Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 16 mars 2021, n° 19/01610

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 1re ch., 16 mars 2021, n° 19/01610
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 19/01610
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

1re Chambre

ARRÊT N°108/2021

N° RG 19/01610 – N° Portalis DBVL-V-B7D-PTBP

M. Z X

Mme Y-A X

C/

DIRECTION RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 16 MARS 2021

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère, entendue en son rapport

GREFFIER :

Madame Y-C D, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 19 Janvier 2021

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 16 Mars 2021 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur Z X

né le […] à […]

[…]

[…]

Représenté par Me Xavier-Pierre NADREAU de la SELARL KERJEAN-LE GOFF-NADREAU, Postulant, avocat au barreau de SAINT-MALO

Représenté par Me Rémi NANCLARÈS de la SELAS FIDAL, plaidant, avocat au barreau du MANS

Madame Y-A X

née le […] à […]

[…]

[…]

Représentée par Me Xavier-Pierre NADREAU de la SELARL KERJEAN-LE GOFF-NADREAU, Postulant, avocat au barreau de SAINT-MALO

Représentée par Me Rémi NANCLARÈS de la SELAS FIDAL, plaidant, avocat au barreau du MANS

INTIMÉE :

La DIRECTION RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES D’ILE DE FRANCE ET DE PARIS, établissement public, représentée par le Directeur Régional des Finances Publiques d’Ile de France et de Paris, domicilié en cette qualité

Pôle contrôle fiscal et affaires juridiques

Pôle juridictionnel judiciaire – 11/[…]

[…]

Représentée par Me Anne Z de la SELARL ANNE Z, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Jean-Yves BENOIST, Plaidant, avocat au barreau du MANS

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Lors de leur déclaration d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) de l’année 2008, Monsieur Z X et Madame Y-A B épouse X ont mentionné, avoir effectué une souscription directe au capital de la société Bio System Calor ( la société BSC ) à hauteur de 1000 € selon versement effectué le 26 mai 2008, ce qui leur a permis de bénéficier de la réduction d’impôt prévue à l’article 885-0 V bis du code général des impôts à hauteur de 75 % du versement effectué.

Par courrier du 04 décembre 2014 reçu le 6 novembre 2014, le centre des finances publiques de Quimper a notifié aux époux X une proposition de rectification portant sur la reprise de la réduction d’ISF qui leur avait été accordée, au motif que la société BSC ne satisfaisait pas aux

conditions fixées par l’article L 885-0 V bis du CGI (n’ayant développé aucune activité lors de sa création puis au cours des années suivantes jusqu’à son absorption par la société Photosol Brossac en 2012, cette dernière n’étant pas éligible au dispositif compte tenu de la nature de son activité).

Par courrier du 5 janvier 2015, les époux X se sont opposés à la rectification en faisant valoir que la société BSC avait bien exercé une activité.

Par courrier du 17 juin 2015, l’administration fiscale a indiqué qu’elle maintenait sa proposition de rectification.

Le 8 octobre 2015, un avis de mise en recouvrement a été émis à l’encontre des époux X pour un montant de 966 € dont 737 € au titre des droits et 229 € correspondant aux intérêts de retard.

Les époux X ont adressé à l’administration une réclamation contentieuse le 20 mai 2016, rejetée le 29 août 2017.

Par acte du 28 décembre 2016, les époux X ont assigné devant le tribunal de grande instance de Quimper la direction régionale des finances publiques d’Ile de France et du département de Paris, aux fins d’obtenir principalement la décharge de l’imposition contestée relative à l’ISF 2008.

Par jugement du 26 février 2019, le tribunal de grande instance de Quimper a :

— débouté Monsieur Z X et Madame Y-A B épouse X de leur demande aux fins de voir déclarer non fondée la décision du 29 août 2017 de la direction générale des finances publiques,

— débouté Monsieur Z X et Madame Y-A B épouse X de leur demande aux fins de voir prononcer la décharge des droits et pénalités mis en recouvrement au titre de leur imposition ISF de l’année 2008,

— rejeté toutes demandes plus amples ou contraires,

— dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné Monsieur Z X et Madame Y-A B épouse X aux dépens.

Par déclaration au greffe le 08 mars 2019, Monsieur Z X et Madame Y-A B épouse X ont interjeté appel de ce jugement en ce qu’il les a déboutés de leur demande aux fins de voir déclarer non fondée la décision du 29 août 2017 de la direction générale des finances publiques, déboutés de leur demande aux fins de voir prononcer la décharge des droits et pénalités mis en recouvrement au titre de leur imposition ISF de l’année 2008 et en ce qu’il a rejeté toutes demandes plus amples ou contraires, dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile et enfin, en ce qu’il les a condamnés aux dépens.

Aux termes de leurs dernières conclusions du 30 septembre 2019, les époux X demandent à la cour, au visa des articles 885-0 V bis du Code Général des Impôts, de l’article L.180 du livre des procédures fiscales et des articles L.110 et L.121-1 du code du commerce de :

— Dire l’action de la Direction Générale des Finances Publiques prescrite conformément à l’article L 180 du Livre des procédures fiscales,

— Constater que la souscription réalisée par les consorts X respectait l’ensemble des conditions prévues à l’article 885-0 V bis du Code Général des Impôts,

— Infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Quimper du 26 février 2019 en ce qu’il a remis en cause la réduction d’impôt visée et considéré que :

* la prescription prévue à l’article L186 du Livre des procédures fiscales (LPF) était applicable au présent litige,

* la société BSC n’avait pas développé d’activité opérationnelle,

*la fusion avec la société Photosol Brossac était susceptible de remettre en cause la réduction d’impôt en ce que l’article 36 de la Loi du 29 décembre 2010 aurait exclu à partir du 29 décembre 2010 l’éligibilité d’une activité de production d’énergie photovoltaïque,

En conséquence de :

— Débouter la Direction Générale des Finances Publiques de ses prétentions,

— Dire que Monsieur et Madame X avaient droit à la réduction prévue à l’article 885-V bis du CGI pour la souscription au capital de la société BSC,

— Ordonner la restitution des sommes réclamées par le trésor public, soit un total de 966€, composé en principal de 737€ ainsi que des intérêts de retard à hauteur de 239€,

— Condamner la Direction Générale des Finances Publiques à payer à Monsieur et Madame X la somme de 3.000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Par conclusions du 06 septembre 2019, la Direction Régionale des Finances Publiques d’Ile de France et du département de Paris, demande à la cour, vu l’article 885-0 V bis du Code Général des Impôts, de :

— Dire et juger Monsieur et Madame X mal fondés en leur appel et les en débouter,

— Confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Quimper du 26 février 2019 en toute ses dispositions et en particulier en ce qu’il a :

*Débouté Monsieur Z X et Madame Y-A B épouse X de leur demande aux fins de voir déclarer non fondée la décision du 29 août 2017 de la direction générale des finances publiques,

*Débouté Monsieur Z X et Madame Y-A B épouse X de leur demande aux fins de voir prononcer la décharge des droits et pénalités mis en recouvrement au titre de leur imposition ISF de l’année 2008,

*Confirmer la décision administrative de rejet du 29 août 2017 de la demande en décharge des rappels mis en recouvrement, d’un montant de 966 €,

— Condamner Monsieur Z X et Madame Y-A B épouse X à tous les dépens de première instance et d’appel et dire qu’en toute hypothèse les frais de constitution d’avocat resteront à leur charge,

— Condamner Monsieur Z X et Madame Y-A B épouse X à verser à l’Etat la somme de 3.000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

EXPOSE DES MOTIFS :

Sur la prescription du droit de reprise de l’administration :

Aux termes des dispositions de l’article L180 du livre des procédures fiscales en sa version applicable à l’espèce : « Pour les droits d’enregistrement, la taxe de publicité foncière, les droits de timbre, ainsi que les taxes, redevances et autres impositions assimilées, le droit de reprise de l’administration s’exerce jusqu’à l’expiration de la troisième année suivant celle de l’enregistrement d’un acte ou d’une déclaration ou de l’accomplissement de la formalité fusionnée définie à l’article 647 du code général des impôts.

Toutefois, ce délai n’est opposable à l’administration que si l’exigibilité des droits et taxes a été suffisamment révélée par le document enregistré ou présenté à la formalité, sans qu’il soit nécessaire de procéder à des recherches ultérieures. »

Ce délai est dérogatoire au délai normal de six ans tel qu’il est exposé à l’article L186 du même code : « Lorsqu’il n’est pas expressément prévu de délai de prescription plus court ou plus long, le droit de reprise de l’administration s’exerce jusqu’à l’expiration de la sixième année suivant celle du fait générateur de l’impôt. »

Ainsi, pour que la prescription abrégée soit applicable, il faut que la déclaration établisse de manière complète l’exigibilité certaine des droits sans que l’administration n’ait à effectuer l’examen d’éléments extrinsèques à la déclaration du contribuable, en procédant notamment à des recherches extérieures ayant trait à l’exigibilité du droit et à la preuve à en apporter.

Les époux X considèrent que l’administration fiscale ne peut bénéficier du délai de prescription allongé si pendant la prescription abrégée, elle a disposé de toutes les informations lui permettant de procéder aux rectifications qu’elle a par la suite engagées. A cet égard, ils soutiennent avoir renseigné l’état individuel attestant de la souscription au capital de la société Bio System Calo, conformément à l’article 299 septies de l’annexe III du code général des impôts et l’avoir joint à leur déclaration d’impôt de solidarité sur la fortune au titre de 2008, de sorte que l’administration fiscale disposait de tous les éléments pour apprécier les conditions d’éligibilité. D’autre part, ils soutiennent que l’administration fiscale avait d’ores et déjà mené, dans le délai de la prescription abrégé, toutes les investigations nécessaires lui permettant de se convaincre de l’absence d’activité opérationnelle effective de la société BSC, compte tenu de la proposition de rectification adressée pour ce motif, le 21 décembre 2011 à une autre contribuable, ayant souscrit le même investissement.

L’administration fiscale considère au contraire que l’exigibilité des droits doit résulter du document même qui est enregistré ou présenté à la formalité et que si un doute subsiste rendant nécessaire des investigations complémentaires et notamment le rapprochement avec divers actes ou déclarations, le délai de prescription abrégé ne s’applique pas et que tel était le cas en l’espèce, les pièces transmises ne permettant pas à elles seules d’établir que l’ensemble des conditions requises étaient satisfaites. Elle conclut que la prescription de 6 ans courant du jour du fait générateur de l’impôt doit s’appliquer et que les époux X ne peuvent utilement se prévaloir du fait que l’administration fiscale avait déjà toutes les informations à sa disposition dès le 21 décembre 2011.

En l’espèce, les déclarations déposées par les époux X au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune n’étaient affectées d’aucune omission ni inexactitude et elles comportaient bien toutes les mentions exigées par l’article 299 septies de l’annexe III du code général des impôts. Toutefois, elles ne pouvaient, à elles seules, de manière directe et certaine, sans aucun rapprochement avec d’autres actes ou investigations complémentaires, permettre à l’administration fiscale de vérifier que toutes les conditions posées par l’article 885-0 V bis du CGI étaient bien remplies, notamment quant aux conditions de constitution et d’activité de la société Bio System Caloret, afin de vérifier l’éligibilité des époux X au dispositif d’une part et exclure un éventuel abus de droit d’autre part.

Ainsi, le délai de prescription triennal est en l’espèce inopposable à l’administration et le délai applicable est celui de six années prévu par l’article L.186 du livre des procédures fiscales, peu importe que pour d’autres contribuables, l’administration ait exercé son droit de reprise avant l’expiration du délai de six ans.

Comme l’a relevé le premier juge, la prescription n’est donc pas acquise pour l’impôt de l’année 2008. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur l’éligibilité lors de la souscription de l’investissement à la réduction d’impôt prévue à l’article 885-0 V bis du code général des impôts

Les appelants considèrent que leur investissement dans la société BIO SYSTEM CALOR est éligible au dispositif prévu par l’article 885-0 V bis du CGI. Ils exposent :

— que la notion d’activité et les conditions des paragraphes b) et f) sont en cause. Ils définissent le « capital d’amorçage » selon la définition qu’en donnent les lignes directrices de la commission européenne, comme « le financement fourni pour étudier, évaluer et développer un concept de base préalablement à la phase de démarrage » ; que le « capital de démarrage » est défini par les lignes directrices comme « le financement fourni aux entreprises qui n’ont pas commercialisé de produits ou de services et ne réalisent pas encore de bénéfice pour le développement et la première commercialisation de leurs produits’ » ; qu’il s’agit de la phase partant de la date de constitution de la société jusqu’à celle de la première commercialisation des produits ou des services qui est l’aboutissement de la phase de démarrage,

— que l’article 885-0- V bis du CGI prévoit dans le paragraphe b) quel type d’activité est éligible au dispositif fiscal,

— que ce même texte n’impose aucune durée d’activité pour que le souscripteur bénéficie du dispositif fiscal,

— que la loi dans sa rédaction en vigueur au jour de la souscription ne prévoit aucun contrôle a posteriori de l’activité développée par la société ; Qu’une loi de finance postérieure à leur investissement a ajouté un nouvel alinéa à l’article 885-0- V bis du CGI, prévoyant que l’activité éligible doit être satisfaite à la date de souscription et ensuite de manière continue jusqu’au 31 décembre de la cinquième année ; Que toutefois cette disposition nouvelle n’est pas rétroactive et ne saurait s’appliquer à la souscription qu’ils ont faite le 26 mai 2008 ; Qu’en outre, l’administration fiscale déduit de façon erronée de l’absorption de la société BCS le 11 octobre 2012 par la société Photosol Brossac un changement d’activité de nature à remettre en cause la réduction d’impôt alors que c’est la loi de finance du 29 décembre 2010 (article 36) qui a exclu des activités éligibles, la production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil et que cette loi ne s’applique qu’aux souscriptions effectuées dans les sociétés à compter du 29 septembre 2010 selon une instruction du 25 novembre 2015 de sorte que la fusion ne remet pas en cause le bénéfice de la réduction d’impôt,

— qu’ils ont réalisé un apport en capital le 26 mai 2008 alors que la société était en phase de démarrage, que l’administration fiscale ne peut soutenir autre chose au motif qu’aucune commercialisation de produits n’a eu lieu par la suite, sauf à aller à l’encontre de l’arrêt du Conseil d’Etat du 27 mars 2019 ; que l’administration ne peut imposer une obligation de résultat c’est-à- dire exiger une phase d’activité effective pour la société bénéficiaire pour définir la phase de démarrage, alors que les pièces versées aux débats rapportent la preuve que tout a été mis en 'uvre pour que la société BSC réalise son objet social.

La direction régionale des finances publiques expose principalement que la société BSC bénéficiaire des versements n’était pas en phase d’amorçage, de démarrage ou d’expansion au sens des lignes directrices concernant les aides de l’Etat visant à promouvoir les investissements en

capital-investissement dans les petites et moyennes entreprises comme l’exigent les termes de l’article 885-0 V bis du CGI ; que la phase de démarrage est la période au cours de laquelle l’entreprise est juridiquement constituée mais n’a pas encore commercialisé des produits ou services et ne réalise pas encore de bénéfices ; que si la loi n’impose à l’entreprise aucune obligation de résultat, la constitution de la société doit être poursuivie d’une activité effective pendant un délai raisonnable ; qu’en l’espèce, il n’y a pas eu de commercialisation de produits ou de services de sorte que la société ne pouvait être considérée en phase de démarrage au jour de l’investissement litigieux.

La direction régionale des finances publiques expose subsidiairement que, sans rajouter à la loi et selon les termes de l’article 885-0 V bis du CGI, la société bénéficiaire des investissements devait, au moment de la souscription des contribuables et postérieurement, exercer une activité opérationnelle réelle, ainsi qu’il résulte de l’article 885-0- V bis du CGI en son paragraphe b) : « exercer exclusivement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale », sauf à ne conférer aucun sens au dispositif ; que selon la doctrine préconisée par le bulletin officiel des impôts (BOI) 7 S-3-08, la société devait exercer exclusivement entre la date du versement et le premier janvier de la cinquième année une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ; que le non respect de cette condition d’activité pendant ce délai de cinq ans entraîne la remise en cause de l’avantage fiscal dont a pu bénéficier le contribuable.

Or, la direction régionale des finances publiques considère que la société BSC créée le 26 mai 2008 n’a jamais exercé de véritable activité opérationnelle, qu’elle n’a jamais réalisé de chiffre d’affaires, qu’elle ne disposait pas de moyens humains, de moyens matériels, qu’elle faisait réaliser des prestations de services par d’autres sociétés ; que l’Ademe, les procès verbaux des assemblées générales des associés de BSC, rapportent cette absence d’activité opérationnelle réelle ; que la production de miscanthus n’est pas établie, que le paiement de factures d’un montant global modeste ne justifie pas l’activité effective de la société, que les principaux actes juridiques sont intervenus tardivement, plusieurs mois après la constitution de la société. Elle ajoute que la prétendue activité agricole en phase de démarrage caractérisée par l’achat du miscanthus ne permet pas de caractériser une activité alors que la société BSC n’a jamais revendiqué une activité agricole.

Enfin, la direction régionale des finances publiques fait valoir que la société BSC a été absorbée par la société Photosol Brossac le 11 octobre 2012, entraînant un changement d’activité qui ne respecte pas l’une des obligations du texte d’exercer une activité éligible tout au long d’une période de cinq ans pour bénéficier de la réduction d’impôt, la production d’énergie radiative du soleil étant exclue à partir du 29 septembre 2010 par l’article 36 de la loi de finances du 29 décembre 2010.

En droit, l’article 885-0 V bis du CGI en vigueur au moment des faits précise :

« I.-1. Le redevable peut imputer sur l’impôt de solidarité sur la fortune 75 % des versements effectués au titre de souscriptions au capital initial ou aux augmentations de capital de sociétés, en numéraire ou en nature par apport de biens nécessaires à l’exercice de l’activité, à l’exception des actifs immobiliers et des valeurs mobilières, ainsi qu’au titre de souscriptions dans les mêmes conditions de titres participatifs dans des sociétés coopératives ouvrières de production définies par la loi n° 78-763 du 19 juillet 1978 ou dans d’autres sociétés coopératives régies par la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération. Cet avantage fiscal ne peut être supérieur à 50 000€.

La société bénéficiaire des versements mentionnée au premier alinéa doit satisfaire aux conditions suivantes :

a) Répondre à la définition des petites et moyennes entreprises figurant à l’annexe I au règlement (CE) n° 70 / 2001 de la Commission, du 12 janvier 2001, concernant l’application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides de l’État en faveur des petites et moyennes entreprises, modifié par le règlement (CE) n° 364 / 2004 du 25 février 2004 ;

b) Exercer exclusivement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l’exclusion des activités de gestion de patrimoine mobilier définie à l’article 885 O quater, notamment celles des organismes de placement en valeurs mobilières, et des activités de gestion ou de location d’immeubles. Cette condition n’est pas exigée pour les entreprises solidaires au sens de l’article L. 443-3-2 du code du travail qui exercent une activité de gestion immobilière à vocation sociale ;

c) Avoir son siège de direction effective dans un État membre de la Communauté européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale ;

d) Ses titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé français ou étranger ;

e) Être soumise à l’impôt sur les bénéfices dans les conditions de droit commun ou y être soumise dans les mêmes conditions si l’activité était exercée en France ;

f) Être en phase d’amorçage, de démarrage ou d’expansion au sens des lignes directrices concernant les aides d’Etat visant à promouvoir les investissements en capital investissement dans les petites et moyennes entreprises (2006 / C 194 / 02) ;

g) Ne pas être qualifiable d’entreprise en difficulté au sens des lignes directrices communautaires concernant les aides d’Etat au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté ou relever des secteurs de la construction navale, de l’industrie houillère ou de la sidérurgie ;

h) Le montant des versements mentionnés au premier alinéa ne doit pas excéder le plafond fixé par décret. Ce plafond ne peut excéder 1,5 million d’euros par période de douze mois. »

Ce texte impose diverses conditions relatives à la nature de l’activité sociale, au siège social, aux titres recueillis en contrepartie de l’investissement, au régime fiscal de la société et à sa taille. La finalité du dispositif est de promouvoir les investissements en capital investissement dans les petites et moyennes entreprises.

Les lignes directrices n° 2006/C 194/02 de la Commission européenne concernant les aides d’État visant à promouvoir les investissements en capital-investissement dans les petites et moyennes entreprises, publiées le 18 août 2006, précisent que pour assurer leur compatibilité avec le marché commun, les aides en matière de capital-investissement doivent être restreintes au financement des phases d’amorçage, de démarrage et d’expansion des petites et moyennes entreprises. Le e) du point 2.2 de ces lignes directrices définit le capital d’amorçage comme le « financement fourni pour étudier, évaluer et développer un concept de base préalablement à la phase de démarrage », la phase d’amorçage étant caractérisée par des défaillances de marché prononcées en raison du risque élevé qu’elle implique pour un investisseur potentiel. La société n’est pas encore constituée juridiquement. Le f) du même point 2.2 désigne le capital de démarrage comme le « financement fourni aux entreprises qui n’ont pas commercialisé de produits ou de services et ne réalisent pas encore de bénéfices, pour le développement et la première commercialisation de leurs produits ». Le h) indique que le capital d’expansion est constitué du « financement visant à assurer la croissance et l’expansion d’une société qui peut ou non avoir atteint le seuil de rentabilité ou dégager des bénéfices, et employé pour augmenter les capacités de production, développer un marché ou un produit ou renforcer le fonds de roulement de la société ».

Les phases d’amorçage, de démarrage ou d’expansion s’entendent, au sens des lignes directrices, comme la période continue de développement d’une petite ou moyenne entreprise allant de la création du concept de cette entreprise jusqu’à sa croissance, en passant par la commercialisation de ses premiers produits ou services. Dans la mesure où les lignes directrices définissent le capital

d’amorçage comme le capital destiné, non à des entreprises, mais à l’étude et à l’approfondissement d’un concept de base préalable à la phase de démarrage, puis le capital de démarrage comme celui destiné aux entreprises qui n’ont pas encore commercialisé de produits ou de services en vue du développement et de la première commercialisation de ces derniers, la constitution d’une entreprise comprend nécessairement la phase d’amorçage et la phase de démarrage.

La Commission Européenne a autorisé la mise en 'uvre du régime prévu par l’article 885-0- V bis du CGI dans une décision du 11 mars 2008 en créant un paragraphe f) étendant le bénéfice de la réduction d’impôt aux petites ou moyennes entreprises en phase d’amorçage de démarrage ou d’expansion et en posant des conditions cumulées avec celles de l’article L 885-0V bis, le respect des conditions imposées étant apprécié à la date de l’investissement.

En l’espèce, la cour relève d’après les pièces produites :

— que la société BSC, constituée le 26 mai 2008, date de l’investissement des époux X, avait pour objet social « la conception et l’exploitation de tous systèmes de chauffage, de production d’eau ou tous autres fluides chauds, ou plus généralement de production de calories, en particulier de tels systèmes utilisant la biomasse ou les énergies renouvelables, tous projets de recherche se rattachant à son objet social ; toutes participations ou apports en compte courant au profit de sociétés ayant une activité se rapprochant de son objet social ou réalisant des projets de recherche qui y soient relatifs »

— que la société BSC devait assurer l’installation du chauffage dans les trente sept logements de l’immeuble dont la SCI La Haie Maheas était propriétaire ; qu’elle faisait auprès de l’Ademe le 6 octobre 2009 une demande de financement des travaux de chauffage et signait le 15 décembre 2010 une convention avec la SCI ; qu’elle donnait alors une mission de maîtrise d''uvre à la société Edel pour la construction d’une chaufferie automatique à bois et d’un réseau de chaleur ; qu’elle mettait également en 'uvre dès avril 2009 une activité d’exploitation d’une plante, le miscanthus ou herbe à éléphant, dédiée à la production de bio carburant qu’elle entendait utiliser pour le chauffage collectif et dont la première récolte devait intervenir au printemps 2011 ; qu’ elle payait des factures ;

— que selon le rapport de gestion sur l’exercice clos le 30 juin 2009, la société BSC avait réglé la première facture de la société Edel pour un montant de 27.956 euros, attendait la réponse de l’Ademe pour les subventions, avait des frais constitués essentiellement d’honoraires (avocats, ingénierie) et avait quelques produits financiers (3.532 euros); qu’elle avait également payé des factures (Microtracteurs, Bical Biomasse, K Z, B, Edel), ainsi que la taxe professionnelle.

La cour relève que ces activités (que le Comité de l’abus du droit fiscal avait constatées dans une décision prononcée le 16 octobre 2014 dans une affaire opposant la Direction Générale des Finances Publiques à Mme Z, laquelle avait souscrit au capital de la société BSC) caractérisent à l’évidence la phase de démarrage de l’activité de la société BSC, ce que l’administration fiscale ne peut nier et traduisent au moins potentiellement le caractère opérationnel de la société BSC. En effet, la société a manifestement mis en 'uvre des moyens pour réaliser son objet social et faire que l’activité agricole soit complétée par une activité commerciale, quand bien même elle n’avait pas de charge de personnel, avait de faibles dotations aux amortissements et ne développait pas de chiffre d’affaires.

Les travaux d’installation de la chaufferie n’ont certes jamais été réalisés faute de succès de la réalisation du projet immobilier de la Haie Mahéas par manque d’acquéreurs. Toutefois, les pièces produites démontrent une volonté de poursuivre l’objet social malgré les difficultés financières et managériales.

Ainsi, au terme d’une assemblée générale le 20 avril 2011, les actionnaires ont décidé de poursuivre l’activité sociale de la société BSC mais ont mis un terme à la poursuite du projet de chaufferie sur le site de la Haie Mahéas. Ils ont révoqué le président de ses fonctions et nommé Madame Z comme

présidente avec pour mission de rechercher et étudier d’autres projets d’investissements. Au terme d’une nouvelle assemblée qui s’est tenue le 12 décembre 2011, les actionnaires ont donné pouvoir à la présidente de négocier au nom et pour le compte de la société BSC les modalités de son intervention financière dans le projet de la société Green Park Solution ou de la société Photosol Brossac, producteur d’électricité photovoltaïque, laquelle a absorbé la société BSC le 11 octobre 2012.

Il convient de considérer que lors de la souscription au capital de la société BSC, les époux X réunissaient toutes les conditions pour bénéficier de l’avantage fiscal et que s’agissant d’une société en phase de démarrage, l’administration ne pouvait exiger une production effective et encore moins la réalisation de bénéfices pour ouvrir droit à l’avantage fiscal.

C’est en effet rajouter à l’article 885-0- V bis du CGI que d’exiger que la société BSC ait eu une activité opérationnelle au moment de la souscription en faisant état des dispositions du paragraphe b) : « exercer exclusivement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale », ces dispositions ne faisant que préciser quelles sont les activités des entreprises éligibles au bénéfice du financement des particuliers. L’interprétation donnée par le Bulletin Officiel des Impôts (BOI ) 7 S-3-08 de l’activité éligible prévue au paragraphe b) dans le paragraphe 43 ne saurait être retenue, dès lors qu’il n’existait selon les termes de l’article 885-0- V bis du CGI dans sa version applicable lors de l’investissement, aucune condition de durée de l’activité de la société. Une telle interprétation par l’administration ne peut être opposée au contribuable en application des articles L 80A et L 80 B du Livre des procédures fiscales.

C’est également rajouter au texte de l’article 885-0- V bis du CGI que d’exiger que la phase de démarrage soit poursuivie par une phase d’activité opérationnelle réelle pendant cinq ans et conditionner le bénéfice des réductions fiscales à un résultat positif pour l’entreprise. D’une part, c’est la loi de finance rectificative pour 2015, en date du 29 décembre 2015 qui a ajouté à l’article 885-à V bis du CGI un nouvel alinéa exigeant que « l’activité industrielle, commerciale, artisanale ou libérale doit être satisfaite à la date de souscription et de manière continue jusqu’au 31 décembre de la 5e année », or, cette condition est postérieure à la souscription des époux X et non rétroactive, d’autre part, s’il est légitimement espéré que le financement par des personnes physiques moyennant certains avantages fiscaux (destinés à permettre d’assumer la prise de risque) aide les jeunes entreprises durablement et efficacement en contribuant à l’augmentation de leurs fonds propres, l’administration fiscale ne saurait cependant limiter le bénéfice des réductions d’impôts aux seuls investisseurs qui ont financé des sociétés qui «réussissent» en commercialisant pour la première fois des produits ou des services, sauf par ce moyen à dissuader en définitive le contribuable à prendre le risque d’investir et à priver le dispositif fiscal de toute efficacité. Il suffit que tout ait été mis en 'uvre dans un délai raisonnable pour permettre à la société « en phase de démarrage » de réaliser son objet ce que démontrent les époux X.

Enfin, l’absorption de la société BSC par la société Photosol Brossac survenue le 11 octobre 2012 n’a pas eu d’effet sur l’éligibilité de l’activité au bénéfice de la réduction d’impôt puisque ce n’est qu’après la réalisation de l’investissement des époux X, par une loi de finance du 29 décembre 2010, que l’activité de production d’énergie photovoltaïque a été exclue du dispositif de réduction d’impôt. Or, cette loi ne saurait avoir d’effet que pour l’avenir. Par ailleurs, la durée de détention des parts pendant cinq ans ne saurait impliquer une durée d’activité éligible effective de la société pendant ce même délai sauf à rajouter au texte une condition non prévue, étant observé d’ailleurs que l’administration n’allègue pas que les époux X n’ont pas conservé leurs titres après l’opération d’absorption.

En définitive, le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté Monsieur Z X et Madame Y-A B épouse X de leur demande aux fins de voir déclarer non fondée la décision du 29 aout 2017 de la direction générale des finances publiques et aux fins de voir prononcer la décharge des droits et pénalités mis en recouvrement au titre de leur imposition ISF

de l’année 2008. La Direction Régionale des Finances Publiques d’Ile de France et du département de Paris sera condamnée à leur restituer la somme totale de 966€, composée en principal de 737€ ainsi que des intérêts de retard à hauteur de 239€.

Sur les demandes accessoires

Succombant en cause d’appel, la Direction Régionale des Finances Publiques d’Ile de France et du département de Paris sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, outre le paiement aux époux X de la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles qu’ils ont été contraints d’exposer.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Brest du 26 février 2019 en ce qu’il a écarté la fin de non recevoir tenant à la prescription du droit de reprise de la Direction Générale des Finances Publique d’Ile de France et du département de Paris ;

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Brest du 26 février 2019 en toutes ses autres dispositions et notamment en ce qu’il a :

— débouté Monsieur Z X et Madame Y-A B épouse X de leur demande aux fins de voir déclarer non fondée la décision du 29 août 2017 de la direction générale des finances publiques,

— débouté Monsieur Z X et Madame Y-A B épouse X de leur demande aux fins de voir prononcer la décharge des droits et pénalités mis en recouvrement au titre de leur imposition ISF de l’année 2008,

Et statuant de nouveau sur les chefs du jugement infirmés,

Dit que Monsieur Z X et Madame Y-A B épouse X ont droit à l’avantage fiscal entraînant réduction de l’ISF telle que prévue à l’article 885-0 V bis du code général des impôts pour la souscription au capital de la société BSC ;

En conséquence,

Annule le redressement opéré et ordonne la restitution des sommes qu’ils ont versées au Trésor public suite au redressement, soit la somme totale de 966€, composée en principal de 737€ ainsi que des intérêts de retard à hauteur de 239€ ;

Condamne la Direction Régionale des Finances Publiques à verser à Monsieur Z X et à Madame Y-A B épouse X la somme de 1.500€ en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamne la Direction Générale des Finances Publiques aux entiers dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 16 mars 2021, n° 19/01610