Cour d'appel de Rennes, 30 octobre 2013, n° 12/06117

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 30 oct. 2013, n° 12/06117
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 12/06117

Sur les parties

Texte intégral

5e Chambre

ARRÊT N°

R.G : 12/06117

M. G H

C/

M. C Z

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 30 OCTOBRE 2013

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Marie-Gabrielle LAURENT, Président,

Madame Marie-Françoise D’ARDAILHON MIRAMON, Conseiller,

Madame Aline DELIERE, Conseiller,

GREFFIER :

I J, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 11 Septembre 2013

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par Madame Aline DELIERE, Conseiller, à l’audience publique du 30 Octobre 2013, date indiquée à l’issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur G H

XXX

XXX

Représenté par Me Pierre-yves MATEL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES

INTIMÉ :

Monsieur C Z

XXX

XXX

Représenté par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP SCP GAUVAIN -DEMIDOFF, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Christian MAIRE, Plaidant, avocat au barreau de VANNES

**************

FAITS ET PROCEDURE

Le Docteur G H et le Docteur C Z exercent tous deux la profession de chirurgien-dentiste à VANNES.

E X a consulté le Docteur G H pour procéder à la mise en place d’une prothèse. Les séances de soins ont commencé en mars 2003.

Le 19 juin 2003 E X a saisi le conseil départemental de l’Ordre des chirurgiens-dentistes du MORBIHAN d’une plainte à l’encontre du Docteur G H sur la qualité des soins et les modalités de leur paiement. A l’issue d’une tentative de conciliation du 3 juillet 2003 qui n’a pas eu de suite, le Président du conseil départemental de l’Ordre lui a conseillé de s’adresser aux Docteurs Z ou THEPIN pour la soulager et poursuivre des soins conservatoires.

Elle a consulté le Docteur C Z qui l’a reçue le 12 juillet 2003 et a établi un certificat médical donnant son avis sur les soins déjà entrepris et prévus et proposant une autre solution thérapeutique. Puis elle a poursuivi les séances de soins avec le Docteur C Z, qui en a informé le Docteur G H par télécopie du 16 septembre 2003.

Le 11 septembre 2003 la plainte de E X a été transmise au conseil régional de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de BRETAGNE. Le 13 mars 2006 le conseil régional de l’Ordre, statuant également sur une plainte déposée par la CPAM, a prononcé à l’encontre du Docteur G H la sanction de l’interdiction d’exercer la profession de chirurgien-dentiste pendant une semaine.

Le 8 février 2007 le conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes a annulé cette décision..

Parallèlement à cette procédure, E X a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de VANNES qui a ordonné une expertise le 1er avril 2004. Le professeur A B, expert, a déposé son rapport le 2 novembre 2005. Par jugement du 18 octobre 2011 le tribunal de grande instance a retenu la responsabilité contractuelle du Docteur G H envers E X pour défaut d’information préalable et manquement à son obligation de donner des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science.

Le 23 mai 2006 le Docteur G H a déposé plainte à l’encontre du Docteur C Z devant le conseil régional de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de BRETAGNE pour défaut de confraternité et violation des articles R 4127-260, R 4127-261 et R 412-7262 du code de la santé publique.

Le Docteur G H a demandé la délocalisation de l’affaire, le Docteur C Z étant Président du conseil régional de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de BRETAGNE.

Le 30 novembre 2006 le conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes a attribué le jugement de la plainte au conseil régional de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de Y.

Le 12 avril 2007 le conseil régional de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de Y a sanctionné le Docteur C Z d’un avertissement.

Le 17 janvier 2008 le conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes a annulé cette décision pour un motif de procédure, a évoqué l’affaire au fond et a sanctionné le Docteur C Z d’un avertissement pour manquement à son devoir de bonne confraternité.

Le Docteur C Z a saisi le Conseil d’Etat qui par arrêt du 19 décembre 2008 a annulé la décision du 17 janvier 2008.

L’affaire a été renvoyée devant le conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes qui par décision du 2 juillet 2009 a annulé la décision du conseil régional de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de Y du 17 avril 2007 et a rejeté la plainte du Docteur G H.

Le 19 novembre 2010 le Docteur C Z a assigné le Docteur G H en responsabilité devant le tribunal d’instance de VANNES au visa des articles 1382 et 1383 du code civil pour avoir commis une faute en déposant la plainte du 23 mai 2006 contre lui devant le conseil de l’Ordre départemental des chirurgiens-dentistes du Morbihan.

Par jugement du 26 juillet 2012 le tribunal d’instance a :

déclaré recevable l’action engagée par le Docteur C Z,

condamné le Docteur G H à payer au Docteur C Z les sommes de 6 000,00 euros de dommages et intérêts au titre de l’indemnisation du préjudice causé par la plainte du 23 mai 2006 et 1 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné le Docteur G H aux dépens.

Le 10 septembre 2012 le Docteur G H a fait appel du jugement.

Il expose ses moyens et ses demandes dans ses dernières conclusions signifiées le 5 décembre 2013 auxquelles il est renvoyé en application de l’article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.

Il demande à la cour de déclarer irrecevable, pour autorité de la chose jugée, l’action engagée par le Docteur C Z et d’infirmer le jugement. Il réclame la somme de 2 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Docteur C Z expose ses moyens et ses demandes dans ses dernières conclusions signifiées le 4 février 2013 auxquelles il est renvoyé en application de l’article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.

Il conclut à la confirmation du jugement sauf à fixer à la somme de 10 000,00 euros le montant des dommages et intérêts qui lui sont dus. Il réclame la somme de 4 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 27 juin 2013 par le conseiller de la mise en état.

MOTIFS DE L’ARRET

Sur la recevabilité de la demande principale

Le Docteur G H soutient que l’action du Docteur C Z est irrecevable parce qu’elle s’oppose à l’autorité de la chose jugée le 2 juillet 2009 par le conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentiste, en ce qu’il a déjà rejeté la demande du Docteur C Z aux fins de faire reconnaître le caractère abusif de la plainte déposée le 23 mai 2006.

Mais en application de l’article 1351 du code civil, la décision d’une juridiction ordinale n’a pas autorité de chose jugée devant les tribunaux judiciaires.

La décision du tribunal d’instance sur la recevabilité de l’action engagée par le Docteur C Z sera confirmée.

Sur la responsabilité du Docteur G H

Aux termes des articles 1382 et 1383 du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer et chacun est également responsable du dommage qu’il a causé par sa négligence ou son imprudence.

S’agissant de l’exercice des droits processuels, celui qui agit doit le faire avec circonspection, dans le seul but de faire valoir ses droits.

Une action en justice constitue un abus de droit quand celui-ci qui agit le fait avec malice, mauvaise foi ou à la suite d’une erreur grossière sur la légitimité de son action, équivalente au dol.

Mais une action en justice engagée sans réflexion et avec légèreté, qui est de nature à porter atteinte à l’honneur et aux droits de la personne mise en cause, engage également la responsabilité de son auteur.

En l’espèce, il y a lieu d’examiner si le 23 mai 2006, quand il a déposé sa plainte devant le conseil régional de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de BRETAGNE, le Docteur G H disposait des éléments qui lui permettaient de penser sérieusement que le Docteur C Z avait commis une faute.

Dans son courrier du 23 mai 2006 le Docteur G H expose de façon succinte qu’il dépose plainte pour violation des articles R 4127-260, R 4127-261 et R 412-7262 du code de la santé publique et vise le certificat du 12 juillet 2003 et le fait que le Docteur C Z a agi envers lui d’une manière « ne correspondant pas à un confrère représentant notre profession « .

Le certificat du 12 juillet 2003 donne un avis exclusivement technique sur le choix des soins prodigués à sa patiente par le Docteur G H. Il n’a jamais été reconnu par les différentes instances qui ont eu à en connaître que ce certificat critique le travail du Docteur G H dans des termes non conformes à la déontologie professionnelle.

La patiente est allée voir le Docteur C Z sur les conseils du Président du conseil départemental de l’Ordre. Celui-ci a attesté le 19 juillet 2007 l’avoir orientée vers un chirurgien-dentiste expert, habitué du traitement des conflits, pour qu’elle soit soulagée de ses douleurs et soignée tout en préservant les preuves, compte-tenu du contentieux entre elle et le Docteur G H. Il lui a donné le nom de deux chirurgiens-dentistes et elle a choisi de se diriger vers le Docteur C Z car elle connaissait l’autre chirurgien-dentiste et avait des réticences à son égard.

Il ne pouvait être reproché au Docteur C Z dans ces conditions de recevoir cette patiente, d’établir un certificat médical et de lui prodiguer des soins.

S’agissant du contenu du certificat médical, dans son rapport déposé le 2 novembre 2005 l’expert judiciaire a retenu les mêmes problèmes que ceux décrits par le Docteur C Z. Et le Docteur G H avait en mains ce rapport quand il a déposé plainte. Il n’ignorait donc pas que la qualité de son travail était sérieusement contestée.

Ni les conditions dans lesquelles le certificat du 12 juillet 2003 a été établi, ni le contenu de ce certificat ne pouvaient fonder une plainte à l’encontre du Docteur C Z.

Le Docteur G H invoque les décisions du conseil régional de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de Y du 12 avril 2007 et du conseil national de l’Ordre du 17 janvier 2008.

D’une part ces décisions ont été finalement annulées et aucune sanction n’a été prononcée contre le Docteur C Z.

D’autre part, à leur lecture, il est manifeste qu’elles sont entachées de plusieurs erreurs d’appréciation. Le conseil régional de l’Ordre a en effet visé le fait que le Docteur C Z avait été médisant dans son certificat du 12 juillet 2003, ce qui ne correspond pas à la réalité, visé le rejet de la plainte de E X par le conseil national de l’Ordre en omettant la procédure judiciaire en cours, et affirmé que le Docteur C Z avait été consulté en sa qualité d’expert, alors qu’il n’avait pas été chargé d’une mission d’expertise mais avait seulement donné un avis. Et le conseil national de l’Ordre a seulement retenu qu’en acceptant de succéder au Docteur G H le Docteur C Z avait manqué à son devoir de bonne confraternité « eu égard aux circonstances particulières de l’espèce « , sans préciser la faute commise. Puis dans sa décision du 29 avril 2009 le même conseil de l’Ordre a retenu au contraire que le Docteur C Z était en droit d’exprimer son opinion sur l’état bucco-dentaire de la patiente, que le certificat du 12 juillet 2012 respecte la déontologie professionnelle, qu’il n’a pas commis de détournement de patientèle et qu’il pouvait accepter de dispenser des soins, nonobstant ses fonctions de Président de conseil régional de l’Ordre de BRETAGNE et la plainte déposée par E X, sous réserve de ne pas prendre part au contentieux en cours

Et effectivement, il ne ressort d’aucune pièce de la procédure que le Docteur C Z est intervenu dans le litige opposant E X au Docteur G H en sa qualité de Président du conseil régional de l’Ordre de BRETAGNE.

Il est donc établi qu’en saisissant les instances disciplinaires de l’Ordre des chirurgiens-dentistes le 23 mai 2006 le Docteur G H a agi avec légèreté et imprudemment, alors que les faits imputés au Docteur C Z ne pouvaient être sérieusement considérés comme des manquement aux règles de déontologie et que sa plainte était de nature à porter atteinte à l’honneur et aux droits de ce dernier.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a retenu la responsabilité du Docteur G H et a alloué au Docteur C Z une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’indemnisation du préjudice subi par le Docteur C Z

Le Docteur C Z justifie qu’en conséquence de la sanction prononcée contre lui le 17 janvier 2008 il a été considéré comme démissionnaire d’office de ses fonctions de Président du conseil régional de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de BRETAGNE le 13 mars 2008 et qu’il lui a été impossible de se présenter aux élections au conseil départemental de l’ordre du 29 mars 2008 jusqu’à l’annulation définitive de la sanction en 2009.

Il expose également qu’après avoir été élu à nouveau au conseil départemental de l’Ordre du MORBIHAN puis élu pour siéger au conseil régional, il n’a pas été élu comme Président et n’a pas été désigné pour siéger au bureau ou dans des sections spécialisées. Mais le lien de causalité entre ces faits et l’instance disciplinaire clôturée en 2009 n’est pas établi.

Le Docteur C Z a également subi un préjudice moral causé par l’atteinte à son honneur et à la considération que ses pairs avaient envers lui et par les troubles et tracas qu’il a subis pendant la procédure disciplinaire.

Enfin, il a été contraint d’exposer des frais et honoraires d’avocat pour se défendre devant le conseil régional de l’Ordre de Y, devant le conseil national de l’Ordre, à deux reprises, et devant le Conseil d’état, et a subi un préjudice financier à ce titre.

La somme de 6 000,00 euros allouée par le premier juge est insuffisante au regard de l’ensemble du préjudice subi par le Docteur C Z et il sera fait droit à sa demande en paiement de la somme de 10 000,00 euros de dommages et intérêts.

4) Sur les dépens et les frais irrépétibles

Partie perdante en appel, le Docteur G H sera condamné aux dépens et sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

L’indemnité due à ce même titre au Docteur C Z sera fixée à la somme de 1 500,00 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement,

Confirme toutes les dispositions du jugement déféré sauf en ce qu’il a fixé le montant des dommages et intérêts dus au Docteur C Z à la somme de 6 000,00 euros,

Statuant à nouveau,

Condamne le Docteur G H à payer au Docteur C Z la somme de 10 000,00 euros de dommages et intérêts,

Condamne le Docteur G H à payer au Docteur C Z la somme de 1 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute le Docteur G H de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Le condamne aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Bertand GAUVAIN, avocat.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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