Cour d'appel de Reims, 1ère chambre sect.famille, 24 juillet 2020, n° 19/00316

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Reims, 1re ch. sect.famille, 24 juill. 2020, n° 19/00316
Juridiction : Cour d'appel de Reims
Numéro(s) : 19/00316
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Troyes, 13 décembre 2018, N° 14/01309
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

N° RG : 19/00316

N° Portalis :

DBVQ-V-B7D-ET4R

ARRÊT N°

du : 24 juillet 2020

A. L.

M. C J

C/

M. F Y – ès qualités d’héritier de Mme X-K J épouse Y -

M. L Y – ès qualités d’héritier de Mme X-K J épouse Y -

Mme M J

épouse Z

Mme N J

épouse A

M. D J

M. AE-AF G

Mme O P

G

M. AG-Q G

M. Q G

Mme R J

veuve B

M. AE-AH J

Formule exécutoire le :

à :

SCP ACG & associés

Me Raphaël Yernaux

Me Pascal Guilaume

Me Xavier Colomès

COUR D’APPEL DE REIMS

1re CHAMBRE CIVILE – SECTION II

ARRÊT DU 24 JUILLET 2020

APPELANT :

d’un jugement rendu le 14 décembre 2018 par le tribunal de grande instance de Troyes (RG 14/01309)

M. C J

[…]

10100 Ossey-les-Trois-Maisons

Comparant et concluant par la SCP ACG & associés, avocats au barreau de Reims

INTIMÉS :

1°] – M. F Y – ès qualités d’héritier de Mme X-K J épouse Y -

[…]

[…]

2°] – M. L Y – ès qualités d’héritier de Mme X-K J épouse Y -

[…]

[…]

3°] – Mme M J épouse Z

[…]

10100 Ossey-les-Trois-Maisons

4°] – M. D J

[…]

[…]

5°] – M. AE-AH J

[…]

10100 Ossey-les-Trois-Maisons

Comparant et concluant par Me Raphaël Yernaux membre de la SCP Plotton -Vangheesdaele – Farine – Yernaux, avocat au barreau de l’Aube

1°] – M. AE-AF G

3 impasse du Seul-Ebey

[…]

2°] – Mme O P G

[…]

[…]

3°] – M. AG-Q G

[…]

[…]

Comparant et concluant par Me Pascal Guillaume, avocat au barreau de Reims

—  2 -

Mme R J veuve B

[…]

10170 Méry-sur-Seine

Comparant et concluant par Me Xavier Colomès membre de la SCP X. Colomès – S. Colomès-Mathieu – Zanchi, avocat au barreau de l’Aube

Mme N J épouse A

[…]

10290 AD-le-Hayer

N’ayant pas constitué avocat, bien que régulièrement assignée le 27 mars 2019 à domicile

M. Q G

3 impasse du Seul-Ebey

[…]

N’ayant pas constitué avocat, bien que régulièrement assigné le 1er avril 2019 par dépôt de l’acte à l’étude de l’huissier de justice

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Pety, président de chambre

Mme Lefèvre, conseiller

Mme Magnard, conseiller

GREFFIER D’AUDIENCE :

Mme Roullet, greffier, lors des débats et du prononcé

DÉBATS :

À l’audience publique du 2 juillet 2020, le rapport entendu, où l’affaire a été mise en délibéré au 24 juillet 2020

ARRÊT :

Par défaut, prononcé publiquement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par M. Pety, président de chambre, et par Mme Roullet, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. S J et Mme T U, son épouse, sont décédés respectivement les […] et 7 juin 2011, laissant pour leur succéder leur sept enfants :

— MM. C, D et AE-AH J,

— Mmes M J épouse Z, X-K J épouse Y, N J épouse A, R J épouse B,

— leurs trois petits enfants, venant par représentation de leur mère Mme V J prédécédée le […] : MM. AE-AF et AG-Q G, Mme O G, ainsi que M. Q G, époux E de Mme V J.

Le règlement des successions a été confié à Me Bonnin, notaire à Romilly-sur-Seine.

—  3 -

Mme X-K J épouse Y est décédée le […], laissant pour lui succéder son époux, M. W Y et leurs deux enfants, MM. F et L Y. M. W Y est lui-même décédé le […], laissant ses deux fils pour lui succéder.

Les 5, 9 et 13 mai 2014, M. C J a fait assigner tous ses frères et soeurs et neveux et M. Q G devant le tribunal de grande instance de Troyes en ouverture des opérations de partage des successions confondues de ses parents.

Seul M. Q G n’a pas constitué avocat.

Un jugement du 9 juin 2017 a rouvert les débats et invité les parties à conclure sur la prescription des demandes de salaire différé.

Par jugement du 14 décembre 2018, le tribunal :

— déclare recevable la demande d’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des successions confondues de M. S J et de Mme T U,

— ordonne l’ouverture des opérations de compte liquidation et partage des successions confondues de M. S J et de Mme T U,

— désigne pour y procéder M. le président de la chambre interdépartementale des notaires de l’Aube, avec faculté de délégation,

— autorise le notaire commis à consulter le fichier FICOBA et autres fichiers,

— dit que les demandes de M. C J et de M. AE-AF G, Mme O G et M. AG-Q G, ès qualités d’ayants droit de Mme V J épouse G tendant à la reconnaissance et au paiement d’une créance de salaire différé sont prescrites depuis le 19 juin 2013,

En conséquence,

— déboute ces derniers de leurs demandes tendant à la reconnaissance et au paiement d’une créance de salaire différé,

— ordonne l’attribution préférentielle à M. C J des parcelles suivantes, à charge, le cas échéant, du paiement d’une soulte :

* Sur la commune d’ Ossey-les-Trois-Maisons :

' la parcelle cadastrée section YA n° 26 lieu-dit «La fin seigneur» de 2 ha 43 a 76 ca,

' la parcelle cadastrée section YA n° 27 lieu-dit «La fin seigneur» de 67 a 42 ca,

' la parcelle cadastrée section ZX n° 29 lieu-dit «La potence» de 15 ha 52a 67 ca,

' la parcelle cadastrée section ZW n° 14 lieu-dit «La grosse borne» de 61a 50 ca,

' la parcelle cadastrée section ZW n° 15 lieu-dit «La grosse borne» de 6 ha 72a 89ca ;

* Sur la commune de Marigny-le-Châtel :

' la parcelle cadastrée section YM n° 23 lieu-dit «Fin de Sainte-Catherine» de 13 a 76 ca,

' la parcelle cadastrée section YM n° 24 lieu-dit «Fin de Sainte-Catherine» de 3 ha 04 a 24 ca,

— dit n’y avoir lieu d’ordonner une mesure d’expertise pour déterminer la valeur des biens à partager et la composition des lots à attribuer à ce stade des opérations de partage,

— déboute M. C J de sa demande tendant à dire que les immeubles autres que ceux qui lui sont attribués préférentiellement seront attribués en nature à chaque héritier conformément aux attributions souhaitées par les défunts,

—  4 -

— rejette en l’état la demande de M. C J en expertise préalable des immeubles attribués préférentiellement et en nature, afin d’en déterminer la valeur vénale au jour le plus proche du partage, de façon contradictoire et de fixer les soultes qui pourraient être dues,

— déboute M. C J et Mme N J épouse A de leurs demandes tendant à dire que les honoraires de l’expert seront prélevés sur le compte d’administration ouvert en l’étude de Me Bonnin et seront compris dans les frais privilégiés de partage,

— rejette en l’état la demande de MM. AE-AF, AG-Q et Q G et de Mme O G tendant à ce que soit ordonnée la vente des biens, faute de parvenir à un accord sur un partage en nature sur la base de lots constitués par expert,

— dit qu’il appartiendra au notaire désigné d’établir un état liquidatif reconstituant les masses actives et passives, la masse partageable, de faire les comptes entre les parties, de déterminer les droits des parties, et pour ce faire, de recevoir communication de tous documents utiles à l’accomplissement de sa mission,

— dit que le notaire liquidateur qui sera désigné devra procéder à l’évaluation des biens à partager,

en ceux compris les biens attribués préférentiellement à M. C J aux termes de la présente décision et les biens donnés de leur vivant par les époux J – U,

— dit que le notaire liquidateur qui sera désigné devra procéder à la composition des lots en tenant compte autant que faire se peut des souhaits des époux J – U et des copartageants, tout en respectant le principe d’égalité dans le partage,

— fixe à 4 000 euros la provision à valoir sur la rémunération du notaire, qui sera versée entre ses mains par les héritiers, au plus tard le 15 février 2019, selon la répartition suivante :

—  500 euros pour M. C J,

—  500 euros conjointement pour MM. F et L Y,

—  500 euros pour Mme R J épouse B,

—  500 euros pour M. D J,

—  500 euros pour M. AE-AH J,

—  500 euros pour Mme M J épouse Z,

—  500 euros pour Mme N J épouse A,

—  500 euros conjointement pour MM. AE-AF, AG-Q et Q G et Mme O G,

— dit qu’en cas de défaillance de l’une des parties, les autres pourront se substituer à elle et qu’il en sera tenu compte dans le partage,

— renvoie les parties devant le notaire commis,

— dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage,

— dit n’y avoir lieu de prononcer l’exécution provisoire,

— déboute les parties de leurs autres demandes.

Le 4 février 2019, M. C J a fait appel de cette décision en ce qu’elle rejette comme prescrites toutes les demandes en reconnaissance et paiement d’une créance de salaire différé.

Aux termes de conclusions du 26 septembre 2019, M. C J demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris afin de dire qu’il a droit à une créance de salaire différé d’une valeur de 6 934 fois

le SMIC en vigueur au jour du partage et d’ordonner l’emploi des dépens en frais privilégiés de partage. Il fait valoir que Mme T J était co-exploitante de la ferme familiale, que la prescription de cinq ans de l’action en reconnaissance d’une créance de salaire différé ne court qu’à compter de son décès intervenu le 7 juin 2011 et qu’elle a donc été interrompue par la demande en justice du 19 mai 2014.

—  5 -

Selon écritures du 6 août 2019, MM. AE-AF et AG-Q G et Mme O G, dits ci-après les consorts G, s’en rapportent à prudence de justice sur le bien-fondé de l’appel de M. C J. Par appel incident, ils demandent à la cour, au visa des articles L.321-13, L.121-12 et L.321-7 al 1er du code rural de les dire recevables en leur demande de créance de salaire différé formée en qualité d’ayants droit de leur mère V J épouse G et de fixer ladite créance à 6 934 fois le SMIC en vigueur au jour du partage pour la période du 25 janvier 1971 au 24 avril 1976 pendant laquelle leur mère a travaillé sur l’exploitation de ses parents, sans contrepartie financière. Ils concluent au débouté des demandes à leur encontre de Mme R J veuve B, à la confirmation du jugement pour le surplus et à l’emploi des dépens en frais privilégiés de partage.

Par conclusions du 31 juillet 2019, Mme R J veuve B s’en rapporte à justice sur la demande de salaire différé de M. C J. Elle veut faire juger que les consorts G ne justifient pas des conditions posées par l’article L.121-13 du code rural pour prétendre à un salaire différé du chef de leur mère et demande la confirmation du jugement en ce qu’il rejette cette demande. Elle sollicite l’emploi des dépens en frais privilégiés de partage.

Selon écritures du 10 septembre 2019, MM. D et AE-AH J, Mme M J épouse Z, MM. F et L Y demandent la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, notamment en ce qu’il dit éteintes par prescription les demandes de créance de salaire différé.

À titre subsidiaire, ils demandent à la cour de dire que M. C J ne rapporte pas la preuve de l’absence de contrepartie financière au travail effectué sur l’exploitation de son père et que MM. AE-AF et AG-Q G et Mme O G, ayants droit de leur mère, ne justifient pas des conditions légales nécessaires pour prétendre à une créance de salaire différé.

Ils concluent donc au débouté de leurs demandes respectives.

Ils sollicitent la condamnation in solidum de M. C J et des consorts G à payer à chacun d’eux cinq une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, les dépens d’appel étant passés en frais privilégiés de partage.

M. C J a fait signifier sa déclaration d’appel le 27 mars 2019 à domicile à Mme N J épouse A et le 1er avril 2019 à l’étude à M. Q G. Il leur a signifié ses conclusions respectivement les 13 mai 2019 et 10 mai 2019.

MM. D et AE-AH J, Mme M J épouse Z, MM. F et L Y ont fait signifier leurs conclusions à M. Q G le 11 septembre 2019 et à Mme N J épouse A le […].

M. Q G et Mme N A n’ont pas constitué avocat.

Par ordonnance du 17 octobre 2019, l’ordonnance de clôture du 27 septembre 2019 a été révoquée et l’affaire a été renvoyée à l’audience du 9 janvier 2020 pour clôture et plaidoirie, afin que les consorts G signifient leurs écritures aux intimés n’ayant pas constitué avocat.

—  6 -

Les 22 et 23 octobre 2019, M. C J a fait signifier ses dernières conclusions à M. Q G et à Mme N A.

MM. AE-AF et AG-Q G et Mme O G ont fait signifier leurs conclusions à M. Q G le 8 novembre 2019 et à Mme A le 18 novembre 2019.

Lors des audiences des 9 janvier et 6 février 2020, l’affaire a été renvoyée en raison de la grève des avocats. Elle a ensuite été renvoyée au 2 juillet 2020 en raison de la crise sanitaire.

Sur ce, la cour :

Selon l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. «Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée».

Les créances détenues par l’un des copartageants sur la succession relèvent de la prescription de droit commun édictée par l’article 2224 du code civil, selon lequel «Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer».

Les dispositions de la loi du 17 juin 2008 qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de ladite loi (19 juin 2008), sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure (30 ans).

M. S J est décédé le […]. Par suite, les demandes de salaire différé concernant sa succession pouvaient être formées jusqu’au 19 juin 2013. Les demandes à ce titre présentées, d’une part, par M. C J par assignations des 5, 9 et 13 mai 2014 et, d’autre part, par les consorts G en qualité d’ayants droit de leur mère, Mme V J épouse G, par des conclusions postérieures aux dites assignations, sont prescrites.

Selon l’article L.321-17 du code rural, le bénéficiaire d’un salaire différé exerce son droit de créance après le décès de l’exploitant et au cours du règlement de la succession. Si ses parents étaient coexploitants, il est réputé titulaire d’un seul contrat de travail et peut exercer son droit de créance sur l’une ou l’autre des successions.

Confrontés à la prescription de leur action contre la succession de leur père, les prétendants à une créance de salaire différé forment leur demande à l’encontre de la succession de leur mère, en invoquant sa qualité de coexploitante de l’entreprise agricole parentale. Il leur appartient dès lors d’apporter la preuve de la qualité alléguée.

M. C J établit que ses parents étaient mentionnés en qualité de cultivateur et cultivatrice dans leur acte de mariage du 29 juin 1946 et que Mme T J était inscrite auprès de la MSA en qualité de conjoint participant aux travaux sur la période du 1er juillet 1952 au 1er août 1987 sur l’exploitation de M. S J, son époux (pièces n° 34 et 35). Il souligne que le statut de coexploitante a été créé en 1980 seulement, de sorte que Mme T J ne pouvait être qualifiée que de «conjoint participant aux travaux» avant la loi du 4 juillet 1980.

—  7 -

L’appelant produit, en pièces n° 41 et 42, deux courriers de la MSA en date du 29 janvier 2004 adressés l’un à M. S J et l’autre à Mme T J, précisant le montant des sommes imposables perçues au cours de l’année 2003, au titre de la «retraite de non salarié agricole», par

chacun des époux.

M. C J verse également aux débats deux témoignages selon lesquels Mme T J «a oeuvré comme exploitante avec M. S J sur la ferme familiale située à Ossey» (attestation de Mme AA H du 12 avril 2019) et «était exploitante agricole en titre avec son mari M. J S sur la ferme familiale» (attestation non datée de M. AB I, à laquelle est jointe une copie de sa carte d’identité délivrée le 6 août 2018). Il doit être relevé que les attestations rédigées initialement par Mme H et M. I, en avril 2014, portaient sur le travail de M. C J sur l’exploitation de son père, sans aucunement évoquer Mme T J.

M. C J communique en outre la copie d’un bail à ferme du 25 mars 1966 sur plus de 24 ha consenti à M. et Mme S J, cette dernière étant copreneuse, la copie d’un achat de terres (1 ha 14 a 80 ca à Ossey-les-Trois-Maisons) fait par le couple le 30 janvier 1952, et plusieurs extraits du compte bancaire de l’exploitation qui est un compte joint ouvert au nom des deux époux (pièces n° 39, 40, 43 et 44, 46 à 48).

Les consorts G produisent quant à eux une attestation de M. AB I du 21 juillet 2014 témoignant de ce que Mme V J épouse G «a travaillé sur l’exploitation de M. S J, son père, du 25 janvier 1971 au 24 avril 1976, exploitant agricole» et une attestation de Mme AC AD selon laquelle leur mère a travaillé «chez M. et Mme J S' du 25 janvier 1971 jusqu’à son mariage le 24 avril 1976. L’attestation MSA du 22 septembre 2011, qu’ils versent aux débats, indique que Mme V J épouse G a été inscrite en qualité d’aide familiale «sur l’exploitation de son père» pendant ladite période.

Une attestation MSA datée du 22 septembre 2017, versée en pièce n° 8 par MM. D et AE-AH J, Mme M J épouse Z, MM. F et L Y, précise que Mme T J était «inscrite en qualité de conjointe d’exploitant participant aux travaux, du 1er juillet 1952 au 1er août 1987 sur l’exploitation de son époux» et qu’elle «n’avait donc pas le statut de chef d’exploitation».

Il doit être considéré que les termes utilisés par la MSA sur des déclarations faites en fonction de la législation et de la reconnaissance du travail du conjoint contemporaines des dites déclarations n’interdisent nullement de faire la preuve que le conjoint de l’exploitant a exploité effectivement les terres avec son époux et qu’il était ainsi coexploitant.

Deux époux qui mettent en valeur ensemble et pour leur compte une même exploitation agricole sont présumés être des coexploitants. Une telle situation suppose que les deux conjoints participent ensemble aux travaux et à la direction de l’exploitation, en se partageant les taches et les rôles, en prenant les décisions importantes de manière commune et concertée. Il faut donc ici démontrer la participation effective et régulière de Mme T J à l’exploitation agricole, notamment aux responsabilités et à la direction de cette entreprise, outre les taches d’exécution.

Or aucune pièce du dossier ne révèle l’activité déployée par Mme T J dans la vie et la direction de l’exploitation. Elle a eu huit enfants nés entre 1948 et 1964. Elle s’était mariée le 29 juin 1946

—  8 -

sous le régime matrimonial de la communauté (copie d’acte de mariage en pièce n° 34), de sorte que les biens acquis par le couple étaient communs. Elle était présente sur la ferme, puisque MM. D et AE-AH J, Mme M J épouse Z, MM. F et L Y déclarent que lorsque X-K J épouse Y, leur soeur aînée ou mère, avait 7 ans, elle devait garder les quatre petits et s’occuper des taches ménagères, en dehors des heures d’école, lorsque «sa mère allait aux champs», et que «M. D J se rappelle avoir eu l’obligation, en rentrant de l’école, d’aller nourrir et abreuver les animaux de la ferme (…) pendant que leur mère trayait les vaches et que leur père vaquait aux travaux des champs». (leurs écritures en pages 18 et 19).

Le fait d’être conjointe d’exploitant ne suffit pas à caractériser la qualité de co-exploitant, laquelle est par ailleurs distincte de celle de propriétaire. Les pièces communiquées ne définissent pas les taches remplies par Mme T J pour contribuer à mettre l’exploitation en valeur et participer à sa direction, et la seule vie commune sur l’exploitation ne correspond pas à une implication dans les responsabilités et la gestion de la ferme.

Le tribunal doit dès lors être approuvé en ce qu’il retient que la coexploitation invoquée n’est pas démontrée et déboute M. C J et les consorts G de leurs demandes en paiement d’une créance de salaire différé contre la succession de Mme T J.

Toutes les parties s’accordent sur l’emploi des dépens en frais privilégiés de partage, emploi qui sera donc ordonné.

Les auteurs des appels principal et incident succombent en leurs recours. Toutefois, l’équité ne commande pas de les condamner à payer une indemnité pour frais irrépétibles à MM. D et AE-AH J, Mme M J épouse Z, MM. F et L Y.

Par ces motifs,

Statuant dans les limites de l’appel,

Confirme le jugement du 14 décembre 2018,

Déboute MM. D et AE-AH J, Mme M J épouse Z, MM. F et L Y de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

Ordonne l’emploi des dépens en frais privilégiés de partage, avec possibilité de recouvrement direct au profit des SCP ACG & associés, SCP Colomès – Mathieu – Zanchi, SCP Plotton – Vangheesdaele
- Farine – Yernaux et de Me Pascal Guillaume, avocats, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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