Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 27 janvier 2017, n° 13/09204

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 2e ch., 27 janv. 2017, n° 13/09204
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 13/09204
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

2e Chambre

ARRÊT N° 49

R.G : 13/09204

Association FLCE 35

Association CONFÉDÉRATION NATIONALE DU LOGEMENT

C/

Société BNP PARIBAS

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le : 30.01.2017

à :Me SEVESTRE

Me BREBION

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES ARRÊT DU 27 JANVIER 2017 COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Joël CHRISTIEN, Président, rédacteur,

Mme Béatrice LEFEUVRE, Conseiller,

Madame Pascale DOTTE-CHARVY, Conseiller,

GREFFIER :

Madame X Y, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 06 Décembre 2016, devant Monsieur Joël CHRISTIEN et Madame Pascale DOTTE-CHARVY, magistrats rapporteurs, tenant seuls l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 27 Janvier 2017 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats ****

APPELANTES :

Association FLCE 35

XXX

XXX

Représentée par Me Bruno SEVESTRE de la SELARL SEVESTRE AVOCATS, avocat au barreau de RENNES

Association CONFÉDÉRATION NATIONALE DU LOGEMENT

XXX

XXX

Représentée par Me Bruno SEVESTRE de la SELARL SEVESTRE AVOCATS, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

Société BNP PARIBAS

XXX

XXX

Représentée par Me Jacqueline BREBION de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Assistée de Me Brigitte GUIZARD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

EXPOSÉ DU LITIGE

La Fédération du logement, de la consommation et de l’environnement d’Ille-et-Vilaine (la FLCE 35) est une association de consommateurs agréée à agir en justice pour la défense des intérêts collectifs des consommateurs en application de l’article L. 421-1 du code de la consommation.

Prétendant avoir constaté que les offres préalables de prêt immobilier proposées par la Banque de Bretagne comportaient des clauses illicites ou abusives, elle l’a fait assigner courant 2011 devant le tribunal de grande instance de Rennes en cessation sous astreinte de la diffusion de ces clauses et en paiement de dommages-intérêts.

La Confédération nationale du logement (la CNL), association de consommateurs agréée au plan national, est intervenue à l’instance en formant des demandes analogues.

La société BNP Paribas (la BNP) est quant à elle intervenue à la procédure en déclarant venir aux droits de la Banque de Bretagne à la suite de son absorption à effet au 1er octobre 2011.

Estimant qu’en dépit de la modification des offres en cours d’instance, certaines dispositions demeuraient illicites ou abusives, le premier juge a, par jugement du 5 novembre 2013 :

• déclaré l’intervention de la CNL recevable, • dit qu’est illicite dans les offres de prêt immobilier émises par la Banque de Bretagne, la clause d’exigibilité anticipée en cas de vente, aliénation, hypothèque, morcellement de l’immeuble ou des biens et droits immobiliers objets du prêt, • dit qu’est illicite et abusive dans les mêmes offres, la clause imposant un préavis d’un mois à l’emprunteur avant tout remboursement anticipé, • ordonné la cessation immédiate de la diffusion de ces clauses à compter de la signification du jugement, sous astreinte provisoire de 300 euros par manquement constaté, • débouté la FLCE 35 et la CNL de leurs autres demandes relatives au caractère illicite ou abusif des autres clauses des offres litigieuses, • condamné la BNP à faire publier à ses frais dans le quotidien Ouest-France, toutes éditions, un samedi en pages régionales, en caractères gras, corps 16, dans les quinze jours de la signification du jugement, sous astreinte provisoire passé ce délai de 300 euros par jour de retard, un extrait du dispositif du présent jugement, • condamné la BNP à payer à la FLCE 35 et à la CNL une somme de 1 500 euros à chacune d’elles, à titre de dommages-intérêts, • condamné la BNP à payer à la FLCE 35 et a la CNL une indemnité de l 500 euros chacune en application de l’article 700 du code de procédure civile, • rejeté la demande d’exécution provisoire, • condamné la BNP aux entiers dépens.

La FLCE 35 et la CNL ont relevé appel de cette décision le 23 décembre 2013, en demandant à la cour de :

• dire que, dans les conditions générales des huit offres de prêt immobilier proposées par la Banque de Bretagne : • l’article 9 « exigibilité anticipée » est abusif, • la clause qui prévoit l’exigibilité anticipée « en cas de décès de l’emprunteur ou d’une des cautions » est abusive, • la clause qui prévoit l’exigibilité anticipée « en cas d’inobservation des engagements pris à l’article 8 ci-dessus » et « en cas de vente, aliénation, hypothèque, morcellement de l’immeuble ou des biens et droits immobiliers objets du présent prêt » est illicite et abusive, • la clause de l’article 8 qui prévoit que l’emprunteur s’oblige à « ne pas les hypothéquer ni les aliéner sauf accord écrit de la Banque » est illicite et abusive, • les clauses d’exigibilité anticipée en cas de « fausse déclaration faite à la banque et/ou aux assureurs en vue de l’adhésion à l’assurance-groupe contractée par la Banque », de « disparition totale ou partielle des sûretés ou des biens sur lesquelles elles sont assises », de « destruction totale ou partielle des biens financés à l’aide du prêt objet des présentes » et de non-inscription des « garanties exigées au profit de la Banque aux rangs prévus et convenus » sont abusives, • l’article 11 « remboursement anticipé » est illicite et abusif, • la clause « délai de réalisation du prêt » est illicite, • ordonner la cessation immédiate de la diffusion de ces clauses à compter de la signification de l’arrêt, sous astreinte de 1 000 euros par manquement constaté, • condamner la BNP à faire publier à ses frais un extrait du dispositif de l’arrêt dans les journaux Le Monde, Le Figaro, Libération, L’Humanité, Ouest-France toutes éditions, et dans les magasines Le Point, Le Nouvel Observateur, L’Express, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, • condamner la BNP à payer à la FLCE 35 la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts, • condamner la BNP à payer à la CNL la somme de 150 000 euros à titre de dommages-intérêts, • débouter la BNP de ses demandes, • condamner la BNP à payer, en application de l’article 700 du code de procédure civile, une indemnité de 5 000 euros à la FLCE 35 et de 10 000 euros à la CNL, ainsi qu’aux entiers dépens. La BNP a quant à elle formé appel incident, en demandant à la cour de :

• déclarer la FLCE 35 et la CNL irrecevables en leur action en suppression de clauses contenues dans les offres de la Banque de Bretagne, • à titre subsidiaire, dire que seule l’offre modifiée par la Banque de Bretagne en première instance doit être examinée par la cour, • dire que l’article 9, en ce qu’il renvoie aux obligations de l’emprunteur prévues à l’article 8, et l’article 11 relatif au remboursement anticipé ne sont ni illicites, ni abusifs, • en conséquence, débouter la FLCE et la CNL de leurs demandes visant à voir déclarer abusifs ou illicites ces articles, • débouter la FLCE 35 et la CNL de leurs demandes en paiement de dommages-intérêts et de publication de l’arrêt, • à titre subsidiaire, dire que l’information prévue aux articles L. 421-6 et L. 421-9 du code de la consommation pourra prendre la forme d’un courrier adressé par la BNP à chaque emprunteur concerné, • en tout état de cause, débouter la FLCE 35 et la CNL de leur demande d’astreinte, • condamner in solidum la FLCE 35 et la CNL au paiement d’une somme de 3 000 euros ainsi qu’aux dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées pour la FLCE 35 et la CNL le 16 octobre 2015, et pour la BNP le 30 mars 2016.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Sur la recevabilité de l’action

Aux termes de l’article L. 421-6 du code de la consommation, les associations autorisées à agir en justice pour la défense des intérêts collectifs des consommateurs peuvent agir en suppression, le cas échéant sous astreinte, d’une clause illicite ou abusive dans tout contrat ou type de contrat proposé ou destiné au consommateur, ces dispositions ayant été complétées par la loi du 6 août 2015 précisant que le contrat en cause pouvait être en cours ou non.

La loi nouvelle, qui se borne à édicter de nouvelles règles de procédure sans modifier les règles de fond relatives aux clauses illicites ou abusives, est d’application immédiate.

Il en résulte que, si la demande particulière de cessation de la diffusion de ces clauses sous astreinte est devenue sans objet dès lors que les offres de la Banque de Bretagne ne sont plus proposées à la clientèle de la banque qui a été absorbée par la BNP diffusant ses propres offres, l’action des associations de consommateurs n’en est pas pour autant irrecevable.

Il appartiendra en effet à la cour de déterminer le caractère abusif ou illicite des clauses incriminées afin de statuer sur les demandes indemnitaires relatives à la réparation du préjudice collectif subi par les consommateurs durant leur période de diffusion.

En outre, étant rappelé que la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit dans son arrêt du 26 avril 2012 que les juridictions nationales sont tenues, lorsqu’une clause a été reconnue abusive dans une action en cessation intentée par une association de consommateurs, d’en tirer, d’office les conséquences futures conformément au droit national afin que ladite clause ne lie pas les consommateurs ayant conclu avec le professionnel concerné un même contrat, il conviendra là encore de déterminer le caractère abusif ou illicite des clauses incriminées afin de statuer sur la demande de publication de l’arrêt et d’assurer ainsi l’information des consommateurs susceptibles de se voir opposer de telles clauses dans un litige individuel.

Sur le bien fondé de l’action

La clause d’engagements de l’emprunteur Cette clause prévoit que l’emprunteur s’oblige à :

• « affecter les fonds provenant du présent prêt exclusivement au financement de l’opération immobilière (…), • entretenir et maintenir en bon état l’immeuble ou biens et droits immobiliers objets du présent crédit, • ne pas les hypothéquer ni les aliéner, sauf accord écrit de la banque, • ne pas contracter, sauf accord écrit de la banque, de dettes nouvelles dont les charges cumulées à celles résultant de ses emprunts actuels et du présent crédit risqueraient d’excéder ses facultés de remboursement.»

La FLCE 35 et la CNL soutiennent avec raison que cette clause, par laquelle l’emprunteur déclarait s’engager à ne pas aliéner l’immeuble financé par le prêt sauf accord écrit de la banque, était illicite.

Cet engagement constitue en effet une atteinte au principe constitutionnellement reconnu, énoncé à l’article 544 du code civil, de disposer de son bien de la manière la plus absolue.

La clause d’exigibilité anticipée

Cette clause des conditions générales des offres de prêt immobilier diffusées par la Banque de Bretagne avant l’introduction de l’instance était rédigée en ces termes :

« La totalité des sommes dues en principal, intérêts, frais et accessoires, deviendrait immédiatement exigible et aucune autre utilisation à l’avenir ne pourra être réclamée à la Banque :

a) Au cas où seraient pas conclus dans le délai prévu à l’article 1c) du titre I (conditions générales), le ou les actes ou contrats relatifs à la présente opération immobilière ainsi qu’à son financement. Dans de telles hypothèses, l’adhésion à l’assurance-groupe cessera alors de produire effet pour l’avenir sans que le(s) bénéficiaire(s) puisse(nt) exiger la remise ou la restitution des cotisations dues ou acquittées.

b) Si bon semble à la banque et cela, quinze jours après une notification faite aux bénéficiaires par lettre recommandée avec avis de réception, sans qu’il soit besoin d’aucune formalité judiciaire dans l’un des cas suivants :

• en cas d’inobservation des engagements pris à l’article 8 ci-dessus, • en cas de non-paiement à bonne date de la totalité ou d’une partie d’une échéance en capital, intérêts, frais et accessoires, • en cas de fausse déclaration faite par le ou les bénéficiaire(s) ou la (les) cautions dans la demande ou l’acte de prêt, si cette déclaration porte sur un élément déterminant pour l’octroi du crédit ou ayant une incidence sur son objet, sur les capacités de remboursement du ou des emprunteur(s) ou sur la solvabilité de la (les) caution(s), • en cas de fausse déclaration faite à la banque et/ou aux assureurs en vue de l’adhésion à l’assurance-groupe contractée par la banque, • si les garanties exigées et énumérées au titre II (conditions particulières), au profit de la banque, n’étaient pas inscrites aux rangs prévus et convenus, • en cas de disparition totale ou partielle des sûretés ou des biens sur lesquelles elles sont assises, • en cas de vente, aliénation, hypothèque, morcellement de l’immeuble ou des biens et droits immobiliers objets du présent prêt, • en cas de destruction totale ou partielle des biens financés à l’aide du prêt objet des présentes, à l’exclusion du nouveau prêt à taux zéro pour lequel le bénéficiaire dispose, à compter de la date du sinistre, d’un délai de reconstruction maximal de quatre ans, • en cas de décès de l’emprunteur ou d’une des cautions,

ainsi que dans les cas ci-après en fonction de la nature du prêt consenti : • en cas de non-respect de la réglementation des prêts conventionnés et prêts à l’accession sociale et s’il y a lieu de la réglementation relative à l’APL ainsi qu’au prêt à taux zéro, • en cas d’inobservation de l’une quelconque des règles de fonctionnement définies par les textes légaux et réglementaires instituant le régime de l’épargne logement et notamment si le versement de la prime d’épargne était refusé par le Crédit foncier de France agissant pour le compte de l’État, ou si elle donnait lieu à répétition. »

La FLCE 35 et la CNL soutiennent que cette clause serait dans son ensemble abusive, de manière irréfragables au sens de l’article R. 132-1-8° du code de la consommation, en ce qu’elle reconnaissait au professionnel le droit de résilier discrétionnairement le contrat, et qu’elle serait de surcroît abusive au sens de l’article L. 132-1 en ce qu’elle créait un déséquilibre significatif au détriment des consommateurs.

Il est cependant inexact de prétendre que le prêteur disposait d’un droit discrétionnaire pour se prévaloir de la déchéance du terme du prêt, alors que la clause litigieuse ne l’autorisait à exiger immédiatement la totalité des sommes dues pour une inobservation quelconque, même mineure, des obligations de l’emprunteur, mais seulement dans des cas strictement déterminés et à expiration d’un délai de quinze jours suivants une mise en demeure préalable, ne faisant ainsi obstacle ni à la régularisation de la situation, ni au recours au juge pour contester le bien fondé de la déchéance préalablement annoncée.

Au demeurant, il est constant que la Banque de Bretagne a supprimé dans ses dernières offres de crédit les mentions 'si bon semble à la banque ' et 'sans qu’il soit besoin d’aucune formalité judiciaire'.

La FLCE 35 et la CNL soutiennent en outre que la clause d’exigibilité anticipée pour décès de l’emprunteur ou d’une des cautions était irréfragablement abusive, dès lors qu’elle permettait à la Banque de Bretagne de se prévaloir discrétionnairement de la déchéance du terme même en cas de poursuite du remboursement du prêt à bonne date, et en tous cas qu’elle créait un déséquilibre significatif au détriment des consommateurs.

L’exigibilité immédiate du prêt en cas de décès de la caution créait en effet un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au détriment de l’emprunteur, dès lors que, sans faute ni intervention de sa part, elle faisait supporter par celui-ci le risque de perte d’une garantie personnelle que la banque avait pourtant fait le choix d’accepter en nécessaire connaissance de cet aléa.

De même, l’exigibilité immédiate du prêt en cas de décès de l’emprunteur sans considération de l’existence d’un co-emprunteur poursuivant le remboursement, ni du paiement par un assureur des prestations prévues en cas de décès du bénéficiaire de la police, créait un déséquilibre significatif dans les droits et obligations respectives des parties au détriment des consommateurs.

Toutefois, le premier juge a pertinemment relevé que les offres de la Banque de Bretagne ont été modifiées et n’autorisaient plus le prêteur à se prévaloir de la déchéance du terme que dans l’hypothèse du 'décès de la personne adhérente à l’assurance décès, mais seulement à concurrence du montant pour lequel elle est assurée', ces dispositions, excluant la possibilité de résilier le contrat pour décès de la caution et tenant compte des effets de l’assurance décès souscrite par l’emprunteur, n’étant plus abusives.

La FLCE 35 et la CNL soutiennent encore qu’est illicite ou abusive, la clause d’exigibilité immédiate en cas de vente, aliénation, hypothèque, morcellement de l’immeuble financé.

Contrairement à ce qui est soutenu et à la différence de ce qui a été précédemment jugée à propos de la clause d’engagements de l’emprunteur, cette disposition des conditions générales du contrat ne constitue nullement une clause d’inaliénabilité interdisant à l’emprunteur de disposer de son bien en le vendant, ni même à en restreindre l’usage, dès lors que, prise isolément, elle oblige seulement celui-ci à rembourser le prêt en cours d’amortissement et qu’elle ne saurait en conséquence être déclarée illicite comme étant contraire à l’article 544 du code civil. Il ne s’agit pas davantage d’une clause irréfragablement abusive au sens de l’article R. 132-1 du code de la consommation, dès lors qu’elle ne reconnaît pas à la banque le droit discrétionnaire de modifier la durée du prêt ou de résilier unilatéralement le contrat, la déchéance du terme ne pouvant intervenir que dans les seules hypothèses, qui ne dépendent pas de la volonté du prêteur, de transfert de la propriété du bien financé, d’inscription d’une hypothèque sur celui-ci, ou de morcellement de celui-ci.

Enfin, cette clause ne créée pas, au sens de l’article L. 132-1, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment de l’emprunteur, dès lors qu’elle affecte seulement l’usage que l’emprunteur pourra faire du prix de son bien en cas de transfert de propriété de celui-ci en le contraignant à l’affecter en priorité au remboursement de son prêt immobilier et que cette obligation est la contrepartie raisonnable du risque particulier pris par le prêteur en consentant un prêt immobilier dont la durée et le montant sont généralement importants.

La durée du contrat rend en effet l’appréciation de la capacité de remboursement de l’emprunteur plus incertaine, et c’est la perspective de la permanence du bien financé dans le patrimoine de celui-ci qui contribue à faire accepter par la banque un risque raisonnable d’évolution défavorable de ces capacités de remboursement.

En outre, en l’absence de cette clause, la banque serait à même d’obtenir un résultat équivalent à l’objectif de maintien du bien financé dans le patrimoine de l’emprunteur en exigeant, à des conditions plus onéreuses pour ce dernier, une inscription d’hypothèque, ce dont il résulte qu’elle ne confère pas au prêteur un avantage sans contrepartie pour l’emprunteur.

Enfin, l’obligation mise à la charge de l’emprunteur, qui ne consiste qu’à affecter tout ou partie du prix de l’immeuble financé au remboursement du capital restant encore dû au moment de la cession, ne le prive pas de la possibilité d’acquérir un nouvel immeuble en empruntant le cas échéant à nouveau sans avoir à supporter la charge d’un encours de crédit immobilier antérieur.

Par ailleurs, la restriction du droit des emprunteurs d’affecter l’immeuble en garantie au profit d’un tiers est proportionnée à l’objectif de prévention d’exposition de la banque aux risques du crédit et, comme précédemment souligné, la Banque de Bretagne aurait en toute hypothèse été à même d’obtenir un résultat équivalent en exigeant au moment de l’octroi du prêt une inscription d’hypothèque de premier rang à des conditions plus onéreuses pour l’emprunteur.

Il convient donc d’infirmer le jugement attaqué en ce qu’il a constaté l’illicéité de cette clause et ordonné sa suppression.

La FLCE 35 et la CNL soutiennent aussi que la clause d’exigibilité anticipée en cas de fausse déclaration en vue de l’adhésion à l’assurance de groupe serait irréfragablement abusive, dans la mesure où elle permettait à la Banque de Bretagne de se prévaloir discrétionnairement de la déchéance du terme alors même qu’une fausse déclaration ne changeant pas l’objet du risque ou de diminuant pas l’opinion que l’assureur pouvait s’en faire ne serait pas susceptible d’entraîner la nullité du contrat d’assurance, et qu’elle serait de surcroît abusive en ce qu’elle permettait au prêteur de se prévaloir de la déchéance du terme alors même que l’emprunteur honorait les échéances de remboursement du prêt.

Il est exact que cette clause, autorisant la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues en cas de fausse déclaration de l’emprunteur en vue de son adhésion à l’assurance de groupe, était abusive en ce qu’elle créait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment de l’emprunteur.

Elle permettait en effet au prêteur de se prévaloir de la déchéance du terme du prêt même dans le cas où l’acceptation de l’adhésion par l’assureur n’était pas une condition d’octroi du crédit, et où la fausse déclaration de l’emprunteur était sans lien avec l’appréciation par le prêteur du risque de défaillance dans le remboursement du prêt.

La FLCE 35 et la CNL soutiennent par ailleurs que la clause d’exigibilité immédiate en cas de non-constitution d’une garantie contractuelle au rang convenu serait abusive, dès lors que cette circonstance pouvait ne pas être imputable à l’emprunteur et que l’inscription de la garantie à un rang inférieur n’était pas nécessairement préjudiciable à la banque.

Il est cependant loisible au prêteur de conditionner l’octroi de son crédit à la constitution de toute garantie qu’il estime efficace, et il entre dans les obligations essentielles de l’emprunteur de constituer la garantie contractuellement convenue.

Dès lors, dans la mesure où le préjudice résultant de la non-constitution d’une garantie au rang convenu n’est pas déterminable au jour où le prêt est consenti, la stipulation d’une clause de déchéance du terme pour ce motif, lorsqu’il est imputable à l’emprunteur, n’est pas abusif.

En revanche, cette clause, telle qu’elle figurait dans les offres diffusées par la Banque de Bretagne, était bien abusive, dans la mesure où elle permettait pas à la banque de se prévaloir discrétionnairement de cette cause de déchéance du terme alors même que la non-constitution de la garantie au rang convenu pouvait ne pas être imputable à l’inaction ou au défaut de diligence de l’emprunteur.

La FLCE 35 et la CNL soutiennent encore que la clause d’exigibilité immédiate en cas de destruction totale ou partielle de l’immeuble financé ou de biens affectés en garantie serait abusive, en ce qu’elle obligeait l’emprunteur à rembourser le prêt tout en devant financer son relogement.

À cet égard, si l’équilibre économique de l’opération de crédit dépend de la permanence du bien financé ou donné en garantie dans le patrimoine de l’emprunteur, et si l’emprunteur prudent ne peut ignorer la nécessité d’assurer son bien, ce qu’en l’espèce le contrat de prêt lui recommandait d’ailleurs de faire, il sera observé que cette clause, telle que rédigée, permettait à la banque d’exiger le remboursement immédiat du prêt même dans l’hypothèse où le bien financé n’avait pas été hypothéqué et où l’emprunteur, malgré la destruction de celui-ci, continuait à honorer les échéances de remboursement.

Une telle clause, prévoyant la déchéance du terme du contrat pour une cause, autre que la défaillance de l’emprunteur dans ses obligations contractuelles essentielles et ne résultant pas nécessairement de la faute de celui-ci ni même de son fait, créait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur, dès lors que, par une décision unilatérale intervenant en dehors des mécanismes de la condition résolutoire, le prêteur exposait soudainement l’emprunteur à une aggravation majeure des conditions de remboursement bouleversant l’économie du contrat qui était de nature à l’empêcher de reconstruire ou de réparer un immeuble, même non hypothéqué, en le contraignant à affecter l’indemnité d’assurance au remboursement immédiat du prêt.

Si le droit du prêteur de s’assurer de la permanence du bien financé dans le patrimoine de l’emprunteur avait été précédemment jugé, dans le cas de la clause d’exigibilité immédiate en cas de transfert de propriété, proportionné à la restriction du droit de l’emprunteur de disposer librement du prix de la cession dans la mesure où ce dernier pouvait toujours se reloger en contractant un nouvel emprunt sans avoir à supporter la charge corrélative d’un encours de crédit, tel n’est pas le cas de la déchéance du terme pour destruction du bien financé qui, en raison de son caractère généralement soudain et imprévisible, oblige l’emprunteur à assumer le coût d’un relogement provisoire et, éventuellement, l’aléa d’un retard dans le paiement de l’indemnité d’assurance ou d’un différend avec son assureur ou celui du responsable du sinistre.

Cette clause des offres diffusées par la Banque de Bretagne était donc bien abusive.

La clause de remboursement anticipé

La clause de remboursement anticipé du prêt figurant dans les offres diffusées par la Banque de Bretagne prévoyait que 'moyennant un préavis d’un mois, donné par lettre simple, l’emprunteur a la faculté de rembourser par anticipation, mais à une date normale d’échéance, et sous réserve que le paiement correspondant soit adressé à la Banque huit jours au moins avant cette date, la totalité ou une fraction ne pouvant être inférieure à 10 % du montant initial du prêt, sauf s’il s’agit de son solde'. La FLCE 35 et la CNL soutiennent que cette clause, qui, en raison du préavis, interdisait au consommateur de rembourser le prêt à tout moment par anticipation, serait illicite en ce qu’elle ne respecte ni la lettre, ni l’esprit des dispositions d’ordre public de l’article L. 312-21 du code de la consommation.

Aux termes de ce texte, devenu l’article L. 313-47 du code de la consommation, l’emprunteur peut toujours, à son initiative, rembourser le prêt par anticipation, en partie ou en totalité, ce dont il se déduit que son droit de remboursement doit pouvoir être exercé à tout moment et que, partant, la clause de préavis était illicite.

La clause de réalisation du prêt

Cette clause prévoyait que :

« Quatre mois à compter de la dernière en date des acceptations par le(s) bénéficiaire(s) et par là ou les caution(s) personnes physiques si le prêt n’a fait l’objet d’aucune mise à disposition des fonds à l’expiration du délai de réalisation ci-dessus prévu, l’offre sera résolue de plein droit et sans autre formalité.

Dans ce cas, conformément à l’article L. 312-14 du code de la consommation, le(s) bénéficiaire(s) sera (seront) redevable(s) du paiement de frais d’étude. Ces frais, limités à 0,75 % du montant du prêt, sans pouvoir toutefois excéder 152,45 euros HT par dossier, seront directement perçus par la banque par le débit du compte de l’emprunteur. »

La FLCE 35 et la CNL soutiennent que cette clause était illicite pour être contraire aux dispositions de l’article L. 312-14 devenu L. 313-38 du code de la consommation, aux termes duquel le montant des frais d’étude et les conditions dans lesquelles ils sont perçus, lorsque le contrat en vue duquel le prêt a été demandé n’est pas conclu, doivent figurer distinctement dans l’offre, sans pouvoir excéder 150 euros selon l’article R. 312-1 devenu R. 312-1-1 puis R. 313-22 du code de la consommation.

L’article L. 313-38 alinéa deux du code de la consommation n’impose cependant pas que le montant des frais d’étude soit indiqué 'distinctement à l’offre’ mais 'distinctement dans l’offre', ce que les offres diffusées par la Banque de Bretagne faisaient, la circonstance que ce montant figurait dans les énonciations de l’article 1er des conditions générales du prêt relatives aux conditions d’utilisation de celui-ci ne le rendant ni indistinct, ni incompréhensible.

En revanche, cette clause était bien, dans les offres diffusées au moment de l’assignation, illicite en ce que le montant maximum des frais pouvant être réclamé (152,45 euros HT) excédait celui fixé par l’article R. 313-22 (150 euros), même s’il sera pris acte que le prêteur a modifié ses offres pour, dans leurs ultimes versions, réduire le montant de ces frais à 150 euros.

Sur les mesures réparatoires

Il convient de rappeler que la Banque de Bretagne a été absorbée par la BNP à effet au 1er octobre 2011.

Cette dernière disposant de ses propres offres de prêt immobiliers, celles de la Banque de Bretagne ne sont donc plus proposées aux emprunteurs, de sorte que la demande de cessation de la diffusion de ses offres sous peine d’astreinte est devenue sans objet.

Étant aussi rappelé que la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit dans son arrêt du 26 avril 2012 que les juridictions nationales sont tenues, lorsqu’une clause a été reconnue abusive dans une action en cessation intentée par une association de consommateurs, d’en tirer, d’office les conséquences futures conformément au droit national afin que ladite clause ne lie pas les consommateurs ayant conclu avec le professionnel concerné un même contrat, il sera néanmoins nécessaire, afin d’assurer l’information des consommateurs susceptibles de se voir opposer de telles clauses dans des contrats déjà conclus et de parvenir ainsi à une réparation adéquate et intégrale du préjudice résultant de la diffusion de clauses jugées illicites ou abusives, d’ordonner, en application de l’article L. 421-9 devenu L. 621-11 du code de la consommation, la publication du dispositif du présent arrêt dans la rubrique d’annonces légales et judiciaires du journal Ouest-France, toutes éditions du samedi.

Il n’y a pas lieu à astreinte, la FLCE 35 et la CNL étant autorisées à faire procéder à la publication aux frais de la BNP, sans que le coût de l’insertion puisse excéder 5 000 euros HT.

Les autres demandes de publication seront rejetées.

D’autre part, il est de principe que la stipulation de clauses illicites ou abusives constitue en elle-même une faute de nature à porter atteinte à l’intérêt collectif des consommateurs justifiant l’octroi de dommages-intérêts aux associations ayant agi en suppression de ces clauses.

À cet égard, si les offres de prêt immobilier proposées aux emprunteurs par la Banque de Bretagne ne sont plus diffusées, il demeure que plusieurs de leurs clauses étaient bien, comme la cour l’a observé précédemment, abusives ou illicites, et que leur diffusion a causé un préjudice collectif aux consommateurs.

Il sera en réparation alloué, à titre de dommages-intérêts, les sommes de 7 500 euros à la FLCE 35 et de 15 000 euros à la CNL.

Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge des associations de consommateurs demanderesses l’intégralité des frais exposés par elles à l’occasion de l’instance d’appel et non compris dans les dépens, en sorte qu’en sus des indemnités équitablement allouées par les premiers juges en application de l’article 700 du code de procédure civile, la BNP sera condamné au paiement d’indemnités complémentaires de 5 000 euros à la FLCE 35 et de 10 000 euros à la CNL.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme partiellement le jugement rendu le 5 novembre 2013 par le tribunal de grande instance de Rennes ;

Statuant à nouveau sur l’entier litige,

Déclare recevable l’action en suppression de clauses illicites ou abusives exercée par Fédération du logement, de la consommation et de l’environnement d’Ille-et-Vilaine et la Confédération nationale du logement ;

Déclare abusives les clauses d’exigibilité anticipée figurant dans les offres de prêt immobilier proposées par la Banque de Bretagne en cas :

• de décès de la caution dans les offres diffusées antérieurement à l’assignation, • de décès de l’emprunteur dans les offres diffusées antérieurement à l’assignation, en ce qu’elle laissait croire au coemprunteur survivant poursuivant le remboursement qu’elle pouvait lui être appliquée et qu’elle ne tenait pas compte du règlement par un assureur des prestations prévues en cas de décès du bénéficiaire de la police, • de fausse déclaration en vue de l’adhésion à l’assurance de groupe, en ce qu’elle permettait au prêteur de se prévaloir de la déchéance du terme du prêt même dans le cas où l’acceptation de l’adhésion par l’assureur n’était pas une condition d’octroi du crédit, • de non-constitution d’une garantie contractuelle au rang convenu, en ce qu’elle laissait croire à l’emprunteur que la banque pouvait se prévaloir de la déchéance du terme alors même que la non-constitution de la garantie au rang convenu ne lui était pas imputable, • de destruction totale ou partielle de l’immeuble financé ;

Déclare illicites, dans les offres de prêt immobilier proposées par la Banque de Bretagne :

• la clause d’engagement de l’emprunteur de ne pas aliéner le bien immobilier objet du crédit, sauf accord écrit de la banque, • la clause de remboursement anticipé, en ce qu’elle imposait à l’emprunteur le respect d’un préavis d’un mois, • la clause de réalisation du prêt, dans les offres diffusées antérieurement à l’assignation, en ce que le montant maximum des frais pouvant être réclamé à l’emprunteur était supérieur à 150 euros ;

Dit que la demande de cessation de diffusion des offres de prêt proposées par la Banque de Bretagne sous peine d’astreinte est sans objet ;

Ordonne la publication du dispositif du présent arrêt dans la rubrique d’annonces légales et judiciaires du journal Ouest-France, toutes éditions du samedi ;

Autorise la Fédération du logement, de la consommation et de l’environnement d’Ille-et-Vilaine et la Confédération nationale du logement à procéder à cette publication aux frais de la société BNP Paribas, sans que le coût de l’insertion puisse excéder 5 000 euros HT ;

Condamne la société BNP Paribas à payer :

• à la Fédération du logement, de la consommation et de l’environnement d’Ille-et-Vilaine, les sommes de 7 500 euros à titre de dommages-intérêts, de 2 500 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et de 5 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel, • à la Confédération nationale du logement, les sommes de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts, de 5 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et de 10 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel ;

Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples ;

Accorde le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

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Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 27 janvier 2017, n° 13/09204