Cour d'appel de Reims, 27 octobre 2004, n° 04/00151

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Reims, 27 oct. 2004, n° 04/00151
Juridiction : Cour d'appel de Reims
Numéro(s) : 04/00151
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Reims, 21 novembre 1999

Texte intégral

RRÊT N° 94 u 27/10/2004

FFAIRE N° : 04/00151

X Y

[…]

our asin A0448730

20/12/04 -

I onnance di chiance. u 17.6. 05 cte n.° 55 858no

Formule exécutoire le: 12/4/04 1: ne HUSSON

des minutes du secrétariat greffe

De la cour d’appel de Reims, il a été extrait ce qui suit

1

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2004

APPELANT:

d’un jugement rendu le 22 Novembre 1999 par le Conseil de Prud’hommes de REIMS section Encadrement
Monsieur X Y […]

[…]

Comparant, concluant et plaidant par la SCP HUSSON COUTURIER-PLOTTON, avocats au barreau de TROYES,

INTIMÉE :

[…]

[…]

Comparant, concluant et plaidant par la SCP SELAS CABINET DEVARENNE, avocats au barreau de CHALONS EN CHAMPAGNE,

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Monsieur Bertrand SCHEIBLING Président
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE Conseiller Madame Christine ROBERT Conseiller

GREFFIER:

Madame Geneviève PREVOTEAU, adjoint administratif principal faisant fonction de greffier lors des débats et du prononcé, assermentée

DÉBATS :

A l’audience publique du 08 Septembre 2004, où l’affaire a été mise en délibérée au 20 octobre puis prorogée au 27 octobre 2004, sans opposition de la part des conseils des parties et en application des dispositions des articles 939 et 945-1 du nouveau code de procédure civile, Monsieur Bertrand SCHEIBLING, conseiller rapporteur a entendu les avocats des parties en leurs explications, puis ce magistrat en a rendu compte à la Cour dans on délibéré

ARRÊT:

prononcé par Monsieur Bertrand SCHEIBLING, Président, à l’audience publique du 27 Octobre 2004, qui a signé la minute avec le greffier présent lors du prononcé.


2

X Y est entré au service de la société

CARREFOUR à SARAN le 29 septembre 1980 en qualité d’employé libre service. Il a été promu ensuite chef de rayon, stagiaire puis titulaire, avant d’être nommé chef de secteur, au coefficient 400, statut cadre, à CHALONS EN CHAMPAGNE à compter du 1er avril 1996, moyennant une rémunération de 27.800 F par mois outre un intéressement.

Il s’est trouvé à plusieurs reprises en arrêt de travail en 1998.

Courant septembre 1998, la société CARREFOUR lui a adressé plusieurs lettres de reproches avant de le convoquer à un entretien préalable à un licenciement le 23 octobre 1998.

Par lettre du 29 octobre 1998, la société CARREFOUR lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Considérant ce licenciement abusif, et estimant n’avoir pas été rempli de ses droits, X Y a saisi le conseil de prud’ hommes de CHALONS EN CHAMPAGNE aux fins d’être indemnisé de son préjudice et d’obtenir paiement d’heures supplémentaires.

Par jugement du 22 novembre 1999, le conseil de prud’hommes après avoir donné acte à la société CARREFOUR de ce qu’elle avait 9 versé à X Y la somme de 597.455,91 F à la suite de son licenciement, a :

- jugé que le licenciement de X Y n’est nullement abusif et qu’il a une cause réelle et sérieuse

- débouté X Y de sa demande de dommages et intérêts à ce titre

- condamné la SNC CARREFOUR à payer à X Y les sommes suivantes :

- 67.490,50 F à titre d’heures supplémentaires

- 6.749,05 F à titre de congés payés y afférents

- 10.000 F sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile

- ordonné l’exécution provisoire à hauteur de 74.239,55 F.

X Y a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Vu les conclusions déposées le 11 septembre 2003 par X Y et reprises oralement à l’audience, aux termes desquelles l’appelant demande à la Cour d’infirmer dans la mesure utile le jugement et de :

- dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse

- dire que le forfait de rémunération de 46 h est illicite condamner la société CARREFOUR au paiement des sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,

- 152.449 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 35.820,51 € à titre d’heures supplémentaires pour la période de 1994 à 1999

- 3.582,05 € à titre des congés payés correspondants

- 26.123,66 € à titre d’indemnité forfaitaire pour dissimulation


3

des heures supplémentaires

-7.625 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Vu les conclusions déposées le 6 septembre 2004 par la Société CARREFOUR et reprises oralement à l’audience, aux termes desquelles l’intimée demande à la Cour de confirmer le jugement en ses dispositions relatives au licenciement, de l’infirmer sur le surplus, de débouter X Y de ses demandes et de le condamner au paiement d’une somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

[…]

Attendu que, la lettre de licenciement reproche à X Y la « non réalisation des plans d’action définis suite aux visites du Permanent Bassin des 19 mai et 16 septembre 1998 »; qu’elle explicite ensuite les manquements, au nombre de six, incriminés en rappelant que ceux-ci ont déjà été signifiés oralement et par courrier simple à l’intéressé ;

Attendu que X Y ne conteste pas la réalité de ces manquements mais en impute la responsabilité à la société CARREFOUR en expliquant que cette société, qui n’avait pas émis le moindre reproche à son égard pendant 18 ans, n’a pris aucune mesure pour pallier sa longue indisponibilité pour cause de maladie et s’est complètement désintéressée de son secteur pendant son absence;

Mais attendu d’abord que contrairement à ses allégations, X Y avait reçu plusieurs rappels à l’ordre antérieurement à son arrêt maladie du 17 avril 1998 ; qu’en effet, le 18 juin 1997, une lettre remise en main propre lui faisait rappel de ses responsabilités permanentes compte tenu d’écarts de gestion et de retards par rapport à l’objectif relevé par la direction ; que le 26 novembre suivant, il lui était reproché une « non action » avec absence de relevés de prix ; que le 16 mars 1998, il lui était encore reproché un retard de chiffre d’affaires par rapport au plan et donné des consignes de dynamisation des chefs de rayons ; que contrairement à ses dires, ces reproches ne portaient pas sur des problèmes mineurs ;

Qu’il apparaît ensuite que s’il est vrai que X Y se trouvait en arrêt de travail lors de la visite du 19 mai

1998 du responsable CARREFOUR régional, dénommé Permanent Bassin, il était en revanche de retour à son travail lors de son deuxième passage le 16 septembre 1998 ; qu’il était donc à cette date parfaitement informé du plan d’action de ce responsable, étant observé qu’ayant antérieurement repris son travail du 19 juin au 19 juillet 1998, il avait nécessairement eu connaissance des objectifs assignés par ce responsable lors de sa première visite;

Qu’il apparaît ensuite qu’après la reprise de travail de X Y le 4 septembre 1998, la société CARREFOUR lui a adressé à trois reprises, les 9 septembre, 24 septembre et 12 octobre 1998, un courrier mettant en doute sa motivation et exposant diverses insuffisances constatées dans son secteur ; que


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plus particulièrement le courrier du 24 septembre 1998 relevait que depuis sa reprise d’activité, il avait été constaté une progression de chiffre d’affaires de son secteur décalée par rapport à l’ensemble des magasins du Bassin, des analyses de performance de l’encadrement non réalisées et des plannings de SIT et de réunions non respectées, et lui demandait de présenter à bref délai des plans d’action précis et ambitieux visant à redresser rapidement la situation;

Que si X Y a répondu le 1er octobre 1998 à ce courrier du 24 septembre en faisant part de ses intentions quant aux plan d’action à respecter, la Cour relève qu’il n’a aucunement évoqué de problèmes particuliers sur son secteur liés à son absence pour maladie ;

Que la société CARREFOUR relève qu’il disposait d’un personnel conséquent, ses effectifs étant passé de 27 salariés en 1995 à 39 en 1998 et qu’au regard de cet effectif, son indisponibilité pendant 3 mois 1/2 n’aurait pas du avoir de conséquences sérieuses s’il avait pris en compte les rappels adressés en 1997 et 1998 et commencé à mettre en oeuvre les plans d’action pendant la période du 19 juin au 8 août 1998 durant laquelle il n’était plus en arrêt de travail;

Qu’ainsi que le relève à juste titre le premier juge, la lettre du 10 octobre 1998 (en réalité du 1er octobre 1998) de X Y ne répond pas véritablement aux reproches formulés par la direction dans son courrier du 24 septembre concernant l’organisation défectueuse de la foire aux vins, l’insuffisance des analyses de performance et de réalisations de plannings et l’évolution du chiffre d’affaires du secteur qui à la fin septembre 1998 enregistrait, contrairement aux dires de l’intéressé, un écart de marge brute de moins 1.124 KF;

Qu’il est ainsi caractérisé de nombreux manquements et insuffisances imputables à X Y et fortement préjudiciables aux intérêts de l’entreprise ;

Que le conseil de prud’hommes a donc retenu à juste titre que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse ;

Qu’il convient en conséquence ,par ces motifs et ceux non contraires du premier juge, de confirmer la décision de ce chef;

[…]

Attendu que X Y demande paiement d’heures supplémentaires effectuées au delà de la durée légale de travail de 1994 à 1998;

Attendu que pou s’y opposer, la société CARREFOUR invoque principalement l’existence d’une convention de forfait, portant sur 200 h par mois, soit 46 h par semaine ;

Que X Y conteste la réalité de cette convention en relevant qu’il n’existe aucun document contractuel stipulant celle-ci et, encore moins, précisant le nombre d’heures compris dans le forfait ;


5

Que toutefois, aucune disposition n’exige que la convention de forfait soit passée par écrit, l’accord des parties pouvant être tacite;

Qu’en l’espèce, la Cour constate que X Y écrivait textuellement dans ses écritures de première instance, reprises à l’audience, en réponse à l’argumentation de la société CARREFOUR qui faisait valoir que l’ensemble des heures supplémentaires étaient forfaitisées : "le forfait, incluant les majorations légales, était convenu pour 46 h de travail par semaine; dès lors les dépassements… sont incontestablement dus" ; que X Y avait en outre, dans la logique de ses écritures, limité sa demande au paiement des heures supplémentaires effectuées au-delà de la 46ème heure ;

Que ceci constitue la reconnaissance expresse par le salarié d’un accord des parties pour une rémunération forfaitaire, incluant le règlement de 6 heures supplémentaires par semaine ; que la réalité de cette convention est corroborée, s’il en était besoin, par les mentions portées sur le bulletin de paie (199,33 h ou 200,10 h) ainsi que par l’absence de réclamation du salarié pendant la période considérée ;

Que dès lors X Y ne peut prétendre au’au paiement des heures supplémentaires réalisées à partir de la 46ème heure ;

Attendu qu’à ce stade, il convient de rappeler que la preuve des heures supplémentaires n’incombe spécialement à aucune des parties mais qu’il appartient cependant au salarié d’étayer préalablement sa demande ;

Attendu que X Y produit aux débats un état des heures supplémentaires établies par ses soins sur les cinq dernières années faisant apparaître un dépassement régulier et relativement important des horaires au delà de la 46ème heure, avec une moyenne de 10 à 13 h par semaine ;

Qu’il se prévaut également du rapport établi par les conseillers mandatés par le conseil de prud’hommes le 28 juin 1999 pour « vérifier le contenu des registres du service de sécurité de l’entreprise sur le point précis des enregistrements des entrées et sorties de X Y et d’autres cadres de niveau hiérarchique équivalent sur une période d’un an du 1er novembre 1997 au 30 octobre 1998 »; que ce rapport est en effet éloquent puisqu’il en résulte que les cadres ne comptent par leurs heures et se considèrent « payé pour une fonction et non pour des heures », ce que plusieurs d’entre eux ont exprimé ; que l’audition de ces cadres permet de reconstituer leur horaire de travail journalier et d’estimer à environ 55 h hebdomadaire leur temps d’activité pour l’entreprise, soit un dépassement d’environ 9 h au delà du forfait précité ;

Que ces éléments viennent corroborer les relevés horaires produits aux débats par le salarié ;

Attendu que la société CARREFOUR n’oppose aucun document contraire, reconnaissant implicitement la réalité d’heures supplémentaires en expliquant que les fonctions importantes des cadres les obligeaient à des horaires adaptés et qu’ils étaient libres d’aménager leurs horaires en fonction du travail à réaliser ;


6

Que les premiers juges ont relevé à bon droit que la société CARREFOUR n’avait pas cru devoir mettre en place un système d’enregistrement des entrées et des sorties de son personnel cadre ce qui aurait permis de connaître le décompte exact du temps de travail comme l’exige les articles L 620-2 et D 212-21 du code du travail, alors qu’une horloge pointeuse était en place et était utilisée par le personnel non cadre ;

Que dès lors, le conseil de prud’hommes a admis à juste titre les décomptes horaires produits par le salarié ;

Attendu cependant que les premiers juges ont cru devoir rejeter la demande portant sur la période antérieure au 1er avril 1996 aux motifs que X Y n’était pas avant cette date au service de la SNC CARREFOUR de CHALONS EN CHAMPAGNE et qu’il aurait du attraire ses employeurs précédents ;

Que la cour ne partage pas cette analyse ;

Qu’en effet la société CARREFOUR est une seule et même entité juridique, disposant de plusieurs établissements tels le magasin de CHALONS EN CHAMPAGNE, ainsi qu’en atteste notamment les mentions portées sur les courriers émanant de ce magasin.

Que dès lors la réclamation de X Y devait être admise pour l’ensemble de la période de 1994 à 1998;

Que l’ensemble des heures supplémentaires dues sur cette période s’élève à la somme de 200.00,04 F, soit 30.520,30 €, à laquelle il convient d’ajouter 3.052,03 € à titre de congés payés ;

[…]

Attendu que contrairement aux allégations de la société CARREFOUR, cette demande nouvelle est recevable à hauteur

d’appel en application de l’article R 516-2 du code du travail;

Attendu que selon les dispositions de l’article L 324-11-1 du code du travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en violation des dispositions de l’article L 324-10 a droit en cas de rupture de la relation de travail à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire, sauf application plus favorable d’autres règles légales ou stipulations conventionnelles ; que selon le dernier alinéa de l’article L 324-10, la mention sur le bulletin de paie d’un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué constitue, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord conclu en application du code du travail, une dissimulation d’emploi salarié;

Attendu qu’en l’espèce, il a été précédemment constaté que le défaut de paiement des heures supplémentaires accomplies par X Y s’inscrivait dans le cadre d’une politique générale de l’entreprise, considérant que la rémunération des cadres incluait nécessairement l’ensemble des heures supplémentaires effectuées par eux ; que cette pratique a été appliquée pendant plusieurs années au détriment de X Y ; que le montant des heures impayées est particulièrement important;



Pour expédition

Certifiée conforme à l’original,

DEDE REIMS P/ le directeur de I

L

P

P

A

hop

7

Que l’ensemble de ces éléments caractérisent indiscutablement la volonté de dissimulation de la société ;

Que dès lors X Y demande à bon droit paiement de l’indemnité forfaitaire de 6 mois de salaire prévue par le texte précité, soit la somme de 26.123,66 € ;

4) SUR LES AUTRES DEMANDES

Attendu que l’indemnité de procédure allouée en première instance à X Y était justifiée et doit être confirmée; qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles exposés à hauteur d’appel et qu’il convient de lui allouer une somme de 1.600 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

'PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement et contradictoirement

Déclare recevable et partiellement fondé l’appel interjeté par X Y

Déclare recevable et mal fondé l’appel incident de la société CARREFOUR

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de CHALONS EN CHAMPAGNE le 22 novembre 1999 en ce qu’il a condamné la société CARREFOUR à payer à X Y la somme de 67.490,50 F à titre d’heures supplémentaires et 6.749,05 F à titre de congés payés sur heures supplémentaires

STATUANT A NOUVEAU DE CES CHEFS

Condamne la société CARREFOUR à payer à X Y les sommes suivantes :

- 30.520,30 € à titre d’heures supplémentaires

-3.052,03 € à titre de congés payés y afférents

Confirme le jugement pour le surplus et y ajoutant,

Condamne la société CARREFOUR à payer à X Y la somme de 26.123,66 € à titre d’indemnité pour travail dissimulé

Condamne la société CARREFOUR à payer à X Y la somme de 1.600 € pour ses frais irrépétibles d’appel sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Condamne la société CARREFOUR aux dépens.

LE PRÉSIDENT, LE GREFFIER,

Punkan

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Textes cités dans la décision

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  2. Code du travail
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