Cour d'appel de Reims, 1ère chambre section inst, 15 décembre 2020, n° 19/02163

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Reims, 1re ch. sect. inst, 15 déc. 2020, n° 19/02163
Juridiction : Cour d'appel de Reims
Numéro(s) : 19/02163
Décision précédente : Tribunal d'instance de Troyes, 30 juin 2019
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRET N°

du 15 décembre 2020

R.G : N° RG 19/02163 – N° Portalis DBVQ-V-B7D-EYFB

S.A.S. E MOTORS

c/

X

AL

Formule exécutoire le :

à :

Me Marine BASSET

la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE- SECTION INSTANCE

ARRET DU 15 DECEMBRE 2020

APPELANTE :

d’un jugement rendu le 1er juillet 2019 par le tribunal d’instance de Troyes

S.A.S. E-MOTORS

[…]

[…]

Représentée par Me Marine BASSET, avocat au barreau de REIMS, et Me Gérard LARAIZE, et Me Elodie LARAIZE, avocats au barreau de PARIS

INTIME :

Monsieur Y X

LA BOTTE-LE CLOS DES LYS

01140 SAINT-ETIENNE-SUR-CHALARONNE

Représenté par Me Florence SIX de la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TROYES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur Benoît PETY, président de chambre

Madame Christel MAGNARD, conseiller

Madame Anne LEFEVRE, conseiller

GREFFIER :

Madame Lucie NICLOT, greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 10 novembre 2020, où l’affaire a été mise en délibéré au 15 décembre 2020,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2020 et signé par Monsieur Benoît PETY, président de chambre, et Madame Lucie NICLOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Le 13 novembre 2017, M. Y X a donné mandat à la société E-Motors, SAS, 'de rechercher, négocier et acheter en son nom et pour son compte' un véhicule d’occasion de marque Land Rover, modèle Discovery 4, au prix maximal de 20 000 euros. Un avenant a été établi, le 30 novembre 2017, pour l’acquisition d’un tel véhicule, affichant 144 377 km, au prix de 20 490 euros. Le véhicule a été livré à M. X le 30 novembre 2017.

Par courriels des 4, 5 et 8 décembre 2017, M. X a informé la société E-Motors de plusieurs défauts constatés lors de l’utilisation du véhicule.

Le 19 janvier 2018, il a fait opérer par le garage Débotte le réglage des phares et le remplacement des quatre pneus. Puis il a fait procéder à un diagnostic général du véhicule par le garage Only Land et ensuite à une expertise amiable par son assureur protection juridique, expertise qui a donné lieu à un rapport du 28 juin 2018 par Auto Expertise de l’Ain.

Le 23 août 2018, M. X a fait assigner la société E-Motors devant le tribunal d’instance de Troyes en paiement des sommes de 2 234,31 euros et 982,35 euros sur les fondements respectifs des garanties légales des vices cachés et du défaut de conformité des pneumatiques. Lors de l’audience, il a également sollicité la condamnation de la société E-Motors à lui payer la somme de 1 740 euros pour frais de gardiennage facturés par le garage Only Land pour l’immobilisation du véhicule du 6 juin au 1er octobre 2018, la somme de 800 euros pour préjudice de jouissance pendant la même immobilisation, et une indemnité pour frais irrépétibles.

La société E-Motors s’est opposée à l’ensemble des demandes et a réclamé une indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Le jugement du 1er juillet 2019, assorti de l’exécution provisoire, a condamné la société E-Motors au paiement à M. X des sommes ci-après, majorées des intérêts au taux légal à compter du jugement :

—  2 234,31 euros sur le fondement de l’action estimatoire,

—  1 740 euros au titre des frais de gardiennage,

—  400 euros au titre du préjudice de jouissance,

—  982,35 euros sur le fondement de la garantie légale de conformité.

La décision condamne la société E-Motors au paiement d’une indemnité de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux dépens.

Le 23 octobre 2019, la société E-Motors a fait appel de cette décision en toutes ses dispositions.

Aux termes de conclusions du 29 juin 2020, elle demande à la cour de l’infirmer afin de :

— dire que le remplacement des pneus, des joints et des bras de suspension a été rendu nécessaire par l’usure normale,

— débouter M. X de l’ensemble de ses demandes,

— le condamner à payer à la société E-Motors une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à supporter les dépens.

Selon écritures du 31 mars 2020, M. X conclut à la confirmation du jugement entrepris, sauf, par appel incident, à condamner la société E-Motors à lui payer la somme de 3 600 euros en réparation de son préjudice de jouissance. Il sollicite le débouté de toutes les prétentions adverses, la condamnation de la société E-Motors au paiement d’une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à supporter les dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 26 octobre 2020.

Motifs de la décision :

Sur la demande de M. X en restitution d’une partie du prix :

La déclaration de cession du véhicule Land Rover et le certificat de vente sont renseignés au nom de la société E-Motors, en qualité de vendeur, et de M. X, en qualité d’acheteur.

Aux termes de l’article 1641 du code civil 'le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.'

L’article 1644 du code civil donne en ce cas à l’acheteur le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

L’article 1645 dispose que le vendeur qui connaissait les vices de la chose est tenu, outre la restitution du prix, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur.

Il est constant que le vendeur professionnel ne peut ignorer les vices de la chose vendue.

Le procès-verbal de contrôle technique du 19 octobre 2017 ne fait état que d’un seul défaut, à corriger sans obligation de contre visite : le réglage trop bas du feu de croisement droit.

Dès le 4 décembre 2017, M. X s’est plaint de plusieurs mauvaises surprises à l’usage du véhicule : manque de liquide de refroidissement, balais d’essuie-glace hors service, bruit anormal d’une courroie, position d’éclairage dangereuse (pièce n°12).

Le véhicule a été confié le 19 janvier 2018 au garage Débotte, pour remplacement des pneus, réglage des phares, recherche de l’origine du bruit. Ce garage a observé que le bruit venait du turbo gauche et non d’un défaut de courroie (pièce n°19).

M. X a fait procéder le 5 février 2018 à un diagnostic général, en raison du bruit du moteur, par le garage Only Land. Ce professionnel a conclu au remplacement des joints de turbo (collecteur, tubes échappement arrière et avant, graisseur) et au contrôle du turbo, pour un coût à prévoir de 2 234,31 euros, qui comprend la réparation des bras de suspension (pièce n°22).

L’examen technique contradictoire effectué le 6 juin 2018 par l’Auto Expertise de l’Ain, à la demande de l’assureur protection juridique de M. X, constate notamment :

— bruyance du moteur type sifflement à l’accélération, consécutive à une fuite d’échappement entre le turbocompresseur gauche et le collecteur d’échappement,

— silentblocs de bras inférieurs craquelés et usés avec jeu important à la contrainte.

L’examen relève une déficience sécuritaire grave des bras de suspensions avant et une fuite d’échappement des turbocompresseurs, ainsi qu’une non-conformité des pneumatiques. Il estime que la responsabilité du vendeur est engagée 'au titre de la garantie légale et conformité' (pièce n°27).

La société E-Motors fait valoir que le kilométrage du véhicule lors de sa livraison (144 377 km au compteur) impliquait une usure normale de certaines pièces mécaniques et que les bras de suspension inférieurs des Discovery 4 doivent être changés autour de 150 000 km. Elle en déduit que le remplacement des bras de suspension était prévisible et ne constitue pas un vice caché.

Cependant, il appartenait au vendeur professionnel qu’est la société E-Motors (elle se qualifie d’importateur automobile sur tous ses documents) d’avertir M. X des risques d’usure de certains éléments mécaniques, au regard du prix relativement important du véhicule, ce qu’il n’a pas fait. La bruyance du moteur a été relevée par M. X dès le 4 décembre 2017, mais qualifiée par erreur de bruit anormal d’une courroie. Cette bruyance, tout comme l’usure, le craquellement et le jeu à la contrainte des bras inférieurs sont nécessairement antérieurs à la vente et constituent pour un profane des vices cachés.

M. X est dès lors fondé à obtenir le dédommagement du coût des interventions nécessaires à leur réparation, à hauteur de 2 234,31 euros, selon le devis du 5 février 2018, au titre d’une réduction du prix d’achat. Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur la réparation des préjudices subis par l’acheteur :

La société E-Motors, vendeur professionnel, est tenue, en vertu de l’article 1645 précité, de réparer les dommages subis par M. X suite aux vices de fuite d’échappement des turbocompresseurs et usure des bras de suspension inférieurs.

Le véhicule a été immobilisé à compter du 28 mai 2018, date à laquelle il a été transféré sur dépanneuse chez Only Land (pièce n°27), jusqu’au 1er octobre 2018, après qu’il ait été réparé. La facture de gardiennage établie par la SARL Autopassion (exerçant sous l’enseigne 'Only Land') s’élève à la somme de 1 740 euros. Elle est consécutive aux vices sus-énoncés et constitue un dommage que la société E-Motors doit indemniser. Le jugement déféré est à cet égard confirmé.

Le premier juge a retenu que l’immobilisation du véhicule avait engendré un préjudice de jouissance, qu’il a évalué à 400 euros. M. X demande que ce montant soit fixé à la somme de 3 600 euros, correspondant à quatre mois (de juillet à septembre 2018) de location d’un véhicule de remplacement pour 900 euros par mois. La société E-Motors relève avec pertinence qu’en première instance, à

l’audience du 8 avril 2019, M. X ne réclamait au titre du préjudice de jouissance qu’une indemnité de 800 euros, n’ayant pas loué de véhicule de remplacement.

Il est certain que la privation du véhicule a occasionné un préjudice de jouissance. Son indemnisation a été pertinemment appréciée à 400 euros par le tribunal d’instance de Troyes, dont la décision est confirmée sur ce point.

Sur la demande en réparation concernant les pneumatiques :

M. X s’est fondé sur le défaut de conformité des pneumatiques, pour solliciter le remboursement des frais de remplacement des quatre pneumatiques du véhicule.

L’article L. 217-5 du code de la consommation précise que :

'Le bien est conforme au contrat :

1° s’il est propre à l’usage habituellement attendu d’un bien semblable et,le cas échéant :

- s’il correspond à la description donnée par le vendeur et possède les qualités que celui-ci a présentées à l’acheteur sous forme d’échantillon ou de modèle ;

- s’il présente les qualités qu’un acheteur peut légitimement attendre eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur (…), notamment dans la publicité ou l’étiquetage ;

2° ou s’il présente les caractéristiques définies d’un commun accord par les parties ou est propre à tout usage spécial recherché par l’acheteur, porté à la connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté.'

L’article L. 215-7 du code de la consommation prévoit que les défauts de conformité sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire, s’ils apparaissent dans un délai de six mois, s’agissant des biens vendus d’occasion.

Le contrôle technique du 19 octobre 2017 ne dit rien des pneumatiques, alors que le véhicule présente alors un kilométrage au compteur de 144 377 km, identique à celui mentionné au jour de la vente en cause. Cependant, dès le 21 décembre 2017, M. X fait part à la société E-Motors de ce que, trois jours après la livraison du véhicule, soit le 3 décembre 2017, les douaniers lui ont demandé pourquoi il roulait avec des pneus de sculpture différente sur un même train, et lui ont fait des remarques quant à leur usure. La société E-Motors ne conteste pas avoir reçu un tel courrier.

L’information donnée dès décembre 2017 par M. X exclut une usure résultant d’un usage intensif qui lui serait imputable. Elle est confirmée par le garage ayant procédé au remplacement des pneus, qui explique qu’un des pneus arrière avait été remplacé par la roue de secours et que le pneu mis en roue de secours dans le coffre n’avait pas été réparé (pièce n°20).

L’examen contradictoire amiable du 6 juin 2018 (rapport du 28 juin 2018) constate que les deux anciens pneus arrière sont présents dans le véhicule, le premier étant usé à 90 % et le second étant hors d’usage suite à un roulage à plat et à une réparation ancienne non conforme.

L’achat d’un véhicule d’occasion ne suppose pas qu’il soit équipé de pneumatiques neufs, mais de pneumatiques qui permettent à l’acheteur de repartir avec le véhicule dans des conditions de sécurité suffisante, sans que leur remplacement soit immédiatement nécessaire. Il résulte de la plainte de M. X dès le 3 décembre 2017 et des observations de l’examen contradictoire amiable que les pneumatiques arrière du véhicule n’étaient pas conformes à l’usage immédiat habituellement attendu. Par ailleurs, M. X justifie de ce que, sur un 4 x 4, les garages remplacent les quatre pneus en

même temps, pour éviter des vitesses de rotation différentes entre l’avant et l’arrière (sa pièce n°31). Par suite, le premier juge a, à raison, condamné la société E-Motors à payer à M. X la somme de 982,35 euros correspondant au remplacement des quatre pneumatiques, au titre du défaut de conformité.

Sur les autres demandes :

La société E-Motors succombe en son recours et supporte les dépens d’appel, ainsi que ceux de première instance comme jugé le 1er juillet 2019.

Le jugement déféré est confirmé en ce qu’il condamne la société E-Motors à payer une indemnité de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles.

La cour la condamne en sus à payer à M. X une seconde indemnité de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

Par ces motifs,

Confirme le jugement du 1er juillet 2019,

Y ajoutant,

Condamne la société E-Motors à payer à M. X une somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel,

Condamne la société E-Motors aux dépens d’appel, avec possibilité de recouvrement direct au profit de la SCP Inter-barreaux Hermine, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président

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