Cour d'appel de Rennes, 4ème chambre, 4 juin 2020, n° 17/05099

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 4e ch., 4 juin 2020, n° 17/05099
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 17/05099
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

4e Chambre

ARRÊT N°115

N° RG 17/05099 -

N° Portalis DBVL-V-B7B-ODCP

FB / JV

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 JUIN 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Hélène RAULINE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Andrée GEORGEAULT, Conseillère,

Assesseur : Madame Florence BOURDON, Conseillère,

GREFFIER :

Madame A B, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 16 Janvier 2020

ARRÊT :

Par défaut, prononcé publiquement le 04 juin 2020 par mise à disposition au greffe, après prorogation du délibéré prévu le 26 mars 2020, date indiquée à l’issue des débats, en raison de la crise sanitaire nationale

****

APPELANTE :

SASU G H L, représentée par son Président domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Matthieu CANCIANI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

Monsieur C X

[…]

[…]

Représenté par Me Christine J, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

Madame I J épouse X

[…]

[…]

Représentée par Me Christine J, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

Monsieur D Z

Chez sa soeur, […]

[…]

Assigné le 15 novembre 2017 à étude

****

FAITS ET PROCÉDURE

Le 29 août 2012, M. F X et Mme I J épouse X ont donné mandat exclusif à la société G H L de vendre en viager leur maison située […], moyennant le paiement d’un bouquet d’un montant de 30 000 euros et d’une rente viagère mensuelle de 1 000 euros.

Deux avenants ont été régularisés, le dernier en date du 29 janvier 2013 fixant le montant du bouquet à la somme de 10 000 euros, la rente mensuelle n’étant pas modifiée.

La rémunération de l’agence immobilière était fixée à 18 050 euros, à la charge de l’acquéreur.

Le 11 février 2013, M. D Z a fait une offre d’achat comportant le paiement de la somme de 15 000 euros comptant et le versement d’échéances mensuelles de 970 euros pendant 15 ans.

M. et Mme X ont accepté cette offre et l’acte authentique de vente a été signé le 3 mai 2013 devant Maître Guillou, notaire à Pontivy. Il y était stipulé les conditions de paiement suivantes:

— partie payée comptant : la somme de 15 000 euros,

— partie payable à terme : la somme de 174 600 €. L’acquéreur s’oblige à payer cette somme au vendeur, au plus tard le 30 avril 2028, au moyen de 180 mensualités de 970 euros et jusqu’à son paiement effectif et intégral, ledit solde de prix de vente sera productif d’intérêts au taux de 2% l’an.

M. Z s’est acquitté sans délai du paiement des honoraires du mandataire, ainsi que du paiement comptant et du prorata d’impôts fonciers, soit la somme de 15 628,95 euros, au profit des vendeurs.

La rente mensuelle a été payée de juin à septembre 2013 puis a cessé d’être réglée.

Par courrier du 27 novembre 2013, monsieur Z indiquait aux vendeurs qu’il ne pourrait pas payer les rentes et il proposait une résolution amiable de la vente.

Les époux X lui ont fait délivrer le 20 décembre 2013 un commandement de payer avant déchéance du terme, puis, le 7 octobre 2015, un commandement visant la clause résolutoire, tous deux demeurés infructueux.

Par acte d’huissier du 30 mars 2016, M. et Mme X ont fait assigner M. Z et la société G H L devant le tribunal de grande instance de Lorient. en résolution de la vente et en indemnisation de leurs préjudices.

Par jugement réputé contradictoire en date du 23 mai 2017, le tribunal a :

— constaté l’acquisition de la clause résolutoire de l’acte de vente du 3 mai 2013 à compter du 7 novembre 2015 ;

— condamné M. et Mme X à restituer à M. Z la somme de 25 785,58 euros au titre des fractions de prix payées ;

— ordonné l’expulsion de M. Z et de tous occupants de son chef des locaux sis […] ;

— condamné in solidum M. Z et la société G H L à verser à M. et Mme X la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

— condamné in solidum M. Z et la société G H L à verser à M. et Mme X la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

— condamné in solidum M. Z et la société G H L aux dépens,

— ordonné l’exécution provisoire du jugement

La société G H L a interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 17 juillet 2017.

M. Z n’a pas constitué avocat.

La société G H L lui a fait signifier sa déclaration d’appel et ses conclusions le 15 novembre 2017. L’acte a été remis à l’étude de l’huissier.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 décembre 2019.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions en date du 2 décembre 2019, au visa des articles 1147 et 1992 du code civil, la société G H L demande à la cour de :

— recevoir la société G H L en son appel et en ses contestations et demandes, l’y déclarant fondée et y faisant droit ;

— infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Lorient en date du 23 mai 2017 en ce qu’il a considéré que la société G H L avait commis une faute dans l’exécution du mandat que lui ont confié M. et Mme X ;

— infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Lorient en date du 23 mai 2017 en ce qu’il a condamné la société G H L à payer à M. et Mme X la somme de 20 000 euros de dommages-intérêts ainsi que la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Lorient en date du 23 mai 2017 en ce qu’il a condamné la société G H L au paiement des dépens de l’instance ;

Statuant à nouveau,

— déclarer M. et Mme X irrecevables et en tout cas non fondés en l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées contre la société G H L et les en débouter

— débouter notamment M. et Mme X de l’appel incident qu’ils ont formé à l’encontre du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lorient en date du 23 mai 2017 ;

— condamner M. et Mme X in solidum au paiement à la société G H L de la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Dans leurs dernières conclusions en date du 27 novembre 2019, au visa des articles 1224, 1231-1, 1348 et 1992 alinéa 2 du code civil, M. et Mme X demandent à la cour de :

— réformer le jugement entrepris en ce qu’il a limité le montant du préjudice à la somme de 20 000 euros ;

En conséquence,

— condamner la société G H à payer à M. et Mme X la somme de 62 400 euros à titre de dommages-intérêts ;

Y additant,

— condamner la société G H à payer à M. et Mme X la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Pour le surplus,

— confirmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions ;

— débouter la société G H L du surplus de ses demandes ;

— condamner la société G H aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la résolution de la vente

Les dispositions du jugement ayant constaté l’acquisition de la clause résolutoire de l’acte de vente à compter du 7 novembre 2015, ordonné l’expulsion de M. Z des locaux et condamné les époux X à restituer à celui-ci la somme de 25 785,58 euros au titre des fractions payées ne sont pas critiquées en appel et elles sont confirmées.

Sur la demande de dommage et intérêts

M. Z, intimé, n’a pas constitué avocat et la condamnation prononcée à son encontre à ce titre est définitive.

L’agent L est tenu envers son mandant d’une obligation d’information, de conseil et de mise en garde, à l’occasion des opérations réalisées par son entremise.

M. et Mme X ont donné, le 29 août 2012, un mandat exclusif de vente en viager de leur bien L à la société G H L, spécialisée dans ce type de ventes.

Celle-ci leur a proposé l’offre d’achat de monsieur Z, comportant un apport initial de 15 000 euros et un paiement de 180 mensualités de 970 euros, offre qu’ils ont acceptée et qui a été régularisée aux termes d’un acte authentique de vente du 3 mai 2013.

La vente consentie n’était pas une vente en viager mais une vente à terme libre qui permettait à l’acquéreur de ne verser comptant que la somme de 15 000 euros lors de la signature de l’acte authentique, le solde du prix de vente faisant l’objet d’un paiement étalé dans le temps, au moyen de 180 mensualités.

Elle comportait donc des risques importants pour les vendeurs, en fonction du profil de l’acquéreur, puisque le paiement du prix de vente était différé sur une longue durée (15 ans) et s’effectuait sans recours à un emprunt L, l’acquéreur bénéficiant d’un crédit vendeur.

Elle nécessitait par conséquent, de la part de l’agent L, des vérifications sur les garanties financières du contractant potentiel ainsi qu’une mise en garde des vendeurs des risques encourus en passant l’opération et plus précisément des risques d’insolvabilité de l’acquéreur.

L’agent L ne pouvait donc se contenter de s’assurer de ce que l’acquéreur pouvait s’acquitter du paiement des sommes dues lors de la signature de l’acte. Il lui incombait de s’assurer de la viabilité de l’opération dans le temps.

En l’espèce, la société G H ne justifie d’aucune vérification qu’elle aurait réalisée concernant la situation professionnelle et financière de l’acquéreur et sa capacité à assumer des mensualités de 970 euros. Elle ne rapporte pas non plus la preuve de l’exécution de son obligation de mise en garde des vendeurs contre le risque d’insolvabilité de l’acquéreur qu’elle leur avait présenté.

Elle soutient sans offre de preuve que l’arrêt des paiements serait consécutif à l’incarcération de M. Z.

C’est en vain également qu’elle soutient que la valeur locative du bien L, qu’elle estime à 1 020 euros mensuels, couvrait les échéances mensuelles dues par M. Z, puisque la location effective du bien était dépendante du marché locatif et qu’elle ne pouvait être garantie à 100 % sur une durée aussi longue.

Est également inopérante son argumentation relative à l’efficacité des garanties dont disposait le vendeur en cas d’impayés et, notamment de la faculté de poursuivre la résolution de la vente et de récupérer le bien.

En effet, l’objectif premier des vendeurs, en s’adressant à un professionnel de l’L, était de réaliser la vente avec un acquéreur, présenté par l’agent L, qui avait des garanties de solvabilité, et non d’être confrontés dans un délai de moins de 6 mois suivant la vente à un acquéreur insolvable et de devoir engager une procédure en résolution de la vente.

De surcroît, la vente à terme n’était pas adaptée à la situation de M.et Mme X qui ne restaient pas dans les lieux et qui vendaient leur bien pour réinvestir dans un autre bien L, avec des échéances d’emprunt qu’ils payaient grâce aux mensualités réglées par leur acquéreur.

Les deux opérations étaient donc étroitement liées sans pour autant que la vente proposée permette de garantir un paiement régulier des mensualités.

En ne vérifiant pas que monsieur Z présentait des garanties financières pour pouvoir exécuter l’opération juridique dans laquelle il s’engageait, en ne mettant pas en garde les vendeurs sur les risques encourus en passant la vente projetée, et en ne leur conseillant pas des modalités de vente adaptées à leur situation, la société G H L a manqué à son obligation de conseil et de mise en garde et engagé sa responsabilité contractuelle à l’égard des époux X.

Les manquements de la société G H L ont eu pour conséquence de priver les vendeurs de la possibilité de renoncer à la vente au profit d’un acquéreur dont la situation était incertaine, et de vendre dans de meilleurs conditions à un autre acquéreur.

A cette perte de chance s’ajoute un préjudice lié à l’immobilisation du bien, sans que puisse être opposé aux vendeurs qu’ils auraient tardé à agir à l’encontre de leur acquéreur défaillant.

M. et Mme X opposent sur ce point que, s’ils n’ont pas agi immédiatement en résolution de la vente, c’est parce qu’ils se trouvaient dans l’incapacité financière de restituer à l’acquéreur les fractions de prix payées, investies dans leur nouvelle habitation, et cet argument est pertinent.

Ils ont en outre subi de nombreux tracas liés à l’échec de la vente.

Leur demande tendant à être indemnisés à hauteur de 62 400 euros correspondant au différentiel entre la vente initiale au profit de M. Z au prix de 189 600 euros et la vente définitive en avril 2018 au prix de 127 200 euros (après déduction de 800 euros au titre des frais de mainlevée du privilège du vendeur) ne peut être accueillie, les ventes ayant eu lieu selon des modalités différentes , la première étant une vente à terme et la seconde une vente comptant, et à des périodes différentes, les prix ne pouvant par conséquent pas être comparés.

De surcroît les difficultés auxquelles ils se sont heurtés pour revendre leur bien démontrent également une atonie du marché dont l’agent L n’est pas responsable.

La société G H L est condamnée à payer à M.et Mme X à titre de dommages et intérêts la somme de 40 000 euros.

Le jugement est réformé sur le quantum.

Sur les autres demandes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et à l’article 700 du CPC sont confirmées.

Succombant en ses prétentions en appel, la société G H L est condamnée aux dépens d’appel et à payer aux époux X la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC, sa propre demande à ce titre étant rejetée.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et par arrêt par défaut,

INFIRME partiellement le jugement entrepris,

CONDAMNE la société G H L à payer à monsieur et madame X la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts,

CONFIRME les autres dispositions du jugement,

Y additant

CONDAMNE la société G H L à payer à monsieur et madame X la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC en cause d’appel,

CONDAMNE la société G H L aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC.

REJETTE le surplus des demandes.

La Greffière La Présidente de chambre

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Textes cités dans la décision

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