:

— qu’elle confirme le jugement entrepris en ce qu’il a:

— débouté Mme Y Z de sa demande d’indemnisation pour exécution déloyale de son contrat de travail à temps partiel;

— débouté Mme Y Z de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

— qu’elle infirme ce jugement en ce qu’il:

— l’a condamnée à payer à Mme Y Z les sommes suivantes:

—  2 876,25 euros bruts pour retenue de salaire;

—  287,62 euros bruts au titre des congés payés y afférents;

— l’a déboutée de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

— qu’elle déboute Mme Y Z de l’intégralité de ses demandes;

— qu’elle condamne Mme Y Z à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée le 7 septembre 2020 et l’affaire a été renvoyée à l’audience du 5 octobre 2020 à 14 heures pour y être plaidée.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

— Sur la demande formée par Mme Y Z en paiement de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur:

Au soutien de son appel, Mme Y Z expose en substance:

— que les stipulations de l’article 8 de son contrat de travail institutionnalisaient l’imprévisibilité de son temps de travail et violaient les dispositions de l’article L 3123-17 du code du travail en prévoyant que la durée mensuelle du travail pouvait varier entre 84 heures et 151,67 heures;

— qu’en vertu des dispositions de l’article L 3123-6 du code du travail, son contrat aurait dû prévoir la répartition du temps de travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois mais tel n’était pas le cas;

— qu’en outre la société Clavis ne respectait ni l’engagement prévu au contrat selon lequel elle devait lui remettre 30 jours à l’avance les plannings des formations qu’elle devait dispenser ni le délai de 8 jours avant la date des formations prévu pour la confirmation ou la modification de celles-ci;

— qu’elle devait sans cesse réclamer son planning du mois et que, une fois celui-ci obtenu, elle devait subir sans arrêt des modifications et des annulations des formations programmées;

— qu’elle a ainsi travaillé dans une situation de totale imprévisibilité de son temps de travail;

— qu’elle verse aux débats un tableau de synthèse dans lequel elle a reconstitué, mois par mois pour la période de décembre 2015 à juillet 2017, les programmations de ses formations ainsi que leurs annulations et modifications;

— qu’il ressort de ce tableau:

— que sur la période de référence, 100 formations ont été programmées mais que seulement 48 ont été maintenues, les autres ayant été annulées;

— que le délai de transmission des plannings de 30 jours n’était jamais respecté;

— et que les annulations ou les remplacements de formations étaient signalés au dernier moment, sans respect du délai de prévenance contractuel de 8 jours;

— que ces éléments établissent la faute de la société Clavis;

— que l’impossibilité dans laquelle elle s’est ainsi trouvée, du fait de l’employeur, de savoir à l’avance quand et où elle travaillerait lui imposait un mode de vie épuisant et la privait de la possibilité de conduire simultanément une autre activité personnelle ou professionnelle;

— que si elle a travaillé pour le compte d’autres employeurs durant la période de référence, c’était rare et pour de très brèves durées et toujours problématique;

— que ces circonstances font apparaître qu’elle a bien subi un préjudice du fait de l’exécution déloyale de son contrat de travail par la société Clavis;

— que sa demande indemnitaire est raisonnable dans la mesure où elle s’est trouvée en réalité pratiquement en permanence à la disposition de la société Clavis ce qui lui aurait permis de réclamer la re-qualification de son contrat de travail en contrat à temps complet et un rappel de salaire à ce titre;

— que la société Clavis ne peut échapper à sa responsabilité en prétendant que les modifications de plannings étaient dues à ses indisponibilités puisque celles-ci se sont limitées à 54 jours en deux années et ont été portées à la connaissance de l’employeur en général deux mois à l’avance et donc avant que celui-ci n’ait établi ses plannings;

— qu’elle justifie que les contrats de travail l’ayant liée à d’autres employeurs que la société Clavis ont toujours été exécutés à des périodes durant lesquelles elle n’était pas en arrêt de travail.

En réponse, la société Clavis objecte pour l’essentiel:

— que Mme Y Z n’apporte aucun élément au débat sur une éventuelle violation des règles relatives à l’accomplissement des heures complémentaires, étant observé qu’elle ne prétend pas même avoir accompli des heures complémentaires;

— que le contrat de travail peut prévoir une durée de travail inférieure au minimum légal prévu par l’article L 3123-7 du code du travail lorsque le salarié en fait la demande et que tel fut le cas pour Mme Y Z qui avait indiqué vouloir travailler 84 heures par mois au plus;

— que son activité ne lui permettait pas d’établir de façon fixe les jours de travail de Mme Y Z et que pour cette raison le contrat de travail les ayant liés fixait en son article 8 les modalités de transmission à Mme Y Z de ses plannings de travail;

— qu’elle a procédé à cette transmission des plannings de travail à Mme Y Z dans le

respect des stipulations du contrat, étant observé que très souvent les plannings étaient envoyés plusieurs mois à l’avance;

— que de même elle a respecté de délai de prévenance de 8 jours prévu au contrat pour informer la salariée des modifications et des confirmations des plannings;

— que Mme Y Z ne fait pas la distinction entre le délai de transmission du planning complet de 30 jours avant formations et le délai de confirmation et d’annulation des formations qui était de 8 jours avant formations;

— que Mme Y Z ne peut soutenir qu’elle ne pouvait s’organiser ni conduire une autre activité professionnelle alors qu’elle lui imposait à tout moment ses indisponibilités et l’obligeait ainsi à adapter en permanence les plannings de formations;

— que Mme Y Z refusait certaines formations et les supprimait unilatéralement de son planning;

— que Mme Y Z pouvait non seulement exercer une autre activité professionnelle mais avait plusieurs autres employeurs dont des organismes concurrents de l’entreprise;

— que Mme Y Z travaillait pour d’autres employeurs y compris durant des arrêts maladie ou alors qu’elle avait été déclarée inapte;

— que Mme Y Z ne se tenait en aucun cas en permanence à sa disposition.

A titre liminaire la cour observe qu’alors que Mme Y Z expose que les stipulations de l’article 8 de son contrat de travail violaient les dispositions de l’article L 3123-17 du code du travail dans sa version

applicable, elle ne démontre ni même ne soutient avoir jamais, au cours de l’ensemble de la relation de travail, accompli d’heures complémentaires ni a fortiori en nombre supérieur au dixième de la durée mensuelle de travail prévue par son contrat.

La cour observe encore qu’alors que Mme Y Z fait valoir que son contrat de travail ne respectait pas les dispositions de l’article L 3123-6 1° du code du travail en ce qu’il ne mentionnait pas la répartition du travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois, elle ne réclame pas la re-qualification de ce contrat en contrat de travail à temps plein.

Les stipulations de l’article 8 de son contrat de travail dont Mme Y Z fait grief à la société Clavis de ne pas les avoir respectées sont les suivantes:

'La durée du travail de Mme Y Z sera répartie selon les impératifs de gestion et d’organisation de l’entreprise.

Les plannings mensuels de formation seront adressés à Mme Y Z trente jours à l’avance et confirmés ou modifiés au plus tard huit jours avant la date des formations ou sessions de DPC du fait de la difficulté d’anticipation liée au marché et à la réforme du DPC'.

Au soutien de sa demande de ce chef Mme Y Z verse aux débats:

— sa pièce n°20: il s’agit d’un document intitulé 'Planning des formations et leurs modifications’ qui mentionne, mois par mois de la période ayant couru de septembre 2015 à juillet 2017, la date de communication du planning, les lieux et dates des formations prévues initialement, les formations annulées et les dates des annulations, les formations remplacées et les formations ajoutées. De cette

pièce il ressort:

— que sur l’ensemble de la période de référence 110 actions de formations avaient été initialement programmées pour être réalisées par Mme Y Z et que seulement 49 ont été conduites par cette dernière;

— que sur les 49 actions conduites par Mme Y Z, 30 avaient été fixées ab initio, 17 étaient des formations de remplacement et 2 étaient des formations ajoutées;

— que les plannings n’ont pas été adressés à Mme Y Z trente jours à l’avance, c’est à dire trente jours avant la date de tout ou partie des formations programmées, ce pour l’ensemble des mois de la période de travail à l’exception des mois de février, mars, juin, juillet et septembre à décembre 2016;

— que pour chacun des mois de la période de travail, des formations prévues aux plannings étaient annulées sauf pour les mois de janvier, février et juillet 2017 au cours desquels aucune formation n’avait été programmée;

— que parmi les nombreuses annulations de formations 19 ont été portées à la connaissance de Mme Y Z moins de huit jours avant la date où elles devaient être dispensées.

Pour sa part, la société Clavis verse aux débats:

— sa pièce n°11: il s’agit d’un courriel en date du 24 février 2016 que lui a adressé Mme Y Z aux termes duquel celle-ci écrivait notamment: 'Nous avions convenu qu’à partir de début 2016, c’est moi qui vous donnais mes dates de disponibilité pour que vous puissiez faire mon planning en fonction de ces dates', puis: 'Nous étions parvenus à un accord: 84 heures par mois jusqu’à fin décembre, puis 70 heures par mois à compter de 2016 et c’était moi qui fixais les jours où je pouvais travailler';

— sa pièce n°23: il s’agit d’un courriel adressé le 3 mai 2016 par Mme Y Z à la société Clavis aux termes duquel elle informe cette dernière de ce qu’elle a 'supprimé de [mon] son planning de juin les 3 formations en trop soit P 34 Orléans, P4 Lille et P4 Angers';

— sa pièce n° 16: il s’agit notamment d’un planning de formation couvrant les mois de septembre à décembre 2016 qui, outre les dates et lieux des formations prévues pour cette période, mentionne les dates pour lesquelles Mme Y Z était considérée comme 'indisponible'. La cour relève que ce planning mentionne 23 dates d’indisponibilité de Mme Y Z;

— sa pièce n°17: il s’agit d’un courriel en date du 31 août 2016 adressé à la société Clavis et rédigé par Mme Y Z en ces termes: 'Ci-joint mon planning du 2e semestre dans lequel sont reportées mes dates d’indisponibilité'. Le planning visé par ce courriel est celui figurant à la pièce n°16 précitée;

— sa pièce n°18: il s’agit d’un courriel en date du 13 janvier 2016 adressé par Mme Y Z à M. B C et rédigé comme suit:

'J’ai signalé à X quelques dates d’indisponibilité pour ce premier semestre et elle m’a conseillé de vous les transmettre directement puisque c’est vous qui gérez les plannings.

Je suis donc indisponible les 7 et 8 mars, le 1er avril et les 11, 12 et 13 mai. Pour le reste, normalement, aucun conflit de dates pour l’instant.

Pour la semaine du 7 au 13 mars, vous m’aviez prévu deux formations à la Martinique, mais ce ne

sera pas possible.

Par contre, je suis disponible du 28 au 31 mars, si cela peut vous arranger…..';

— sa pièce n° 19: il s’agit d’un courriel en date du 16 février 2017 rédigé par Mme Y Z, adressé à M. B C dont l’objet était 'Dates DU et autres indisponibilités', rédigé en ces termes:

'Comme convenu je vous donne les dates du DU :

-23 et 24 février

—  23 et 24 mars

—  27 et 28 avril

—  18 et 19 mai

—  8 et 9 juin

Autres indisponibilités :

20 et 21 mars, 10 avril, 18 et 19 avril et sans doute 24 et 25 avril….

Si j’ai d’autres dates, je vous préviendrai….';

— sa pièce n°21: il s’agit d’un courriel en date du 11 mai 2017 adressé par

Mme Y Z à M. B C à 1h 45 rédigé comme suit:

'Voici mes dates d’indisponibilité pour le mois de juin:

Les 1er, 2, 8 et 9 (DU), 12, 19, 20, 21 et 26….';

— sa pièce n°22: il s’agit d’un courriel en date également du 11 mai 2017 adressé par Mme Y Z à M. B C mais à 10 h 11 rédigé comme suit:

'Mes dates d’indisponibilité pour juin viennent de changer.

Voici les nouvelles:

1er, 2, 8 et 9 (DU), 12, 21 et 26….';

— sa pièce n° 25: il s’agit du curriculum vitae de Mme Y Z établi au plus tôt en 2017 puisqu’il mentionne, parmi ses diplômes, un DU qu’elle a obtenu cette année là. La cour observe que ce document fait apparaître notamment que Mme Y Z avait obtenu ce DU dans le cadre de la formation continue et avait travaillé:

— 'Depuis 2014' en qualité d’infirmière intérimaire pour des missions ponctuelles en EHPAD et MAS;

— 'Depuis 2016' en qualité d’infirmière à l’EHPAD Saint Thibault à Fleuré à concurrence de 20 % ETP.

La cour observe qu’il ressort des propres pièces de Mme Y Z qu’elle a travaillé,

durant la période de référence, pour le compte du Groupe UGECAM en novembre et décembre 2015, pour le compte de la société Appel Médical en décembre 2015, juillet, août, décembre 2016 puis en avril, mai et juin 2017, pour le compte la société Adecco Médical en février, avril, juillet et octobre 2016 puis en mars 2017, pour le compte de la société Saint Thibault en mars, avril, mai, juin, juillet, août, septembre, octobre, novembre et décembre 2016 puis en janvier et février 2017, pour le compte de la société Actsan en mars et octobre 2016 puis juin et octobre 2017, pour le compte de la Croix-Rouge française en mai 2016, pour le compte de la société IFP (en qualité de formatrice) en janvier, juin, juillet, août, septembre et octobre 2017, pour le compte de L’APAJH 86 en mars, avril, mai et juin 2017, et enfin pour le compte de la fondation Partage et vie en juin 2017.

La mise en perspective de ces éléments fait apparaître d’une part que, durant la période de référence, de très nombreux plannings n’ont pas été adressés à Mme Y Z trente jours à l’avance contrairement à ce qui était prévu par le contrat qui liait les parties et que 19 annulations de formations ont été portées à la connaissance de Mme Y Z moins de huit jours avant la date où elles devaient être dispensées.Ces éléments font cependant également apparaître que les parties avaient instauré des modalités d’échange au sujet des temps et plannings de travail de Mme Y Z qui laissaient à celle-ci une large liberté de fixer en amont de ses temps de travail ses indisponibilités tant en raison de ses contraintes professionnelles liées à d’autres emplois que d’impératifs à caractère personnel, autorisaient qu’elle modifie ponctuellement et unilatéralement ses plannings lorsqu’ils ne lui convenaient pas et lui permettaient in fine de travailler très fréquemment pour un grand nombre d’autres employeurs, étant précisé que si 19 formations ont été annulées en environ 2 années, 16 s’y sont substituées et ce sans incidence en termes de rémunération pour la salariée.

Ces éléments conduisent la cour à considérer que les conditions dans lesquelles Mme Y Z était informée de ces temps de travail ne l’ont pas privée de conduire une autre activité personnelle ou professionnelle et que les

rapports qu’elle entretenait avec l’employeur lui laissaient la faculté tant d’imposer en amont ses indisponibilités que, eu égard à ses contraintes tant de nature personnelle que professionnelle, d’accepter ou de refuser ensuite les formations qui lui étaient annoncées dans les plannings qui lui étaient adressés et in fine que Mme Y Z ne justifie pas du préjudice qu’elle allègue en au titre duquel elle réclame réparation.

En conséquence de quoi, la cour déboute Mme Y Z de sa demande de ce chef.

Sur la demande formée par Mme Y Z à titre de rappel de salaire majoré des congés payés afférents:

Au soutien de son appel, la société Clavis expose en substance:

— que Mme Y Z, outre ses missions en matière de formation devait procéder à des évaluations pédagogiques (EPP) à son domicile;

— que toutefois Mme Y Z ne réalisait pas ses EPP, comme par exemple en novembre et décembre 2016, mais était néanmoins payée sur la base a minima de 84 heures de travail qu’elle n’effectuait pas en totalité;

— qu’en outre en août et septembre 2017, Mme Y Z a bénéficié de 42 heures de télétravail qu’elle n’a jamais effectuées et qui doivent donc s’analyser comme des heures d’absence injustifiées;

— qu’au total il est apparu qu’elle avait payé à Mme Y Z 65 forfaits de 3 heures soit 195 heures de télétravail qu’elle n’avait pas réalisées;

— que ce sont ces heures qui correspondent à la régularisation faite sur le bulletin de paie de Mme Y Z d’octobre 2017.

En réponse, Mme Y Z objecte pour l’essentiel:

— qu’outre son travail de formation en divers lieux, elle devait réaliser, à son domicile, des évaluations de pratique professionnelle dites EPP;

— que pour ce faire, l’employeur devait lui envoyer des dossiers à évaluer et noter et à chaque lot d’évaluation correspondait un temps de travail donné;

— que cette pratique lui permettait d’atteindre son temps de travail minimum contractuel de 84 heures par mois lorsqu’au cours d’un mois donné elle n’avait pas dispensé suffisamment de formations pour atteindre ce seuil;

— qu’elle était souvent obligée de réclamer à la société Clavis l’envoi de ces EPP qui lui parvenaient avec retard, ce qu’elle a comptabilisé dans sa pièce n°37;

— que c’est la société Clavis qui a décidé, en fin de contrat, de ne plus lui envoyer d’EPP et que dans ces conditions l’employeur ne pouvait retenir 195 heures de travail sur son salaire d’octobre 2017.

Les pièces produites par la société Clavis au soutien de sa thèse établissent certes que ponctuellement Mme Y Z a pris du retard dans le traitement des EPP mais en revanche ne permettent pas de considérer que celle-ci a été payée, sur la base forfaitaire de 84 heures de travail par mois, alors qu’elle n’aurait pas accompli 195 heures de travail correspondant au traitement de 65 forfaits EPP.

Aussi, la cour confirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société Clavis à payer à Mme Y Z la somme de 2 876,25 euros bruts à titre de rappel de salaire outre celle de 287,63 euros bruts au titre des congés payés afférents.

— Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Les prétentions de Mme Y Z étant pour partie fondées, la société Clavis sera condamnée aux entiers dépens tant de première instance que d’appel.

En outre, il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme Y Z l’intégralité des frais par elle exposés et non compris dans les dépens. Aussi, mais en tenant compte de ce que seule une faible partie des prétentions de la salariée est fondée, la cour condamne la société Clavis à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel, et celle de 1 000 euros sur ce même fondement au titre des frais irrépétibles de première instance.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a:

— rejeté les demandes formées par les parties sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

— laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens;

Et, statuant à nouveau sur ces points:

— Condamne la société Clavis à verser à Mme Y Z la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance ainsi qu’aux entiers dépens de première instance;

Et, y ajoutant:

— Condamne la société Clavis à verser à Mme Y Z la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l’appel ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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Textes cités dans la décision

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  2. Code du travail
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