Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 8 juin 2021, n° 19/02238

  • Droit de préférence·
  • Parcelle·
  • Vente·
  • Communauté d’agglomération·
  • Résolution·
  • Cahier des charges·
  • Pacte de préférence·
  • Erreur·
  • Condition·
  • Acte

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Poitiers, 1re ch., 8 juin 2021, n° 19/02238
Juridiction : Cour d'appel de Poitiers
Numéro(s) : 19/02238
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Poitiers, 2 juin 2019
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRET N°333

N° RG 19/02238 – N° Portalis DBV5-V-B7D-FZCI

X

B

C/

Communauté COMMUNAUTE D’AGGLOMERATION DE POITIERS

Société SOCIETE D’EQUIPEMENT DU POITOU

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

1re Chambre Civile

ARRÊT DU 08 JUIN 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/02238 – N° Portalis DBV5-V-B7D-FZCI

Décision déférée à la Cour : jugement du 03 juin 2019 rendu par le Tribunal de Grande Instance de POITIERS.

APPELANTS :

Monsieur Z X

né le […] à […]

[…]

[…]

Madame A B épouse X

née le […] à […]

[…]

[…]

ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS – ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me A-Charlotte GOURSAUD-TREBOZ, avocat au barreau de LYON

INTIMEES :

COMMUNAUTE D’AGGLOMERATION DE POITIERS

[…]

[…]

ayant pour avocat postulant Me Fatiha NOURI de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me My-Kim YANG-PAYA, avocat au barreau de PARIS

SOCIETE D’EQUIPEMENT DU POITOU

[…]

[…]

assistée de Me Mathilde LE BRETON de la SCP KPL AVOCATS, avocat au barreau de POITIERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 29 Mars 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Madame A VERRIER, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Mme C D,

ARRÊT :

—  Contradictoire

— Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme C D,
Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ :

Les époux X/B étaient initialement propriétaires à […], de trois parcelles cadastrées section […], 626, 627 totalisant une superficie de 9.000m².

Selon acte de vente des 25 juin/1er juillet 2008 reprenant les clauses d’une promesse unilatérale de vente du 1er avril 2008, ils ont cédé leur parcelle 627, d’une superficie de 3.019 m² à la communauté d’agglomération de Poitiers qui la convoitait pour la ZAC des Montgorges qu’elle projetait de créer dans le secteur.

L’acte contenait en rubrique 'conditions particulières’ une clause reprise de la promesse stipulant,

comme condition déterminante de l’engagement du promettant, que le bénéficiaire ou l’aménageur :

.s’engageait à réaliser le 31.12.2009 au plus tard une voie de desserte des parcelles n°589 et 626 restant la propriété des vendeurs et s’obligeait à ne pas réaliser ni autoriser de bâtiments dépassant R+1 sur l’emprise ainsi acquise au moins sur un premier front bâti d’une profondeur minimum de 40 mètres

.accordait aux promettants (devenus les vendeurs) un droit de préférence pour acquérir les terrains mitoyens des parcelles […] et 311 lorsqu’ils seraient à vendre suite à leur aménagement dans le cadre de la ZAC des Montgorges. Ainsi, les promettants pourraient acquérir ces terrains, à conditions égales, par priorité à toute autre personne.

La communauté d’agglomération de Poitiers a cédé la parcelle BD 627 à la société SEP par un acte notarié dressé le 23 décembre 2009 qui reprend la clause 'conditions particulières'.

Les époux X ont cédé aux époux Y la parcelle BD 636, issue de la division de la parcelle anciennement cadastrée BD 311.

Informés par la SEP selon courrier du 17 novembre 2011 qu’elle commercialisait des îlots 1A et 1A’ représentant selon elle les terrains mitoyens des parcelles n°311 et 589 et qu’ils devaient lui faire parvenir pour le 20 janvier 2012 au plus tard leur proposition s’ils entendaient acquérir, les époux X ont contesté par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 25 novembre 2011 les conditions dans lesquelles leur droit de préférence était ainsi mis en oeuvre en objectant ne pouvoir être ainsi traités en professionnels de l’immobilier, à quoi la SEP leur a répondu par courrier du 9 décembre 2011 qu’ils ne pouvaient exercer leur droit de préférence qu’aux conditions posées, puis leur a fait signifier le 28 juin 2012 par acte d’huissier de justice les projets de compromis de vente des îlots 1A et 1A’ qu’elle avait conclus avec l’office public d’habitation (OPH) de Poitiers et une société Logiparc en leur indiquant que cette notification valait offre de vente à leur profit aux mêmes conditions et qu’ils disposaient d’un délai de trois mois pour accepter ou décliner cette offre.

Les époux X ont notifié par lettre du 9 juillet 2012 à la SEP leur intention de se prévaloir de leur droit de préférence, et lui ont adressé le même jour une lettre recommandée avec demande d’avis de réception distincte lui demandant de procéder à une nouvelle notification de leur droit de préférence accompagnée de toutes les conditions d’acquisition convenues avec Logiparc en visant une assiette de leur droit de préférence s’étendant aux terrains mitoyens des parcelles BD 311 et 589 et en sollicitant un délai de 6 mois pour faire connaître leur acceptation ou leur renonciation.

Des pourparlers se sont alors engagés entre les époux X, la SEP et la communauté d’agglomération de Poitiers.

Par actes du 25 juin 2013, les époux X ont fait assigner la SEP et la Communauté urbaine devant le tribunal de grande instance de Poitiers afin que soit prononcée la nullité de la vente de la parcelle BD 627 pour cause d’erreur sur le droit de préférence consenti, ou subsidiairement afin de voir prononcer la résolution de cette vente pour cause d’exécution fautive du droit de préférence par les défenderesses, sollicitant aussi en toute hypothèse l’indemnisation de leur préjudice.

Les pourparlers se poursuivant, l’affaire a été retirée du rôle le 24 novembre 2016.

Les discussions n’ayant pas abouti, elle y a été réinscrite le 20 mars 2017, et M. et Mme X ont transmis des conclusions demandant au tribunal de prononcer l’annulation ou subsidiairement la résolution de la vente de la parcelle 637, ou plus subsidiairement d’ordonner une expertise, et dans tous les cas de condamner la SEP et la communauté d’agglomération de Poitiers à leur payer à titre de dommages et intérêts :

.50.000 euros pour l’immobilisation de 205.000 euros depuis 2005 en vue d’acquérir les terrains

.360.000 euros au titre de la dépréciation et perte de valeur vénale de leur propriété

.50.000 euros en réparation de leur préjudice moral

.outre 20.000 euros chacun à titre d’indemnité de procédure.

Ils exposaient au soutien de cette action n’avoir accepté de vendre à bas prix leur parcelle qu’en considération du droit de préférence qui leur était consenti, parce qu’il leur permettait de préserver leur environnement et leur qualité de vie, alors qu’il s’avérait en définitive une obligation de construire, et selon un cahier des charges trop contraignant pour de simples particuliers comme eux.

Les défenderesses invoquaient l’irrecevabilité de l’action d’une part pour défaut de publication de l’assignation au service de la Publicité foncière et d’autre part pour défaut de qualité à agir des demandeurs du fait qu’ils n’étaient plus propriétaires depuis la revente de la parcelle litigieuse par la communauté d’agglomération de Poitiers à la SEP. Elles concluaient subsidiairement au rejet de tous les chefs adverses de prétentions.

Par jugement du 3 juin 2019, le tribunal de grande instance de Poitiers a déclaré les époux X recevables en leur action, et sur le fond les en a déboutés en rejetant toute autre demande et en les condamnant aux dépens de l’instance et au paiement d’une indemnité de procédure à chaque partie défenderesse.

Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu, en substance,

* qu’il était justifié de la publication de l’assignation

* que la revente de la parcelle ne privait pas les demandeurs de leur qualité pour agir en annulation ou résolution de leur propre vente antérieure, les restitutions pouvant s’opérer aussi bien en nature qu’en valeur et l’auteur de la seconde vente étant rétroactivement considéré comme dépourvu de droit en cas d’annulation de son propre achat

* qu’une erreur au titre du risque de constructions proches de leur fonds ne pouvait plus être invoquée par les époux X depuis qu’une modification du cahier des charges imposé à la SEP ne permettait plus de constructions au delà de R+1

* que les demandeurs, parfaitement informés des objectifs poursuivis au travers de l’aménagement de la ZAC, ne démontraient pas qu’au-delà de la simple existence du droit de préférence, jamais remise en cause, leur consentement avait été donné en considération d’un objectif spécifique atteignable par ce droit de préférence ; qu’au contraire, il ressortait d’échanges de correspondance que M. X avait envisagé de réaliser une opération de construction sur l’emprise du droit de préférence litigieux afin d’y construire des locaux professionnels dont il avait même fait réaliser les plans

* qu’ils ne démontraient pas davantage l’existence de fautes de la SEP et/ou de communauté d’agglomération de Poitiers dans l’exécution du pacte de préférence, alors qu’il leur avait été proposé une vente aux mêmes conditions qu’à tous les constructeurs, et que la SEP était de toute façon libre de fixer les conditions de son offre

* que de toute façon, une faute dans l’exécution du pacte n’ouvrirait pas aux époux X la faculté d’obtenir la résolution de la vente de leur parcelle mais une indemnisation, voire leur substitution à Logiparc.

Les époux X ont relevé appel le 27 juin 2019.

Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l’article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique

* le 21 février 2020 par les époux X

* le 25 novembre 2019 par la société d’équipement du Poitou – SEP

* le 20 décembre 2019 par la communauté d’agglomération de Poitiers, devenue Grand Poitiers Communauté Urbaine.

Les époux X sollicitent la confirmation du jugement en ce qu’il les a dits recevables en leur action mais son infirmation pour le surplus, et reprenant leurs prétentions initiales ils demandent à la cour à titre principal de juger que leur consentement à l’acte de vente a été vicié ; de prononcer la nullité de la vente de la parcelle 627 ; d’ordonner les restitutions réciproques avec date du transfert de propriété au jour de la décision à intervenir ; d’ordonner la publication de cette décision à la Publicité foncière, ou à titre subsidiaire, de dire que Grand Poitiers et la SEP ont violé les engagements contractuels stipulés à l’acte de vente ; de prononcer la résolution de la vente, en ordonnant alors pareillement les restitutions réciproques avec date du transfert de propriété au jour de la décision à intervenir et publication de cette décision à la Publicité foncière. En tout état de cause, ils réclament la condamnation des intimées in solidum à leur payer :

.50.000 euros pour l’immobilisation de 205.000 euros depuis 2005

.360.000 euros pour la dépréciation et perte de valeur vénale de leur propriété

.50.000 euros en réparation de leur préjudice moral

.outre 20.000 euros chacun à titre d’indemnité de procédure.

Fustigeant leur caractère dilatoire, ils réfutent les fins de non-recevoir adverses, en disant qu’ils ne sont pas prescrits en leur action, introduite dans les 5 ans de l’acte des 25 juin/1er juillet 2008 ; qu’ils ont publié leur assignation ; et qu’en tant que parties à l’acte litigieux, ils ont nécessairement qualité pour solliciter son annulation ou sa résolution.

Ils maintiennent avoir conclu la vente sous l’effet d’une erreur déterminante de leur consentement et portant sur la substance même des engagements souscrits, puisqu’ils voulaient uniquement acquérir les terrains litigieux par priorité à tout autre acheteur afin de préserver la quiétude de leur environnement, alors que ce droit s’est avéré être en réalité une obligation, celle de construire, qui n’apparaissait pas comme telle à la lecture des clauses, équivoques. Ils récusent l’argument validé par les premiers juges selon lequel leur propre projet constructif prouverait leur volonté d’engager un programme immobilier, en soutenant que le fait de savoir qu’un terrain est constructible ne constitue pas la preuve de la volonté de construire, et encore moins celle d’une obligation de le faire, et ils ajoutent que le projet immobilier qu’ils ont envisagé n’y change rien.

Subsidiairement, ils sollicitent la résolution de la vente en arguant d’un abus dans la mise en oeuvre du pacte de préférence, en ce que Grand Poitiers et la SEP ont assorti l’exercice du droit de préférence d’une obligation de construire, à des conditions de surcroît impossibles à remplir pour de simples particuliers, et contraires aux engagements souscrits lors de la vente pourtant déterminant du consentement des vendeurs, s’agissant notamment de la hauteur des constructions, et aussi en modifiant unilatéralement l’assiette même du droit de préférence conventionnellement défini puisqu’il leur était imposé d’acquérir des terrains situés hors assiette du droit de préférence.

Ils explicitent et détaillent les postes de préjudice dont ils sollicitent l’indemnisation.

La société d’équipement du Poitou – SEP demande à titre principal à la cour de déclarer les époux X irrecevables en leur action motifs pris :

— de la prescription de leur action, engagée le 25 juin 2013 alors que le délai quinquennal courant de l’acte du 25 juin 2008 expirait le 24 juin 2013

— de leur défaut de qualité à agir en anéantissement d’un contrat conclu avec un tiers, la parcelle 627 qu’ils ont vendue à la communauté urbaine ayant été revendue par celle-ci à la SEP

— de l’absence de publicité régulière de l’assignation, l’acte certes publié ne précisant pas dans son dispositif quels sont les actes dont l’anéantissement est poursuivi.

À titre subsidiaire, elle conclut à la confirmation du jugement déféré, en faisant valoir :

* qu’il n’y a pas lieu à annulation, l’erreur sur les motifs n’étant pas une cause de nullité, et les vendeurs sachant pertinemment que les parcelles vendues à l’aménageur d’une ZAC avaient nécessairement vocation à être construites

* qu’il n’y a pas davantage lieu à résolution, aucun manquement n’ayant été reconnu ni ne pouvant lui être imputé puisqu’elle est toujours et encore à ce jour propriétaire de la parcelle 627 litigieuse ; que de simples particuliers comme les époux X peuvent tout à fait être des constructeurs au sens du cahier des charges de la ZAC ; que c’est à conditions égales que l’acheteur s’était engagé à leur donner la priorité ; et que l’assiette du droit de préférence n’a pas été modifiée.

À titre très subsidiaire, elle conteste la réalité des préjudices allégués.

En tout état de cause, elle sollicite 5.000 euros d’indemnité de procédure.

Grand Poitiers Communauté Urbaine invoque l’irrecevabilité de l’action adverse pour cause de prescription, en soutenant dans des termes identiques à la SEP que les époux X ont assigné le 25 juin 2013 alors qu’ils devaient agir au plus tard le 24.

Rappelant avoir acquis à un prix supérieur à l’évaluation des Domaines, elle conclut subsidiairement à la confirmation du jugement en soutenant que les demandeurs confondent la priorité conférée par le droit de préférence et l’objectif prétendument recherché ; qu’ils pouvaient acheter par priorité à conditions égales, et que les conditions fixées dans la notification de leur droit de préférence sont celles imposées dans la ZAC au vu de l’article L.311-6 du code de l’urbanisme. Elle relève qu’ils ont d’ailleurs eux-mêmes projeté de construire dans la ZAC.

Elle conteste de même la demande en résolution en indiquant que l’exercice du droit de préférence n’a jamais été assorti de l’obligation de construire ; que la jurisprudence est en ce sens que le promettant fixe librement les conditions de son offre ; qu’elle a respecté l’interdiction d’édifier en R+1; que l’assiette du droit de préférence n’a pas été modifiée.

Elle discute très subsidiairement les préjudices allégués.

Elle sollicite en toute hypothèse 3.000 euros d’indemnité de procédure.

L’ordonnance de clôture est en date du 1er mars 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

* sur les moyens d’irrecevabilité opposés à l’action des époux X

¤ sur la publication de l’assignation

Ainsi que l’ont constaté les premiers juges en rejetant à bon droit cette fin de non-recevoir, les époux X justifient (leur pièce n°46) de la publication de leur assignation enregistrée le 14 novembre 2013 au service de la publicité foncière Volume 2013 P n°10799, et cette publicité ne revêt aucun caractère irrégulier ou insuffisant, l’acte sollicitant, dans son dispositif, la nullité, ou subsidiairement, la résolution, de la vente de la parcelle figurant au cadastre sur la commune de Poitiers (86000) Section BD numéro […], et la date de l’acte de vente, soit les 25 juin et 1er juillet 2008, figurant dans l’assignation à de nombreuses reprises, ce qui est suffisant à assurer l’information de tous et à permettre l’exécution d’une décision qui ferait droit à la demande, le premier juge ayant observé à raison que la publication telle quelle n’aurait pas été acceptée si tel n’avait pas été le cas.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté ce moyen.

¤ sur la prescription des actions exercées

Il est constant aux débats que l’action en nullité exercée par les époux X se prescrit par cinq ans et que le délai de cette prescription court à compter de l’acte authentique ayant constaté la vente.

Cet acte porte comme date '1er juillet (25 juin et) 2008' (cf pièce n°2 de la SEP), et c’est celle du 1er juillet mise en exergue par l’instrumentaire qui produit effet, comme de juste puisque la vente n’était pas conclue avant la rencontre des volontés, exprimées à des dates différentes et nouées à l’expression de la seconde.

C’est donc elle qui détermine le point de départ du délai de prescription, de sorte que l’action introduite par assignation du 25 juin 2013 n’est pas irrecevable, sans qu’il importe que les époux X aient pu écrire dans un courrier que ce délai expirait le 24 juin 2013.

Cette fin de non-recevoir sera ainsi rejetée.

¤ sur la qualité à agir des époux X

Les époux X étant parties à l’acte de vente en qualité de cédants, ils ont la qualité requise pour en solliciter l’annulation ou, à défaut, la résolution, et la fin de non-recevoir pour défaut de qualité à agir articulée par la société SEP motif pris d’une cession ultérieure a été rejetée à raison par le tribunal.

* sur la demande d’annulation de la vente pour cause d’erreur

Selon l’article 1109 du code civil, il n’y a point de consentement valable si le consentement n’a été donné que par erreur.

L’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet. Elle doit être excusable.

Elle peut porter sur l’objet ou sur la nature de l’engagement, pourvu que la méprise soit substantielle.

Mais l’erreur qui porte sur un motif du contrat extérieur à l’objet de celui-ci n’est pas une cause de nullité de la convention, quand bien même ce motif aurait été déterminant, à moins qu’une stipulation expresse ne l’ait fait entrer dans le champ contractuel en l’érigeant en condition du contrat (cf Cass.

Com. 11.04.2012 P n°11-15429

)

L’erreur dont arguent les demandeurs tient à ce qu’ils disent n’avoir accepté de céder leur parcelle BD 627 à la communauté d’agglomération de Poitiers qu’à la condition de bénéficier d’un droit de préférence pour acquérir des terrains mitoyens, dans la conviction d’avoir le droit d’user des terrains ainsi acquis par priorité comme bon leur semblerait, y compris comme écran végétal isolant leur habitation du voisinage, alors qu’il s’est avéré que l’acheteur de ces terrains et donc eux-mêmes s’ils usaient de leur droit de préférence, devait nécessairement y construire, et encore selon les prescriptions du cahier des charges de la ZAC des Montgorges.

Mais l’usage ou l’affectation des terrains soumis au droit de préférence n’a pas été érigé en condition du contrat, et le mobile dont ils arguent n’est pas entré dans le champ contractuel.

Et il ne peut être fait état d’une erreur, alors que les époux X ont su traduire dans le champ contractuel leur souci de préserver la quiétude et l’intimité de leur domicile, en obtenant de leur cocontractante qu’elle souscrive dans l’acte l’engagement de ne pas réaliser ni autoriser de bâtiments dépassant R+1 sur l’emprise ainsi acquise au moins sur un premier front bâti d’une profondeur minimum de 40 mètres, tandis que la stipulation du droit de préférence qui leur était par ailleurs accordé ne s’est pas accompagnée quant à elle d’une clause garantissant la liberté de construction ou d’affectation des terrains considérés.

L’erreur alléguée ne serait au surplus pas excusable, dès lors que la clause instituant le droit de préférence énonce expressément que les terrains mitoyens des parcelles […] et 311 sur lesquels porte cette priorité sont ceux qui 'seraient à vendre suite à leur aménagement', et que les époux X savaient vendre leur parcelle à un aménageur dans le cadre de l’aménagement d’une ZAC, de sorte qu’il était évident que le droit de préférence procurait la faculté d’acquérir des terrains aménagés ou à aménager dans le cadre de la ZAC qui se créait.

Les époux X en étaient si conscients qu’ils ont d’emblée, dès avant la signature de l’acte de vente litigieux, puis ensuite, et pendant des années, fait état de leur projet de réaliser une opération immobilière sur le sud de la parcelle BD627 jouxtant leur habitation

— le président de la communauté d’agglomération écrivant en mars 2006 à M. X savoir toute l’attention qu’il portait à la réalisation de ce pôle et sa volonté d’y implanter son activité (cf pièce n°30

)

— Z X écrivant au printemps 2010 à l’un de ses interlocuteurs à la SEP, E F, avoir reçu 9 candidats commerçants, artisans ou professionnels libéraux désireux d’installer leur activité sur le pôle de proximité de la ZAC des Montgorges dont un fleuriste, deux boulangers et un restaurateur, et avoir aussi 'toujours manifesté de façon claire son intérêt pour acquérir une surface de terrain pour y construire des locaux professionnels, ..notamment y installer son entreprise, exprimant clairement aussi son souhait d’y investir à titre personnel', précisant même qu’un pharmacien, un kinésithérapeute et lui-même formaient 'le voeu de construire ensemble et avaient déjà bien avancé le plan de nos bâtiments, avec un budget d’investissement conséquent déjà constitué’ (cf pièce n°34)

— Z X relatant en décembre 2012 au directeur de la SEP G H, avoir rencontré plusieurs professionnels et oeuvrer toujours à une opération avec des 'co-promoteurs’ (pièce n°21

).

Il ressort de ces documents, et d’autres productions, que les appelants ont en réalité toujours prévu de réaliser une opération de construction sur une portion de terrain au Sud-Est de leur propriété qu’ils achèteraient à l’aménageur grâce à leur droit de préférence lorsque celui-ci remettrait en vente des terrains, mais que le cahier des charges de la zone gouvernant le régime de construction a contrarié

leur projet.

Mais cette considération ne peut justifier une annulation de la vente pour erreur, dès lors qu’il était expressément stipulé dans le pacte de préférence que c’est 'à conditions égales' que les époux X pourraient acquérir les terrains lorsqu’ils seraient à vendre suite à leur aménagement, clause aisée à comprendre, y compris pour des particuliers.

Les moyens tirés par les appelants du respect de l’assiette du droit de préférence ne portent pas sur un vice de leur consentement, lequel s’apprécie à l’époque de la formation du contrat, et ne relèvent pas du domaine de l’erreur, mais de la mise en oeuvre, postérieure, du droit de préférence, et comme tels de leur demande subsidiaire en résolution de la vente.

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation de la vente.

* sur la demande en résolution de la vente

Au vu de l’affirmation des appelants selon laquelle Grand Poitiers aurait 'reconnu sa responsabilité dans son courrier du 16 mai 2017' lorsqu’elle propose une indemnité transactionnelle pour éteindre le litige, il échet de dire qu’il n’en est rien et que cette proposition, formulée dans le cadre de la recherche d’un accord et expressément qualifiée de 'proposition de négociation', n’emportait ni n’impliquait aucune reconnaissance de responsabilité de la part de son auteur.

Les époux X reprochent à Grand Poitiers et à la SEP de leur avoir imposé des obligations de nature différente de celles convenues aux termes du pacte de préférence, en exigeant d’eux s’ils acquéraient le terrain de se conformer à un cahier des charges qui n’est pas adapté pour des particuliers, et en leur imposant ainsi des conditions inacceptables et impossibles à remplir pour des non-professionnels de l’immobilier.

Mais ainsi qu’il a déjà été dit, le droit de préférence leur accorde une priorité pour acquérir les terrains lorsqu’ils seront à vendre 'suite à leur aménagement dans le cadre de la zone d’aménagement concerté des Montgorges', et 'à conditions égales, par priorité à tout autre personne', ce qui exprimait clairement qu’il s’agirait alors de terrains aménagés dans le cadre de la ZAC, et que les époux X seraient soumis au régime général s’ils s’en portaient acquéreurs, de sorte qu’il n’y a ni manquement, ni mauvaise foi, ni duplicité, ni abus, pour la SEP, à ériger en condition à leur égard comme il l’est à l’égard de tout autre candidat à l’achat du terrain le respect du cahier des charges édicté pour l’aménagement de la ZAC.

La partie qui a consenti à l’autre un droit de préférence conservant la liberté de fixer les conditions de la cession envisagée, la SEP n’a pas commis de faute en agissant comme elle l’a fait, étant ajouté que les conditions fixées n’ont rien de malicieux ni ne dénotent un subterfuge pour faire échec au droit de préférence, mais correspondent à des contraintes usuelles pour des biens situés dans une zone d’aménagement concertée mis en vente après leur aménagement.

Il est inopérant, pour les époux X, de soutenir que Grand Poitiers et la SEP auraient délibérément faussé la mise en oeuvre du pacte de préférence afin de privilégier un bailleur social, alors que la SEP est demeurée propriétaire des terrains litigieux, et que l’appel d’offres en question, émis en novembre 2011, s’inscrivait pleinement dans les objectifs poursuivis par les aménageurs, la ZAC des Montgorges ayant d’emblée été dévolue pour une part substantielle à la création de logements sociaux.

Les appelants ne sont pas non plus fondés à prétendre que le terme 'constructeur’ mentionné au cahier des charges ne pourrait viser de simples particuliers comme eux, alors qu’en l’absence de définition contractuelle différente, ce terme s’entend au sens du code civil comme désignant tout locateur d’ouvrage, qu’il s’agisse d’une personne physique ou morale.

Pour ce qui est du grief tiré par les appelants du programme de construction d’immeubles à une hauteur et/ou à une distance ne respectant pas l’engagement pris dans l’acte des 25 juin – 1er juillet 2008 de limiter les constructions au-delà de R+1, il procède d’une confusion entre deux clauses différentes de cet acte, cet engagement étant distinct et autonome du pacte de préférence dont le non-respect prétendu fonde la demande en résolution de la vente.

En tout état de cause, il n’est pas démontré que Grand Poitiers ou la SEP aurait construit ou laissé construire en méconnaissance de cet engagement, et il ressort au contraire des productions que si certains états du cahier des charges de la ZAC ont pu à un moment l’envisager, tel n’a pas été le cas en définitive avec la modification du cahier des charges intervenue par délibération du 27 juin 2014 (cf pièces n°3, 4 et 5 de Grand Poitiers).

S’agissant de l’assiette du droit de préférence, les îlots 1a et 1a' pour lesquels a été notifié le droit de préférence sont bien mitoyens des parcelles cadastrées […] et 311 comme stipulé dans la convention, étant ajouté que la SEP a indiqué aux époux X par courrier du 17 août 2012 lorsqu’ils ont contesté le périmètre de la cession qui leur avait été notifiée qu’il leur était loisible d’accepter l’offre soit pour les deux îlots, soit pour un seul (cf leur pièce n°13).

Enfin, les considérations tirées par les appelants de pratiques concertées critiquables qu’ils imputent aux intimées en évoquant des litiges les ayant opposées à d’autres riverains sont sans incidence sur le présent litige, et en tout état de cause non avérées.

Le jugement entrepris sera ainsi également confirmé en ce qu’il a rejeté la demande subsidiaire en résolution de la vente.

Les demandes indemnitaires formulées par les époux X l’étaient dans le cadre d’une annulation ou d’une résolution de la vente qui n’est pas prononcée, et en tout état de cause, il n’a pas été établi à la charge des intimées de manquement, ou de faute, a fortiori en lien de causalité avec un préjudice subi par les appelants, et le jugement sera aussi confirmé en ce qu’il a rejeté ces demandes en paiement.

La demande indemnitaire a également été rejetée à bon droit en tant qu’elle était fondée sur un grief de troubles anormaux de voisinage qui n’est pas établi, la présence même de la ZAC, ou des immeubles, ouvrages et aménagements qui s’y inscrivent, quand bien même elle déprécierait la propriété des époux X ainsi que ceux-ci le soutiennent au vu de l’avis d’une agence immobilière, ne constituant pas un trouble excédant la mesure admissible des inconvénients normaux du voisinage, et le dommage susceptible d’être subi en raison de la création de la ZAC elle-même, décrétée d’utilité publique, ne pouvant être réparé dans un tel cadre juridique.

* sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Les époux X succombent devant la cour et supporteront donc les dépens d’appel.

L’équité justifie de ne mettre aucune indemnité de procédure à leur charge.

PAR CES MOTIFS

la cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort :

DIT les époux X recevables en leur action

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions

ajoutant :

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres ou contraires

CONDAMNE les époux X aux dépens d’appel

DIT n’y avoir lieu à indemnité de procédure.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 8 juin 2021, n° 19/02238