Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 13 août 2020, n° 18/02691

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Poitiers, ch. soc., 13 août 2020, n° 18/02691
Juridiction : Cour d'appel de Poitiers
Numéro(s) : 18/02691
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de La Rochelle, 23 juillet 2018
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

IL/PR

ARRET N°258

N° RG 18/02691

N° Portalis DBV5-V-B7C-FRGA

S.A. FRANCE REVAL

C/

X

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 13 AOUT 2020

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 juillet 2018 rendu par le Conseil de Prud'hommes de LA ROCHELLE

APPELANTE ET INTIMÉE :

S.A. FRANCE REVAL

N° SIRET : 308 158 914 00066

[…]

USSEAU

[…]

Ayant pour avocat Me Stéphane ANTOINE de la SELARL CABINET MAET AVOCATS, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

INTIMÉ ET APPELANT :

Monsieur K X

né le […] à B (14)

[…]

14000 B

Ayant pour avocat postulant Me Henri-Noël GALLET de la SCP GALLET- ALLERIT-WAGNER, avocat au barreau de POITIERS

Et pour avocat plaidant Me Nathalie LAILLER, avocat au barreau de B

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 23 juin 2020, en audience publique, devant:

Madame Isabelle LAUQUÉ, Présidente

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Isabelle LAUQUÉ, Présidente

Madame Catherine KAMIANECKI, Conseiller

Monsieur R-S T, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIERE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par Madame Isabelle LAUQUÉ, Présidente, et par Madame Patricia RIVIERE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société France Reval est spécialisée dans la conception et la fabrication de matériel médical et de bien être, dans le domaine de la balnéothérapie, de l'hygiène, de la gestion de la grande dépendance. Elle emploie plus de 11 salariés et relève de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

M. X, né en 1986, a été engagé par la société France Reval en qualité de commercial aux termes d'un contrat à durée indéterminée du 1er septembre 2007. Il a été promu le 1er juillet 2008 responsable régional Est, statut cadre, puis le 1er mars 2009, responsable régional Est et Suisse avant de quitter l'entreprise le 31 août 2009 pour travailler pour le compte d'une autre société.

M. X a de nouveau été embauché par la société France Reval par contrat à durée indéterminée du 10 juin 2014, en qualité de directeur des ventes hygiène, transfert et balnéothérapie France, statut cadre position II coefficient 17, cette fonction étant rattachée au directeur général M. L M et ce moyennant une rémunération fixe de 4 600 euros brut outre une commission de 0,5% sur chiffre d'affaires facturé en France avec un minimum garanti de 20 000 euros pour l'année 2014 et un avantage en nature constitué d'un véhicule.

Mme Z a pris des fonctions de responsable des ressources humaines en avril 2016.

Le 21 juillet 2016 M. X a refusé de signer un avenant à son contrat de travail.

Par courrier du 22 juillet 2016 M. L M, directeur général, a convoqué M. X à un entretien préalable fixé le 4 août 2016 auquel le salarié a comparu assisté de Mme A qui a rédigé un compte rendu.

Cet entretien n'a été suivi d'aucune sanction.

Par courrier du 23 septembre 2016 M. L M, directeur général, a une nouvelle fois convoqué M. X à un entretien préalable fixé au 4 octobre 2016.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 octobre 2016, adressée au domicile personnel de M. X à B, la société France Reval lui a notifié son licenciement, l'a dispensé d'exécuter son préavis d'une durée de trois mois et l'a libéré de la clause de non-concurrence énoncée dans son contrat de travail.

Le 4 juillet 2017 M. X a saisi le conseil de prud'hommes de La Rochelle pour contester le bien fondé de son licenciement et le voir juger brutal et vexatoire avec toutes conséquences de droit sur son indemnisation. M. X sollicitait également le paiement d'un rappel de salaire au titre du mois de janvier 2017 outre les congés payés y afférents, d'un rappel de commissions outre les congés payés y afférents, d'un rappel d'indemnité compensatrice de préavis.

Par jugement du 24 juillet 2018 le conseil de prud'hommes de La Rochelle a notamment :

* Jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* condamné la société France Reval à payer à M. X les sommes de :

- 440,67 euros brut au titre du rappel de salaire de janvier 2017 outre 44,07 euros brut euros au titre des congés payés,

- 995,93 euros brut au titre de rappel sur l'indemnité compensatrice de préavis outre 99,59 euros brut au titre des congés payés y afférents,

- 45 180 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* ordonné à la société France Reval de remettre à M. X un bulletin de salaire conforme à la décision, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter d'un délai d'un mois et pour un mois et s'est réservé le droit de liquider l'astreinte,

* ordonné en application de l'article L 1235-4 du code du travail le remboursement par la société aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à, du jour de son licenciement au jour du jugement, dans la limite de 1 mois d'indemnités de chômage,

* fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à 7 530 euros,

* rappelé l'exécution provisoire de droit et le régime des intérêts au taux légal,

* débouté les parties du surplus de leurs prétentions,

* condamné la société France Reval aux entiers dépens.

Vu l'appel régulièrement interjeté par la société France Reval et limité au dispositif du jugement ayant satisfait les prétentions de M. X, appel enregistré sous le n° 18/2691 ;

Vu l'appel régulièrement interjeté par M. X et limité à l'appréciation de son salaire de référence, au montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au débouté prononcé de ses demandes de rappel de commissions et d'indemnisation du licenciement brutal et vexatoire et aux frais irrépétibles, appel enregistré sous le n° 18/2251 ;

Vu l'ordonnance de jonction du 27 mars 2019 l'instance étant poursuivie sous le n°18/2691 ;

Vu les dernières conclusions transmises au greffe de la cour le 6 mai 2019 aux termes desquelles la société France Reval demande notamment à la cour de réformer partiellement la décision déférée, de juger le licenciement bien fondé sur une cause réelle et sérieuse, de débouter M. X de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de confirmer la décision déférée sur le rappel de salaire de janvier 2017 et le rappel de l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés y afférents, de confirmer la décision déférée sur le débouté des autres demandes de M. X et de condamner M. X à lui payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions transmises au greffe de la cour le 27 décembre 2019 aux termes desquelles M. X demande notamment à la cour de réformer partiellement la décision déférée et de condamner la société France Reval à lui payer les sommes de :

- 18 892,78 euros brut à titre de rappel sur commissions outre les congés payés y afférents 1 889,28 euros brut,

- 75 300 euros net de Cgs Crds à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 7 500 euros net de Csg Crds à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral consécutif au caractère brutal et vexatoire du licenciement,

- 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et 3 000 euros pour ceux d'appel,

de confirmer pour le surplus la décision déférée, sauf à fixer l'astreinte à 100 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification de la décision à intervenir, et de juger que si la société France Reval ne règle pas spontanément les condamnations prononcées elle devra supporter les frais d'exécution forcée engagés par M. X et de débouter la société France Reval de l'ensemble de ses demandes ;

Vu l'ordonnance de clôture du 30 décembre 2019 et le renvoi de l'affaire à l'audience de plaidoiries du 27 janvier 2020.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, de moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées. La cour ajoute que l'instance, audiencée le 27 janvier 2020 a été renvoyée au 23 juin 2020 en raison du mouvement de grève des avocats.

MOTIVATION :

-Sur le rappel de salaire du mois de janvier 2017 et le rappel d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés y afférents :

La société France Reval abandonne expressément ses critiques de la décision déférée de ces chefs et en sollicite la confirmation, de même que M. X.

En conséquence la cour confirme la décision déférée de ces chefs.

-Sur le licenciement :

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige opposant les parties a énoncé plusieurs griefs qui seront examinés au visa de l'article L 1235-1 du code du travail, le doute profitant au salarié. Il appartient au juge de vérifier la cause exacte du licenciement sans s'arrêter à la qualification donnée par l'employeur.

Si l'employeur s'est prévalu de manquements fautifs du salarié, qui s'analysent en réalité comme une insuffisance professionnelle, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Enfin, l'insuffisance professionnelle devient fautive si elle procède d'une abstention volontaire ou d'une mauvaise volonté délibérée du salarié.

En application de l'article L 1332-4 du code du travail aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. Il est constant que la persistance d'un même comportement fautif autorise l'employeur à se prévaloir de faits même prescrits à la date de l'engagement de la procédure de licenciement.

En l'espèce la société France Reval a tout d'abord rappelé dans la lettre de licenciement datée du 10 octobre 2016 et rédigée sur 5 pages, que M. X avait été recruté en qualité de directeur des ventes hygiène transfert et balnéothérapie France et rattaché au directeur général, que ses fonctions étaient très précisément énumérées dans son contrat de travail, qu'il avait dès son embauche en juin 2014 établi un plan de stratégie commerciale prévoyant le renforcement de la force de vente et son organisation, que ce plan avait été validé par l'employeur qui avait mis les moyens nécessaires à disposition du salarié, que M. X avait fixé lui-même les objectifs et la stratégie de communication, que fin 2015 les objectifs ainsi prévus n'avaient pas été atteints et donc revus à la baisse pour 2016, qu'en 2016 divers dysfonctionnements étaient apparus dans la gestion, le suivi et le fonctionnement de la force de vente, qu'avaient été identifiées des carences de M. X par absence de soutien, d'assistance, de management des commerciaux sur le terrain, que M. L M avait ainsi réalisé 'un tour de France' accompagné de la directrice des ressources humaines pour mieux appréhender l'absence de communication de M. X avec ses directeurs commerciaux régionaux et l'absence de reporting en résultant auprès de la direction générale et le conseil d'administration, qu'en juin 2016 les résultats révélaient une chute de 30% par rapport aux attentes, que M. L M avait demandé à M. X de se recentrer sur ses fonctions de directeur des ventes et de ne plus s'occuper du service après-vente et du marketing informatique que le salarié avait de fait pris sous sa responsabilité, que M. X avait refusé de signer un avenant en ce sens, que plusieurs clients et la quasi-totalité des commerciaux s'étaient ensuite plaints de dysfonctionnements du service après vente imputables à M. X, et plus particulièrement d'un accident lié à un lève-malade dont M. L M n'avait pas été informé, que Mme C, salariée au service administratif des ventes s'était plainte de la lecture de ses mails personnels par M. X ce qui était illégal, qu'un premier entretien s'était tenu le 4 août 2016, qu'à cette occasion M. X avait maintenu son refus de signer l'avenant précité, qu'il avait été sursis à toute sanction dans l'attente d'un ressaisissement de M. X en réaction à cette alerte.

La société France Reval a ensuite reproché à M. X :

- de ne pas avoir organisé en septembre une réunion commerciale d'importance particulière car permettant de rassembler et fédérer l'ensemble des commerciaux dispersés tout au long de l'année sur le territoire métropolitain, la directrice des ressources humaines ayant vérifié que M. X avait annulé cette réunion stratégique au motif de la célébration à cette date du 40ème anniversaire de la

société France Reval, décidée par la direction générale,

- d'avoir accordé des cadeaux inconsidérés à un client à Nédonchel lors d'une commande de produits et d'avoir laissé prendre en charge par la société des coûts de sous-traitance disproportionnés, ce alors même que personne n'avait pu apporter d'explication sur l'imitation de la signature électronique de M. L M sur le document DC4 du devis de sous-traitance,

- d'avoir usé d'une même pratique ainsi récurrente pour d'autres devis de sous-traitance, découvert le 7 octobre 2016, la société Zele Pro ayant ainsi bénéficié d'un coût exorbitant d'installation au détriment de la société France Reval dont le bénéfice était proche de zéro,

- d'avoir validé l'allocation de commissionnements à des apporteurs d'affaires, tels Corbas, sans en avoir informé M. L M, la société France Reval ayant été contrainte de vendre des produits avec une marge particulièrement réduite en se plaçant presque dans une situation de dumping,

- d'avoir refusé de rencontrer les représentants de la Carsat, prospect important, lors d'une journée de présentation, au motif erroné que cela ne relevait pas de ses fonctions et de ne pas avoir alors envisagé d'imposer au directeur régional d'assister à la manifestation,

- d'adopter une totale indépendance par rapport à la direction générale dans l'organisation de son travail dans la société, en la laissant dans l'ignorance de ses activités, sans lui fournir de planning ni justifier de ses absences,

- de tenir des propos discréditant la directrice des ressources humaines en se vantant auprès des membres du personnel de pouvoir la faire virer,

- de persévérer, en dépit de la fonction stratégique occupée dans l'entreprise, dans une absence d'implication dans l'animation du réseau commercial contribuant à la perte d'efficacité du service commercial ayant des conséquences graves pour le devenir de la société.

En conclusion la société France Reval a estimé que ces griefs fondaient un licenciement pour cause réelle et sérieuse et a dispensé M. X de l'exécution de son préavis d'une durée de trois mois.

Par des motifs sommaires les premiers juges ont considéré que M. X soutenait à juste titre que 'les objectifs commerciaux n'avaient pas été tenus en raison de la démotivation du personnel commercial suite au refus de la direction de prendre en compte leurs demandes, à savoir RTT, voitures de fonction etc..., cette démotivation étant donc de la responsabilité de la direction et les mauvais résultats ne pouvant être imputés à M. X ce qui rendait le licenciement sans cause réelle et sérieuse'.

La société France Reval reproche aux premiers juges de ne pas avoir analysé les pièces versées aux débats pour apprécier les griefs développés contre M. X et surtout la posture adoptée par le salarié tant à l'égard des commerciaux constituant la force de vente qu'à l'égard de la direction et essentiellement M. L M.

M. X conteste les griefs articulés contre lui, en soulignant que les faits sont soit prescrits soit non établis et que M. L M a cherché à l'évincer avec l'aide de la directrice des ressources humaines.

L'article 3 du contrat de travail a listé les missions confiées à M. X parmi lesquelles le recrutement et la formation des nouveaux arrivants, l'animation de la force commerciale (y compris par l'organisation de tournées, par le conseil et l'assistance pour la conclusion d'affaires stratégiques, par un appui commercial constant dans le suivi de l'activité), l'identification de pistes de

développement pour générer un accroissement du chiffre d'affaires, la centralisation des informations utiles à l'approche commerciale et à la connaissance du marché régional, la garantie de la bonne gestion administrative des ventes, de la négociation des contrats stratégiques et des référencements régionaux, la représentation en externe vis à vis des clients stratégiques (participation à des salons, conférences, entretiens), le respect de la politique de prix, le reporting auprès de la direction générale en toute transparence de ses activités hebdomadaires et de ses rendez vous et de ceux de ses vendeurs sur les supports validés par la direction. Il a été expressément mentionné que M. X devait gérer une activité de prospection et de développement commercial à destination des grands comptes régionaux et des dossiers stratégiques présents sur ses secteurs, en étroite collaboration avec la direction générale.

Il s'en déduit d'emblée que M. X ne peut soutenir que la plupart des griefs visés ne concernent pas ses fonctions de directeur des ventes, qu'il n'était pas tenu de vérifier sur le terrain le travail des commerciaux, ni de justifier de sa propre activité, ni d'animer et d'aider la force de vente, ni de participer à certaines présentations ou rencontres mettant en cause des clients stratégiques.

La présentation faite par la société France Reval de l'embauche de M. X et de la stratégie commerciale proposée par le salarié dès le 17 juin 2014 est confortée par sa pièce 2, M. X ayant présenté dans ce document la structure de la force de vente, à savoir 2 responsables régionaux et 6 responsables de secteur, défini leur rémunération, et suggéré des objectifs cumulés France à hauteur de 8 M euros plus 1 M euros pour le SAV ainsi qu'une stratégie de communication rejoignant les missions prévues dans son contrat de travail et déjà rappelées.

Il est admis par les deux parties que la société France Reval était en situation commerciale peu performante au moment du recrutement de M. X, celui-ci insistant sur son embauche destinée à développer le potentiel de la société France Reval alors qu'il travaillait pour une société concurrente et qu'il était domicilié à B. M. X souligne que la société France Reval était en difficulté puisque ne disposant que d'un seul commercial, tous les salariés ayant quitté l'entreprise et le poste de direction des ressources humaines étant vacant. M. X ne pouvait donc se méprendre sur les attentes de son employeur.

La société France Reval établit par sa pièce 3 que M. X a récapitulé en décembre 2015 les résultats de l'année, chiffrés de manière détaillée à 8 350 000 euros pour l'activité France, Dom et métropole et export, le résultat France étant limité à 7 850 000 euros donc inférieur aux objectifs fixés par M. X et validés par la direction générale.

La société France Reval communique en pièce 4 les échanges de mails intervenus en juin 2016 entre M. L M et M. X, celui-ci évoquant une situation générale tendue, une ambiance 'incertaine et morose', compte tenu d'une échéance électorale en 2017 et de l'attente de la mise en place d'une nouvelle stratégie gouvernementale, la force de vente ayant 'le moral en berne'. En réponse, le 10 juin 2016, M. L M a fait valoir que le climat général 'n'expliquait pas tout', que les commerciaux n'utilisaient pas ou peu les outils mis à leur disposition, engageaient peu de frais ce qui sous-entendait une faible prospection, que leur ressenti constituait 'un réel problème', que les directeurs régionaux 'n'étaient pas à la hauteur' et que les objectifs 2016 devaient être tenus, la qualité du travail des commerciaux devant être objectivement analysée. Ce mail contient une alerte pour M. X qui devait mobiliser les missions définies dans son contrat de travail pour contrôler la situation de la force de vente et la mobiliser pour préserver la stratégie en cours dont il était de surcroît l'initiateur.

Il est démontré que le contrat de travail n'a pas inclus dans les missions de M. X la gestion du service marketing et du service après-vente (SAV) que l'intéressé a spontanément pris en charge de fait sans opposition de sa hiérarchie.

En présentant le 21 juillet 2016 un avenant au contrat de travail à M. X, la société France Reval

a commencé par souligner que la gestion de l'ensemble de ces services avait accru sa charge de travail, au détriment de l'exécution de ses fonctions contractuelles de directeur des ventes, qu'un réel malaise avait été identifié dans les équipes, que M. X devait, dans l'intérêt de l'entreprise, se recentrer sur les missions pour lesquelles il avait été embauché et surtout être plus disponible et plus proche de ses équipes, tout en développant de nouveaux marchés pour pallier les difficultés actuelles, que la direction générale, en concertation avec le président du conseil d'administration et la direction des ressources humaines avait souhaité ramener de la cohérence dans l'organisation interne et reprendrait les services marketing/informatique et service après-vente. L'avenant proposé à la signature de M. X a ensuite repris les missions énoncées dans le contrat de travail de juin 2014 et concernant l'activité commerciale France, pays francophones et Afrique et rappelé que la classification et la rémunération de M. X restaient inchangées.

M. X a refusé de signer cet avenant dès le 21 juillet 2016, refus réitéré le 4 août 2016 en considérant que les motifs exposés par M. L M étaient dénués de fondement et que l'accord du salarié était nécessaire pour tout changement des 'conditions de travail'. Il soutient désormais que l'avenant caractérisait une modification du contrat de travail par retrait de missions. En tout état de cause cet avenant n'a pas été mis en oeuvre puisque les difficultés du SAV ont été à nouveau discutées lors de l'entretien préalable tenu le 4 octobre 2016. Par ailleurs le refus de signer l'avenant, à le supposer fautif, était prescrit lors de l'engagement de la procédure de licenciement le 23 septembre 2016 ;

Il est établi qu'en discutant les motifs du retrait de certaines missions et plus particulièrement du fonctionnement du SAV, M. X N les reproches articulés par son employeur dans l'exécution des missions effectivement listées dans son contrat de travail comme le traduit le compte rendu de l'entretien préalable du 4 août 2016. Au cours de cet entretien M. L M a expressément demandé à M. X de se concentrer sur ces missions qu'il lui a rappelées, de vérifier les contrats négociés, de se déplacer sur le terrain, d'assurer une meilleure communication, de remotiver les commerciaux, ce qui caractérise une nouvelle mise en garde de l'employeur.

La société France Reval justifie du mail adressé par M. D, le 26 mai 2016 notamment à M. X et concernant un reportage prévu le 30 juin au centre hospitalier d'Allauch, équipé de produits Reval, dont la présentation devait donc être faite. C'est seulement le 21 juin 2016 que M. X a sollicité M. E pour y participer, ce salarié rappelant avoir déjà exprimé 15 jours plus tôt les motifs de son refus et protestant le 24 juin 2016 auprès de M. L M des atermoiements des personnes 'responsables'.

La société France Reval justifie également de l'étonnement de Mme C exprimé par mail du 29 juin 2016 adressé à Mme Z directrice des ressources humaines au sujet de la lecture de ses mails personnels par un tiers sans en avoir été préalablement avisée. M. X explique suffisamment avoir redirigé les mails reçus par cette salariée durant un arrêt de travail prolongé, pratique courante, et ne pas être responsable de la poursuite de ce transfert alors que Mme C avait repris son poste. En tout état de cause, même si la salariée a réitéré ses doléances entre le 6 et le 21 juillet 2016, ce grief était prescrit lorsque la procédure de licenciement a été engagée le 23 septembre 2016.

La société France Reval établit que par mail du 31 août 2016 Mme Z, directrice des ressources humaines, a interrogé les commerciaux sur les frais professionnels à envisager à l'occasion de la réunion commerciale se tenant habituellement en septembre chaque année. Les intéressés ont répondu ne pas être informés d'une telle réunion. La société France Reval ne démontre pas qu'une telle réunion était systématiquement fixée en septembre, date stratégique, M. X O que la réunion efficiente était fixée en janvier de chaque année.

La société France Reval soutient que dans le cadre de la réalisation d'une commande concernant un Ehpad situé à Nédonchel (62), le sous-traitant initialement prévu, la société Sueur construction bois,

s'est révélé défaillant, a été remplacé par la société Goudalle Charpente, que l'imprimé DC4 de déclaration de sous-traitance porte une signature électronique de M. L M grossièrement imitée, que la prestation du sous-traitant est passée de 12 586,80 euros Ht à 22 094,64 euros Ht, ce qui a réduit la marge de la société France Reval, que M. L M a découvert cette situation a posteriori et fortuitement, qu'au cours de la réunion organisée le 15 septembre 2016, pour éclaircir les faits M. X s'est montré insolent avec le directeur général.

Les pièces versées aux débats permettent seulement de retenir que M. X a admis que l'entreprise Sueur semblait avoir déposé le bilan et qu'il avait fallu trouver dans l'urgence un autre prestataire, qu'il n'a pas été en mesure d'expliquer la différence de 10 000 euros avérée dans le chiffrage du devis ni d'identifier le signataire de la déclaration de sous-traitance, ce qui caractérise suffisamment une déloyauté fautive dans l'exécution du contrat de travail.

M. X a reconnu durant l'entretien préalable du 4 octobre 2016 qu'il était 'courant dans le business' d'accorder des remises à un 'apporteur d'affaires' et d'appliquer directement des prix unitaires remisés et ne pas solliciter préalablement l'accord de M. L M ce qui caractérise le non-respect des prix de l'entreprise, en contradiction avec les obligations contractuelles.

La société France Reval établit que M. X a demandé à ses collaborateurs, dont M. F, de 'réserver le meilleur accueil' à un groupe de visiteurs dans le cadre d'un projet d'acquisition, prévu le 3 octobre 2016 à 10h30 et que le directeur commercial n'était pas présent lui-même. M. X réplique, mais en contradiction avec les énonciations de son contrat de travail, ne pas avoir à rendre de compte sur son agenda, se consacrer à l'entreprise du lundi au vendredi mais devoir aussi rejoindre son domicile personnel à B.

M. G atteste pour le compte de la société France Reval n'avoir jamais reçu la visite de M. X alors qu'il était directeur régional Ouest France.

Enfin, en produisant l'attestation de M. G P, la société France Reval démontre, comme énoncé dans la lettre de licenciement que les commerciaux et responsables régionaux se plaignaient d'un délaissement de la part de M. X et de son manque d'implication dans ses fonctions de directeur des ventes.

Il résulte donc de ce qui précède, que M. X, malgré plusieurs mises en garde, a commis des manquements persistants dans l'accomplissement des fonctions énumérées dans son contrat de travail caractérisant une cause réelle et sérieuse de licenciement.

En conséquence, infirmant la décision du conseil des prud'hommes, la cour juge que le licenciement de M. X est fondé sur une cause réelle et sérieuse et le déboute de sa demande de dommages et intérêts formée à ce titre.

-Sur le licenciement brutal et vexatoire :

Les premiers juges ont débouté M. X de sa demande d'indemnisation en retenant qu'il n'établissait pas la réalité d'un préjudice moral.

M. X critique cette appréciation que la société France Reval demande à la cour de confirmer.

La société France Reval a dispensé M. X de l'exécution du préavis de trois mois et a précisé dans la lettre de licenciement que le salarié devait, dès la première présentation du courrier, prendre contact avec le service des ressources humaines afin de restituer le matériel en sa possession et de récupérer l'ensemble de ses affaires personnelles, après avoir vidé le contenu de tout ordinateur ou de tout autre outil de travail mis à sa disposition de l'ensemble des fichiers et messages personnels, la

restitution du véhicule mis à sa disposition devant être organisée à la date de remise des documents de fin de contrat et du solde de tout compte.

La lettre de licenciement a été adressée au domicile personnel de M. X donc à B.

M. X soutient exactement avoir été informé de son licenciement en arrivant pour prendre son poste le 12 octobre 2016, par mail de Mme Z sans avoir reçu personnellement la lettre de licenciement et qu'il lui a été demandé par la directrice des ressources humaines de restituer ses outils de travail le lendemain à 8 heures.

Il ajoute avoir sollicité un délai pour vider son ordinateur et son téléphone des messages personnels, que M. L M a surgi dans son bureau en lui intimant de 'dégager tout de suite', que la gendarmerie a été requise par son employeur, qu'il a été contraint de quitter les lieux, sous escorte jusqu'au parking, sans saluer le personnel avec lequel il travaillait, ce alors même qu'il avait seulement été dispensé d'exécuter son préavis et non licencié pour faute grave.

Il résulte des attestations de Mme H, de Mme I et de M. J que le jour fixé pour le départ de M. X, ce dernier ne s'est tout d'abord pas présenté à l'horaire convenu pour la restitution de son matériel alors qu'il était présent dans l'entreprise, qu'en dépit des relances qui lui ont été faites d'avoir à quitter l'établissement celui ci s'y est refusé précisant qu'il partirait quand il le voudrait au point que la direction n'a vu d'autre solution que de faire intervenir les services de police.

Dès lors, la cour considère que M. X ne peut arguer valablement d'une fin de contrat brutale et vexatoire alors qu'il a lui-même contribué par son obstination à se maintenir sur place à générer une situation extrêmement tendue.

En conséquence, la décision du conseil sera confirmée sur ce point.

-Sur le rappel de commissions :

Les premiers juges ont débouté M. X de cette demande en retenant qu'elle n'était pas chiffrée.

M. X objecte avoir précisé lors de l'audience de plaidoiries qu'il sollicitait le paiement d'une somme estimée à 20 000 euros ajoutant ainsi à ses conclusions qui effectivement ne visaient pas un montant déterminé de rappel de commissions. Les notes d'audience vérifiées par la cour confirment cette argumentation de M. X.

Le contrat de travail a prévu que M. X Q une part variable de rémunération, à savoir une commission de 0,5% sur le chiffre d'affaires facturé en France sur les produits d'hygiène, transfert et balnéothérapie avec un minimum garanti de 20 000 euros pour l'année 2014, un avenant devant définir les objectifs et commissions pour l'année 2015.

La cour relève qu'aucun avenant tendant à remettre en question la part variable telle que défini pour l'année 2014. En outre l'avenant au contrat de travail de M. X du 21 juillet 2016, prévoyait expressément que sa rémunération (fixe et variable) restait inchangéé tout comme les autres dispositions du contrat de travail initial du 1er août 2014.

Il s'évince de ces constatations que la part variable de la rémunération de M. X est restée inchangée, calculée sur la base de 0,5% sur le chiffre d'affaires facturé en France sur les produits d'hygiène, transfert et balnéothérapie avec un minimum garanti de 20 000 euros.

Or sur l'année 2016, les bulletins de salaire de M. X permettent de constater qu'il a perçu des ' primes sur CA' chaque mois en sorte, qu'à défaut de produire à la cour des justificatifs et un décompte précis des sommes qui lui seraient dues au-delà de celles déjà perçues, le bien fondé de sa

demande n'est pas établi.

En conséquence, la décision du conseil de prud'hommes sera également confirmée sur ce point.

-Sur les frais irrépétibles et les dépens :

M. X succombe, il supportera la charge de ses propres frais irrépétibles mais également de ceux engagés par la société Reval à hauteur de 2.000 euros.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement attaqué en ce qu'il a débouté M. X de sa demande en rappel de commissions et de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.

L'infirme pour le surplus des chefs de jugement déférés à la cour ;

Statuant à nouveau :

Dit que le licenciement de M. X est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Déboute M. X de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

Déboute M. X de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Y ajoutant :

Condamne M. X à payer la SA France Reval la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. X aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

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Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 13 août 2020, n° 18/02691